CJCE, 6e ch., 4 mars 1999, n° C-258/97
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hospital Ingenieure Krankenhaustechnik Planungs-Gesellschaft mbH (HI)
Défendeur :
Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Kapteyn
Avocat général :
M. Saggio
Juges :
MM. Hirsch, Murray, Ragnemalm, Schintgen
Avocats :
Mes Rainer Kurbos, Messiner
LA COUR (sixième chambre),
1 Par ordonnance du 8 juillet 1997, parvenue à la Cour le 17 juillet suivant, l'Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 89-665-CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), et de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Hospital Ingenieure Krankenhaustechnik Planungs-Gesellschaft mbH (HI) (ci-après la "demanderesse") à la Landeskrankenanstalten-Betriebsgesellschaft (société de gestion des hôpitaux du Land, ci-après la "défenderesse"), à propos de l'attribution d'un marché de services concernant le projet de construction d'un hôpital pédiatrique à Klagenfurt.
Le droit communautaire
3 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 89-665, dans sa version résultant de l'article 41 de la directive 92-50, est libellé comme suit:
"1. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant du champ d'application des directives 71-305-CEE, 77-62-CEE et 92-50-CEE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l'objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles suivants, et notamment à l'article 2, paragraphe 7, au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit."
4 L'article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 89-665 prévoit:
"2. Les États membres veillent à ce qu'il n'y ait, entre les entreprises susceptibles de faire valoir un préjudice dans le cadre d'une procédure d'attribution de marché, aucune discrimination du fait de la distinction opérée par la présente directive entre les règles nationales transposant le droit communautaire et les autres règles nationales.
3. Les États membres assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché public de fournitures ou de travaux déterminé et ayant été ou risquant d'être lésée par une violation alléguée. En particulier, ils peuvent exiger que la personne qui souhaite utiliser une telle procédure ait préalablement informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de son intention d'introduire un recours."
5 L'article 2 de la même directive dispose:
"1. Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l'article 1er prévoient les pouvoirs permettant:
a) de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d'empêcher d'autres dommages d'être causés aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché public en cause ou de l'exécution de toute décision prise par les pouvoirs adjudicateurs;
b) d'annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l'appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;
c) d'accorder des dommages-intérêts aux personnes lésées par une violation.
...
7. Les États membres veillent à ce que les décisions prises par les instances responsables des procédures de recours puissent être exécutées de manière efficace.
8. Lorsque les instances responsables des procédures de recours ne sont pas de nature juridictionnelle, leurs décisions doivent toujours être motivées par écrit. En outre, dans ce cas, des dispositions doivent être prises pour garantir les procédures par lesquelles toute mesure présumée illégale prise par l'instance de base compétente ou tout manquement présumé dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés doit pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel ou d'un recours auprès d'une autre instance qui soit une juridiction au sens de l'article 177 du traité et qui soit indépendante par rapport au pouvoir adjudicateur et à l'instance de base.
La nomination des membres de cette instance indépendante et la cessation de leur mandat sont soumises aux mêmes conditions que celles applicables aux juges en ce qui concerne l'autorité responsable de leur nomination, la durée de leur mandat et leur révocabilité. Au moins le président de cette instance indépendante doit avoir les mêmes qualifications juridiques et professionnelles qu'un juge. L'instance indépendante prend ses décisions à l'issue d'une procédure contradictoire, et ces décisions ont, par les moyens déterminés par chaque État membre, des effets juridiques contraignants."
6 Les articles 8, 9 et 10 de la directive 92-50 disposent:
Article 8
"Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l'annexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI."
Article 9
"Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l'annexe I B sont passés conformément aux articles 14 et 16."
Article 10
"Les marchés qui ont pour objet à la fois des services figurant à l'annexe I A et des services figurant à l'annexe I B sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI lorsque la valeur des services figurant à l'annexe I A dépasse celle des services figurant à l'annexe I B. Dans les autres cas, le marché est passé conformément aux articles 14 et 16."
7 En vertu de l'article 168 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21), la directive 92-50 devait être transposée en droit autrichien avant le 1er janvier 1995.
