CA Douai, 2e ch. sect. 2, 28 novembre 2002, n° 99-03610
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Dourdin (SA)
Défendeur :
Aludec Iberica (SA), Villamarin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Geerssen
Conseillers :
MM. Testut, Rossi
Avoués :
Mes Lensel, Carlier-Regnier, SCP Masurel-Thery-Laurent
Avocats :
Mes Toulouse, Vianecauvin, Deffrennes, Laskier.
Vu le jugement contradictoire du 28 avril 1999 du Tribunal de commerce de Lille ayant condamné la société Dourdin à payer à la société de droit espagnol Aludec Iberica la contre-valeur en francs de la somme de 10 millions de pesetas au jour du jugement et 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'appel formé le 25 mai 1999 par la SA Dourdin ;
Vu les conclusions déposées le 12 septembre 2002 pour cette société ;
Vu les conclusions déposées le 6 octobre 2000 pour la SA Aludec Iberica (société Aludec) ;
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 30 août 2000 par la société Dourdin à Parquet pour transmission à M. Villamarin;
Vu les conclusions déposées le 20 septembre 2002 pour M. Vincente Villamarin;
Vu l'ordonnance de clôture du 20 septembre 2002;
Attendu que la société Dourdin a interjeté appel aux motifs que, si elle a respecté l'accord du 19 mai 1995 par lequel elle vendait sa participation dans le capital (50 %) de la société Dourdin Espanola SA pour 2,8 millions de francs à M. Villamarin, unique associé à charge pour elle de lui livrer de la matière première et pour lui de ne pas la concurrencer, il n'en a pas été de même de la société Aludec Iberica issue de cet accord ; elle estime avoir été victime de manœuvres dolosives de M. Villamarin et réclame en conséquence l'application de l'article 8 a c'est-à-dire le versement à titre de pénalité de la somme de 10 millions de pesetas sans préjudice de la réclamation de dommages-intérêts qui dériveraient de cette non-exécution et qu'elle chiffre à la somme de 18 400 331 pesetas, perte de sa filiale espagnole, la société Adhesivos Industriales Dourdin, en 1995 ; elle sollicite 25 000 F HT au titre de ses frais irrépétibles ;
Attendu que la société Aludec Iberica (ex-société Dourdin Espanola) ayant pour président M. Villamarin estime l'arrêt de ses approvisionnements en matière première par la société Dourdin illégitime, conteste que la société Plasto soit une société concurrente de la société Dourdin ; elle sollicite la confirmation, faisant appel incident, 3 600 000 FF à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, 25 000 F au titre de ses frais irrépétibles, l'exécution provisoire vu l'urgence ;
Attendu que M. Villamarin estime son intervention forcée en cause d'appel irrecevable, la société Dourdin ayant toujours considéré qu'il était à l'origine des difficultés dans l'application du contrat conclu entre les deux sociétés, de telle sorte qu'il n'y a eu aucune évolution du litige justifiant cette intervention forcée le 30 août 2000 ; il sollicite 7 600 euros de dommages-intérêts pour cet abus, 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Sur l'appel en intervention forcée de M. Villamarin
Attendu que la société Dourdin qui a eu tout le temps de procéder à la mise en cause de M. Villamarin devant la juridiction du premier degré n'a pas cru devoir le faire ; qu'elle ne justifie d'aucune évolution du litige l'autorisant à priver M. Villamarin du premier degré de juridiction; que d'ailleurs elle ne formule qu'une demande de condamnation solidaire dans ses ultimes conclusions d'appel ;
Que dans ces conditions l'assignation en intervention forcée de M. Villamarin devant la cour, délivrée le 30 août 2000, n'est pas justifiée ; que la demande d'intervention forcée est irrecevable
Sur la demande en dommages-intérêts et article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que M. Villamarin ne justifie pas d'un préjudice qui ne soit pas compensable par l'allocation de frais irrépétibles ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
Attendu, sur la demande en article 700 du nouveau Code de procédure civile, qu'il n'est pas inéquitable de laisser à sa charge lesdits frais irrépétibles ;
Sur le litige opposant la société Dourdin et la société espagnole Aludec
Attendu que la société Dourdin créée en 1958 sous forme de SARL entre André Dourdin et ses deux fils Edouard et Georges s'est spécialisée dans la fabrication de films auto-adhésifs destinés à l'industrie automobile et à la transformation des films par impression et découpe, cette activité constituant 70 % de son chiffre d'affaires ; que désireuse de développer son activité en Espagne, elle a créé en 1984 avec M. Villamarin une société de droit espagnol, la société Dourdin Espanola dont elle détenait la moitié du capital ayant pour objet la fabrication et la transformation des éléments pour décoration, du fait de la délocalisation de ses principaux clients (Peugeot-Renault-Citroën), son siège social étant à Vigo; que M. Villamarin, ancien agent commercial dans le secteur automobile "conseiller délégué depuis 1989" disposait d'une large autonomie (équivalent français du président du directoire) même si la présidence en était assurée par M. Edouard Dourdin;
Attendu que la société Dourdin justifie de ce que les initiatives intempestives de M. Villamarin et de la société Dourdin Espanola entre mars 1994 et mars 1995 la mettant en porte-à-faux avec les constructeurs automobiles tant en France ou en Allemagne qu'en Espagne, l'ont conduite le 15 mars 1995 à envisager la cession de ses parts à M. Villamarin, et à dissoudre la société Dourdin Portuguesa SL dans laquelle la société Dourdin Espagnola était associée à 40 % ; que le 16 mai 1995, la société Dourdin a décidé la cession de sa participation dans le capital de la société espagnole, concrétisée le 19 mai par un acte de vente à M. Villamarin pour le prix de 70 millions de pesetas soit 2,8 millions de francs sous condition de changement de nom et de logo de celle-ci (ce qui fut fait par M. Villamarin le 19 juin, la société devenant Aludec Iberica), de fourniture de matières premières par l'ex société-mère et de non-concurrence directe ou indirecte par la société espagnole ; que l'article 8 a prévoyait une pénalité de 10 millions de pesetas sans préjudice de dommages-intérêts en cas de non-exécution d'une des obligations ;
