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Décisions

CJCE, 5e ch., 4 décembre 1997, n° C-253/96

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kampelmann e.a., Stadtwerke Witten GmbH, Haseley

Défendeur :

Landschaftsverband Westfalen-Lippe, Schade, Stadtwerke Altena GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wathelet (faisant fonction)

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Moitinho de Almeida, Edward, Jann, Sevón

Avocats :

Mes Geil, Hahn, Berrisch

CJCE n° C-253/96

4 décembre 1997

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par ordonnances du 9 juillet 1996, parvenues à la Cour le 23 juillet suivant, le Landesarbeitsgericht Hamm a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 91-533-CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32, ci-après la "directive").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre de plusieurs litiges opposant MM. Kampelmann, Tilsch, Klingelhöfer et Schmidt au Landschaftsverband Westfalen-Lippe (ci-après le "Landschaftsverband"), dans les affaires C-253-96 à C-256-96, Stadtwerke Witten GmbH (ci-après "Stadtwerke Witten") à M. Schade, dans l'affaire C-257-96, et M. Haseley à Stadtwerke Altena GmbH (ci-après "Stadtwerke Altena"), dans l'affaire C-258-96, à propos du refus de leur employeur de les promouvoir au grade supérieur, au motif qu'ils n'auraient pas prouvé avoir l'ancienneté nécessaire dans l'exercice des fonctions correspondant au niveau et à la qualification pertinents, nonobstant les informations écrites en sens contraire que leur avait transmises leur employeur plusieurs années auparavant.

La directive

3 Selon son deuxième considérant, la directive vise à "mieux protéger les travailleurs salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits et à offrir une plus grande transparence sur le marché du travail".

4 A cet effet, l'article 2, paragraphe 1, de la directive prévoit que l'employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié auquel la directive s'applique les éléments essentiels du contrat ou de la relation du travail. Le paragraphe 2 énumère les éléments sur lesquels doit porter l'information. Parmi ces éléments figurent:

"c) i) le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d'emploi en lesquels le travailleur est occupé

ou ii) la caractérisation ou la description sommaires du travail;

...

h) le montant de base initial, les autres éléments constitutifs ainsi que la périodicité de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit;

..."

5 Aux termes de l'article 2, paragraphe 3, "L'information sur les éléments visés au paragraphe 2, points f), g), h) et i), peut, le cas échéant, résulter d'une référence aux dispositions législatives, réglementaires, administratives ou statutaires ou aux conventions collectives régissant les matières y visées".

6 Conformément à l'article 3, paragraphe 1,

"L'information sur les éléments visés à l'article 2, paragraphe 2, peut résulter de la remise au travailleur, deux mois au plus tard après le début de son travail:

a) d'un contrat de travail écrit et/ou b) d'une lettre d'engagement et/ou

c) d'un ou de plusieurs autres documents écrits, dès lors que l'un de ces documents comporte au moins l'ensemble des éléments visés à l'article 2, paragraphe 2, points a), b), c), d), h) et i)".

7 L'article 6 précise que

"La présente directive ne porte pas atteinte aux législations et/ou pratiques nationales en matière de:

- forme de contrat ou de la relation de travail,

- régime des preuves de l'existence et du contenu du contrat ou de la relation de travail,

- règles procédurales applicables en la matière."

8 Enfin, il ressort de l'article 9, paragraphe 1, de la directive que les États membres devaient adopter les dispositions nécessaires pour s'y conformer au plus tard le 30 juin 1993. L'article 9, paragraphe 2, ajoute:

"Les États membres prennent les mesures nécessaires afin d'assurer que, pour un contrat ou une relation de travail existant à l'entrée en vigueur des dispositions qu'ils adoptent, l'employeur remette au travailleur qui en fait la demande, dans un délai de deux mois à partir de la réception de celle-ci, le ou les documents visés à l'article 3, le cas échéant complétés en application de l'article 4, paragraphe 1."

Le droit allemand

9 La directive a été transposée en droit allemand par le Nachweisgesetz du 20 juillet 1995 (loi relative à l'information sur les conditions essentielles applicables à une relation de travail, BGBl. I, p. 946).

