CCE, 10 décembre 2003, n° 2004-838
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aides d'État mises à exécution par la France en faveur de France 2 et de France 3
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I. Procédure
(1) Le 10 mars 1993, Télévision Française 1 SA (ci-après dénommée "TF1") a déposé une plainte auprès de la Commission concernant les modes de financement et d'exploitation des chaînes publiques France 2 et France 3 (2). Cette plainte fait état de violations de l'article 81, de l'article 86, paragraphe 1, et de l'article 87 du traité.
(2) Au titre de l'article 81 du traité, TF1 considère que France 2 et France 3 ont mis en œuvre un certain nombre de pratiques concertées qui ont eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence. Au titre de l'article 86 du traité, TF1 soutient que l'État français maintient des mesures qui sont contraires au principe de l'égalité de traitement entre entreprises publiques et entreprises privées, et des mesures qui imposent ou encouragent des ententes anticoncurrentielles. Enfin, au titre de l'article 87 du traité, TF1 affirme que la redevance, différentes subventions et dotations en capital ainsi que des autorisations de déficit, dont ont bénéficié France 2 et France 3 au début des années 90, constituent des aides d'État. TF1 qualifie en outre de mesure d'effet équivalent à une aide d'État l'impossibilité pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après dénommé "CSA") de prononcer des sanctions pécuniaires contre les chaînes publiques. TF1 considère que ces aides d'État ont permis aux chaînes publiques de s'affranchir de toute contrainte de rentabilité commerciale en surenchérissant pour l'achat des droits de télévision et en pratiquant des prix d'appel et des baisses artificielles sur leurs écrans publicitaires ou leurs actions de parrainage.
(3) Le 16 juillet 1993, la Commission a adressé une demande de renseignements à TF1, qui a répondu par lettre en date du 30 septembre 1993. Une demande de renseignements a été adressée aux autorités françaises le 12 août 1993, qui ont répondu par lettre en date du 9 décembre 1993.
(4) Le 17 mars 1994, TF1 a adressé une lettre à la Commission reprenant les principaux éléments contenus dans la plainte.
(5) Par lettre du 23 septembre 1994 et dans un document en date du 12 décembre 1994, TF1 a apporté des informations complémentaires. Pendant la même période, plusieurs rencontres ont eu lieu entre des représentants de la Commission et des représentants de TF1.
(6) Par lettre en date du 9 juin 1995, TF1 s'est inquiétée de l'examen de la plainte. La Commission a répondu dans une lettre du 5 juillet 1995 que l'étude qu'elle avait commandée sur la problématique du financement de la télévision de service public dans tous les États membres n'était toujours pas disponible.
(7) Par lettre en date du 3 octobre 1995, TF1 a mis la Commission en demeure d'agir. Celle-ci, par lettre du 11 décembre 1995, a informé la requérante qu'elle avait demandé des informations supplémentaires aux autorités françaises par lettre en date du 21 novembre 1995. Dans un document en date du 27 novembre 1995, TF1 a apporté des informations complémentaires.
(8) Le 2 février 1996, TF1 a introduit un recours en carence contre la Commission devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.
(9) Par lettre du 16 février 1996, les autorités françaises ont répondu à la demande de renseignements qui leur avait été adressée le 21 novembre 1995. Par lettres en date du 22 février, du 28 juin, du 4 et du 18 octobre 1996, la Commission a adressé de nouvelles demandes d'informations aux autorités françaises. Celles-ci ont répondu par diverses lettres et télécopies datées des 21 mars, 28 mars, 12 avril, 18 juillet et 20 décembre 1996.
(10) Par lettre en date du 10 mars 1997, TF1 a adressé à la Commission un complément à sa plainte initiale.
(11) Dans une lettre adressée à TF1 le 15 mai 1997, la Commission a considéré qu'aucune mesure étatique n'enfreignait l'article 86 combiné aux articles 81 et 82 du traité.
(12) Par lettre en date du 21 octobre 1997, les autorités françaises ont apporté des informations complémentaires à la Commission.
(13) Le 10 juillet 1998 s'est tenue une réunion entre la Commission et TF1.
(14) Par une décision adoptée le 2 février 1999, la Commission a rejeté les moyens, soulevés par la plainte de TF1, qui étaient fondés sur les articles 81 et 82 du traité.
(15) Le 26 février 1999, la Commission a adressé une injonction d'informations aux autorités françaises, qui ont répondu par lettre en date du 29 avril 1999.
(16) Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam le 1er mai 1999, le protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (ci-après dénommé "le protocole") a été annexé au traité.
(17) Le 3 juin 1999, le Tribunal de première instance a condamné la Commission pour carence après avoir constaté que la Commission s'était abstenue d'adopter une décision sur la partie de la plainte de TF1 relative aux aides d'État (3).
(18) Par lettre en date du 27 septembre 1999, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre des subventions d'investissement perçues par France 2 et France 3 ainsi que des dotations en capital reçues par France 2 entre 1988 et 1994.
(19) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (4). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause.
