CA Amiens, ch. économique, 4 octobre 2002, n° 01-00663
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
JPB Cycles & Mototises (EURL)
Défendeur :
MBK Industrie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chapuis de Montaunet
Conseillers :
M. Roche, Mme Rohard-Messager
Avoués :
Mes Lemal, Caussain
Avocats :
Mes Fourgoux, Margules.
Statuant sur appel régulièrement interjeté par l'EURL JPB Cycles et Motorises - ci-après JPB c'est-à-dire J-Pierre Baillargues - d'un jugement rendu le 8 septembre 2000 par le Tribunal de commerce de Saint-Quentin qui, notamment:
- l'a condamnée à payer à la SA MBK Industrie - ci-après MBK - la somme de 1 633 772,53 F TTC, montant des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- a condamné MBK à lui payer la somme de 230 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- a ordonné compensation et exécution provisoire,
- l'a condamnée aux dépens.
Vu les conclusions de l'appelante, reçues au secrétariat-greffe le 7 septembre 2001.
Celle-ci demande à la cour de:
Vu les articles 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 1134-3 du Code civil,
Infirmant pour partie le jugement,
- constater que MBK l'a entraînée à investir dans son concept mis en œuvre dans un projet à ses yeux "totalement disproportionné" et "dangereux" en la privant de l'information précontractuelle, sincère, exacte et complète comme de son assistance avisée,
- dire et juger que MBK s'est comportée de façon déloyale pendant le cours du contrat et engagée de ce fait sa responsabilité pour finir par rompre de façon brusque et abusive des relations commerciales entretenues depuis 18 années,
- condamner MBK à lui payer les sommes de 3 284 223 F à titre de dommages-intérêts, 160 234,62 F au titre du matériel restitué sans avoir et 121 626,15 F objet d'avoirs refacturés à tort
- lui donner acte de ce qu'elle accepte que soit compensée à due concurrence la somme de 1 633 772,63 F,
- condamner MBK à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Vu les conclusions de l'intimée, déposées au secrétariat-greffe le 6 juillet 2001.
Celle-ci requiert la cour de:
Vu les articles 1134 et suivants du Code civil,
- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à JPB la somme de 230 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de concession les ayant liées,
- dire et juger par ailleurs, JPB mal fondée dans l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
- en conséquence, l'en débouter purement et simplement,
- confirmer en revanche, la décision entreprise en ce qu elle a condamné JPB à lui payer la somme de 1 633 772,50 F TTC, en vertu de différentes factures impayées,
- la condamner en outre, à lui payer la somme de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens et dire que ceux-ci seront recouvrés directement par Me Caussain, avoué conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.
Sur quoi, LA COUR
Attendu, et pour reprendre approximativement l'analyse qu'en fait MBK, que l'argumentation de l'appelante s'articule autour de trois points:
En premier lieu, elle prétend que MBK l'aurait menacée en 1996 de lui supprimer sa concession si elle ne modifiait pas sa structure d'exploitation;
Ce serait donc sur l'insistance et les pressions de MBK et, afin de pouvoir conserver sa concession qui constituait la base de son fonds de commerce, que J-Pierre Baillargues son gérant, se serait exécuté en faisant l'acquisition d'un vaste terrain puis en y édifiant un important immeuble commercial pour un investissement global d'un peu plus de 4 000 000 F.
En deuxième lieu, après avoir donné quelques explications sur les difficultés de trésorerie qu'elle a rencontrées dès le début de l'année 1998, JPB affirme qu'un accord de règlement amiable avait été trouvé entre les parties lors de la réunion du 22 octobre 1998 et que, de façon tout aussi inopinée qu'injustifiée, MBK aurait dans les jours suivants totalement modifié sa position en faisant d'abord jouer sa clause de réserve de propriété sur les stocks impayés et en imposant ensuite de nouvelles conditions de paiement à son concessionnaire.
Enfin, JPB soutient que ces différentes initiatives de MBK constitueraient une faute contractuelle qui serait à l'origine d'une rupture abusive du contrat de concession les ayant liées et lui aurait occasionné de surcroît un important préjudice économique et financier qu'elle évalue devant la cour à plus de 3 500 000 F.
Que JPB fait alors valoir que:
1°) Sur l'action principale.
MBK prétend de mauvaise foi qu'elle reconnaît devoir la somme de 1 633 772,53 F alors qu'elle réclame que soient incluses dans ce compte à son crédit les sommes de 160 234,62 F au titre de matériels restitués sans avoir, et celle de 121 626,15 F objet d'avoirs refacturés à tort.