10 En vertu de l'article 2, paragraphe 1, point 5, de la loi, qui transpose l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive, le document d'information doit comporter "la dénomination ou la description générale de l'activité qui doit être exercée par le travailleur".

11 En outre, en vertu de l'article 4 de la loi allemande, transposant l'article 9, paragraphe 2, de la directive, "Si la relation de travail existait déjà à l'entrée en vigueur de la présente loi, un document écrit visé à l'article 2 devra être remis au travailleur à sa demande dans un délai de deux mois". Toutefois, selon la même disposition, "L'employeur est dispensé de cette obligation si un document établi précédemment ou un contrat de travail écrit comportent les éléments exigés".

Les affaires C-253-96 à C-256-96

12 MM. Kampelmann, Tilsch, Klingelhöfer et Schmidt sont des agents techniques employés par le Landschaftsverband, chargé notamment de la construction et de l'entretien des routes de la région de Westfalen-Lippe et de la gestion de plusieurs services de la voirie du Land.

13 Chacun d'eux a été informé par écrit par son employeur du grade et du niveau d'activité auxquels il se situait. Après plusieurs années, en 1991 et 1992, les intéressés ont sollicité une promotion au grade supérieur, mais se sont heurtés au refus du Landschaftsverband au motif que l'évaluation de l'activité qui leur avait été notifiée précédemment était incorrecte et que leurs activités correspondaient en réalité, selon l'employeur, à un niveau d'activité inférieur, lequel ne pouvait pas être pris en compte pour le classement au grade supérieur selon les conventions collectives applicables.

14 MM. Kampelmann, Tilsch, Klingelhöfer et Schmidt ont alors saisi l'Arbeitsgericht compétent d'une demande visant à faire constater leur classement au grade supérieur.

15 Les demandes ont été rejetées au motif, pour l'essentiel, que les demandeurs n'avaient pas prouvé qu'ils avaient effectivement l'ancienneté nécessaire dans le grade et au niveau d'activité requis pour pouvoir prétendre à l'avancement au mérite revendiqué. Le classement auquel avait procédé le Landschaftsverband antérieurement a en effet été jugé sans pertinence.

16 Les intéressés ont alors interjeté appel de ces jugements devant le Landesarbeitsgericht Hamm.

Les affaires C-257-96 et C-258-86

17 MM. Schade et Haseley sont employés respectivement par Stadtwerke Witten et par Stadtwerke Altena, entreprises publiques regroupant les services de distribution d'énergie des villes respectives.

18 M. Haseley, en 1987, et M. Schade, en 1991, ont été informés par une lettre de leur employeur qu'ils avaient été promus à un grade supérieur de la grille des rémunérations. Néanmoins, en 1992, leurs employeurs ont refusé de prendre en compte le classement ainsi communiqué pour octroyer aux intéressés un avancement au mérite au motif que leurs fonctions n'avaient pas été correctement évaluées et qu'elles ne pouvaient justifier le classement au grade supérieur.

19 Les travailleurs ont alors introduit une action devant l'Arbeitsgericht compétent en vue d'obtenir un classement au grade supérieur.

20 La demande de M. Schade a été accueillie, l'Arbeitsgericht ayant estimé que l'activité qu'il avait exercée impliquait non seulement des connaissances approfondies et étendues dans la spécialité en cause, mais également une autonomie d'action, et que, partant, il remplissait les conditions requises pour bénéficier d'une promotion au grade supérieur.

21 En revanche, la demande de M. Haseley a été rejetée au motif que l'intéressé n'avait pas prouvé que les tâches qu'il exécutait satisfaisaient aux critères d'activité pertinents du grade concerné.

22 Un appel a été interjeté dans ces deux affaires devant le Landesarbeitsgericht Hamm.

Les questions préjudicielles

23 Se référant à l'article 2, paragraphe 2, de la directive, le Landesarbeitsgericht Hamm s'interroge sur le point de savoir si le droit communautaire n'implique pas un renversement de la charge de la preuve, de telle sorte que ce serait à l'employeur qu'il incomberait de prouver, dans les litiges au principal, que le classement précédemment communiqué par écrit était erroné. A défaut de cette preuve, le travailleur ne devrait plus, selon cette conception, établir que ses fonctions correspondaient effectivement au grade et au niveau d'activité initialement communiqués, mais il devrait seulement prouver que les autres conditions auxquelles est subordonné le classement au grade supérieur, en particulier l'ancienneté minimale, sont remplies.