Le droit autrichien
8 En ce qui concerne le Land de Carinthie, la directive 89-665 a été transposée par le Kärntner Auftragsvergabegesetz (loi du Land de Carinthie sur la passation des marchés publics), entré en vigueur le 1er janvier 1994 (LGBl. n_ 55-1994). Dans la section VIII ("voies de recours"), l'article 59 I prévoit que la procédure de passation de marchés publics au sens de ladite loi est soumise au contrôle de l'Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten (organe administratif indépendant chargé d'assurer le contrôle de légalité des actes de l'administration du Land, ci-après l'"UVK").
9 Les dispositions relatives à cet organe sont rassemblées dans une loi spéciale, le Kärntner Verwaltungssenatsgesetz (LGBl. n_ 104-1990). Cette loi régit en particulier les attributions dudit organe, sa composition et son indépendance.
10 Il est constant que, dans le Land de Carinthie, la transposition de la directive 92-50 n'a pris effet qu'au 1er juillet 1997.
Les questions préjudicielles
11 La demanderesse a présenté une offre lors d'une procédure de passation de marché organisée par la défenderesse, qui avait pour objet la construction d'un hôpital pédiatrique à Klagenfurt. L'adjudication portait sur une série de services d'ingénierie, comprenant des activités de planification, de conseil et d'étude pour les différentes installations médicales.
12 Après l'attribution du marché à la société viennoise CMT Medizintechnik Gesellschaft mbH, la demanderesse, qui avait elle-même participé à la procédure d'appel d'offres, a introduit un recours devant l'UVK en soutenant que la procédure d'adjudication était entachée d'illégalité en raison de la violation de la réglementation communautaire sur les marchés publics de services.
13 Estimant ne pas être en mesure de se prononcer sur le litige dont il était saisi sans avoir obtenu des éclaircissements sur l'interprétation des directives 89-665 et 92-50, l'UVK a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les cinq questions préjudicielles suivantes:
"1) L'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665-CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, doit-il être interprété en ce sens que l'Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten remplit les conditions requises pour être considéré comme une instance responsable des procédures de recours en matière de services ?
2) Ces dispositions, ou d'autres dispositions, de la directive 89-665-CEE du Conseil, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, dont découle un droit individuel à la mise en œuvre d'une procédure de recours devant les autorités ou juridictions correspondant aux dispositions de l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665-CEE, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles sont suffisamment déterminées et concrètes pour permettre à un particulier, en cas de non-transposition de la directive en cause par l'État membre, de lui opposer ce droit avec succès dans une procédure ?
3) Les dispositions combinées de l'article 41 de la directive 92-50-CEE et de la directive 89-665-CEE, qui fondent un droit des particuliers à la mise en œuvre d'une procédure de recours, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'une juridiction nationale qui a les compétences de l'Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten peut, lors de la mise en œuvre d'une procédure de recours en vertu des dispositions du droit national, telles celles des articles 59 et suivants du Kärntner Auftragsvergabegesetz (loi du Land de Carinthie sur la passation des marchés publics) et des règlements adoptés en vertu de ce dernier, écarter les dispositions du droit national lorsque la mise en œuvre d'une procédure de recours au titre du Kärntner Auftragsvergabegesetz y fait obstacle pour l'attribution de marchés publics de services et, par conséquent, mettre néanmoins en œuvre une procédure de recours au titre de la huitième section du Kärntner Auftragsvergabegesetz ?
4) Les prestations visées dans l'exposé des faits doivent-elles être considérées, au vu de l'article 10 de la directive 92-50-CEE, comme des services figurant à l'annexe I A de la directive 92-50-CEE, catégorie 12 (services d'architecture; services d'ingénierie et services intégrés d'ingénierie; services d'aménagement urbain et d'architecture paysagère; services connexes de consultations scientifiques et techniques; services d'essais et d'analyses techniques) ?
5) Les dispositions de la directive 92-50-CEE doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles remplissent les conditions définies sous le point 12 de l'arrêt du 14 décembre 1974, Van Duyn, concernant l'application directe d'une directive communautaire, de sorte que les services figurant à l'annexe I A de la directive doivent être attribués dans le cadre de la procédure y visée, ou que les dispositions de la directive, afférentes aux services visés à l'annexe I A, sont de nature à remplir les conditions définies dans l'arrêt précité ?"
