Livv
Décisions

CCE, 10 décembre 1984, n° 85-45

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Système de distribution Ideal-Standard

CCE n° 85-45

10 décembre 1984

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 2, 3 et 6, vu la notification faite à la Commission des Communautés européennes le 6 février 1981 par la société Ideal-Standard GmbH, Bonn, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, d'un accord de distribution applicable dans l'ensemble de la Communauté économique européenne, avec une demande d'attestation négative ou d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, vu la décision prise par la Commission le 6 juillet 1983 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné à l'entreprise concernée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 en liaison avec le règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux conditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après avoir entendu, conformément à l'article 19 paragraphe 2 du règlement n° 17 en liaison avec le règlement n° 99-63-CEE, le Bundesverband des Sanitaer-Fachhandels e.V. (VSI), Bonn, le Zentralverband Sanitaer, Heizung, Klima (ZVSHK), St. Augustin, et le Bundesverband der Selbstbedienungs-Warenhaeuser e.V. (BdSW), Bonn, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

A. L'entreprise Ideal-Standard

(1) L'entreprise Ideal-Standard (ci-après dénommée Ideal Standard ou IS), ayant son siège à Bonn, République fédérale d'Allemagne, fabrique la robinetterie et accessoires pour installations sanitaires (ci-après dénommés équipements sanitaires). L'assortiment des équipements sanitaires d'Ideal-Standard est un assortiment très vaste, qu'Ideal-Standard vend dans tous les États membres de la Communauté économique européenne par l'intermédiaire d'un réseau de grossistes spécialisés en sanitaires. En 1983, Ideal-Standard a réalisé dans le Marché commun un chiffre d'affaires global de ... (3). Ideal-Standard est une marque connue et prédominante dans le domaine des équipements sanitaires; l'entreprise approvisionne dans la Communauté économique européenne la plupart des grossistes spécialisés en sanitaires.

(2) Selon ses propres estimations, les parts de marché d'Ideal-Standard en équipements sanitaires, exprimées en unités de vente, ont été, pour l'année 1981, de ... pour la République fédérale d'Allemagne, ... pour la France, ... pour l'Italie, ... pour la Grande-Bretagne, ... pour les Pays-Bas et ... pour la Belgique. Les chiffres d'affaires réalisés par Ideal-Standard se rapportent essentiellement à trois groupes de produits: mélangeurs, mitigeurs monocommandes et thermostats. Ces trois groupes de produits représentent la plus grande partie du chiffre d'affaires d'Ideal-Standard en équipements sanitaires.

B. Le contrat de distribution IS

(3) Le 6 janvier 1981, Ideal-Standard a notifié à la Commission le contrat type de distribution qu'elle entend conclure avec les grossistes spécialisés en sanitaires sur tout le territoire du Marché commun. Ideal-Standard a commencé à introduire ce contrat de distribution au début de 1981. Le Bundesverband der Selbstbedienungs-Warenhaeuser e.V. (ci-après dénommé BdSW) a déposé auprès de la Commission, le 12 juin 1981, une plainte contre l'introduction du contrat de distribution IS.

Le contrat de distribution IS se caractérise essentiellement par les éléments ci-dessous:

a) exclusivité d'approvisionnement des grossistes qui répondent aux critères énoncés au contrat de distribution IS et qui ont signé ledit contrat. Pour vendre les produits IS, les grossistes doivent répondre aux conditions suivantes:

i) le grossiste doit être une entreprise spécialisée dans la vente de sanitaires [article 3 point 1 lettre a)];

ii) exposition représentative du programme complet des équipements sanitaires d'Ideal-Standard dans des locaux de vente appropriés et suffisamment grands [préambule et article 3 point 1 lettre b)];

iii) maintien d'un stock suffisant du programme des équipements sanitaires d'Ideal-Standard, y compris les pièces de rechange et accessoires [article 3 point 1 lettre b)]; pour permettre d'approvisionner rapidement l'utilisateur en cas de besoin, les produits d'Ideal-Standard devront être stockés à proximité, d'une manière professionnelle, dans des locaux appropriés, en quantités suffisantes et en assortiment complet (préambule);

iv) emploi de personnel ayant reçu la formation spécialisée nécessaire pour conseiller et assister les installateurs et utilisateurs finals [article 3 point 1 lettre c)];