24 Compte tenu de ce qui précède, le Landesarbeitsgericht Hamm a décidé de poser à la Cour, dans les affaires C-253-96 à C-256-96, les questions suivantes:

"1) Puisque la directive du Conseil du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (91-533-CEE, JO L 288, p. 32), vise, selon son deuxième considérant, à `protéger les travailleurs salariés contre une éventuelle méconnaissance de leurs droits et à offrir une plus grande transparence sur le marché du travail', les dispositions de son article 2 ont-elles pour but d'alléger la charge de la preuve qui pèse sur le travailleur, de façon à ce que la liste minimum figurant à l'article 2, paragraphe 2, de la directive évite que le travailleur se trouve dans l'impossibilité de produire la preuve des points énumérés, lorsqu'il fait valoir ses droits contractuels dans les litiges portés devant la juridiction du travail?

2) Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la première question, les dispositions de l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive sont-elles directement applicables depuis le 1er juillet 1993 à l'encontre de l'État, agissant comme employeur avec un statut de droit privé,

- parce que la République fédérale d'Allemagne n'a pas (complètement) transposé la directive au 30 juin 1993, date à laquelle a expiré le délai imparti pour sa transposition,

- parce que les dispositions citées de la directive sont, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et donc applicables sans autre acte de transposition,

- parce que la directive accorde au travailleur individuellement des droits à l'encontre de l'État agissant comme employeur?

3) Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la deuxième question, parmi les éléments relatifs à `la qualité ou à la catégorie d'emploi' que l'employeur est tenu de communiquer en vertu de l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive, la valeur du poste doit-elle être entendue en ce sens que le travailleur doit pouvoir déceler, à partir du classement dans un grade et à un niveau d'activité donnés qui lui est communiqué, lorsque son classement dans la grille des rémunérations arrêtée par la convention collective implique obligatoirement qu'il réponde aux critères d'un certain niveau d'activité dans un grade, s'il a vocation à un avancement au mérite?

4) Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la troisième question, l'information communiquée en vertu de l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive a-t-elle un effet contraignant tel que l'employeur doit s'en tenir à la valeur du poste communiquée au travailleur salarié aussi longtemps qu'il n'a pas produit la preuve du caractère incorrect du classement, ou au moins aussi longtemps qu'il n'a pas clairement démontré au travailleur salarié - par exemple sous la forme d'une évaluation du poste de travail - qu'il l'a classé par erreur de manière incorrecte ou que la valeur de l'activité a baissé avec le temps ou en raison d'une modification de la convention collective?

5) Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la quatrième question, la transposition en droit allemand des dispositions de l'article 9, paragraphe 2, de la directive, par la loi du 20 juillet 1995 (BGBl. I, p. 946), selon laquelle l'employeur est dispensé de l'obligation de remettre au travailleur un document écrit, dans le cas d'une relation de travail existant à l'entrée en vigueur de la loi, `pour autant qu'un document établi précédemment ou un contrat de travail écrit comporte les éléments exigés' (article 4, deuxième phrase, de la loi), doit-elle être considérée comme conforme au droit communautaire, de telle manière que ces documents anciens conformes aux exigences de la directive transposée, ou directement applicable faute de transposition, continuent à être valables, si bien que l'employeur, lorsqu'il procède à une nouvelle communication - en l'espèce celle de la rémunération au cours de la procédure - en contradiction avec la première, doit prouver l'exactitude matérielle de la nouvelle communication?"

25 Dans les affaires C-257-96 et C-258-96, le Landesarbeitsgericht Hamm a également posé à la Cour cinq questions dont les trois premières sont identiques aux trois premières questions reproduites ci-dessus.

