CA Aix-en-Provence, 8e ch. com., 11 juin 2002, n° 99-17996
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Desmas
Défendeur :
Mona Lisa Holding (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blin
Conseillers :
MM. Duloutre, Marcovici
Avoués :
SCP Blanc-Amsellem-Mimran, SCP Sider
Avocats :
Mes Lestournelle, Maillet.
Faits et procédure - Prétentions des parties
M. Vincent Desmas a interjeté appel d'un jugement du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 27 juillet 1999 qui l'a débouté des demandes qu'il a formées contre la société Mona Lisa en paiement de diverses sommes, au titre de l'exécution d'un contrat d'agent commercial et de sa résiliation.
L'appelant expose qu'en exécution d'un contrat du 30 janvier 1995, il est devenu agent commercial de la société Mona Lisa, avec pour mission de négocier des transactions immobilières ; qu'il a accepté le 27 juillet 1995 un nouveau contrat, pour une durée indéterminée, que cette société a résilié sans préavis aux termes d'une lettre du 2 juin 1997, au prétexte qu'il ne lui avait pas transmis, conformément à une obligation stipulée au contrat, la preuve du paiement de l'ensemble des cotisations obligatoires afférentes à son activité.
Il réclame, en premier lieu, un rappel de commissions de 209 000 F soit 31 877,09 euro, correspondant à la différence entre les commissions qu'il aurait dû percevoir pendant la durée du contrat et celles qu'il a effectivement perçues ; il soutient qu'en effet :
- d'une part, la société Mona Lisa mentionnait sur les fiches de renseignements prises en compte pour le calcul de la commission des valeurs inférieures au prix de vente réel ;
- d'autre part, pour deux dossiers (Courtmontagne et Humery), M. Desmas a été rémunéré sous la forme de facture libellée "honoraires formation et animation d'une équipe de commercial", alors qu'il n'a jamais exercé d'activité de cette nature ;
- il convient également d'intégrer dans le chiffre réalisé par l'appelant le prix d'un bien ayant fait l'objet d'une promesse de vente à M. Perrin le 29 novembre 1996 au prix de 1 082 000 F, mais dont le programme a été modifié, de sorte qu'une nouvelle réservation est intervenue le 16 juin 1997, soit moins de quinze jours après la rupture des relations entre les parties, pour un prix de 1 175 000 F;
- enfin, la société Mona Lisa imposait à ses agents commerciaux le rattachement à d'autres personnes, dont elle leur faisait supporter de manière injustifiée le coût financier en procédant de fait à un partage de commission.
En second lieu, M. Desmas réclame les sommes suivantes au titre de la rupture du contrat :
- celle de 518 326 F soit 79 018,29 euro, correspondant aux commissions réalisées sur les deux dernières années d'activité, à titre d'indemnité de rupture,
- celle de 64 790,75 soit 9 877,29 euro, correspondant à trois mois de commission, à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
L'appelant sollicite, enfin, la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 15 244,90 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Mona Lisa prétend que M. Desmas était en réalité animé, avec trois autres agents commerciaux, du souhait de reprendre sa liberté pour créer une structure concurrente ayant pour objet la négociation d'opérations d'investissements dans le cadre de la loi de défiscalisation dite "Perissol".
Elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Desmas de ses demandes et de le condamner à lui restituer une somme de 31 000 F soit 4 725,92 euro indûment perçue au titre du dossier Perrin.
Elle conclut, en outre, à titre incident, à la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée d'une demande en paiement de la somme de 500 000 F soit 76 224,51 euro à titre de dommages-intérêts, qu'elle avait formée à l'encontre de M. Desmas en raison d'agissements consistant en la divulgation de documents faisant état de la notoriété et du savoir-faire de la société Mona Lisa et constituant, selon elle, des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
L'intimée sollicite, enfin, la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 25 000 F soit 3 811,23 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
Sur les demandes de M. Desmas relatives à la rupture du contrat :
Attendu qu'il résulte, certes, des pièces versées aux débats, que le contrat du 30 janvier 1995 et celui du 27 juillet 1995 comportaient tous deux, comme l'a relevé le tribunal, l'obligation pour l'agent commercial de justifier dans les délais de 1 mois et de 3 mois de son inscription au registre spécial des agents commerciaux et de son affiliation aux caisses sociales ;
Mais que dans le seul acte du 27 juillet 1995, il a été inséré, en outre, une autre obligation, consistant dans la communication à la société Mona Lisa de la preuve du paiement des cotisations sociales correspondantes ; que cet engagement, qui est le seul visé par la lettre de rupture du 2 juin 1997, n'est assorti quant à lui d'aucun délai d'exécution ;
Attendu que dès lors, s'il est vrai que dans ce second contrat, l'énonciation de l'ensemble des obligations précitées est suivie de l'indication que leur non-respect entraînera la résiliation du contrat "sans mise en demeure préalable", la cour constate que cette sanction est dépourvue de sens en ce qui concerne la troisième obligation, relative aux cotisations sociales ;
