CA Angers, ch. soc., 20 juin 2002, n° 01-01244
ANGERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Levi Strauss Continental (SA)
Défendeur :
Huet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Guillanton
Conseillers :
MM. Jegouic, Guillemein
Avocats :
Mes Peres Borianne, Loyer.
Exposé du litige
Monsieur Gérard Huet a été embauché le 1er septembre 1977 par la SA Levi Strauss Continental, en qualité de VRP exclusif. A la fin de l'année 1999, suite à d'importantes modifications, les postes de VRP furent supprimés en tant que tels, ceux-ci étant transformés en délégués commerciaux. Par courrier du 3 janvier 2000, Monsieur Gérard Huet a refusé cette modification de son contrat de travail.
Le 27 janvier 2000, il a été licencié pour motif économique.
Le 26 avril 2000, fut signé un accord transactionnel, ce dernier ne faisant aucune référence à la renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence, figurant dans le contrat de travail de Monsieur Gérard Huet. Celui-ci a réclamé le paiement de la contrepartie pécuniaire de cette clause, ce qui fut refusé par la SA Levi Strauss Continental.
Contestant cette décision, Monsieur Gérard Huet a saisi le Conseil de prud'hommes du Mans aux fins de voir condamner la SA Levi Strauss Continental à lui verser les sommes de 686 321,59 F au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 4 mai 2001, le Conseil de prud'hommes du Mans a condamné la SA Levi Strauss Continental à verser à Monsieur Gérard Huet les sommes de 686 321,59 F net au titre de la contrepartie de la clause de non-concurrence, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté la SA Levi Strauss Continental de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
La SA Levi Strauss Continental a interjeté appel de cette décision et demande à la cour, à titre principal et par voie d'infirmation, de débouter Monsieur Gérard Huet de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à la somme nette de 104 629,05 euro la contrepartie de la clause de non-concurrence et statuant à nouveau, dire que le montant de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence s'élève à la somme brute de 104 628,79 euro, en tout état de cause, le condamner à lui verser la somme de 1 524,49 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Levi Strauss Continental prétend que Monsieur Huet est de mauvaise foi dans l'exécution de la transaction intervenue entre parties, qui intégrait toutes les sommes dues au salarié;
Qu'il a lui-même fait preuve de concurrence déloyale à son égard.
Monsieur Huet conclut ainsi:
"En faisant droit à son appel incident ce qui concerne le montant du chiffrage, dire et juger que le montant principal de la contrepartie pécuniaire s'établit sur la base des 12 derniers mois de rémunération intégrant le préavis, à 134 139,12 euro et qu'il y a lieu d'y ajouter les congés payés pour 13 413,91 euro.
Condamner la société Levi Strauss au paiement de ces deux sommes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine initiale du conseil de prud'hommes et anatocisme dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil.
Condamner la société Levi Strauss au paiement d'une somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens".
Il fait valoir que le jugement a procédé à une exacte analyse des éléments de faits et de droit de l'espèce.
Qu'il n'a jamais renoncé à la clause de non-concurrence dont il n'a pas été libéré.
Que l'employeur ne rapporte nullement la preuve d'actes de concurrence de sa part à son égard.
Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux écritures des parties.