v) maintien de capacités de transport suffisantes pour assurer un transport rapide et sans dommages à destination de l'installateur et/ou chantier [article 3 point 1 lettre d)];

vi) obligation de promouvoir, au mieux de leurs possibilités, la vente du programme des équipements sanitaires d'IdealStandard (article 6 point 1);

b) les grossistes s'engagent à fournir les équipements sanitaires IS, dans la Communauté économique européenne, exclusivement aux clients suivants (article 4 point 3):

i) aux installateurs de sanitaires, c'est-à-dire aux entreprises " qui répondent, notamment sous l'angle professionnel et technique, à toutes les conditions requises par leur loi nationale en matière d'installation d'équipements sanitaires ", la garantie d'Ideal-Standard ne jouant que si ses équipements sanitaires sont placés par un installateur de sanitaires (préambule);

ii) à d'autres grossistes en sanitaires agréés par Ideal-Standard;

iii) exceptionnellement, aux maîtres d'ouvrages publics, professionnels et privés, dans la mesure où il est établi que les produits livrés ne seront pas utilisés à d'autres fins que l'installation destinée au maître d'ouvrage. En règle générale, Ideal-Standard approvisionne elle-même ces entreprises.

(4) Le 19 juillet 1983, la Commission a adressé à Ideal-Standard une communication des griefs dans laquelle elle mettait en cause la compatibilité des éléments du contrat de distribution IS au point 3 avec l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. Les objections de la Commission visaient surtout les conditions d'agréation des grossistes et le fait de limiter la revente aux seuls installateurs de sanitaires.

(5) En ce qui concerne les critères de sélection des grossistes, Ideal-Standard a soutenu que les critères, qui leur sont applicables en vertu de son contrat de distribution, correspondent aux fonctions de distribution propres aux grossistes du secteur en cause. L'entreprise a fait valoir que les grossistes sont contraints d'assurer des services de distribution particuliers tels que le stockage, l'information complémentaire, le service de réclamations, la fourniture des pièces de rechange, ainsi que l'exposition des marchandises. En effet, les installateurs de sanitaires ne disposent généralement pas d'un stock complet ni de salles d'exposition. Ils passent souvent au grossiste des commandes de détail destinées à un client particulier. IS a fait valoir en outre que, pour remplir la condition de spécialisation qui lui est imposée, il suffit au grossiste de créer un rayon spécialisé dans la vente d'articles sanitaires.

(6) Quant à la limitation de la revente aux seuls installateurs de sanitaires, Ideal-Standard a soutenu que les équipements sanitaires sont des semi-produits qui, en raison de leur complexité technique et de la nécessité de leur placement, exigent les conseils d'un expert et une installation dans les règles. Ideal-Standard a soutenu en outre que, en vertu du règlement allemand sur les conditions générales d'approvisionnement en eau (AVB WasserV) du 20 juin 1980, les utilisateurs sont contraints, en toute hypothèse, de confier les travaux d'installation d'un circuit d'eau dans leur maison et toute transformation d'un tel circuit d'eau à la compagnie de distribution des eaux ou à un installateur agréé par une compagnie de distribution des eaux. Il existerait des dispositions légales analogues dans les autres États membres de la Communauté économique européenne. Le contrat de distribution IS viserait à protéger les utilisateurs contre des risques en matière d'approvisionnement en eau, en confiant la vente et l'installation à des personnes spécialisées dans le domaine des équipements sanitaires. La limitation de la garantie d'IS aux produits installés par des installateurs de sanitaires serait également justifiée par le fait que les équipements sanitaires sont des semi-produits, qui exigent une installation selon les règles de l'art.

(7) Ideal-Standard a également soutenu que le contrat de distribution était indispensable pour empêcher des atteintes à la réputation des produits IS qui résulteraient d'offres d'appel lancées par des grands magasins utilisant les articles de la marque IS comme articles d'appel proposés à des prix fortement réduits. Le renom de la marque pourrait également souffrir du placement défectueux des produits par des bricoleurs peu experts, ceux-ci ayant tendance à rejeter sur le fabricant les défauts dus à leurs erreurs de pose.