2°) Sur sa demande reconventionnelle.
Le tribunal n'a pas évalué à sa juste mesure le préjudice subi du fait de la rupture à la fois brusque et abusive (" avec une brutalité lui conférant un caractère abusif "), comme du fait de la déloyauté dans l'exécution du contrat qui "a eu un impact certain sur l'activité de JPB Cycles".
En effet, des dommages-intérêts équivalant à la perte de marge d'un trimestre ne suffiraient pas à réparer le préjudice subi par le concessionnaire dont les relations commerciales remontaient à 18 ans sans démériter, qui avait été incité, sans même l'information précontractuelle susceptible de l'éclairer, à réaliser un investissement déraisonnable et dangereux entraînant notamment le déménagement, un surstockage, l'embauche de personnel, la perte de plus de 50 % de chiffre et de marge, puis l'obligation de modifier la disposition des nouveaux locaux pour en louer la moitié soit au total 1 484 223 F suivant détail, à quoi s'ajoute le préjudice commercial qui ne saurait être évalué à moins de 1 800 000 F (réduction d'activité due au changement de conditions financières, puis de la perte de la marque, perte d'image auprès des agents du fait des conditions exceptionnelles de la reprise du matériel en forme de hold-up, et auprès du banquier du fait de la mise en œuvre de la caution).
I - Sur l'action principale.
Attendu que MBK rétorque que JPB ne fournit aucune explication sur la somme de 160 234,62 F qu'elle réclame au titre d'un matériel restitué sans avoir et sur celle de 121 626,15 F qui ferait l'objet d'avoirs refacturés à tort selon elle.
Et attendu que le seul document produit par l'appelante paraissant concerner cette réclamation est une note manuscrite (la pièce 42 cote 27 de son dossier) intitulée "marchandises enlevées le 29 octobre 1998 sans la présence d'un huissier" ;
Qu'il y ait précisé:
- quant à la somme de 160 234,63 F "Détail du tableau des 81 bicyclettes retournées, établi par MBK dont nous n'avons jamais eu d'avoirs, chiffré pour un montant de F TTC 160 234,63 factures d'achat: en 1991/1993/1994/1995/1996/1997/1998",
- quant à la somme de 121 026,15 F (et non pas 121 626,15 F) "les motorisés avec avoirs dénoncés par factures... 14 motorisés (suit une liste de 8 sommes aboutissant à...) 121 026,15 F TTC dû par MBK avoir reçus puis refacturés";
Qu'il s'agit manifestement des matériels déjà payés par JPB qui ont été récupérés par erreur par MBK dans sa décision soudaine et promptitude le 26 octobre 1998 à mettre en œuvre sa clause de réserve de propriété et dont JPB a refusé la restitution devant huissier le 19 novembre 1998;
Qu'en effet le constat précise:
"Sur le parking, devant le magasin, il y a un camion semi-remorque immatriculé 4767 RB 86 dans lequel sont stockés les cycles et cyclomoteurs figurant sur la liste annexée au présent constat, à savoir 81 vélos et 14 cyclomoteurs ...".
Qu'en annexe dudit constat figurent toutes précisions utiles pour parfaitement identifier chacune de ces machines;
Que devant l'attitude actuelle de MBK et son total refus d'explications puisque, avec la plus parfaite mauvaise foi, elle affecte l'ignorance alors qu'elle sait très bien de quels matériels il s'agit comme ce qu'ils sont devenus sans nullement indiquer toujours les tenir à la disposition de JPB, devant encore son comportement abrupt de l'époque justement sanctionné par le tribunal, comportement qui n'a pu que douloureusement affecter, dans le contexte de relations sincères depuis de nombreuses années, le concessionnaire et expliquer alors son refus de restitution, la cour estime devoir retenir les sommes réclamées dont les montants ne sont ainsi nullement contestés en eux-mêmes par MBK;
Que ces sommes, au total de 281 260,78 F TTC (160 234,63 F plus 121 026,15 F TTC), contemporaines à tout le moins du montant des factures réclamées par MBK, et alors non contestées par cette dernière, viendront ainsi en déduction de celle de 1 633 772,63 F;
Que dans ces conditions, et à titre principal, JPB sera condamnée, par infirmation partielle du jugement, à verser à MBK, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement (ce dont MBK demande notamment confirmation) la somme de 1 352 511,75 F soit 206 189,07 euros.
II - Sur la demande reconventionnelle.