Motifs de la décision
Attendu que la société Levi Strauss ne démontre pas la mauvaise foi imputée à l'intimé ;
Que les indemnités transactionnelles sont inférieures aux sommes auxquelles le salarié pouvait prétendre en vertu de son contrat de travail ;
Qu'elles ne pouvaient, dans ces conditions, inclure le montant de la contrepartie à la clause de non-concurrence stipulée dans ce contrat de travail ;
Attendu que la société appelante ne démontre nullement qu'elle ait proposé à Monsieur Huet, au moment de la discussion du protocole de transaction, de renoncer à la contrepartie pécuniaire ou de lui verser une indemnité complémentaire à ce titre ;
Qu'il ne peut y avoir en l'espèce de renonciation tacite de la part du salarié;
Que la transaction conclue entre parties ne comporte aucune stipulation concernant la clause de non-concurrence ;que cette dernière n'entre pas dans le champ de la transaction ;
Que la clause de non-concurrence comprise dans le contrat de travail de Monsieur Huet n'a pas été levée selon la procédure stipulée à l'article 17 de la Convention collective des VRP et qu'ainsi, le salarié est parfaitement fondé à en demander la contrepartie financière ;
Qu'il est de jurisprudence établie que les dispositions de la convention collective doivent être interprétées de manière très rigoureuse, le dépassement du délai de quinze jours étant automatiquement sanctionné et une renonciation effectuée antérieurement à la rupture du contrat de travail étant dépourvue de toute valeur ;
Que Monsieur Huet pouvait de façon tout à fait légitime, après avoir régulièrement dénoncé son reçu pour solde de tout compte, solliciter la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence sur la base de deux années de rémunération, en application de l'article 17 de la Convention collective des VRP ;
Que si aucune mention de renonciation à la clause de non-concurrence ne figure dans la transaction, comme en l'espèce, cette clause de non-concurrence n'entre pas dans le champ d'application et dans le domaine de la transaction, telle que celle-ci est définie, en particulier, par les articles 2044 et suivants du Code civil ;
Attendu que la société appelante ne prouve nullement, comme il lui incombe, que le salarié n'aurait pas respecté la clause de non-concurrence ;
Qu'elle se contente de simples allégations à cet égard ;
Que pour la période du 27 janvier 2000 au 1er décembre 2000, Monsieur Huet a exercé la fonction d'agent commercial pour la société DCC, en distribuant sous forme de licence et en exclusivité pour celle-ci des accessoires Levi Strauss, produits non concurrentiels de l'activité de cette société ;
Que durant les mois de février, mars et avril 2000 son activité consistait à présenter la collection hiver 2000 au détaillant ; que les livraisons sont intervenues principalement en août, septembre et octobre 2000 ; qu'en raison des conditions de règlement, le contrat définitif ne fut signé qu'au début du mois de décembre 2000;
Que pour la période postérieure au 1er décembre 2000, Monsieur Huet a continué d'exercer une profession d'agent commercial pour la société DCC, n'accomplissant aucune activité concurrence, ladite société DCC vendant simplement des accessoires sous licence Levi Strauss;
Attendu qu'il convient, dès lors, de confirmer par adoption de ses exacts motifs le jugement déféré ;
Que la décision entreprise sera seulement réformée sur le montant de la somme allouée ;
Qu'il est du, en effet, à ce titre à Monsieur Huet une somme de 134 139,112 euro.
Que le calcul circonstancié de ce salarié doit être approuvé;
Que la rémunération en question constitue une rémunération brute ; que le salaire brut de Monsieur Huet s'établit en moyenne de 8 383,69 euro, au vu des pièces produites; que ce calcul n'est d'ailleurs pas critiqué par l'appelante;
Qu'il sera également fait droit à la demande de capitalisation des intérêts au taux légal, sollicitée par l'intimé ;
Attendu que la société Levi Strauss Continental, qui succombe, doit supporter les dépens et être déboutée de sa réclamation sur la base de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que l'équité commande d'allouer à Monsieur Huet une somme de 1 219,59 euro en compensation de ses frais non répétibles d'appel, venant en sus de l'indemnité justement octroyée pour les frais de première instance.
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reconnu à Monsieur Huet le droit de percevoir la contrepartie financière de la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail. Le réformant sur le quantum de la somme allouée. Fixe le montant principal de la contrepartie pécuniaire sur la base des douze derniers mois de rémunération intégrant le préavis à une somme brute de 134 139,12 euro, outre les congés payés à hauteur de 13 413,91 euro;Confirme le jugement déféré pour le surplus; Ordonne la capitalisation des intérêts au taux légal, à compter des conclusions du 27 mai 2002 et dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ; Condamne la société Levi Strauss Continental à payer à Monsieur Huet une somme de 1 212,59 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens d'appel; Rejette toute prétention autre ou contraire.