(8) L'entreprise allègue encore que la distribution par d'autres canaux que les installateurs provoquerait sans doute chez ces derniers des réactions propres à réduire considérablement le chiffre d'affaires d'Ideal-Standard et à compromettre son existence même. Depuis 1979, certains grands magasins auraient procédé à des offres massives d'articles de la marque IS à prix réduits, ce qui aurait provoqué de vives réactions chez les associations des installateurs et réduit le chiffre d'affaires d'IS. Ideal-Standard soutient que l'introduction de son contrat de distribution se serait révélé indispensable pour empêcher un éventuel boycott de la part des installateurs. L'introduction du contrat de distribution IS aurait également répondu à l'introduction en République fédérale d'Allemagne du contrat de distribution de Hansa Metallwerke AG, qui est l'un de ses concurrents sur le marché allemand.

(9) Le contrat de distribution IS contribuerait également à maintenir la compétitivité des commerçants traditionnels spécialisés en sanitaires. Si les installateurs ne tiraient pas de leurs ventes des équipements sanitaires un minimum de bénéfices, ils devraient, en compensation, augmenter sensiblement les taux horaires de leur main-d'œuvre, que de nombreux utilisateurs ne seraient plus en mesure de payer, ce qui développerait considérablement le travail au noir et compromettrait l'existence du commerce en cause. Enfin, la Cour de justice, dans l'affaire Metro, aurait expressément reconnu l'intérêt légitime de fabricants à préserver les canaux de distribution traditionnels.

(10) Enfin, Ideal-Standard a contesté que son contrat de distribution ait un effet sensible sur les échanges entre États membres. En République fédérale d'Allemagne, seulement 1 % des grossistes approvisionnés par IS au moment où le contrat de distribution fut introduit, n'auraient pas signé ledit contrat et n'auraient plus ensuite été approvisionnés par Ideal-Standard. Au niveau du détail, pour 15 400 installateurs de sanitaires qui vendent des produits IS, seuls 300 à 400 vendeurs de matériel de construction ne seraient plus approvisionnés en produits de cette marque. En outre, l'introduction du contrat de distribution IS aurait incité les grandes surfaces à acheter plus d'équipements sanitaires aux petits fabricants et importateurs, renforçant ainsi la concurrence sur le marché des équipements sanitaires.

(11) Le VSI, représentant les grossistes en sanitaires et le ZVSHK, représentant les installateurs en sanitaires, ont soutenu la thèse d'Ideal-Standard dans la présente affaire. Les deux associations ont, entre autres, attiré l'attention sur le respect dû aux dispositions relatives à l'artisanat, à la loi contre le travail au noir, à la loi contre la concurrence déloyale et aux réglementations en matière de santé publique et de construction. Elles ont soumis à la Commission divers documents et rapports d'experts appuyant le point de vue d'IS. Ni Ideal-Standard ni les associations n'ont cependant contesté que les équipements sanitaires produits par d'autres fabricants, même des équipements très techniques et modernes tels que les mitigeurs monocommandes et les mélangeurs thermostatiques, sont également en vente dans les grands magasins et les quincailleries et, que, avant l'introduction du contrat de distribution IS, les produits IS eux-mêmes étaient offerts en masse dans ces points de vente. Elles ne nient pas non plus que les installateurs de sanitaires vendent à des consommateurs privés des matériels que les consommateurs placent eux-mêmes.

(12) Le BdSW, plaignant dans cette procédure, a fait valoir que les grossistes approvisionnent depuis bien longtemps les nouvelles formes de distribution sans qu'il y ait eu jusqu'à présent une limitation de ces ventes dans le domaine des équipements sanitaires. Il semble que les installateurs incitent depuis peu les principaux fabricants de la branche à introduire des systèmes de distribution restrictifs pour écarter totalement les offrants à prix réduits. Le contrat de distribution IS gênerait considérablement les détaillants qui ne sont pas aussi des installateurs agréés dans leur pays. Les bricoleurs peuvent en général se passer de conseils, la présentation des produits et la large normalisation du filetage et des raccords, ainsi que les instructions de montage jointes aux produits leur permettant de placer eux-mêmes les produits en cause. Dans la mesure où Ideal-Standard prétend que son système de distribution vise à écarter les risques en matière d'approvisionnement en eau, il ne peut invoquer aucun cas concret d'accident. Le danger résiderait plutôt dans la vétusté des équipements qui ne sont pas remplacés en temps utile. Au demeurant, l'élimination des risques incomberait aux pouvoirs publics, qui ont pris des mesures légales dans ce domaine, et non aux fabricants des équipements sanitaires.

II. APPRÉCATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(13) Le contrat de distribution IS établit un système de distribution sélective qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun d'une manière susceptible d'affecter sensiblement le commerce entre États membres.