26 En revanche, la quatrième question, dans ces mêmes affaires, est ainsi rédigée:

"Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la troisième question, la communication adressée au travailleur, en vertu de l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive, l'informant qu'il est classé à un certain grade d'une grille de rémunération, comportant des niveaux d'activité superposés, qui exigent tous des connaissances approfondies et étendues dans la spécialité et qui ne se distinguent que par le degré d'autonomie d'action, a-t-elle un effet tel que le travailleur peut se prévaloir du classement qui lui a été communiqué par l'employeur au point qu'il n'a plus à établir et à prouver les connaissances approfondies et étendues dans la spécialité, mais seulement le degré d'autonomie d'action requis pour le classement au grade supérieur auquel il vise, dès lors que son classement dans le grade communiqué par l'employeur implique l'existence de connaissances approfondies et étendues dans la spécialité?"

27 Quant à la cinquième question, elle est, dans l'affaire C-258-96, identique à la cinquième question reproduite ci-dessus, tandis que, dans l'affaire C-257-96, elle est libellée dans des termes légèrement différents de ceux des autres affaires:

"Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la quatrième question, la transposition en droit allemand des dispositions de l'article 9, paragraphe 2, de la directive, par la loi du 20 juillet 1995 (BGBl. I, p. 946), selon laquelle l'employeur est dispensé de l'obligation de remettre au travailleur un document écrit, dans le cas d'une relation de travail existant à l'entrée en vigueur de la loi, `pour autant qu'un document établi précédemment ou un contrat de travail écrit comporte les éléments exigés' (article 4, deuxième phrase, de la loi), doit-elle être considérée comme conforme au droit communautaire, de telle manière que ces documents anciens conformes aux exigences de la directive transposée, ou directement applicable faute de transposition, continuent à être valables, si bien que l'employeur, lorsqu'il procède à une nouvelle communication - modifiant en l'espèce le début de la prise en compte de l'ancienneté - en contradiction avec la première, doit prouver l'exactitude matérielle de la nouvelle communication?"

28 Il ressort du dossier que, à l'exception de l'affaire C-257-96, les affaires en cause trouvent leur origine dans le refus de l'employeur de promouvoir les travailleurs intéressés, à une date antérieure à l'expiration du délai de transposition de la directive, et ce nonobstant les informations écrites sur leurs grade et niveau d'activité qu'il leur avait transmises plusieurs années auparavant. De même, à l'exception des affaires C-254-96 et C-257-96, les recours ont été introduits devant la juridiction nationale également avant l'expiration de ce délai. Dans ces conditions, il incombe à la juridiction de renvoi d'examiner, au regard du droit national, si les litiges au principal peuvent ou doivent être réglés par application de la directive.

En ce qui concerne les première et quatrième questions

29 Par ses première et quatrième questions, qu'il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi se demande si la communication visée à l'article 2, paragraphe 1, de la directive, en tant qu'elle informe le travailleur sur les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, et en particulier sur les éléments visés à l'article 2, paragraphe 2, sous c), a pour effet de lier l'employeur aussi longtemps qu'il n'en prouverait pas le caractère erroné.

30 Il y a lieu de rappeler d'abord qu'il découle de l'article 6 de la directive que les règles nationales relatives à la charge de la preuve ne sont pas, comme telles, affectées par la directive.

31 Toutefois, il importe de souligner que, aux fins énoncées dans le deuxième considérant de la directive, l'article 2, paragraphe 1, de celle-ci impose à l'employeur l'obligation de porter à la connaissance du travailleur salarié les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, visés à son paragraphe 2.

32 Or, un tel objectif ne serait pas atteint si le travailleur n'était pas admis à utiliser, à aucune fin de preuve, devant les juridictions nationales, en particulier en cas de litige sur les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, l'information contenue dans la communication visée à l'article 2, paragraphe 1.

33 Il en résulte qu'il incombe aux juridictions nationales d'appliquer et d'interpréter les règles nationales relatives à la charge de la preuve à la lumière de la finalité de la directive, en attribuant à la communication visée à l'article 2, paragraphe 1, de celle-ci une force probante telle qu'elle puisse être considérée comme un élément susceptible de démontrer la réalité des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail et qu'elle soit, de ce fait, revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait, dans l'ordre juridique interne, à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur.

34 En l'absence de régime de preuve établi par la directive elle-même, il convient d'ajouter que l'établissement des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ne saurait dépendre de la seule communication faite par l'employeur au titre de l'article 2, paragraphe 1, de la directive. L'employeur doit dès lors être autorisé à apporter toute preuve contraire, en démontrant soit que les informations contenues dans la communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits.

