CJCE, 17 juin 2003, n° C-383/01
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
De Danske Bilimportører
Défendeur :
Skatteministeriet, Told- og Skattestyrelsen
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Puissochet (faisant fonction)
Présidents de chambre :
MM. Wathelet, Schintgen
Avocat général :
M. Jacobs
Juges :
MM. Gulmann, La Pergola, Jann, Skouris, von Bahr, Cunha Rodrigues, Mmes Macken, Colneric
Avocats :
Mes Dyekjær-Hansen, Ryhl, Hagel-Sørensen, Fiorilli
LA COUR
1. Par ordonnance du 26 septembre 2001, parvenue à la Cour le 5 octobre suivant, l'Østre Landsret a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 28 CE et 30 CE.
2. Les questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant De Danske Bilimportører (ci-après "DBI"), association professionnelle d'importateurs de voitures, au Skatteministeriet (ministère des Impôts et Accises danois) au sujet du prélèvement d'une taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles neufs.
Le cadre juridique
Les dispositions communautaires
3. Les articles 23 CE à 31 CE, qui forment le titre I, intitulé "La libre circulation des marchandises", du traité CE, instituent une union douanière et interdisent les restrictions quantitatives aux échanges entre les États membres.
4. En particulier, l'article 25 CE dispose:
"Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal."
5. En outre, aux termes de l'article 28 CE, "[l]es restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres". L'article 29 CE renferme une interdiction identique pour les exportations.
6. Toutefois, aux termes de l'article 30 CE:
"Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux [...]. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres."
7. Les articles 90 CE à 93 CE, forment le chapitre 2, intitulé "Dispositions fiscales", du titre VI, intitulé "Les règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations", du traité.
8. L'article 90 CE dispose:
"Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions."
La législation nationale
9. La lov om registreringsafgift af motorkøretøjer (loi relative à la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles), dans sa rédaction résultant de la codification n° 222, du 14 avril 1999, applicable à l'époque des faits au principal, prévoit le prélèvement d'une taxe, dite "taxe d'immatriculation", sur les véhicules automobiles neufs. Cette taxe, perçue lors de la première immatriculation du véhicule sur le territoire national, est assise sur le prix d'achat. Son taux est de 105 % sur une première tranche fixée annuellement et de 180 % sur le solde du prix. En 1999, la première tranche était de 52 800 DKK.
10. Par ailleurs, le prix servant d'assiette à la taxe inclut déjà 25 % de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'une majoration forfaitaire de 9 % pour tenir compte de la marge du distributeur, quelle que soit la marge effectivement prélevée par ce dernier.
11. Il ressort du dossier que l'objet principal de la taxe d'immatriculation est d'alimenter les ressources fiscales, bien que d'autres considérations, telles la protection de l'environnement et la sécurité routière, puissent également être à la base de sa perception.
12. La taxe étant perçue lors de la première immatriculation du véhicule au Danemark, mais non lors de reventes ultérieures, elle est également perçue lors de l'importation au Danemark d'un véhicule d'occasion.
13. Avant 1990, la taxe d'immatriculation était appliquée aux véhicules d'occasion importés d'une façon qui ne reflétait pas de manière adéquate la dépréciation de leur valeur. Aussi, dans son arrêt du 11 décembre 1990, Commission/Danemark (C-47-88, Rec. p. I-4509), la Cour a-t-elle jugé que, en percevant une taxe d'immatriculation sur les voitures d'occasion importées généralement assise sur une valeur forfaitaire supérieure à la valeur réelle du véhicule, avec pour conséquence que les véhicules automobiles d'occasion importés étaient taxés plus lourdement que les véhicules automobiles d'occasion vendus au Danemark après y avoir été préalablement immatriculés, le Royaume de Danemark avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 95 du traité CEE (devenu article 95 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 90 CE).
14. Dans son recours en manquement ayant donné lieu audit arrêt, la Commission contestait également la compatibilité de la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles neufs avec l'article 95 du traité, eu égard en particulier à son niveau très élevé.
15. La Cour a toutefois rejeté cette allégation de manquement après avoir considéré que l'article 95 du traité ne pouvait être invoqué à l'encontre d'impositions intérieures frappant des produits importés, en l'absence de production nationale similaire ou concurrente, et que, en particulier, cet article ne permettait pas de censurer le caractère excessif du niveau de taxation que les États membres pourraient arrêter pour des produits donnés en l'absence de tout effet discriminatoire ou protecteur (arrêt Commission/Danemark, précité, point 10).