Attendu que, selon MBK, les doléances et réclamations de JPB sont sans fondement; Qu'elle développe que:
1°) Sur les modalités de mise en place du nouveau concept commercial décidé par JPB.
En proposant à son concessionnaire un nouveau concept commercial consistant à présenter au public les produits MBK dans un contexte plus moderne et plus attractif, elle ne commettait aucune faute.
Sa démarche s'inscrivait, au contraire, dans le cadre d'une politique commerciale dynamique et rationnelle consistant notamment à faire en sorte que son réseau de concessionnaires soit le plus efficace possible par rapport à la clientèle intéressée par ses produits et vis-à-vis de ses concurrents.
En second lieu, à aucun moment elle n'a commis le moindre abus de droit à l'effet d'imposer à JPB la mise en place d'un tel concept.
A cette époque JPB était titulaire d'un contrat de concession exclusive dont la durée n'était que d'une année et excluant toute tacite reconduction.
Autrement dit, si elle (MBK) avait souhaité confier à une autre entreprise la commercialisation de ses produits sur le secteur considéré, il lui aurait suffit d'attendre l'échéance du contrat de concession en cours la liant à JPB.
Ainsi n'a-t-elle jamais imposé à JPB la mise en place de son nouveau magasin sous une quelconque menace et notamment sous celle consistant à résilier sa concession en cas de refus de sa part.
Les concessionnaires optant pour le nouveau concept MBK demeurent totalement libres du niveau de leurs investissements et elle n'a, à aucun moment, demandé ni imposé à JPB d'investir plus de 4 000 000 F dans la construction d'un magasin.
C'est exclusivement JPB qui a pris une telle décision et multiplié les démarches juridiques et financières pour mettre en place une opération d'une telle envergure.
Elle n'entend donc pas absolument pas supporter les conséquences malheureuses, tant juridiques qu'économiques, qui ont pour seule cause une erreur de stratégie commerciale évidente et la mise en place d'un projet inadapté aux besoins réels de JPB.
En vérité, la seule proposition émise par elle et acceptées par JPB a consisté en la pose de la signalétique de façade pour 79 303 F dont la moitié a été prise en charge par elle au titre de sa participation à 50 % des frais mobiliers.
Le 29 novembre 1996, elle accusait réception des plans qui ne lui avaient été communiqués que le 25 octobre précédent et indiquait pou sa part, qu'en ce qui concernait l'aménagement du magasin, une estimation rapide de la mise aux normes "concept MBK" de la façade et de l'aménagement interne du point de vente pouvait être évaluée à environ 456 000 F.
Différentes propositions financières et de gestion de stocks étaient d'ailleurs adressées à cette occasion à JPB.
La lecture de courrier du 29 novembre 1996 met d'ailleurs clairement en exergue que tant le projet que les plans du point de vente de ce concessionnaire procédaient d'une décision unilatérale de sa part.
A aucun moment, elle n'a participé à cette prise de décision antérieure ni pour la suggérer ni pour l'imposer.
Le 14 octobre 1997, son architecte Image Réseau adressa ensuite à JPB un projet de changement d'enseigne de son magasin MBK accompagné d'un devis estimatif et d'un contrat de maîtrise d'ouvrage délégué pour les travaux que ladite société envisageait de faire réaliser dans ses nouveaux locaux.
Ce contrat concernait les travaux de mise à l'image extérieure MBK de ce point de vente et des différentes prestations y afférentes.
C'est dans ce contexte que fut ensuite signé le 19 décembre 1997 le contrat de concession à durée indéterminée entre JPB et MBK.
Il s'ensuit que le projet de grande envergure ainsi mis en place par la JB a été réalisé en fonction de choix stratégiques et commerciaux décidés par elle seule.
En vérité, il est clair que cette opération commerciale était totalement disproportionnée à la fois aux besoins du concessionnaire et à la demande du concédant qui, en 1996, s'était simplement contenté de soumettre au premier un projet de modernisation de son magasin sous l'enseigne MBK.
M. Baillargues, qui a été concessionnaire de la marque MBK pendant plus de 20 ans, d'abord en nom personnel, ensuite en EURL, avait donc une parfaite connaissance du réseau MBK avec toute l'expérience qui découle d'une collaboration commerciale aussi longue.
Celle-ci lui permettait donc de se faire juge de la faisabilité ou de la non faisabilité de son projet sans avoir à lui demander conseil (à MBK) dont ce n'était pas le rôle. Un concédant n'a pas à s'immiscer dans les projets commerciaux de ses concessionnaires.
