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Décisions

CCE, 3 août 1993, n° M.343

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Société Générale de Belgique/Générale de Banque

CCE n° M.343

3 août 1993

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

1. La notification, reçue le 30 juin 1993, concerne l'augmentation de la participation que la Société Générale de Belgique, filiale de la Compagnie de Suez, détient dans la Générale de Banque. Cette participation est passée de 20,94 % à 25,96 %.

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. LES PARTIES

3. La Compagnie de Suez est une société holding française dont les activités se répartissent entre la banque, l'assurance, l'industrie et les services, et l'immobilier. La Compagnie de Suez (SUEZ) contrôle notamment la Société Générale de Belgique (SGB) dont elle détient 61 % du capital et qui est présente, à travers des participations majoritaires et minoritaires dans les secteurs industriels, bancaire et des services.

4. La Générale de Banque est une banque belge. Il s'agit d'une banque commerciale à réseau, de type universel.

II. L'OPERATION

5. L'opération a consisté en la cession par Bancinvest, filiale du Groupe AG, à la Société Générale de Belgique, de 725 000 actions nominatives ordinaires représentatives du capital de la Générale de Banque. A l'issue de cette cession, la participation directe et indirecte de la Société Générale de Belgique dans la Générale de Banque est passée de 20,94 % à 25,96 %.A noter que Bancinvest a également cédé 140 000 titres à la société Sofina et 1 000 000 en vue de reclassement auprès de divers institutionnels.

III. CONCENTRATION

6. Préalablement à l'opération, l'actionnariat de la Générale de Banque était le suivant :

Groupe SGB 20,94 %

Groupe AG 14,69 %

Mutuelle Solvay 2,97 %

Royale Belge 2,26 %

AN-HYP 1,02 %

Assurantie Van de Belgische Boerenbond 1,02 %

Autocontrole 0,97 %

Actionnaires détenant une participation comprise entre 0,06 % et 0,52 % 2,01 %

Actionnaires détenant une participation inférieure à 0,06 % 54,12 %

100 %

7. Lors des trois dernières Assemblées Générales ordinaires qui se sont tenues les 23 avril 1991, 28 avril 1992 et 22 avril 1993, la participation de 20,94 % détenue par le groupe SGB lui a conféré respectivement 43,02 %, 47,68 % et 45,70 % des voix parmi les présents ou représentés.Ces pourcentages ont été calculés en excluant les actions d'auto-contrôle détenues par la Générale de Banque ou ses filiales et, pour 1991, en tenant compte des limitations à la puissance votale des actionnaires importants qui résultaient du droit belge [Les dispositions pertinentes n'étaient plus en vigueur à compter du 18 juillet 1991].

8. Il résulte des points 6 et 7 ci-dessus, et ceci en l'absence d'autres éléments de fait ou de droit, que, préalablement à l'opération, la Générale de Banque n'était pas contrôlée par le groupe SGB au sens du règlement.

9. La notification contient en outre une projection des présences à la future Assemblée Générale de la Générale de Banque compte tenu de l'opération. Cette projection montre que, après l'opération, la participation de la SGB devrait lui conférer 56,62 % des voix parmi les présents et représentés.

Cette projection est fondée sur les hypothèses suivantes :

- les actions de la Générale de Banque acquises auprès du groupe AG par des entités autres que le groupe SGB sont toutes déposées ;

- le groupe AG dépose les titres qu'il détient encore ;

- les autres déposants sont les mêmes que ceux qui ont déposé lors de la dernière Assemblée Générale ordinaire et ils déposent, à l'exception du groupe SGB, le même nombre de titres.

Les hypothèses exposées aux deux premiers tirets ci-dessus sont maximalistes. Quant à l'hypothèse exposée au troisième tiret, elle paraît tout à fait réaliste, compte tenu de ce que l'on observe une relative constance jusqu'à présent dans la participation des principaux actionnaireset de ce qu'il est généralement admis que les petits porteurs - qui détiennent environ 50 % du capital de la banque - ne participent pas à l'Assemblée Générale.Cette attitude s'explique d'ailleurs par le fait que leur participation est purement financière et spéculative, qu'elle est trop faible pour avoir une incidence sur les décisions, que les discussions sont trop complexes et que leur présence a longtemps eu des conséquences fiscales. Les mesures récentes prises par le législateur pour atténuer ce dernier point ne seront susceptibles de produire des effets que très progressivement.

10. La Commission a fait la même projection que celle qui figure dans la notification mais en remplaçant l'hypothèse du troisième tiret du point 9 par une hypothèse plus stricte, à savoir que tous les actionnaires connus ayant une participation supérieure ou égale à 0,06 % déposent le maximum de titres qu'ils détiennent. Dans une telle hypothèse la participation de la SGB lui conférerait plus de 55 % des voix parmi les présents et représentés. Pour que la participation de la SGB lui confère moins de 50 % de voix parmi les présents et représentés, il conviendrait que des actionnaires ayant une participation inférieure à 0,06 % déposent environ 900 000 titres. Or, lors des Assemblées Générales qui ont eu lieu en 1990, 1991, 1992 et 1993, jamais un nombre de titres supérieur à 200 000 n'a été déposé par lesdits actionnaires.