35 Il convient, en conséquence, de répondre aux première et quatrième questions posées que la communication visée à l'article 2, paragraphe 1, de la directive, en tant qu'elle informe le travailleur sur les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, et en particulier sur les éléments visés à l'article 2, paragraphe 2, sous c), est revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait, dans l'ordre juridique interne, à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur. L'employeur doit cependant être admis à apporter toute preuve contraire en démontrant soit que les informations contenues dans ladite communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits.

En ce qui concerne la deuxième question

36 Il résulte de la deuxième question que le juge de renvoi cherche en substance à savoir si l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive peut être invoqué directement devant les juridictions nationales par les particuliers.

37 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une disposition d'une directive a effet direct si elle apparaît, du point de vue de son contenu, inconditionnelle et suffisamment précise (arrêt du 19 janvier 1982, Becker, 8-81, Rec. p. 53).

38 En l'espèce, il y a lieu de constater que l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive énumère de manière claire et sans équivoque certains éléments essentiels du contrat que l'employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur, à savoir "le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d'emploi en lesquels le travailleur est occupé" ou "la caractérisation ou la description sommaires du travail".

39 La circonstance que cette disposition offre la faculté à l'État de choisir entre deux catégories d'information à communiquer au travailleur n'exclut pas que l'on puisse déterminer avec une précision suffisante, sur la base des seules dispositions de la directive, le contenu des droits ainsi conférés aux particuliers, dont l'étendue, pour chacune des branches de l'alternative, ne laisse place à aucune marge d'appréciation dans le chef de l'État membre (voir arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6-90 et C-9-90, Rec. p. I-5357, point 17).

40 Il y a donc lieu de constater que les dispositions en cause sont inconditionnelles et suffisamment précises pour que les particuliers puissent s'en prévaloir directement devant les juridictions nationales soit lorsque l'État s'est abstenu de transposer dans les délais prescrits la directive en droit national, soit lorsqu'il en a fait une transposition incorrecte.

41 En l'occurrence, il convient de constater que la directive a été transposée dans l'ordre juridique allemand par la loi du 20 juillet 1995. Depuis l'expiration du délai de transposition jusqu'à cette dernière date, les particuliers étaient donc en droit d'invoquer directement les dispositions en cause de la directive devant les juridictions nationales en vue d'obtenir, à titre de garantie minimale, le bénéfice des droits que la directive attache à l'une ou à l'autre des catégories d'information à communiquer au travailleur, visées à son article 2, paragraphe 2, sous c).

42 S'agissant de la période postérieure à la transposition de la directive, les dispositions en cause de celle-ci ne sauraient être utilement invoquées par les particuliers que si les mesures nationales de transposition ne sont pas correctes ou suffisantes, au regard de la directive.

43 A cet égard, le Landschaftsverband, le gouvernement allemand et la Commission soulignent que le législateur allemand a opté pour la possibilité visée à l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive, en imposant à l'employeur l'obligation de communiquer par écrit "la dénomination ou la description générale de l'activité qui doit être exercée par le travailleur".

44 Il y a lieu de rappeler que, selon la seconde option prévue à l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié la caractérisation ou la description sommaires du travail. Or, la simple dénomination d'une activité ne saurait correspondre, dans tous les cas, à la caractérisation ni à la description, même sommaire, du travail effectué par le travailleur.

45 En conséquence, l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive peut être invoqué directement par les particuliers devant les juridictions nationales, même après l'entrée en vigueur de la loi de transposition.

46 Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une directive ne peut pas par elle-même créer d'obligations dans le chef d'un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre (voir, notamment, arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91-92, Rec. p. I-3325, point 20). En revanche, elle peut être invoquée à l'encontre d'organismes ou d'entités soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers, tels que des collectivités territoriales ou des organismes qui, quelle que soit leur forme juridique, ont été chargés en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public (arrêts du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo, 103-88, Rec. p. 1839, point 31, et du 12 juillet 1990, Foster e.a., C-188-89, Rec. p. I-3313, point 19).

