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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 16 décembre 2003, n° 01-05029

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Somediac (SARL)

Défendeur :

Levy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guichard

Avoués :

Me Garrigue, SCP Argellies-Travier-Watremet

Avocats :

Mes Sassi, Sorensen.

TI Montpellier, du 11 sept. 2001

11 septembre 2001

Faits, procédure, prétentions des parties:

Le 6 juillet 1998, Mme Jeanine Levy a signé un contrat de location d'emplacement au profit de la société Somediac.

Le 30 novembre 1998, Mme Levy a adressé un courrier à la SARL Somediac selon lequel elle considérait que le contrat était nul et renvoyait le chèque d'un montant de 3 000 F reçu en paiement du premier loyer.

La société Somediac a fait assigner Mme Levy pour obtenir l'exécution du contrat; Mme Levy a invoqué la nullité du bail.

Par jugement rendu le 11 septembre 2001, le Tribunal d'instance de Montpellier a débouté la SARL Somediac de l'ensemble de ses demandes, a prononcé la nullité du contrat conclu entre la SARL Somediac et Mme Levy le 6 juillet 1998, et condamné la SARL Somediac à payer à Jeanine Levy la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 6 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Somediac est régulièrement appelante de cette décision, elle expose que Mme Levy n'invoque aucun vice du consentement, que l'objet du contrat est clair et licite, que Mme Levy ne peut rompre un contrat de manière unilatérale ; elle soutient que le contrat de location d'emplacement publicitaire n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 sur la protection des consommateurs ; selon la société Somediac, il résulte de la lecture de l'article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, que le contrat de location d'emplacement ne fait pas partie des contrats dont la loi entend protéger le consommateur; elle fait valoir que l'article L. 121-25 du Code de la consommation concernant le délai de rétractation dont Mme Levy entend profiter, dispose que dans les sept jours compris à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception ; que seuls sont mentionnés la commande ou l'engagement d'achat, hypothèse qui ne concerne pas le bail d'emplacement publicitaire; elle soutient que l'arrêt de la chambre criminelle cité par Mme Levy ne s'applique pas au cas d'espèce et que la Cour de Montpellier a statué en sens contraire; elle soutient que Mme Levy a signé le contrat de location d'emplacement en toute connaissance de cause et sans avoir fait l'objet d'un quelconque démarchage.

Sur la nullité au regard de la loi du 22 décembre 1979, elle soutient qu'en ce qui concerne la date d'effet du contrat, la parties peuvent convenir elles-mêmes de retenir la date qu'elles souhaitent, que la durée du contrat ne peut être prolongée au-delà du délai de six ans, elle estime non fondée la prétention selon laquelle le contrat prend nécessairement effet le jour même de la signature, alors que les parties ont convenu librement de ne donner effet au contrat que plus tard par l'installation du panneau publicitaire.

Elle précise que les conditions de renouvellement du contrat sont mentionnées dans celui-ci et que le bailleur a la possibilité de bloquer la reconduction du contrat; elle fait valoir que l'article L. 580-25 du Code de l'environnement est intégralement reproduit dans le contrat en cause; elle reconnaît qu'il y a eu effectivement plusieurs ébauches de contrat, qu'il n'en reste pas moins qu'un seul bail existe, celui enregistré, convenu et signé par les deux parties.

Elle soutient qu'elle a subi un préjudice puisqu'elle n'a pas pu jouir normalement du bien loué, elle réclame paiement en réparation de la somme de 9 146,94 euros, elle sollicite également la condamnation de Mme Levy au paiement de la somme de 1 524,49 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Jeanine Levy conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Somediac à lui payer la somme supplémentaire de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et de celle de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 70 du nouveau Code de procédure civile.

Elle précise que les parties sont en l'état d'un contrat signé à Lattes alors que le siège de la société Somediac est à La Grande Motte, ce qui démontre qu'il y a bien eu un démarchage à domicile; elle soutient que le contrat de location d'emplacement publicitaire est soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative au démarchage à domicile ; elle invoque la décision de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 16 juin 1993.

Elle fait valoir que les dispositions de la loi du 29 décembre 1979 ne sont pas exclusives de l'application de la loi du 22 décembre 1972 ; elle indique qu'il résulte de l'article L. 121-23 du Code de la consommation reprenant les dispositions de la loi de 1972, que les opérations visées doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de sa conclusion et qu'il doit comporter à peine de nullité notamment, la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et encore de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 ; elle soutient que les dispositions de l'article L. 121-23 sont impératives et que le non respect de ces dispositions entraîne la nullité du contrat; elle indique qu'il n'existe aucun formulaire détachable et aucune mention de la faculté de renonciation.