16. La Cour a certes souligné, au point 12 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, que, ainsi qu'elle l'avait jugé dans l'arrêt du 4 avril 1968, Stier (31-67, Rec. p. 347), les États membres ne peuvent pas frapper les produits qui, à défaut de production intérieure comparable, échappent à l'application des prohibitions de l'article 95 du traité de taxes d'un montant tel que la libre circulation des marchandises à l'intérieur du Marché commun serait, en ce qui concerne ces produits, compromise. Elle a toutefois ajouté, au point 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, qu'une telle atteinte à la libre circulation des marchandises ne saurait être appréciée éventuellement qu'à la lumière de l'article 30 du traité CEE (devenu article 30 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 28 CE) et des articles suivants. Or, le recours de la Commission dans ladite affaire n'était pas fondé sur ceux-ci.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17. Il convient de constater, à titre liminaire, que, ainsi qu'il ressort du dossier, il n'existe pas au Danemark de production de véhicules automobiles. Au cours de la période comprise entre 1985 et 2000, le nombre total de véhicules immatriculés dans cet État membre est passé de 1 501 000 à 1 854 000 et le nombre de nouvelles immatriculations a oscillé entre 78 453 et 169 492 par an.
18. En janvier 1999, DBI a acheté un véhicule neuf de la marque Audi, destiné à l'usage de son directeur, pour un prix total (y compris les frais de livraison) de 498 546 DKK, dont 297 456 DKK de taxe d'immatriculation.
19. Estimant que cette taxe avait été perçue en violation, notamment, de l'article 28 CE, DBI a demandé son remboursement aux autorités fiscales, en se prévalant en particulier des points 12 et 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité. Selon elle, le montant exorbitant de la taxe d'immatriculation rendait impossible l'importation des véhicules automobiles au Danemark à des conditions commerciales normales, au profit des achats domestiques de véhicules d'occasion déjà immatriculés, lesquels devaient être considérés comme des produits danois, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêts Commission/Danemark, précité, point 17, et du 3 février 2000, Dounias, C-228-98, Rec. p. I-577, point 42).
20. Le Skatteministeriet a répondu que, selon la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt Dounias, précité, point 39), les contributions fiscales ne peuvent pas relever de l'article 28 CE, la licéité d'impositions intérieures ne pouvant être appréciée qu'à la lumière de l'article 90 CE. Il a ajouté que, dans son arrêt du 5 avril 1990, Commission/Grèce (C-132-88, Rec. p. I-1567, point 17), la Cour a constaté que, en l'état actuel du droit communautaire, les États membres restent libres de soumettre des produits comme les voitures à un système de taxes dont le montant augmente progressivement en fonction d'un critère objectif et que l'article 95 du traité ne permet pas de censurer le caractère excessif du niveau de taxation que les États membres pourraient arrêter pour des produits donnés sur la base de considérations de politique sociale.
21. Selon le Skatteministeriet, la réserve formulée par la Cour aux points 12 et 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, ne viserait que les cas où, à la suite d'une imposition intérieure, les échanges portant sur le produit en question cessent ou représentent un volume insignifiant. Or, la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles ne serait pas prohibitive et le parc automobile danois serait comparable à celui qui existe dans d'autres États membres.
22. C'est dans ces conditions que l'Østre Landsret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:
"1) Un impôt indirect perçu par un État membre (une taxe d'immatriculation) qui s'élève, pour les voitures neuves, à 105 % de 52 800 DKK et à 180 % du reste de la valeur imposable, peut-il constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation et, partant, être interdit par l'article 28 CE (voir, à cet égard, point 13 de l'arrêt du 11 décembre 1990, Commission/Danemark, C-47-88, Rec. p. I-4509)?
2) Au cas où la première question appellerait une réponse affirmative, la taxe d'immatriculation peut-elle être justifiée par des raisons qui sont mentionnées à l'article 30 CE ou qui résultent de la jurisprudence de la Cour dans le domaine de l'article 28 CE (voir arrêt du 20 février 1979, Rewe Zentral, [dit "Cassis de Dijon",] 120-78, Rec. p. 649)?"
Sur la première question préjudicielle
23. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, si l'article 28 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose, en principe, au prélèvement d'une taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles neufs, telle la taxe d'immatriculation en cause au principal.
Observations soumises à la Cour
24. DBI fait valoir, en substance, que la taxe d'immatriculation danoise entrave la libre circulation des véhicules neufs dès lors que, en raison de son montant exorbitant, elle empêche l'importation de ces marchandises au Danemark à des conditions commerciales normales, tout en profitant aux achats nationaux de véhicules d'occasion déjà immatriculés au Danemark, lesquels devraient être considérés comme des produits danois. Ladite taxe constituerait ainsi une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 28 CE.
