CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 30 octobre 2003, n° 02-02719
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
RCB Distribution (SARL)
Défendeur :
Azulejos'a (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lebreuil
Juges :
MM. Vergne, Grimaud, Baby, Leclerc d'Orleac
Avoués :
SCP Cantaloube Ferrieu Cerri, SCP Rives Podesta
Avocats :
Mes Landon, Martin Chico
Statuant en audience solennelle, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation, 1re Chambre civile du 8 janvier 2002 et sur le contredit dont la régularité n'est pas contestée formé par la société RCB Distribution à l'encontre d'un jugement en date du 27 octobre 1997 par lequel le Tribunal de commerce de Périgueux s'est déclaré incompétent pour connaître de ses demandes à l'encontre de la société Azulejos'a SA et a renvoyé la cause et les parties devant le Tribunal de première instance de Alcora (Castellon/Espagne)
Attendu que les faits de la cause ont été exactement relatés par les premiers juges en des énonciations auxquelles la cour se réfère expressément et qu'il suffit de rappeler :
* qu'en 1994 la société de droit espagnol Azulejos'a a confié à la société RCB Distribution la distribution de ses produits en France ; qu'en juin 1996 il a été mis fin aux relations des parties ; que la société RCB a assigné le 30 octobre 1996 la société Azulejos'a devant le Tribunal de commerce de Périgueux en paiement d'un solde de commissions et d'une indemnité de rupture ; que ce tribunal s'est déclaré incompétent par le jugement dont appel mais que la Cour d'appel de Bordeaux par un premier arrêt rendu le 3 juin 1998 a tout au contraire retenu sa compétence au motif que l'obligation principale du contrat, soit la représentation et la recherche d'une clientèle à un titre quelconque s'exécutait en France et que par un second arrêt en date du 14 septembre 1999 elle a condamné la société Azulejos'a à payer diverses sommes à la société RCB;
- que ces deux arrêts ont été cassés en toutes leurs dispositions (le second par voie de conséquence) au motif essentiel qu'en statuant comme elle l'a fait sur la question de compétence alors que l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifié par la Convention d'adhésion de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 doit être interprétée en ce sens que le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée, au sens de cette disposition, doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie, la Cour d'appel de Bordeaux qui n'a pas recherché quelle était la loi applicable aux obligations de la société de droit espagnol, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Attendu que la société RCB Distribution considère que le Tribunal de commerce de Périgueux était effectivement compétent pour connaître du litige dès lors que l'article 17 de la Convention de Saint-Sébastien reconnaît la validité des clauses attributives de compétence et précise que dans le commerce international elles doivent être conclues "sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée" ;
- que s'il n'y a pas de contrat d'agence entre les deux parties au procès il est à noter que sur les factures émises par la société RCB il est spécifié qu'en cas de litige seul le Tribunal de commerce de Périgueux est compétent ;
- que dans la recherche de la loi applicable au contrat d'agence internationale le juge doit interpréter la volonté des parties par la combinaison et la hiérarchie des indices de rattachement à l'une ou l'autre des lois susceptibles de s'appliquer;
* que la coutume française de droit international privé marque sa préférence pour la loi d'exécution du contrat d'agence ;
- que l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 prévoit que lorsque les parties n'ont pas prévu de clause attributive de compétence le défendeur, domicilié sur le territoire d'un Etat contractant, peut être attrait dans un autre Etat contractant et en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
- que ce lieu doit être défini en fonction du rapport d'obligation et des circonstances de l'espèce comme étant celui où la prestation a été ou doit être effectivement fournie soit en l'espèce le ressort du Tribunal de commerce de Périgueux;
Attendu qu'elle demande paiement des sommes de 51 919,84 euro à titre d'indemnité de rupture, 13 883,51 euro au titre des commissions restant dues, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1996 et 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que la société Azulejos'a fait au contraire valoir :