(14) Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (voir affaire 26-76, Metro, Recueil 1977, p. 1875; affaire 31-80, l'Oréal, Recueil 1980, p. 3775; affaire 126-80, Salonia, Recueil 1981, p. 1563), les systèmes de distribution sélective constituent un élément de concurrence compatible avec l'article 85 paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire (" système de distribution sélective qualitatif "). À propos des critères " qualitatifs ", la Cour de justice a retenu qu'il est nécessaire aussi d'examiner si les propriétés du produit en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un système de distribution sélective, et s'il n'est pas déjà satisfait à ces objectifs par une réglementation nationale à l'accès à la profession de revendeurs ou les conditions de vente du produit en cause. Enfin, il convient de vérifier si les critères imposés ne dépassent pas les nécessités d'un système de distribution sélective basé sur les exigences qualitatives.

(15) Étant donné qu'il n'est pas évident que les équipements sanitaires constituent des produits de haute technicité et que les grossistes, en principe, ne vendent pas directement au consommateur final, mais à des détaillants, il est douteux, au moins au stade des grossistes. que les propriétés des produits en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, un système de distribution sélective. Il est dès lors douteux que même les critères purement qualitatifs soient compatibles avec l'article 85 paragraphe 1.Il s'agit en l'occurrence des obligations des grossistes IS relatives à l'installation d'un magasin ou d'un rayon spécialisé dans la vente d'articles sanitaires [article 3 point 1 lettre a)], à l'exposition des produits IS dans des locaux de vente bien appropriés et suffisamment grands [préambule et article 3 point 1 lettre b)], à l'emploi d'un personnel de vente qualifié possédant les connaissances techniques nécessaires pour conseiller efficacement la clientèle [article 3 point 1 lettre c)], et au maintien d'un parc automobile suffisant pour assurer un transport rapide et sans dommages à destination de l'installateur et/ou du chantier [article 3 point 1 lettre d)].

Il est aussi douteux que les obligations particulières en vue de la promotion des ventes des produits d'Ideal-Standard, à savoir l'obligation des grossistes de maintenir un stock de l'ensemble de l'assortiment IS [préambule et article 3 point 1 lettre b)] et l'obligation de promouvoir au mieux de leurs possibilités, la vente des produits IS (article 6 point 1), soient compatibles avec l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. L'obligation de stockage, au moins dans la mesure où celle-ci s'étend à l'ensemble de l'assortiment IS, peut avoir pour effet que les grossistes doivent promouvoir particulièrement la vente des produits IS, entraînant de ce fait l'exclusion d'autres fabricants d'équipements sanitaires.Aussi la multiplication d'obligations de stockage aussi étendues est un élément important dans ce contexte. Le même raisonnement s'applique à l'obligation de promouvoir la vente des produits IS au mieux de leurs possibilités, dans la mesure où cette obligation serait susceptible de limiter la liberté d'action des grossistes.

Il n'est cependant pas nécessaire d'examiner en détail la question de savoir si, en l'espèce, les obligations précitées tombent sous l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1, étant donné que le contrat de distribution IS contient une restriction importante de la revente, qui tombe de toute façon sous l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 et qui ne peut pas être exemptée selon l'article 85 paragraphe 3(voir points 16 et 20 à 22). La mise en œuvre du contrat de distribution IS dépend essentiellement de l'approvisionnement exclusif des installateurs de sanitaires.

(16) L'obligation des grossistes d'approvisionner exclusivement les installateurs de sanitaires constitue une restriction de concurrence relevant de l'article 85 paragraphe 1. Elle empêche les grossistes de vendre les produits IS aux détaillants qui ne sont pas installateurs de sanitaires. En outre, la garantie IS ne joue que si les produits IS sont placés par un installateur de sanitaires.

Cette restriction de la revente a pour effet d'empêcher dès l'abord tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs d'acheter et de vendre des produits IS dans l'ensemble du Marché commun. Cette exclusion vise tous les détaillants autres qu'installateurs, qu'il s'agisse de détaillants traditionnels, tels que les quincailliers, ou des formes modernes de distribution telles que les grandes surfaces, disposant ou non d'un rayon spécialisé. Cette limitation de la revente aux installateurs entraîne également l'exclusion des grossistes qui, tout en répondant aux conditions d'agréation, refusent de cesser d'approvisionner en produits IS des détaillants qui ne sont pas des installateurs. Ces grossistes ne sont plus approvisionnés par Ideal-Standard. La restriction visée entrave aussi la liberté concurrentielle des grossistes agréés en les empêchant de satisfaire la demande des autres détaillants non installateurs et, notamment, celle des grandes surfaces.

