CA Douai, 1re ch., 23 septembre 2002, n° 02-00935
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SRPNE (Sté), FACEN SA
Défendeur :
Guillemard
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gosselin
Conseillers :
Mmes Hirigoyen, Turlin
Avoué :
SCP Masurel Thery
Avocats :
Me Durieux, SCP Lhomme Huchet Jougla.
Faits et procédure
Par acte en date du 30 septembre 1999, Christian Guillemard a assigné la société Facen devant le Tribunal de grande instance de Lille en paiement de la somme de 1 800 000 F au titre de l'indemnité de rupture anticipée d'un contrat d'agent commercial outre dommages-intérêts et frais irrépétibles.
En défense, la société Facen a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie et désigné le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing comme compétent en faisant valoir que Monsieur Guillemard ne pouvait se prévaloir du statut d'agent commercial mais devait être considéré comme un mandataire indépendant ayant la qualité de commerçant.
Suivant jugement rendu le 17 janvier 2002, le Tribunal de grande instance de Lille a rejeté l'exception d'incompétence et ordonné la réouverture des débats pour les conclusions de la société Facen sur le fond de l'affaire.
La société SRPNE, aux droits de la société Facen, a formé un contredit le 1er février 2002.
Aux termes de sa déclaration de contredit, elle sollicite la réformation du jugement et le renvoi de la cause devant le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing outre l'allocation de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 28 mai 2002, Christian Guillemard demande à la cour de confirmer le jugement contredit et de condamner la société SRPNE à lui payer la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs:
La question de compétence soumise à la Cour dépend de la qualification du contrat conclu entre la SA Facen et Christian Guillemard pour la période antérieure au 1er octobre 1998.
Aux termes de la lettre du 23 juillet 1997 organisant leurs relations, la SA Facen consentait à Monsieur Guillemard qui l'acceptait "un contrat de mandataire ou d'agent commercial indépendant à convenir entre nous" avec mise à disposition à partir du 1er septembre 1997 et pour une durée d'un an d'un local au Havre dont l'aménagement, l'entretien, les frais, taxes et assurances étaient pris en charge par la société.
Il était demandé à Monsieur Guillemard de créer et développer avec le personnel de son choix, rémunéré par ses soins, une distribution spécialisée en éclairage et en génie climatique, complémentaire au réseau de distribution générale de matériel électrique de la société Facen, les ventes devant être effectuées sous l'enseigne C2G Ecolum, département spécialisé de Facen.
Par ailleurs, Monsieur Guillemard s'engageait à établir une promesse de vente unilatérale relative à la clientèle développée au terme de la première année d'activité c'est-à-dire au 31 août 1998.
En contrepartie, en cas d'acceptation de la promesse de vente, la société Facen devait payer "une valeur de fonds de commerce égale à 3 % du chiffre d'affaires KF réalisé durant ces 12 mois par C2G Ecolum" et offrir à Monsieur Guillemard et à son fils un contrat de travail salarié.
Dans le cas contraire, Monsieur Guillemard était délié de tout engagement vis-à-vis de la société Facen et pouvait poursuivre l'exploitation de son entreprise ou céder celle-ci, le nom Ecolum demeurant toutefois la propriété de Facen.
Par lettre du même jour (23 juillet 1997), la société Facen a confirmé l'accord en précisant: "Nous vous confions la gérance en tant que mandataire indépendant de notre agence CG Ecolum du Havre".
Différentes ventes sont intervenues dans ce cadre pour lesquelles Monsieur Guillemard a perçu la rémunération convenue soit une part d'un tiers de la masse bénéficiaire brute outre une commission de 2,5 % du montant hors taxes des affaires identifiées comme apportées aux autres agences de la Facen.
Dans un second temps, la société Facen a racheté la clientèle développée sous la dénomination C2G Ecolum conformément à la promesse de vente consentie par Monsieur Guillemard et a régularisé deux contrats de travail au profit de ce dernier et de son fils, engagés respectivement comme chef d'agence du point de ventes C2G Ecolum et technico-commercial à partir du 1er octobre 1998.
Les relations entre la société Facen et Christian Guillemard ont cessé à la date du 30 décembre 1999 par suite de la démission de ce dernier.
Il est constant que durant la période antérieure à son emploi salarié, Monsieur Guillemard n'a pas procédé à son immatriculation au registre des agents commerciaux.
Si cette formalité n'est pas une condition d'octroi du statut d'agent commercial, il est décisif de noter que Monsieur Guillemard s'était immatriculé au registre du commerce le 31 octobre 1997 pour l'activité de distribution de matériel éclairage et génie climatique, exercée en nom personnel sous l'enseigne C2G, avec début d'exploitation au 1er octobre 1997 et création de fondset qu'il a sollicité sa radiation à compter du 30 septembre 1998 pour cause de cessation d'activité avec disparition du fonds.
Cette immatriculation qui correspond à une activité identique à celle exercée dans le cadre du mandat confié par la société Facen contredit la revendication du statut d'agent commercial étant observé de surcroît que Monsieur Guillemard déclarait ses commissions comme bénéfices industriels et commerciaux ainsi qu'il ressort de la liasse fiscale relative à l'exercice 1998.
Dans ces conditions et alors que le contrat tel que confirmé par la lettre visant exclusivement la qualité de mandataire indépendant n'implique pas la qualité d'agent commercial qu'on ne peut pas davantage déduire de l'exclusivité des relations entre Monsieur Guillemard et la société Facen, force est de constater que la preuve du contrat d'agent commercial allégué n'est pas rapportée.
Par suite, le litige se présente comme opposant deux personnes commerçantes.
Il convient de réformer le jugement contredit pour faire droit à l'exception d'incompétence et d'ordonner le renvoi devant le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter ses frais irrépétibles.
Par ces motifs: Réforme le jugement contredit, Déclare la juridiction saisie incompétente, Dit que l'affaire relève de la compétence du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, Ordonne le renvoi de l'affaire à cette juridiction pour le jugement sur le fond, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Monsieur Guillemard aux dépens de première instance et de contredit.