2°) Sur les suites financières et juridiques de la mise en place du nouveau concept commercial décidé par JPB.
Ce n'est que jusqu'à la fin du mois de septembre 1998 qu'elle (MBK) bénéficiait d'une couverture SFAC à hauteur d'1 000 000 F.
Elle va finalement perdre celle-ci le 29 septembre 1998.
L'on doit donc comprendre ses différentes initiatives au cours des semaines suivantes, dans la mesure où elle ne pouvait plus accepter de perdre la garantie du paiement de ses impayés et accorder, dans le même temps, à JPB des reports de paiement à l'infini.
Devant le tribunal JPB réclamait une somme de 959 450 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi du fait de ses agissements (de MBK).
Elle réclame en cause d'appel, à ce titre une somme de 3 284 223 F alors que dans le document n° 28 qu'elle a transmis et qui émane d'un expert extérieur, celui-ci fait état d'un prétendu préjudice chiffré à 1 484 223 F, soit inférieur de moitié à la somme réclamée.
Le calcul de son préjudice est pour le moins laborieux et, en tout état de cause, totalement injustifié alors que, et notamment, elle (MBK) lui a accordé à différentes reprises d'importants délais pour lui permettre de payer ses factures.
Ce n'est que dans le cadre de la procédure judiciaire initiée par elle (MBK) qu'au mois de juillet 1999 JPB a cru devoir formaliser ses demandes reconventionnelles et aucune des sommes qu'elle réclame ne sont dues en leur principe, étant entre autres observé qu'à aucun moment elle ne lui a demandé de déménager et que la discussion afférente au surstockage est injustifiée et irrecevable dans la mesure où le concessionnaire avait signé, dès le mois de décembre 1997, un contrat parfaitement clair et précisant l'importance du stock qu'il s engageait à prendre en charge et à payer.
Eu égard à son expérience professionnelle, JPB se devait, préalablement à la signature de ce document, de vérifier si les objectifs qui lui étaient ainsi fixés étaient susceptibles ou non d'être atteints.
Encore, et sur le plan juridique, il faut rappeler plusieurs clauses du contrat dont la validité n'est pas remise en cause par JPB:
* article 12 l'autorisant à suspendre le contrat 8 jours après mise en demeure adressée au concessionnaire d'exécuter une obligation financière,
* article 13 lui réservant la propriété de ses produits... et l'autorisant à en reprendre possession jusqu'à complet et effectif paiement,
* article 24 prévoyant quant à lui que : "le contrat sera résilié de plein droit sans aucun préavis ni indemnité, et sans aucune formalité préalable, si l'un quelconque des événements énumérés ci-après venait à se produire:
" Non paiement à l'échéance convenue de toute somme due à MBK par le concessionnaire soit au titre du présent contrat soit au titre de tout autre contrat intervenu entre MBK et le concessionnaire... " ;
Il est de jurisprudence constante que le non-paiement des sommes dues par le concessionnaire au concédant constitue en soi une cause légitime de rupture du contrat de concession.
Or, plutôt que d'appliquer stricto sensu les clauses contractuelles, elle a préféré, non pas suspendre ou résilier ce contrat alors qu'elle y était parfaitement autorisée, mais:
* faire jouer sa clause de réserve de propriété,
* mettre en place de nouvelles conditions de paiement dans la mesure où elle préférait prendre de nouvelles garanties face aux difficultés de JPB tout en envisageant la poursuite de leurs relations d'affaires plutôt que de résilier brutalement le contrat les liant.
Sa lettre adressée le 17 novembre 1998 à son concessionnaire est d'ailleurs parfaitement explicite sur l'état d'esprit qui l'animait à cette époque.
La mise en place d'une telle stratégie ne constituait nullement une quelconque faute contractuelle de sa part.
C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle avait pris une décision brutale en faisant procéder à l'enlèvement de la totalité des matériels neufs le 29 octobre 1998, soit 8 jours après la réunion du 22 et en notifiant le 2 novembre 1998 à JPB que désormais les livraisons se feraient contre remboursement.