(17) La limitation de la garantie IS aux équipements sanitaires placés par des installateurs a pour objet et pour effet d'empêcher le consommateur final d'acheter des produits IS chez d'autres détaillants et d'exclure de cette façon ces autres détaillants de la vente des produits IS. Le jumelage de la prestation de la garantie avec le placement par un installateur affecte sensiblement les possibilités de vente des autres détaillants.

(18) Du fait que le contrat notifié d'Ideal-Standard s'étend à tout le territoire de la Communauté économique européenne (voir point 3), il est susceptible, de par sa nature, d'affecter le commerce entre États membres. L'incidence sur le commerce entre États membres résulte en particulier de la circonstance que les grossistes et détaillants, qui sont exclus de la distribution des produits IS, ne peuvent exporter ces produits dans d'autres États membres. Quant à l'effet sensible des restrictions de concurrence visées et de l'atteinte au commerce interétatique, l'exclusion de tous les grossistes qui refusent d'approvisionner exclusivement les installateurs de sanitaires et l'exclusion générale de tous les détaillants qui ne sont pas installateurs de sanitaires, font que lesdites restrictions sont, par nature, susceptibles d'influer sensiblement sur les échanges entre États membres. Cette influence sur les échanges entre États membres résulte également de la circonstance qu'Ideal-Standard détient des parts de marché non négligeables dans presque tous les pays de la Communauté économique européenne (voir point 2). Le fait, avancé par Ideal-Standard, que 1 % seulement des grossistes allemands qu'elle approvisionnait jadis n'ont pas signé le contrat de distribution et qu'elle réalise le plus gros de son chiffre d'affaires par l'intermédiaire des installateurs de sanitaires ne prouve nullement que les restrictions de concurrence visées ne soient pas susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre les États membres. Malgré le faible pourcentage des grossistes et détaillants non approvisionnés dans la République fédérale d'Allemagne, les entreprises exclues atteignent un nombre non négligeable s'il est rapporté à l'ensemble de la Communauté économique européenne. Enfin, le fait que l'introduction du contrat de distribution IS aurait permis aux petits fabricants et importateurs de vendre aux grandes surfaces une quantité plus grande des produits en cause ne change rien au fait que le contrat de distribution IS comporte des restrictions de concurrence importantes, qui sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres.

B. Article 85 paragraphe 3

(19) Le contrat de distribution IS ne répond pas aux conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3.

(20) La limitation des ventes aux installateurs de sanitaires ne répond pas aux conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3. Il s'agit en l'espèce d'une grave restriction à la concurrence, mise à charge des grossistes, qui exclut de la distribution des produits IS tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs. L'inconvénient qui résulte de cette restriction dépasse largement toute amélioration que pourrait entraîner, dans la distribution de ces produits, la vente exclusive par le truchement des installateurs de sanitaires.

La vente et le placement d'équipements sanitaires constituent deux prestations distinctes, qui peuvent être fournies par des entreprises différentes et le sont d'ailleurs effectivement depuis de nombreuses années.D'autres fabricants vendent leurs équipements sanitaires par l'intermédiaire de détaillants qui ne sont pas installateurs, tels que les quincailleries, centres de bricolage, vendeurs de matériel de construction et autres magasins à grande surface. Les produits IS ont eux-mêmes été vendus jusqu'en 1980 sans contrat de distribution et sans restriction de revente. Ils ont été offerts massivement dans les grandes surfaces. Les installateurs de sanitaires eux-mêmes vendent à des consommateurs privés des équipements sanitaires dont ils n'assurent pas le placement.

À supposer même que la vente des équipements sanitaires au consommateur final exige les conseils de personnel qualifié, il ne s'ensuit pas que la vente de ces produits sanitaires doive être réservée aux seuls installateurs. La vente de ces produits n'exige pas une formation spéciale en tant qu'installateur. L'acheteur pourrait très bien être conseillé par des vendeurs qualifiés susceptibles d'être employés par d'autres détaillants. Rien n'empêche ces autres détaillants de confier la vente desdits produits à un personnel de vente qualifié. Or, le contrat de distribution IS exclut dès l'abord tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs. Même en supposant - ce qui n'est nullement prouvé - que les installateurs de sanitaires soient plus qualifiés que d'autres détaillants pour conseiller l'acheteur, cet avantage ne compense pas les inconvénients liés à l'exclusion générale de tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs.