47 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive peut être invoqué directement devant les juridictions nationales par les particuliers à l'encontre de l'État et de tout organisme ou entité soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers, soit lorsque l'État s'est abstenu de transposer dans les délais prescrits la directive en droit national, soit lorsqu'il en a fait une transposition incorrecte. L'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive s'oppose à ce qu'un État membre, transposant cette disposition, permette à l'employeur de limiter, dans tous les cas, l'information à communiquer au travailleur à la seule dénomination de son activité.

En ce qui concerne la troisième question

48 Par la troisième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d'interpréter l'expression "qualité" ou "catégorie d'emploi" contenue à l'article 2, paragraphe 2, sous c), i), de la directive.

49 Dès lors que le législateur allemand, ainsi qu'il ressort du point 43 du présent arrêt, a opté pour la catégorie d'éléments visée à l'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question posée (voir, notamment, arrêts du 16 juin 1981, Salonia, 126-80, Rec. p. 1563, point 6, et du 26 septembre 1985, Thomasdünger, 166-84, Rec. p. 3001, point 11).

En ce qui concerne la cinquième question

50 Par la cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 9, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il autorise les États membres à dispenser l'employeur de l'obligation d'informer par écrit le travailleur des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, même à la demande de ce dernier, lorsqu'un document ou un contrat de travail établi antérieurement à l'entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive fait déjà mention de tels éléments.

51 Aux termes de l'article 9, paragraphe 2, de la directive, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d'assurer que, pour un contrat ou une relation de travail existant à l'entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive, l'employeur remette au travailleur, qui en fait la demande, les documents comportant l'information visée à l'article 2, paragraphe 2, de la directive.

52 Une disposition nationale, tel l'article 4 de la loi allemande du 20 juillet 1995, qui dispense l'employeur, en présence d'un document ou d'un contrat préexistant comportant les éléments essentiels visés par la directive, de l'obligation d'informer le travailleur, alors que celui-ci en ferait la demande, est compatible avec l'article 9, paragraphe 2, de la directive. En effet, compte tenu de la finalité de celle-ci, il serait inutile d'imposer à l'employeur l'obligation de communiquer une nouvelle fois, après l'entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive, les éléments essentiels d'une relation ou d'un contrat de travail préexistant lorsque ces éléments, demeurés inchangés, ont déjà été communiqués au travailleur concerné.

53 Il y a lieu, en conséquence, de répondre à la cinquième question posée que l'article 9, paragraphe 2, de la directive doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que les États membres puissent dispenser l'employeur de l'obligation d'informer par écrit le travailleur des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, même à la demande de ce dernier, lorsqu'un document ou un contrat de travail établi antérieurement à l'entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive fait déjà mention de tels éléments.

Sur les dépens

54 Les frais exposés par les gouvernements allemand et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

Statuant sur les questions à elle soumises par le Landesarbeitsgericht Hamm, par ordonnances du 9 juillet 1996, dit pour droit:

1) La communication visée à l'article 2, paragraphe 1, de la directive 91-533-CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation du travail, en tant qu'elle informe le travailleur sur les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, et en particulier sur les éléments visés à l'article 2, paragraphe 2, sous c), est revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait, dans l'ordre juridique interne, à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur. L'employeur doit cependant être admis à apporter toute preuve contraire en démontrant soit que les informations contenues dans ladite communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits.

2) L'article 2, paragraphe 2, sous c), de la directive 91-533 peut être invoqué directement devant les juridictions nationales par les particuliers à l'encontre de l'État et de tout organisme ou entité soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers, soit lorsque l'État s'est abstenu de transposer dans les délais prescrits la directive en droit national, soit lorsqu'il en a fait une transposition incorrecte. L'article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive 91-533 s'oppose à ce qu'un État membre, transposant cette disposition, permette à l'employeur de limiter, dans tous les cas, l'information à communiquer au travailleur à la seule dénomination de son activité.

3) L'article 9, paragraphe 2, de la directive 91-533 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que les États membres puissent dispenser l'employeur de l'obligation d'informer par écrit le travailleur des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail, même à la demande de ce dernier, lorsqu'un document ou un contrat de travail établi antérieurement à l'entrée en vigueur des mesures de transposition de la directive fait déjà mention de tels éléments.