Sur la première question
14 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si des dispositions telles que celles qui régissent sa composition et son fonctionnement répondent aux conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665.
15 Il y a lieu de rappeler que cette dernière disposition a trait aux organes responsables des procédures de recours contre les décisions prises par les instances de base compétentes en matière d'adjudication des marchés publics rentrant dans le champ d'application de ladite directive.
16 En vertu de l'article 2, paragraphe 8, premier alinéa, de la directive 89-665, les États membres peuvent choisir entre deux solutions pour l'organisation du système de contrôle des marchés publics.
17 La première solution consiste à attribuer la compétence pour connaître des recours à des instances de nature juridictionnelle. Selon la seconde solution, cette compétence est, dans un premier temps, attribuée à des organes qui ne constituent pas de telles instances. Dans ce cas, les décisions prises par ces instances doivent pouvoir faire l'objet soit d'un recours juridictionnel, soit d'un recours auprès d'une autre instance, laquelle doit alors répondre aux exigences particulières prévues à l'article 2, paragraphe 8, second alinéa, de la directive 89-665 afin de garantir un recours adéquat (arrêt du 4 février 1999, Köllensperger, C-103-97, non encore publié au Recueil, point 29).
18 Or, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 12 à 14 de ses conclusions, un organisme tel que l'UVK possède toutes les caractéristiques requises pour que lui soit reconnue la qualité de juridiction au sens de l'article 177 du traité.
19 Il en résulte que, si, comme dans un cas tel que celui de l'affaire au principal, l'instance responsable des recours est de nature juridictionnelle, les exigences particulières prévues à l'article 2, paragraphe 8, second alinéa, de la directive 89-665 ne s'appliquent pas.
20 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la juridiction de renvoi que les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665 ne s'appliquent pas à des instances dont la composition et le fonctionnement sont régis par des règles telles que celles qui caractérisent cette juridiction.
Sur les deuxième et troisième questions
21 Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 2, paragraphe 8, ou d'autres dispositions de la directive 89-665 doivent être interprétés en ce sens que, en l'absence d'une transposition de la directive 92-50 à l'échéance du délai prévu à cet effet, les instances de recours des États membres compétentes en matière de procédure de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, instaurées en vertu dudit article 2, paragraphe 8, sont également habilitées à connaître des recours aux procédures de passation des marchés publics de services.
22 A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord que, dans les arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C-54-96, Rec. p. I-4961, point 40), et du 24 septembre 1998, Tögel (C-76-97, non encore publié au Recueil, point 22), la Cour a relevé qu'il appartient à l'ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels, dérivés de l'ordre juridique communautaire, étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d'assurer, dans chaque cas, une protection effective de ces droits. Sous cette réserve, il n'appartient pas à la Cour d'intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, au plan de l'organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit communautaire.
23 Aux points 41 et 23 respectivement des mêmes arrêts, la Cour a ensuite constaté que l'article 41 de la directive 92-50, tout en obligeant les États membres à prendre les mesures nécessaires pour garantir des recours efficaces en matière de marchés publics de services, n'indique pas les instances nationales compétentes et n'exige pas non plus que ces instances soient les mêmes que celles que les États membres ont désignées en matière de marchés publics de fournitures et de travaux.
24 Il est toutefois constant que, à la date à laquelle la demanderesse a introduit son recours devant l'UVK, la directive 92-50 n'avait pas été transposée dans le Land de Carinthie. En effet, la loi effectuant cette transposition n'est entrée en vigueur que le 1er juillet 1997.
25 Eu égard à de telles circonstances, la Cour a rappelé, aux points 43 et 25 respectivement des arrêts Dorsch Consult et Tögel, précités, que l'obligation des États membres, découlant d'une directive, d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l'article 5 du traité CE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation s'imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Elle en a déduit que, en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article 189, troisième alinéa, du même traité (voir arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106-89, Rec. p. I-4135, point 8; du 16 décembre 1993, Wagner Miret, C-334-92, Rec. p. I-6911, point 20, et du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325, point 26).