(21) La limitation de la revente aux seuls installateurs de sanitaires n'est en tout cas pas indispensable pour répondre à la prétendue nécessité de conseiller l'acheteur, car la vente et le placement d'équipements sanitaires sont deux prestations distinctes. À supposer même qu'une nécessité de conseiller l'acheteur final existât pour la vente d'équipements sanitaires, cette condition pourrait être remplie par des vendeurs qualifiés à cet effet, qui peuvent aussi être engagés par des détaillants non installateurs.

(22) La limitation de la garantie IS aux équipements sanitaires placés par des installateurs poursuit le même but que la limitation de la revente des équipements sanitaires IS aux installateurs sanitaires. Cette restriction supplémentaire relève dès lors du même traitement juridique que la restriction principale.

(23) Ideal-Standard, le VSI et le ZVSHK ont soutenu que, en vertu du règlement allemand portant conditions générales en matière d'approvisionnement en eau (AVB WasserV) et d'autres dispositions légales et réglementaires, le consommateur est de toute façon obligé de s'adresser à un installateur pour le placement des installations d'eau et les modifications importantes qui y seraient apportées. D'après eux, il existe des législations analogues dans les autres États membres de la Communauté économique européenne (voir point 6).

Pour ce qui est de l'AVB WasserV, il convient de relever que ce règlement n'interdit en rien la vente d'équipements sanitaires par des détaillants qui ne sont pas des installateurs. Le AVB WasserV n'oblige pas davantage le fabricant de veiller à ce que le placement des équipements sanitaires soit réservé à des installateurs. Ce règlement oblige seulement l'utilisateur à faire effectuer certains aménagements ou modifications de l'installation d'eau par un installateur de sanitaires. La loi allemande prévoit donc que l'utilisateur devra, dans un certain nombre de cas, s'adresser à un installateur pour le placement des produits destinés à l'approvisionnement en eau. Des réglementations analogues existent dans d'autres États membres de la Communauté économique européenne.

Le législateur ayant prévu l'obligation de s'adresser à un installateur pour exécuter certains travaux aux installations d'eau, le fabricant n'a plus à prévoir d'autres règles de droit privé pour régir ces prestations. En toute hypothèse, l'utilisateur est obligé de faire appel à un installateur de sanitaires pour toute installation ou modification importante et dangereuse touchant à son installation d'eau. Un contrat de distribution ne peut avoir pour objet d'empêcher le placement ou le remplacement d'équipements sanitaires dans une mesure qui dépasse celle prévue par le législateur. L'utilisateur, qui ne veut pas acheter ces produits auprès d'un installateur de sanitaires, doit être libre d'en faire l'acquisition auprès d'un autre détaillant et de les placer lui-même ou - s'il doute de ses propres capacités ou que la loi l'en empêche - de confier à un installateur de sanitaires le placement des produits ainsi achetés.

(24) Ideal-Standard a également soutenu que son contrat de distribution était indispensable pour empêcher le dommage que causeraient à sa renommée les offres d'appel des grandes surfaces et le placement incorrect par des bricoleurs (voir point 7). En ce qui concerne les offres d'appel, pareils abus sont contrôlables au moyen des lois et règlements nationaux sur la concurrence déloyale. Dans la mesure où le placement incorrect par des bricoleurs est invoqué pour expliquer des atteintes possibles à la renommée de la marque IS, ce motif se base sur un préjugé sommaire et non vérifié dans les faits et sur une condamnation globale injustifiée du travail des consommateurs non professionnels. Au demeurant, l'on constate qu'Ideal-Standard n'a apporté aucune preuve concrète d'un prétendu placement non professionnel de ses produits par des bricoleurs. Même si le placement se révélait incorrect dans un cas particulier, il n'est nullement prouvé que l'utilisateur final en rejetterait la responsabilité sur le produit du fabricant. Il constatera lui-même son erreur ou un technicien la lui fera remarquer. À noter encore que, en règle générale, les bricoleurs ne placent des équipements sanitaires que lorsqu'ils remplacent des pièces aux points de débit de l'eau car, en vertu de la loi, pour les transformations importantes à l'installation principale, l'utilisateur doit s'adresser en toute circonstance à un installateur de sanitaires. Au reste, il est prouvé que les installateurs eux-mêmes vendent aux consommateurs privés des équipements sanitaires sans les placer. Dans pareil cas, le contrat de distribution IS n'empêche pas un hypothétique placement incorrect par les bricoleurs, même si ceux-ci s'approvisionnent chez des installateurs de sanitaires. À supposer même que l'affirmation d'Ideal-Standard puisse être prouvée d'une manière satisfaisante, il n'y aurait pas là un motif suffisant pour exclure dès l'abord tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs.