(20) Une réunion s'est tenue entre les autorités françaises et la Commission le 19 novembre 1999. Les autorités françaises ont présenté leurs observations par lettre en date du 10 décembre 1999. Le 1er février 2000, l'Association des télévisions commerciales européennes (ci-après dénommée "ACT") a adressé ses observations à la Commission. Les autorités françaises ont répondu à ces observations par lettre en date du 15 juin 2000.
(21) Le 10 février 2000, une réunion a eu lieu entre la Commission et les représentants de TF1, puis le 6 avril et le 2 octobre 2000, entre la Commission et les représentants des autorités françaises et de France Télévisions.
(22) La communication de la Commission concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État (5) (ci-après dénommée la "Communication") a été publiée le 15 novembre 2001. Elle définit les principes que la Commission entend suivre pour l'examen des mesures de financement public accordées aux télévisions publiques.
(23) Par lettres en date du 29 juillet, 18 octobre et du 16 décembre 2002, puis du 21 janvier, du 20 mars et du 15 avril 2003, la Commission a demandé de nouvelles informations aux autorités françaises. Elles ont répondu par lettres en date du 19 août 2002, puis du 2 janvier, du 11 février, du 12 février, du 19 mai, du 26 août et du 7 novembre 2003.
(24) Par ailleurs, le 20 novembre 2002 et le 11 juin 2003 se sont tenues des réunions entre la Commission et des représentants des autorités françaises et de France Télévisions; le 14 avril 2003, une réunion a eu lieu entre la Commission et les représentants de TF1.
(25) La présente décision ne traite que des mesures financières qui ont fait l'objet de la décision d'ouverture de la procédure, à savoir les subventions d'investissement perçues par France 2 et France 3 ainsi que les dotations en capital reçues par France 2 entre 1988 et 1994. La présente décision ne porte pas sur la redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de télévision instituée par la loi française n° 49-1032 du 30 juillet 1949, puisqu'elle était exclue de la décision d'ouverture de la procédure.
(26) Cependant, afin d'avoir une vue complète des relations financières entre l'État français et les chaînes publiques France 2 et France 3 sur la période couverte par la présente décision, la Commission doit prendre en compte non seulement les subventions d'investissement et les dotations en capital, mais aussi la redevance. Par conséquent, la Commission se référera dans la présente décision à la redevance dans la mesure où cela est nécessaire à son analyse des mesures financières visées au considérant 25.
II. Description détaillée des mesures en cause
(27) Le mode de financement de France 2 et de France 3 est mixte, dans la mesure où il repose à la fois sur la redevance et sur les ressources publicitaires et de parrainage. La redevance constitue le financement public ordinaire des chaînes publiques françaises. Cependant, sur la période 1988-1994, France 2 et France 3 ont bénéficié en outre de subventions d'investissement, et France 2 de dotations en capital.
A. Subventions d'investissement et autres subventions
(28) De 1988 à 1994, France 2 et France 3 ont respectivement reçu de l'État les subventions d'investissement et autres subventions indiquées aux tableaux 1 et 2.
<emplacement tableau>
<emplacement tableau>
B. Dotations en capital
(29) Sur la période considérée, France 2 a également bénéficié de trois dotations en capital. La première dotation en capital lui a été octroyée par l'État en 1991 pour un montant de 500 millions de FRF, la seconde en 1993 pour un montant de 55 millions de FRF et la troisième en 1994 pour un montant de 355 millions de FRF.
(30) Après vérification et à l'exception de la redevance, les chaînes France 2 et France 3 n'ont pas reçu d'autres financements publics leur ayant permis de financer leur activité.
III. Observations d'un tiers intéressé
(31) Dans le cadre de la procédure formelle d'examen, la Commission a reçu par lettre en date du 1er février 2000 des observations de l'ACT, qui représente la majeure partie des chaînes de télévision commerciales de la Communauté.
(32) À titre préliminaire, l'ACT estime que les chaînes privées TF1, M6 et Canal + se sont vues imposer des obligations de service public sans pour autant recevoir de compensation financière étatique et que, par conséquent, les obligations de service public qui pèsent sur France 2 et France 3 ne justifient nullement leur financement public. Elle regrette par ailleurs que certaines informations, telles que les coûts supplémentaires encourus par les chaînes publiques pour leurs missions de service public ou le contenu du plan de réorganisation des chaînes, ne figurent pas dans la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen. Elle confirme en revanche l'analyse de la Commission quant à l'effet des aides en cause sur la concurrence et leur affectation des échanges entre les États membres.
(33) L'ACT affirme tout d'abord que la redevance constitue une aide d'État depuis la libéralisation du secteur audiovisuel, et qu'il s'agit d'une aide nouvelle, car la redevance est versée aux chaînes chaque année. Elle en conclut que la Commission aurait dû inclure la redevance parmi les mesures faisant l'objet de la procédure formelle d'examen. Elle estime en outre que la redevance ne peut être déclarée compatible avec le Marché commun sur la base de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, ni sur celle de l'article 86, paragraphe 2, du traité. Le financement public de France 2 et France 3 lui semble en effet injustifié, dès lors que les chaînes privées ont des obligations de service public similaires à celles des chaînes publiques sans bénéficier pour autant de la même compensation financière étatique.