26 Aux points 44 et 26 respectivement des arrêts Dorsch Consult et Tögel, précités, la Cour a, en outre, relevé que la question de la désignation d'une instance compétente pour connaître des recours en matière de marchés publics de services est pertinente même en l'absence de transposition de la directive 92-50. En effet, dans le cas où un État membre a omis de prendre les mesures d'exécution requises, ou a adopté des mesures non conformes à une directive, la Cour a, sous certaines conditions, reconnu le droit, pour les justiciables, d'invoquer en justice une directive à l'encontre d'un État membre défaillant. Si cette garantie minimale ne saurait servir de justification à un État membre pour se dispenser de prendre, en temps utile, des mesures adéquates à l'objet de chaque directive (voir, notamment, arrêt du 2 mai 1996, Commission/Allemagne, C-253-95, Rec. p. I-2423, point 13), elle peut néanmoins avoir pour effet d'habiliter les justiciables à invoquer, à l'encontre d'un État membre, les dispositions matérielles de la directive 92-50.
27 Enfin, aux points 45 et 27 respectivement des mêmes arrêts, la Cour a rappelé que, si les dispositions nationales ne peuvent pas être interprétées de manière conforme à la directive 92-50, les intéressés peuvent demander, selon les procédures appropriées du droit national, la réparation des dommages subis en raison de l'absence de transposition de la directive dans le délai prescrit (voir, notamment, arrêt du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178-94, C-179-94, C-188-94 à C-190-94, Rec. p. I-4845).
28 Il convient par conséquent de répondre aux deuxième et troisième questions que ni l'article 2, paragraphe 8, ni les autres dispositions de la directive 89-665 ne peuvent être interprétés en ce sens que, en l'absence de transposition de la directive 92-50 à l'échéance du délai prévu à cet effet, les instances de recours des États membres compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics de fournitures et de travaux, instaurées en vertu de l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665, sont également habilitées à connaître des recours relatifs à des procédures de passation de marchés publics de services. Toutefois, les exigences d'une interprétation du droit national conforme à la directive 92-50 et d'une protection effective des droits des justiciables imposent à la juridiction nationale de vérifier si les dispositions pertinentes du droit national permettent de reconnaître aux justiciables un droit de recours en matière de passation de marchés publics de services. Dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la juridiction nationale est en particulier tenue de vérifier si ce droit de recours peut être exercé devant les mêmes instances que celles prévues en matière de passation de marchés publics de fournitures et de travaux.
Sur la quatrième question
29 Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande si des prestations de services telles que celles ayant fait l'objet de l'appel d'offres de la défenderesse relèvent de la catégorie 12 de l'annexe I A de la directive 92-50.
30 La catégorie 12 de l'annexe I A de la directive 92-50 comporte les services d'architecture, les services d'ingénierie et services intégrés d'ingénierie, les services d'aménagement urbain et d'architecture paysagère, les services connexes de consultations scientifiques et techniques et les services d'essais et d'analyses techniques.
31 Pour les raisons indiquées par M. l'avocat général au point 25 de ses conclusions, il est évident que des services tels que ceux ayant fait l'objet de l'appel d'offres de la défenderesse relèvent de la catégorie 12 de l'annexe I A de la directive 92-50.
32 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que des prestations de services telles que celles ayant fait l'objet de l'appel d'offres de la défenderesse, et qui concernent des travaux relatifs à l'élaboration et à l'exécution de projets pour la construction d'une clinique pédiatrique dans un hôpital et des installations médicales correspondantes, relèvent de l'annexe I A, catégorie 12, de la directive 92-50.
Sur la cinquième question
33 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si les dispositions de la directive 92-50 peuvent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales.
34 Ainsi que la Cour l'a rappelé au point 42 de l'arrêt Tögel, précité, selon une jurisprudence constante (arrêt du 20 septembre 1988, Beentjes, 31-87, Rec. p. 4635, point 40), dans tous les cas où des dispositions d'une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer à l'encontre de l'État, soit lorsque celui-ci s'abstient de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu'il en fait une transposition incorrecte.