11. Il résulte de ce qui précède que la participation après l'opération de la SGB dans la Générale de Banque lui conférera selon toute vraisemblance, à l'Assemblée Générale, la majorité des voix parmi les présents et représentés. Compte tenu de la dispersion actuelle du capital, laquelle a été en outre renforcée lors de l'opération (cf. point 5 in fine), cette majorité de fait perdurera.

12. La Commission a examiné si le Protocole sur l'autonomie de la fonction bancaire, lequel s'applique à la Générale de Banque, et qui est destiné à assurer les conditions de l'autonomie de la fonction bancaire au sens du droit bancaire et financier belge, remettait en cause le contrôle de fait, au sens du règlement "concentrations", qui découle normalement de la majorité à l'Assemblée Générale des actionnaires. A ce propos, il y a lieu d'observer qu'il revient à l'Assemblée Générale de désigner le Conseil d'Administration. Or, aucune restriction à ce pouvoir n'est apportée par le point B.2.b), alinéa 2 du Protocole qui dispose : "le conseil d'administration peut être composé, pour la majorité, de représentants des actionnaires signataires de l'acte séparé du protocole" (à savoir SGB, Groupe AG, Mutuelle Solvay et Union Financière Boël). De plus, conformément au point B.2.a), alinéa 2 du Protocole, il incombe au conseil d'administration de définir la politique générale de la banque. En outre, "la politique générale comprend la définition des grands axes de la stratégie de la banque, l'adoption des plans et budgets, les réformes importantes de structure, la définition des relations entre la banque et ses actionnaires".

13. Dans un souci d'assurer l'autonomie de la Générale de Banque, le Protocole dispose que la gestion des affaires bancaires relève de la compétence d'un comité de direction, dont la nomination doit recueillir l'avis conforme de la Commission bancaire et financière. Les membres de ce comité sont nommés après accord du Conseil d'Administration (point B.1.b) du Protocole) et agissent "dans le cadre de la politique générale définie par le Conseil d'Administration" (point B.1.a)). Il en résulte que les pouvoirs du Conseil d'Administration n'en sont pas affectés.

14. Compte tenu de ce qui précède, et ceci au regard des considérations relatives à l'analyse concurrentielle, la participation acquise par la SGB lui donnera la possibilité d'exercer une influence déterminante sur la politique générale de la banque, c'est-à-dire sur son activité. Il s'ensuit que l'opération relève de l'article 3 paragraphe 3 du règlement.Il va de soi qu'une telle qualification ne préjuge pas de celles qui pourraient lui être apportées au regard des différentes législations nationales, et notamment bancaires, qui lui sont applicables.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

15. Le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par la Générale de Banque et Suez représente un montant supérieur à 5 milliards d'Ecus (Générale de Banque 8,35 milliards d'Ecus ; Suez 22,9 milliards d'Ecus). Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par la Générale de Banque et Suez représente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus. Les deux entreprises ne réalisent pas plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre. En conséquence, la concentration est de dimension communautaire au sens de l'article premier du règlement "concentrations".

V. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

16. Le groupe Suez détient le contrôle à 100 % de la Banque Indosuez, établissement de crédit à vocation internationale, implantée dans plus de 60 pays. La Banque Indosuez qui en termes de bilan consolidé occupe le 8e rang en France est surtout une banque d'affaires, engagée dans des activités à l'échelle mondiale, en ce qui concerne notamment le négoce des instruments de dette et de change, la gestion des capitaux pour le compte de tiers, la gestion privée, l'émission d'actions, le financement de grands projets et les fusions et acquisitions d'entreprises.

Le groupe Suez est également actif à travers diverses filiales dans le domaine parabancaire en France notamment dans les activités d'affacturage, du crédit à la consommation et du crédit hypothécaire aux particuliers et aux professionnels de l'immobilier.

17. La Générale de Banque, étant essentiellement une banque commerciale à réseau de type universel, principalement implantée en Belgique et dans une moindre mesure dans les pays limitrophes (France, Luxembourg), ses activités apparaissent comme étant différentes de celles d'Indosuez. Par ailleurs, un certain nombre d'activités similaires, exercées par ces deux institutions, notamment dans le domaine parabancaire, le sont sur des marchés géographiques distincts. Par conséquent, la présente concentration n'entraînera des additions significatives de part de marché que pour trois activités seulement, à savoir, le financement du commerce extérieur belge, la fonction de "primary dealer" en Belgique et les instruments financiers dérivés.