25. La requérante au principal fonde son analyse sur les points 12 et 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, d'où il ressortirait que les taxes d'un montant tel qu'elles compromettent la libre circulation des marchandises peuvent être appréciées à la lumière de l'article 28 CE.
26. Le Gouvernement danois soutient que la taxe d'immatriculation ne peut être considérée comme une restriction quantitative à l'importation interdite par l'article 28 CE. Il fait valoir que l'affirmation contenue au point 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, n'a jamais été réitérée par la Cour dans ses arrêts postérieurs. Au contraire, il découlerait d'une jurisprudence constante que les entraves de nature fiscale à la libre circulation des marchandises doivent être appréciées à la lumière des articles 23 CE à 25 CE ou des articles 90 CE à 93 CE. Or, dans l'affaire au principal, la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles neufs, qui serait une imposition intérieure, ne serait ni discriminatoire à l'égard des produits importés ni protectrice de la production intérieure, de telle sorte qu'elle ne serait pas interdite par l'article 90 CE.
27. Pour le reste, si la Commission devait considérer que la taxe d'immatriculation est excessivement élevée, il lui incomberait d'élaborer une proposition d'acte sur le fondement de l'article 93 CE en vue de rapprocher les législations nationales.
28. À titre subsidiaire, le Gouvernement danois fait valoir que le point 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, doit être interprété en ce sens que l'interdiction des restrictions quantitatives à l'importation, prévue à l'article 28 CE, ne vise que les dispositions fiscales qui ont une telle incidence sur le commerce intracommunautaire que celui-ci, en ce qui concerne le produit taxé, est réduit à néant ou devient insignifiant. Or, tel ne serait pas le cas dans l'affaire au principal puisque le nombre de voitures automobiles par habitant au Danemark est comparable à celui relevé dans les autres États membres.
29. Les observations des Gouvernements italien et finlandais vont dans le même sens.
30. La Commission considère que les entraves de nature fiscale qui n'ont pas d'effet équivalant à un droit de douane relèvent, en principe, de l'article 90 CE, qui serait une lex specialis par rapport à l'interdiction générale des entraves aux échanges, édictée à l'article 28 CE. Les entraves de nature fiscale non couvertes par l'article 90 CE - ou par les articles 23 CE à 25 CE - pourraient donc relever de l'article 28 CE lorsqu'elles compromettent la libre circulation des marchandises. En revanche, selon la jurisprudence de la Cour, une entrave de nature fiscale ne pourrait relever simultanément des deux dispositions.
31. Il incomberait, en conséquence, à la juridiction de renvoi d'apprécier, au regard des faits au principal, si la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles neufs est d'un niveau tel qu'elle compromet la libre circulation des marchandises. La Commission constate, à cet égard, qu'il ressort de l'ordonnance de renvoi qu'un nombre considérable de véhicules automobiles sont immatriculés chaque année au Danemark, que les variations du nombre d'immatriculations paraissent uniquement conjoncturelles et que le nombre de véhicules automobiles par habitant se situe au même niveau que dans d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il ne serait donc pas établi que la législation danoise en cause au principal compromet la libre circulation des marchandises.
Réponse de la Cour
32. Il convient de rappeler que le champ d'application de l'article 28 CE ne comprend pas les entraves visées par d'autres dispositions spécifiques et que les entraves de nature fiscale ou d'effet équivalant à des droits de douane visées aux articles 23 CE, 25 CE et 90 CE ne relèvent pas de l'interdiction de l'article 28 CE (voir arrêts du 11 mars 1992, Compagnie commerciale de l'Ouest e.a., C-78-90 à C-83-90, Rec. p. I-1847, point 20, et Dounias, précité, point 39).
33. Par ailleurs, en ce qui concerne les champs d'application respectifs des articles 25 CE et 90 CE, il résulte d'une jurisprudence constante que les dispositions relatives aux taxes d'effet équivalent et celles relatives aux impositions intérieures discriminatoires ne sont pas applicables cumulativement, de sorte qu'une même imposition ne saurait, dans le système du traité, appartenir simultanément à ces deux catégories (voir arrêt du 23 avril 2002, Nygård, C-234-99, Rec. p. I-3657, point 17).
34. En l'occurrence, dans la mesure où une taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles neufs, telle la taxe d'immatriculation danoise en cause au principal, présente manifestement un caractère fiscal et est prélevée non pas en raison du franchissement de la frontière de l'État membre qui l'a instaurée, mais à l'occasion de la première immatriculation du véhicule sur le territoire de cet État, il y a lieu de considérer qu'elle relève d'un régime général de redevances intérieures sur les marchandises, et donc de l'examiner à l'aune de l'article 90 CE.