35 Il convient donc d'examiner si les dispositions en cause de la directive 92-50 apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises pour être invoquées par un particulier à l'encontre de l'État.
36 A cet égard, il y a lieu d'observer tout d'abord que, ainsi qu'il a été jugé au point 44 de l'arrêt Tögel, précité, les dispositions du titre I, concernant le champ d'application matériel et personnel de la directive, et du titre II, relatif aux procédures applicables aux marchés ayant pour objet des services figurant aux annexes I A et I B, sont inconditionnelles et suffisamment précises pour être invoquées devant une juridiction nationale.
37 Il a également été jugé, au point 45 de l'arrêt Tögel, précité, que, en vertu des articles 8 à 10, qui font partie du titre II, les pouvoirs adjudicateurs sont obligés, d'une manière inconditionnelle et précise, de passer les marchés publics de services en application de procédures nationales conformes aux dispositions des titres III à VI pour les services relevant totalement ou principalement de l'annexe I A et des articles 14 et 16 pour les services relevant totalement ou principalement de l'annexe I B. L'article 14 constitue le titre IV, tandis que l'article 16 figure sous le titre V.
38 Enfin, la Cour a jugé dans le même arrêt Tögel, point 46, que les dispositions détaillées des titres III à VI de la directive 92-50, qui concernent le choix des procédures de passation et les règles applicables aux concours, les règles communes dans le domaine technique et de publicité, ainsi que celles relatives aux critères de participation, de sélection et d'attribution, sont, sous réserve d'exceptions et de nuances qui ressortent de leur libellé, inconditionnelles et suffisamment claires et précises pour être invoquées par les prestataires devant les juridictions nationales.
39 Il convient donc de répondre à la cinquième question posée que les dispositions des titres I et II de la directive 92-50 peuvent être invoquées directement par les particuliers devant les juridictions nationales. Quant aux dispositions des titres III à VI, elles peuvent également être invoquées par un particulier devant une juridiction nationale dans la mesure où il ressort de l'examen individuel de leur libellé qu'elles sont inconditionnelles et suffisamment claires et précises.
Sur les dépens
40 Les frais exposés par le Gouvernement autrichien ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre),
Statuant sur les questions à elle soumises par l'Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten, par ordonnance du 8 juillet 1997, dit pour droit:
1) Les conditions énoncées à l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665-CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, ne s'appliquent pas à des instances dont la composition et le fonctionnement sont régis par des règles telles que celles qui caractérisent cette juridiction.
2) Ni l'article 2, paragraphe 8, ni les autres dispositions de la directive 89-665 ne peuvent être interprétés en ce sens que, en l'absence de transposition de la directive 92-50-CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, à l'échéance du délai prévu à cet effet, les instances de recours des États membres compétentes en matière de procédures de passation de marchés publics de fournitures et de travaux, instaurées en vertu de l'article 2, paragraphe 8, de la directive 89-665, sont également habilitées à connaître des recours relatifs à des procédures de passation de marchés publics de services. Toutefois, les exigences d'une interprétation du droit national conforme à la directive 92-50 et d'une protection effective des droits des justiciables imposent à la juridiction nationale de vérifier si les dispositions pertinentes du droit national permettent de reconnaître aux justiciables un droit de recours en matière de passation de marchés publics de services. Dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la juridiction nationale est en particulier tenue de vérifier si ce droit de recours peut être exercé devant les mêmes instances que celles prévues en matière de passation de marchés publics de fournitures et de travaux.
3) Des prestations de services telles que celles ayant fait l'objet de l'appel d'offres de la défenderesse, et qui concernent des travaux relatifs à l'élaboration et à l'exécution de projets pour la construction d'une clinique pédiatrique dans un hôpital et des installations médicales correspondantes, relèvent de l'annexe I A, catégorie 12, de la directive 92-50.
4) Les dispositions des titres I et II de la directive 92-50 peuvent être invoquées directement par les particuliers devant les juridictions nationales. Quant aux dispositions des titres III à VI, elles peuvent également être invoquées par un particulier devant une juridiction nationale dans la mesure où il ressort de l'examen individuel de leur libellé qu'elles sont inconditionnelles et suffisamment claires et précises.