CJCE, 13 juillet 1972, n° 48-71
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
République italienne
LA COUR,
1 Attendu que, par requête du 23 juillet 1971, la Commission a saisi la Cour, en application de l'article 169 du traité, d'un recours visant à faire déclarer que la République italienne, en ne se conformant pas à l'arrêt rendu le 10 décembre 1968 dans l'affaire 7-68, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 171 du traité CEE ;
2 Que, par cet arrêt, la Cour avait déclaré qu'en continuant à percevoir, après le 1er janvier 1962, à l'exportation vers les autres Etats membres de la Communauté d'objets présentant un intérêt artistique, historique, archéologique ou ethnologique, la taxe progressive prévue par l'article 37 de la loi n° 1089 du 1er juin 1939, la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 16 du traité CEE ;
3 Attendu que la République italienne, tout en se reconnaissant tenue de prendre les mesures que comporte l'exécution de cet arrêt, invoque les difficultés qu'elle aurait rencontrées à l'occasion de la procédure parlementaire visant à abroger la taxe et à réformer le système de protection du patrimoine artistique national ;
Que ces mesures devraient nécessairement être adoptées dans les formes et selon les procédures prévues par son droit constitutionnel ;
Que la perception de la taxe dont s'agit ne pouvant prendre fin que par le seul moyen d'une abrogation formelle et les retards dans la mise en œuvre de cette abrogation s'expliquant par des circonstances indépendantes de la volonté des autorités compétentes, il n'y aurait donc pas lieu de constater un manquement aux obligations découlant de l'article 171 du traité ;
4 Attendu que la Commission soutient que l'abrogation des dispositions nationales aurait pu être effectuée par des moyens et dans des délais plus expéditifs ;
5 Attendu que, sans avoir à examiner le bien-fondé de tels arguments, il suffit à la Cour d'observer que, par arrêt du 10 décembre 1968, elle a tranché dans un sens affirmatif la question, controversée entre le Gouvernement italien et la Commission, de savoir si la taxe litigieuse devait ou non être considérée comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'exportation au sens de l'article 16 du traité ;
Qu'en outre, par un autre arrêt du 26 octobre 1971 rendu dans l'affaire 18-71, opposant la firme Eunomia au Gouvernement de la République italienne, la Cour a expressément constaté que l'interdiction énoncée par l'article 16 produit des effets immédiats dans le droit interne de tous les Etats membres ;
6 Que, s'agissant d'une règle communautaire directement applicable, la thèse selon laquelle il ne saurait être mis fin à sa violation que par l'adoption de mesures constitutionnellement appropriées pour abroger la disposition instituant la taxe, reviendrait à l'affirmation que l'application de la règle commune est subordonnée au droit de chaque Etat membre et, plus précisément, que cette application serait impossible tant qu'une loi nationale s'y opposerait ;
7 Qu'en l'occurrence, l'effet du droit communautaire, tel qu'il avait été constaté avec autorité de chose jugée à l'égard de la République italienne, impliquait pour les autorités nationales compétentes prohibition de plein droit d'appliquer une prescription nationale reconnue incompatible avec le traité et, le cas échéant, obligation de prendre toutes dispositions pour faciliter la réalisation du plein effet du droit communautaire ;
8 Que la réalisation des buts de la Communauté exige que les règles du droit communautaire, établies par le traité lui-même ou en vertu des procédures qu'il a instituées, s'appliquent de plein droit au même moment et avec des effets identiques sur toute l'étendue du territoire de la Communauté sans que les Etats membres puissent y opposer des obstacles quels qu'ils soient ;
9 Que l'attribution, opérée par les Etats membres, à la Communauté des droits et pouvoirs correspondant aux dispositions du traité, entraîne, en effet, une limitation définitive de leurs droits souverains, contre laquelle ne saurait prévaloir l'invocation de dispositions de droit interne de quelque nature qu'elles soient ;
10 Qu'il s'impose donc de constater qu'en ne se conformant pas à l'arrêt de la Cour du 10 décembre 1968 dans l'affaire 7-68, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 171 du traité ;
11 Attendu que, par communication du 4 juillet 1972, la défenderesse a informé la Cour que la perception de la taxe a cessé et que ses effets ont été éliminés à partir du 1er janvier 1962, date à laquelle la perception aurait dû cesser ;
12 Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le recours de la Commission était fondé ;
Que le manquement reproché n'a cessé qu'après la clôture de la procédure écrite et orale ;
Que, dans ces circonstances, il convient de condamner la défenderesse aux dépens ;
LA COUR,
1°) Prend acte de ce qu'il a été mis fin, avec effet au 1er janvier 1962, au manquement aux obligations qui incombent à la République italienne en vertu de l'article 171 du traité CEE ;
2°) Arrête : la partie défenderesse est condamnée aux dépens.