35. La circonstance qu'une telle taxe frappe en fait uniquement des véhicules neufs importés, en raison de l'absence de production nationale, n'est pas de nature à la voir qualifier de taxe d'effet équivalent, au sens de l'article 25 CE, plutôt que d'imposition intérieure, au sens de l'article 90 CE, dès lors qu'elle relève d'un régime général de redevances intérieures appréhendant systématiquement des catégories de véhicules selon des critères objectifs appliqués indépendamment de l'origine des produits (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 1981, Commission/France, 90-79, Rec. p. 283, point 14).
36. L'applicabilité de l'article 90 CE étant ainsi établie dans l'affaire au principal, il convient de rappeler que, d'après ses termes, cet article interdit de frapper les produits d'autres États membres d'impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires ou d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions (voir arrêt Commission/Danemark, précité, point 8).
37. Il y a également lieu de rappeler, que, ainsi qu'il ressort du point 9 de l'arrêt Commission/Danemark, précité, l'article 90 CE, dans son ensemble, a pour but d'assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence, par l'élimination de toutes formes de protection pouvant résulter de l'application d'impositions intérieures discriminatoires à l'égard des produits originaires d'autres États membres. Ce texte doit ainsi garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés.
38. En revanche, l'article 90 CE ne saurait être invoqué à l'encontre d'impositions intérieures frappant des produits importés, en l'absence de production nationale similaire ou concurrente. En particulier, il ne permet pas de censurer le caractère excessif du niveau de taxation que les États membres pourraient arrêter pour des produits donnés en l'absence de tout effet discriminatoire ou protecteur (voir arrêt Commission/Danemark, précité, point 10).
39. Or il n'existe actuellement au Danemark aucune production nationale de voitures, ainsi qu'il a déjà été constaté au point 17 du présent arrêt, ni d'ailleurs de produits susceptibles de concurrencer les voitures. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la taxe d'immatriculation danoise frappant les véhicules automobiles neufs échappe aux interdictions énoncées à l'article 90 CE.
40. Il est vrai que, comme l'a rappelé DBI, la Cour a jugé, au point 12 de son arrêt Commission/Danemark, précité, que les États membres ne peuvent pas frapper les produits qui, à défaut de production intérieure comparable, échappent à l'application des prohibitions de l'article 90 CE de taxes d'un montant tel que la libre circulation des marchandises à l'intérieur du Marché commun serait, en ce qui concerne ces produits, compromise.
41. Mais il suffit, à cet égard, de constater que, en tout état de cause, les chiffres communiqués par la juridiction de renvoi quant au nombre de véhicules neufs immatriculés au Danemark, et donc importés dans cet État membre, ne laissent nullement apparaître que la libre circulation de ce type de marchandises entre le Danemark et les autres États membres est compromise.
42. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de considérer qu'une taxe telle que la taxe d'immatriculation danoise aurait perdu sa qualification d'imposition intérieure, au sens de l'article 90 CE, pour s'analyser en une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, au sens de l'article 28 CE, ni d'examiner la portée de la réserve énoncée par la Cour aux points 12 et 13 de l'arrêt Commission/Danemark, précité.
43. En conclusion, il convient de répondre à la première question que:
- une taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles neufs instaurée par un État membre qui n'a pas de production nationale de véhicules, telle celle prévue par la lov om registreringsafgift af motorkøretøjer (loi relative à la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles), dans sa rédaction résultant de la codification n° 222, du 14 avril 1999, constitue une imposition intérieure dont la compatibilité avec le droit communautaire doit être examinée au regard non pas de l'article 28 CE, mais de l'article 90 CE;
- l'article 90 CE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une telle taxe.
Sur la seconde question préjudicielle
44. Eu égard aux considérations développées dans le cadre de la première question, il n'y a pas lieu d'examiner les justifications avancées à titre subsidiaire par le Gouvernement danois à l'appui de la compatibilité de la taxe d'immatriculation danoise avec le droit communautaire, de sorte que la seconde question devient sans objet.
Sur les dépens
45. Les frais exposés par les gouvernements danois, italien et finlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
Statuant sur la question à elle soumise par l'Østre Landsret, par ordonnance du 26 septembre 2001, dit pour droit:
1) Une taxe sur l'immatriculation des véhicules automobiles neufs instaurée par un État membre qui n'a pas de production nationale de véhicules, telle celle prévue par la lov om registreringsafgift af motorkøretøjer (loi relative à la taxe d'immatriculation des véhicules automobiles), dans sa rédaction résultant de la codification n° 222, du 14 avril 1999, constitue une imposition intérieure dont la compatibilité avec le droit communautaire doit être examinée au regard non pas de l'article 28 CE, mais de l'article 90 CE.
2) L'article 90 CE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une telle taxe.