Il faut ajouter que ni la loi du il mai 1980 ni l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne prévoient que la mise en œuvre d'une clause de réserve de propriété est subordonnée au respect d'un quelconque préavis de la part du créancier qui entend s'en prévaloir. Et attendu que la cour estime devoir adopter les motifs par lesquels le tribunal a retenu que MBK avait brutalement et de façon fautive mis fin au contrat;
Que certes l'article 13 de ce contrat d'exclusivité à durée indéterminée autorisait MBK, en l'absence de paiement par JPB de toute somme à sa date d'exigibilité, à reprendre possession des produits, accessoires et pièces de rechange sans avertissement préalable;
Qu'alors que depuis avril 1998 sa créance sur JPB était en progression constante - près de 860 000 F en novembre 1988 - MBK, qui jusque là avait accordé des délais de paiement, a fait procéder, fin octobre 1998, à l'enlèvement de la totalité des matériels neufs;
Que si, effectivement, elle n'a immédiatement ni résilié ni même suspendu le contrat, elle a pris, sans véritable préalable, des mesures draconiennes revenant pratiquement à conduire son concessionnaire à l'asphyxie, mesures encore colorées par l'appel, le 4 décembre 1998 - ce qui était toutefois son droit le plus strict - à la banque de JPB, caution à hauteur de 400 000 F depuis le 17 avril précédent;
Que MBK a d'ailleurs à l'époque agi tellement vite qu'elle a même, comme il a été vu, récupéré pour plus de 280 000 F des produits déjà payés par JPB;
Que dans de telles conditions cette décision brutale - cette succession de décisions brutales - constitue une faute caractérisée puisque prise sans préavis dans un contexte préalable de patience parfaitement compréhensible - normal - vis-à-vis d'un commerçant qui, s il était en principe libre de transférer et décupler son petit commerce (80 m2) en un établissement somptuaire (880 m2), avait voulu, à l'évidence répondre aux désirs - sollicitations - de MBK, sous son oeil attentif et bienveillant (et pour partie celui de son propre architecte), sans la moindre volonté critique de MBK quant aux conséquences financières de la réalisation et une modeste participation à celle-ci (voir notamment la lettre de MBK à JPB du 29 novembre 1996 sur les éléments financiers où en fait MBK maintient ses exigences tout en notant à son correspondant que ces éléments demandent à être affinés en fonction de son compte d'exploitation prévisionnel), ce, dans le cadre de la mise en place du nouveau concept de magasin préconisé par MBK;
Qu'il est patent que JPB n'a guère bénéficié de conseils,c'est le moins qu'il puisse être dit, dans la réalisation de son désir d'obtenir, après des contrats de concession à durée déterminée, le contrat, convoité, de concession exclusive à durée indéterminée;
Qu'en fait, en cette fin d'automne 1998, d'un côté MBK paraissait vouloir laisser croire à JPB possible la survie d'un lien contractuel et d un autre, parallèlement, prenait en quelques jours des mesures qui, dans une ligne totalement contraire à son comportement des mois passés, aboutissaient - ne pouvaient qu'aboutir - à l'anéantissement inéluctable - alors en réalité programmé sans état d'âme - du contrat, à très court terme;
Attendu que cette faute a entraîné pour JPB un préjudice certain;
Que cependant cette société reste plutôt évasive et peu convaincante lorsqu'elle essaie de justifier, en dépit de la production d'une estimation effectuée par son expert comptable le Cabinet Paquier, ses actuelles prétentions;
Que celles-ci, de la part d'une société qui, en commerçant en principe avisé, eût pu assurément faire montre d'un peu plus de clairvoyance, sont hors de proportions avec les conséquences imputables pour cette société à la rupture brutale et abusive imputable à MBK et à juste titre retenue par le tribunal;
Que la cour a ici les éléments d'appréciation pour porter les 230 000 F de dommages-intérêts fixés par le tribunal à 350 000 F soit 53 357,16 euros;
Que compensation sera ordonnée entre le solde des factures encore dues par JPB à MBK et cette dernière somme.
Attendu enfin que les succombances respectives justifient que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens d'instance, l'équité commandant, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de rejeter les demandes respectives d'allocation de frais hors dépens.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant contradictoirement; Reçoit les appels principal et incident en la forme ; Au fond, confirme le jugement en ses dispositions non contraires à celles du présent arrêt et notamment en ce que le tribunal a retenu la responsabilité de la SA MBK Industrie; L'infirmant pour le surplus; Statuant à nouveau; Condamne l'EURL JPB Cycles et Motorises à verser à MBK la somme de 206 189,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2000; Condamne MBK à verser à JPB la somme de 53 357,16 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour; Ordonne la compensation entre ces deux sommes ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'instance avec, pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit des avoués; Rejette enfin les demandes respectives d'allocation de frais hors dépens.