(25) Enfin, Ideal-Standard a fait valoir qu'elle risque de perdre la clientèle des installateurs et que le commerce spécialisé traditionnel des installateurs risque de disparaître (voir points 8 et 9).

En ce qui concerne le risque que les installateurs de sanitaires se détournent d'Ideal-Standard, il convient de noter tout d'abord que la plupart des autres producteurs d'équipements sanitaires livrent aux détaillants autres que des installateurs. Dès lors, Ideal-Standard n'est pas désavantagé par rapport à ces autres producteurs et ne doit pas craindre que les installateurs de sanitaires ne s'adressent à ces autres producteurs. La Commission refusant simultanément à Grohe l'exemption de son contrat de distribution, qui est similaire au contrat notifié par Ideal-Standard, IS n'a pas davantage à craindre que les installateurs ne passent chez ce concurrent. Quant au contrat de distribution de Hansa Metallwerke, il convient de noter que ce contrat de distribution, qui fait par ailleurs l'objet d'une décision d'interdiction de la part du Bundeskartellamt, ne s'applique que dans la République fédérale d'Allemagne. Le contrat de Hansa ne peut justifier l'introduction par IS d'un contrat de distribution, qui viole les règles de la concurrence du traité CEE et qui s'étend à l'ensemble du Marché commun.

Dans la mesure où Ideal-Standard a prétendu que l'approvisionnement des grandes surfaces aurait eu une incidence défavorable sur son chiffre d'affaires, le recul du chiffre d'affaires d'IS n'est pas nécessairement imputable aux réactions des installateurs. La diminution du chiffre d'affaires d'IS peut résulter d'autres causes, telles que le recul général du marché de la construction, une concurrence accrue ou précisément le fait que les détaillants non installateurs soient exclus de la distribution des produits de IS.

(26) En ce qui concerne le risque pour la survie du commerce traditionnel des installateurs de sanitaires, la même remarque s'impose, à savoir que la protection de l'existence des installateurs ne justifie pas l'exclusion générale de toutes les autres formes de distribution. Ideal-Standard s'appuie sur l'arrêt Metro selon lequel le maintien des canaux traditionnels de distribution répond à l'intérêt légitime d'un fabricant et soutient que son contrat de distribution vise à garantir aux installateurs une marge bénéficiaire minimale sur la vente des équipements sanitaires afin de maintenir à un taux bas le coût horaire de la main-d'œuvre assurée par les installateurs et de permettre ainsi la survie de ceux-ci.

La Cour de justice a dit pour droit dans l'affaire Metro que la préoccupation de maintenir un certain niveau de prix correspondant à celle du maintien, dans l'intérêt du consommateur, de la possibilité pour ce canal de distribution de subsister à côté de formes de distribution nouvelles axées sur une politique concurrentielle de nature différente, rentre dans le cadre des objectifs qui peuvent être poursuivis. Dans l'affaire Metro, il ne s'agissait cependant pas d'un contrat de distribution qui excluait d'une manière générale, et dès l'abord, certaines formes de distribution. Dans l'affaire précitée, la Cour de justice a établi expressément que les conditions mises par SABA à l'agréation de la qualité de grossiste, peuvent, pour une large part, être remplies sans inconvénient par les grossistes en libre service (voir attendu n° 50). Or, le contrat de distribution IS a pour effet d'exclure de la concurrence tous les détaillants qui ne sont pas des installateurs.