Elle invoque également la nullité du contrat au regard des dispositions de la loi du 29 décembre 1979, relève que le bail d'emplacement publicitaire prend nécessairement effet le jour même de la signature et que le contrat litigieux ne respecte pas les dispositions d'ordre public de l'article 39 de la loi de 1979 puisqu'il prévoit une date de prise d'effet différente de la date de signature du contrat, prolongeant de facto la durée maximale de 6 ans du contrat; elle indique en outre que le contrat prévoit qu'il est conclu pour une durée de 3 ou 6 années renouvelables par tacite reconduction à la volonté du preneur, ce qui permet à la société Somediac de fixer la durée de la convention de manière unilatérale; elle fait valoir qu'il est mentionné que seul le preneur peut résilier le contrat, la clause du contrat concernant la durée de la location violant les dispositions de l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 ; elle relève l'attitude particulièrement abusive de la société Somediac, professionnel de l'affichage publicitaire, ce qui justifie sa demande en paiement de dommages-intérêts complémentaires.

Discussion et décision:

Attendu que le contrat de location d'emplacement signé par Mme Levy fait mention du fait qu'il a été signé à Lattes ; qu'il résulte des termes mêmes du contrat que Mme Jeanine Levy est domiciliée à Lattes, que la société Somediac avait son siège social à La Grande Motte ; que dès lors, le contrat a été signé à la suite d'un démarchage à domicile par les commerciaux de la société Somediac;

Attendu que l'article L. 121-22 du Code de la consommation relatif au démarchage à domicile expose que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 de ce Code, les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier;

Attendu en l'espèce que les contrats de location d'emplacements publicitaires sont régis par les dispositions de la loi du 29 décembre 1979, que cette loi ne réglemente pas le démarchage en vue de la signature des contrats de louage d'emplacements privés aux fins d'apposer de la publicité, que par la suite, les articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation sont applicables au cas de démarchage en vue de faire signer un contrat de location d'emplacement publicitaire;

Attendu que l'article L. 121-23 du Code de la consommation dispose que les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter à peine de nullité les mentions suivantes, notamment faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercer cette faculté et de façon apparente le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la consommation; que l'article L. 121-24 dispose que ce contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ; qu'il dispose également que tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client;

Attendu en l'espèce que le contrat ne porte ni la faculté de renonciation, ni la reproduction intégrale des articles précités, ni un formulaire détachable;

Attendu que ces dispositions sont applicables aux contrats visés à l'article L. 121-1 ; que l'article L. 121-1 vise le démarchage à domicile d'une personne physique à sa résidence ou à son lieu de travail, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services ; qu'en l'espèce, il s'agit d'une location de biens, que les articles précités sont donc entièrement applicables;

Attendu que les dispositions qui viennent d'être rappelées sont des dispositions d'ordre public; que leur non-respect est sanctionné par la nullité du contrat ; que c'est donc justement et par des motifs que la cour approuve, que le tribunal a prononcé la nullité du contrat;

Attendu au surplus que le contrat est irrégulier au vu des dispositions de la loi du 29 décembre 1979;que selon cette loi, le contrat ne peut avoir une durée supérieure à six ans à compter de sa signature;qu'en l'espèce, le contrat a été signé le 6 juillet 1998, que le point de départ a été fixé au 1er octobre 1998, ce qui est une première irrégularité, que les exemplaires du contrat ne sont pas semblables puisque sur l'exemplaire en possession de Mme Levy, le point de départ du contrat n'est pas mentionné alors que sur l'exemplaire remis par la société Somediac il est mentionné le 1er octobre 1998;

Attendu en outre qu'il est mentionné que le bail est conclu pour une durée de 3 ou 6 années, ce qui laisse une incertitude totale sur la durée du bail;

Attendu dans ces conditions que le contrat de location d'emplacement ne respecte même pas les dispositions de la loi du 29 décembre 1979 et que pour ce deuxième non-respect il encourt également la nullité;

Attendu que la SARL Somediac est un professionnel de la publicité, qu'elle ne peut ignorer les obligations qui lui incombent, que la procédure et l'appel sont manifestement abusifs, que Mme Jeanine Levy a subi un préjudice du fait de l'action injustifiée entreprise contre elle, des soucis et des tracas que la procédure lui a occasionnés, qui ont été justement réparés par l'allocation de dommages-intérêts et la condamnation prononcée à ce titre par le tribunal sera confirmée, ainsi que la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance;

Attendu que la SARL Somediac sera condamnée à payer à Mme Levy la somme complémentaire de 1 525 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, En la forme, reçoit l'appel; Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Y ajoutant, Condamne la SARL Somediac à payer à Mme Levy la somme complémentaire de 1 525 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Argellies-Travier-Watremet, avoué, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.