Attendu qu'en l'absence de délai stipulé pour que l'agent commercial remplisse cette obligation, son visa dans une lettre de résiliation du contrat apparaît inopérant, sauf pour le mandant à prétendre que l'agent aurait refusé de déférer, avant ladite rupture, à une demande de justification, ce qui n'est pas invoqué en l'espèce ;
Attendu qu'ainsi la cour constate que, par l'unique motif de rupture invoqué dans sa lettre du 2 juin 1997, la société Mona Lisa n'a pas caractérisé la prétendue faute grave justifiant, selon elle, une résiliation sans préavis ni indemnité, nonobstant toutes autres considérations invoquées après coup par cette société quant au comportement de l'appelant ;
Attendu qu'il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. Desmas de ses demandes en paiement d'indemnités de résiliation et de préavis ;
Attendu que le quantum de ces demandes apparaît justifié, qu'il s'agisse de la somme de 79 018,29 euro réclamée à titre d'indemnité de rupture et correspondant à deux années de commissions, comme il est habituel en la matière, ou de celle de 9 877,29 euro, correspondant à trois mois de commission, à titre d'indemnité de préavis, conformément aux conditions de résiliation contractuelles ;
Sur les comptes relatifs aux commissions :
Attendu qu'il résulte des explications des parties et des pièces versées aux débats que M. Desmas, comme il est d'usage, remplissait lui-même, pour chaque opération réalisée avec son concours, une fiche dans laquelle il indiquait le montant de l'assiette de sa commission et le taux de celle-ci;
Attendu qu'en cet état, l'appelant ne démontre pas que la société Mona Lisa aurait minoré le montant des commissions qui lui étaient dues, soit en ne prenant pas en compte l'intégralité du prix de vente des biens, soit en effectuant de fait des partages injustifiés de commissions à raison de l'intervention de tierces personnes dans certaines opérations ;
Attendu que par ailleurs, il n'explique pas, concernant les dossiers Courtmontagne et Humery, en quoi le fait que des factures aient été émises avec un libellé de formation erroné justifierait que les sommes correspondantes lui soient payées une seconde fois, alors qu'il reconnaît avoir "été rémunéré" au titre de ces dossiers;
Attendu que dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Desmas de sa demande en paiement de rappels de commissions ;
Attendu qu'en revanche, la cour constate que la commission au titre du dossier Perrin était bien due à M. Desmas, par application des dispositions de l'article 7 de la loi du 25 juin 1991, aux termes desquelles la commission est due pour toute opération conclue après la cessation du contrat si elle est principalement due à l'activité de l'agent pendant le cours du contrat, et a été conclue dans un délai raisonnable après la cessation de celui-ci;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que si la réservation effectuée le 29 novembre 1996 par M. Perrin au prix de 1 082 000 F, avec le concours de M. Desmas, n'a pas été suivie d'une réalisation avant la rupture du contrat en raison d'une modification du programme, elle a donné lieu, le 16 juin 1997, soit moins de quinze jours après cette rupture, à une réservation portant sur le même lot, au prix de 1 175 000 F;
Attendu que selon les propres écritures de la société Mona Lisa, "ce contrat remplace et annule le précédent" et qu'elle ne justifie pas son refus de payer la commission réclamée à ce titre en se bornant à affirmer, sans autre explication, que dans ce dossier, il n'y a eu "aucune intervention significative de M Desmas";
Attendu qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Mona Lisa de sa demande de restitution de la somme de 31 000 F versée pour ce dossier;
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Mona Lisa:
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Mona Lisa de la demande de dommages-intérêts formée par elle contre M. Desmas pour "concurrence déloyale et parasitaire";
Attendu qu'à cet égard, le tribunal a retenu qu'elle ne justifiait pas d'agissements constitutifs d'une concurrence déloyale, en se bornant à exciper de ce que l'intéressé avait "divulgué des documents faisant état de la notoriété et du savoir-faire de la société Mona Lisa depuis plus de 10 ans sur son marché";
Attendu qu'il y a lieu d'ajouter que l'appelante ne fournit aucune indication sur la nature et l'étendue du préjudice résultant, selon elle, du comportement dont elle fait ainsi reproche à M. Desmas;
Attendu que le jugement sera donc confirmé de ce chef;
Attendu que les deux parties succombent partiellement en leurs demandes ; qu'il n'est donc pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel recevable. Réforme le jugement entrepris. Et statuant à nouveau: Condamne la société Mona Lisa à payer à M. Desmas la somme de 79 018,29 euro à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial et celle de 9 877,29 euro à titre d'indemnité de préavis, Le déboute du surplus de ses demandes, Déboute la société Mona Lisa de toutes ses demandes, Dit chaque partie supportera ses dépens de première instance et d'appel.