(27) En outre, dans l'affaire AEG-Telefunken (affaire 107-82, Recueil 1983, p. 3151), la Cour de justice a établi que le maintien d'un certain niveau de prix n'est licite que " dans la mesure où il est strictement justifié par les exigences du système à l'intérieur duquel la concurrence doit continuer à exercer la fonction que lui confère le traité ". En effet, l'objectif d'un tel système est uniquement " l'amélioration de la concurrence en tant qu'elle porte sur des éléments autres que les prix " et non " la garantie d'une marge bénéficiaire élevée pour les revendeurs agréés " (attendu n° 42). Une limitation de la concurrence sur les prix n'est donc admissible que dans la mesure où une telle limitation apparaît comme nécessaire pour améliorer la concurrence au niveau des prestations du commerce spécialisé. Or, si de telles prestations étaient également fournies par des magasins à grande surface ou d'autres nouvelles formes de distribution qui, " grâce à leur type d'organisation, seraient en mesure de les fournir à un prix moins élevé, le maintien d'une marge bénéficiaire minimale viendrait à être privé de toute justification, en ce que cette marge ne servirait plus à garantir une concurrence sur des éléments autres que le prix " (attendu n° 73).

Il ressort de cet arrêt que le maintien d'une forme de distribution traditionnelle ne peut se justifier par la seule nécessité de la protéger contre les prix inférieurs pratiqués par d'autres formes de distribution. Puisque rien n'empêche les autres détaillants de répondre à la nécessité de conseiller les acheteurs d'équipements sanitaires - à supposer qu'une telle nécessité existe pour la vente d'équipements sanitaires -, ils sont en mesure de fournir les mêmes prestations de vente que les installateurs de sanitaires. Dans la mesure où les autres détaillants fournissent ces prestations à des prix inférieurs, il en résulte une concurrence effective entre les installateurs et les autres détaillants sur le marché des équipements sanitaires. Le simple fait que certaines formes de distribution, tout en assurant les mêmes prestations, vendent les produits en cause à des prix sensiblement inférieurs, ne justifie pas la restriction de la revente aux seuls installateurs sanitaires.

(28) Enfin, il faut remarquer que l'activité de placement des installateurs n'est pas compromise dans la mesure où elle répond à un véritable besoin et fait l'objet d'une demande suffisante de la part des consommateurs. Les dispositions légales obligent d'ailleurs les utilisateurs à confier l'installation d'alimentation en eau et les transformations importantes à celle-ci à un installateur de sanitaires. De même, le législateur a interdit, dans la plupart des États membres de la Communauté économique européenne, le travail au noir. Il n'appartient pas à un fabricant d'intervenir, au moyen de contrats de droit privé, dans ces domaines qui touchent à l'intérêt public.

Il ressort des considérations qui précèdent que les restrictions de concurrence constatées aux points 16 et 17 enfreignent les dispositions de l'article 85 paragraphe 1, sans justifier une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3.

(29) Le 22 novembre 1984, Ideal-Standard a informé la Commission de ce qu'elle changera son contrat de distribution notifié de telle manière qu'à l'avenir celui-ci ne s'appliquera plus qu'en République fédérale d'Allemagne. Pour tenir compte de cette information, la présente décision de la Commission constate seulement que le contrat de distribution IS, tel que notifié le 6 janvier 1981, viole l'article 85 paragraphe 1 pour la période allant du 6 janvier 1981 à la date où la modification du contrat notifié aura effectivement lieu. La décision de la Commission est nécessaire afin de clarifier la situation juridique du contrat IS pendant ladite période à l'égard des tiers. La Commission se réserve le droit de statuer sur un contrat de distribution s'appliquant uniquement à la République fédérale d'Allemagne,

A arrêté la présente décision:

Article premier

Le contrat de distribution IS, notifié le 6 janvier 1981, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, dans la mesure où il:

i) oblige les grossistes à livrer les équipements sanitaires IS, dans le Marché commun, exclusivement aux installateurs de sanitaires qui répondent, notamment sous l'angle professionnel et technique, à toutes les conditions requises par leur loi nationale en matière d'installation d'équipements sanitaires,

et

ii) limite la garantie d'Ideal-Standard aux équipements sanitaires placés par des installateurs de sanitaires.

Article 2

La demande de délivrance d'une attestation négative ou d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE en faveur du contrat de distribution IS notifié le 6 janvier 1981 est rejetée.

Article 3

La présente décision est destinée à:

Ideal-Standard GmbH, Euskirchener Strasse 80, D - 5300 Bonn I.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.

(3) Selon l'article 21 paragraphe 2 du règlement n° 17, les secrets professionnels ne sont pas publiés au Journal officiel.