Les marchés affectés

Le financement du commerce extérieur belge

18. La Générale de Banque et la Banque Indosuez, à travers sa filiale belge, la Banque Indosuez Belgique, sont actives dans le financement du commerce extérieur en Belgique. Cette présence est surtout sensible dans un domaine particulier, celui du "crédit acheteur", modalité de financement des exportations de biens d'équipement à moyen et long terme à destination des pays en voie de développement principalement, comportant généralement deux contrats parallèles, un contrat commercial prévoyant le paiement comptant de l'exportateur au fur et à mesure des livraisons ou des prestations et un contrat financier par lequel la banque de l'exportateur met à la disposition de l'acheteur ou de sa banque, les fonds permettant à ce dernier d'effectuer le paiement. Ce type de crédit, quand il est octroyé dans le cadre d'une convention globale entre des banques belges, des organisations internationales et des acheteurs étrangers est aussi appelé "crédit de cadre". Le choix de la devise dans laquelle le crédit acheteur est octroyé dépend principalement de l'acheteur.

19. La Générale de Banque avec 10,8 milliards de FB de crédits octroyés toutes devises confondues détenait en 1992 environ 36 % de part de marché et la Banque Indosuez Belgique avec 7 milliards de FB environ 23 %. Suite à la présente opération de concentration, la part de marché globale sera donc d'environ 59 %.

Pour autant que le crédit acheteur en Belgique constitue un marché distinct, cette part de marché conséquente n'est cependant pas constitutive d'une position dominante. En effet, elle est principalement la résultante d'une situation historique, laquelle serait facilement remise en cause, si la nouvelle entité s'avisait d'augmenter le coût des financements ou de diminuer la qualité des services rendus. Les clients et concurrents de la nouvelle entité, interrogés par la Commission, ont généralement affirmé que le marché est particulièrement ouvert et compétitif. Ils ont confirmé que n'existaient pas de barrières, réglementaires ou autres, à l'entrée. Les clients ont notamment souligné que les banques établies dans le reste du Marché commun ainsi que les banques établies dans les pays en voie de développement commençaient à concurrencer les banques belges. Certains concurrents ont également indiqué que ce type de crédits commençait à subir, surtout en ce qui concerne les très grands projets, la concurrence des financements complexes d'actifs, dont le marché géographique est mondial. Enfin, on signalera que la valeur des exportations belges financées au moyen de crédits acheteurs est estimée à environ 30 milliards de FB par an au cours de ces deux dernières années ce qui équivaut à moins de 1% du total des exportations belges et à moins de 10 % des exportations de biens d'équipements. L'impact, dans le Marché commun, des crédits acheteurs octroyés en Belgique, est donc limité.

L'activité de "primary dealer" en Belgique

20. Cette activité consiste dans la participation active aux adjudications de certificats de trésorerie et d'obligations linéaires (OLO) émises par les pouvoirs publics belges et dans l'intervention sur le marché secondaire en tant que "market makers". L'exercice de l'activité de "primary dealer" nécessite l'agrément du Ministère des Finances. A ce jour, 16 institutions financières ont été agréées. La Générale de Banque détient en 1992 conjointement avec sa filiale, la Banque Générale du Luxembourg, une part de marché légèrement supérieure à 16 % en ce qui concerne les adjudications (marché primaire) et 10 % pour les transactions sur le marché secondaire. La Banque Indosuez Belgique pour la même période ne dépasse pas les 5 % de part de marché pour aucune de ces deux activités. Les parts de marché globales ne sont donc pas constitutives d'une position dominante, pour autant que l'activité de primary dealer en Belgique constitue un marché distinct.

Les marchés des instruments financiers dérivés

21. Sous le terme générique d'instruments financiers dérivés sont désignés une série d'outils dont le but consiste à protéger les utilisateurs des marchés internationaux de capitaux et les intermédiaires financiers contre les risques de fluctuation des taux d'intérêts et les risques de change. Les engagements concernant ces instruments se trouvent comptabilisés généralement hors bilan dans les comptes des intermédiaires financiers et ont connu au cours de ces dernières années une croissance spectaculaire. Ces marchés se sont développés parallèlement aux marchés des euro-crédits, des "eurobonds" et des euro-actions d'où le nom d'instruments dérivés. La Banque Indosuez est un acteur reconnu sur ces marchés au niveau mondial, bien qu'il soit très difficile de définir des parts de marché étant donné la difficulté d'obtenir des statistiques précises. La Générale de Banque, pour l'ensemble de ces instruments, joue un rôle très modeste au niveau international. En Belgique même, elle semble être en retrait par rapport à ses principaux concurrents BBL et KB.

Toutefois, pour un de ces instruments en particulier, le swap d'intérêts en Francs belges, la Banque Indosuez Belgique détiendrait avec un encours de plus de [supprimé - secret d'affaires] milliards de FB en 1992 une part de marché au niveau mondial [secret d'affaires - inférieur à 10 %]. La part de marché de la Générale de Banque serait sensiblement inférieure et se situerait à [secret d'affaires - inférieur à 6 %] du marché. Pour autant que les swaps d'intérêts en Francs belges forment un marché distinct, la part de marché de la nouvelle entité n'est pas constitutive d'une position dominante.

VI. CONCLUSION

22. Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est adoptée en application de l'article 6(1)b du règlement du Conseil n° 4064-89.