Attendu que la société Dourdin justifie de ce que, le 24 juillet 1995, la société Aludec Iberica avec M. Villamarin a créé la SA Plasto Aludec tandis que le 18 octobre 1995, elle vendait 60 % des actions à la société de droit français Plasto représentée par M. Winter, directeur général, mandaté par délibération du conseil d'administration de la société Plasto le 7 juin 1995 ; que la société Plasto a choisi le site de Vigo pour sa proximité des centres de production automobile du groupe PSA créant un centre de design pour répondre aux besoins de cette industrie, et est présente sur le marché des adhésifs et polymères à usage industriel ; que dans son rapport à son assemblée générale du 24 juin 1997, réunie pour approuver les comptes au 31 décembre 1996, la société Plasto faisait état de son développement dans le secteur automobile (résultat net en Espagne 1 million de francs) pour Plasto Aludec contrôlée à 60 % le chiffre d'affaires devant progresser tant sur le marché espagnol qu'à l'exportation vers la France (décoration automobile) ; que la société Dourdin justifie également de ce que la société Plasto a obtenu les marchés Citroën Saxo, Tonic et Spot AX en 1993 et 1994 ; que la société Aludec Iberica ne peut donc soutenir avoir exécuté de bonne foi la convention du 19 mai 1995 par laquelle elle s'engageait ainsi que M. Villamarin à ne pas concurrencer la société Dourdin ;
Attendu que la société Dourdin s'est aperçue fin janvier 1997 que M. Villamarin avait déposé à son nom propre le nom Dourdin le 25 février 1993 auprès de l'OMPI et le 21 mars 1995 pour la Chine, l'Allemagne et l'Italie, trois pays dans lesquels elle est implantée, que le 25 février 1997, il transférait ce droit à la société limitée espagnole Macknamara Markas SL créée le 5 août 1996 par lui-même, sa femme et ses quatre enfants, trois semaines après mise en demeure faite par la société Dourdin à la société Blend Trading WK de renoncer à cette marque ;
Attendu que la société Dourdin a appris que, le 10 mars 1995, M. Villamarin avait créé la société anonyme WK Blend Trading dont il était le principal actionnaire (14 998/15 000 actions) ayant pour objet la fabrication et la transformation des éléments pour la décoration, dont fin août 1996, il modifiait la raison sociale en Dourdin Espanola SL et le siège social à Vigo à la même adresse que la société Aludec Iberica;
Attendu que la société Dourdin a dû procéder en Espagne pour récupérer l'usage de son nom (jugement de la Corogne du 12 mai 1997 condamnant Dourdin Espagnola SL et M. Villamarin) ; jugement du 11 mai 2001 de Paredes De Coura déboutant la société Aludec de son action en responsabilité contre la société Dourdin dans la perte de valeur de la société Dourdin Portuguesa pour prescription et mauvaise foi;
Attendu qu'il y a eu dol par réticence lorsque M. Villamarin a tu le fait qu'il avait déposé à son profit le nom Dourdin le 25 février 1993, acceptant, le 19 mai 1995, de changer le nom de la société Dourdin Espagnola et le logo "sans préjudice de ses droits de propriété intellectuelle" ;
Attendu que la société Aludec dirigée par M. Villamarin n'a pas exécuté de bonne foi la convention du 19 mai 1995 en s'alliant avec la société Plasto, principal concurrent de la société Dourdin;
Attendu que la société Aludec Iberica produit devant la cour 12 cm de photocopies de factures sans aucune explication et les documents sociaux en langue espagnole sans aucune traduction (soit un total de 16 cm de papier) ;
Sur le préjudice
Attendu que c'est avec raison qu'en février 1997 la société Dourdin a cessé ses approvisionnements de la société Aludec Iberica; que la société Dourdin est en droit de réclamer le bénéfice de la clause pénale (10 000 000 pesetas) ;
Attendu, sur la demande de dommages-intérêts, qu'elle réclame les pertes de sa filiale en 1995 soit 18 400 331 pesetas tandis que la société Aludec Iberica réalisait un bénéfice de plus de 10 millions de pesetas, qui n'est pas que le reflet de la libre concurrence ; que la société Plasto a affiché en 1996 un bénéfice d'un million de francs; que la société Aludec a ouvert le marché espagnol au principal concurrent de la société Dourdin ;
Que la demande de la société Dourdin de 725 000 FF (18 400 331 pesetas) ainsi justifiée et non critiquée en tant que telle sera donc accueillie ;
Sur la demande en article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu qu'il sera accordé à la société Dourdin la somme de 3 000 euros à ce titre ;
Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident; Déclare irrecevable l'intervention forcée de M. Villamarin en cause d'appel ; Rejette sa demande de dommages-intérêts et en article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau: Dit que la société Aludec Iberica dirigée par M. Villamarin n'a pas exécuté de bonne foi le contrat du 19 mai 1995 ; Condamne la société Aludec Iberica à verser à la société Dourdin la contre-valeur en euros au jour de l'arrêt de la somme de 10 millions de pesetas prévue à titre de clause pénale ; Condamne la société Aludec Iberica à payer à la société Dourdin la somme de 110 525,54 euros à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société Aludec Iberica à payer à la société Dourdin la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ; Condamne la société Aludec Iberica aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.