* que le droit à l'indemnité de clientèle ou indemnité de rupture est une compensation financière due par le mandant quels que soient les motifs de la rupture et que s'agissant par conséquent d'une simple obligation de paiement d'une somme d'argent elle doit être exécutée au lieu du domicile du débiteur soit en l'espèce en Espagne ; qu'en effet en application des dispositions de l'article 1247 du Code civil l'obligation de paiement d'une somme d'argent doit s'exécuter au lieu du domicile du débiteur ;
- que s'agissant de la demande en paiement des commissions il convient d'observer que tant en droit français qu'en droit espagnol l'obligation de payer une somme d'argent est quérable et que par conséquent, au cas particulier, le lieu d'exécution de cette obligation est bien le siège de la société concluante à Alcora ;
Attendu qu'elle conclut par conséquent à l'incompétence du Tribunal de commerce de Périgueux et fait valoir à titre subsidiaire que la baisse importante de son chiffre d'affaires et de la clientèle dans le secteur confié à la société RCB constituait une cause légitime justifiant la rupture des relations contractuelles, de telle sorte que la partie adverse n'a droit à aucune indemnité et qu'elle doit être déboutée de toutes ses demandes ;
Qu'elle offre de lui payer la somme de 10 788, 92 euro au titre de commissions restant dues et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur quoi
Attendu que la clause attributive de compétence figurant sur les factures de commissions de la société RCB doit être réputée non écrite dès lors d'une part qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile puisqu'il n'est à aucun moment démontré que la société Azulejos'a en a eu connaissance et l'a acceptée au moment de la formation du contratet que d'autre part elle n'a pas été conclue sous une forme admise par les conventions de Lugano et de Saint-Sébastien, c'est-à-dire sous une forme qui soit conforme à un usage habituellement admis dans le secteur d'activité commerciale internationale considéré ; que la preuve d'un tel usage n'est ni rapportée ni même offerte;
Attendu que la détermination du juge compétent ne peut donc se faire que par application de l'article 5.1 de la Convention de Bruxelles modifiée du 27 septembre 1968 qui prévoit qu'en matière contractuelle le tribunal compétent est celui du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;
Que ce lieu doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ;que l'obligation litigieuse, c'est-à-dire celle qui sert de base à la demande, est l'obligation faite au mandant de payer les commissions du mandataire ainsi qu'une indemnité de clientèle en cas de rupture des relations contractuelles;
Que la loi qui régit cette obligation est la loi française, loi du lieu où l'agent commercial exécute son obligation principale de prospection de la clientèle;
Que selon la loi française (comme d'ailleurs selon la loi espagnole) l'obligation de payer une somme d'argent doit s'exécuter au domicile du débiteur (article 1247 alinéa 3 du Code civil) ;qu'elle est quérable et que par suite relèvent de la compétence exclusive du juge espagnol les demandes de la société RCB tendant au paiement d'un solde de commissions et d'une indemnité de rupture, indemnité compensatrice exigible en vertu d'une obligation autonome pesant sur le mandant, indépendante du caractère licite ou non de la rupture du contrat et ne se substituant pas à une obligation contractuelle originaire qui n'aurait pas été exécutée ;
Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société RCB mais de le réformer pour le surplus et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir conformément aux dispositions de l'article 96 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société RCB Distribution qui succombe sur la question de compétence supportera tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents aux arrêts cassés de la Cour d'appel de Bordeaux ;
Qu'il convient en outre de la condamner à payer à la partie adverse la somme de 1500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 janvier 2002, En la forme, constate la régularité de sa saisie et reçoit l'appel jugé régulier, Et au fond, Confirme le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société RCB Distribution et en ses dispositions relatives aux dépens, Mais le réformant pour le surplus, Renvoie les parties à se mieux pourvoir, Et y ajoutant, Condamne la société RCB Distribution en tous les dépens exposés devant les juridictions du fond et autorise la SCP Cantaloube-Ferrieu-Cerri, avoués, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, Rejette toute autre demande contraire ou plus ample des parties.