(34) Quant aux subventions d'investissement et aux dotations en capital en cause, l'ACT estime que ces aides ne sont pas liées à un projet culturel précis et qu'elles ne peuvent donc pas être justifiées au titre de l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité. Elle considère en outre qu'elles constituent des aides au fonctionnement et que l'exemption prévue pour les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté ne peut pas s'appliquer au cas présent, dans la mesure où les autorités françaises n'ont pas communiqué à la Commission le plan de restructuration des chaînes.
(35) Enfin, après avoir rappelé la méthodologie que la Commission doit suivre pour apprécier une aide d'État au regard de l'article 86, paragraphe 2, du traité, l'ACT considère que les subventions d'investissement et les dotations en capital examinées en l'espèce ne satisfont pas aux critères posés par ledit article, dans la mesure où il s'agit d'aides exceptionnelles, temporaires, et qu'elles n'ont pas été versées aux fins de financer des missions de service public supplémentaires.
(36) En conclusion, l'ACT demande donc à la Commission d'adopter une décision finale négative à l'égard des subventions d'investissement versées à France 2 et France 3 et des dotations en capital versées à France 2, d'ouvrir une procédure formelle d'examen à l'encontre de la redevance et de lui fournir de plus amples informations quant aux obligations de service public des deux chaînes et au contenu de leur plan de réorganisation.
IV. Observations de la France
A. Sur l'ouverture de la procédure formelle d'examen
(37) Les autorités françaises ont fait part de leurs observations sur l'ouverture de la procédure formelle d'examen par lettre en date du 10 décembre 1999. Elles indiquent que leurs lettres en date du 20 décembre 1996 et du 29 avril 1999 font partie intégrante de ces observations. Les développements inclus dans ces deux lettres ne seront repris ici que dans la mesure où ils ne figurent pas déjà dans la lettre du 10 décembre 1999.
(38) Les autorités françaises reviennent d'abord sur les conséquences de la libéralisation du secteur audiovisuel. Elles considèrent que la privatisation de TF1 a fragilisé l'équilibre économique de France 2 de manière brutale et imprévue, puisque, à partir de 1987, les recettes publicitaires de TF1 ont fortement augmenté, alors que celles de France 2 ont vu leur croissance s'éroder. Les autorités françaises apportent une double explication à cette évolution: d'une part, la grille de programmes de TF1 a été, dans un souci commercial, réorientée vers l'audience de "la ménagère de moins de cinquante ans", audience intéressant le plus les annonceurs, alors que les opérateurs publics visent une audience large et diversifiée dans sa composition; d'autre part, les dispositions législatives et réglementaires prévoient pour les opérateurs publics un accès plus limité aux ressources publicitaires que pour les opérateurs privés.
(39) Par ailleurs, les coûts d'achat et de production des programmes ont connu une forte inflation. Le nombre d'opérateurs ayant doublé en quatre ans, la concurrence s'est intensifiée sur le marché des programmes, tandis que les nouveaux opérateurs apportaient sur ce marché des liquidités supplémentaires. Résultat, les coûts des programmes se sont renchéris, quel que soit leur genre. Pour compenser cette inflation, les deux chaînes publiques ont puisé dans leur stock de programmes. Bénéficiant de moyens financiers moindres et moins souvent renouvelés, ces programmes sont devenus moins attractifs, ce qui a notamment conduit à l'effondrement de l'audience de France 2, et donc à une baisse de ses ressources publicitaires. Baisse des ressources publicitaires et renchérissement des coûts se sont ainsi traduits par une dégradation de la santé financière des deux chaînes publiques.
(40) Les autorités françaises affirment que l'État a été contraint d'intervenir pour assurer la pérennité des chaînes publiques et de leurs missions de service public, et permettre ainsi le maintien du pluralisme. Ces missions de service public se traduisent par une obligation qualitative générale et des programmations spécifiques. Elles découlent de la conception selon laquelle l'existence de chaînes publiques à vocation généraliste et rassemblant un public suffisamment divers est une condition nécessaire du pluralisme de l'information, de la variété des programmes et d'un soutien diversifié à la création audiovisuelle et cinématographique. L'exercice de ces missions représente à la fois un coût supplémentaire et un manque à gagner publicitaire pour les chaînes publiques. De 1988 à 1994, la dégradation de leur situation économique était de nature à remettre en cause leur existence et ainsi, à nuire au bon accomplissement de leurs missions de service public. L'État a donc dû intervenir sous la forme de subventions d'investissement et de dotations en capital. En effet, la croissance spontanée de la redevance ne pouvait absorber la croissance rapide des coûts des programmes et enrayer la dégradation économique des chaînes. Les autorités françaises estiment l'intervention de l'Etat au profit de France 2 et France 3 compatible avec le Marché commun aussi bien en vertu de l'article 86, paragraphe 2, qu'en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, et des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (6).
(41) Les autorités françaises justifient les subventions d'investissement accordées à France 2 et France 3 par la nécessité d'aider les chaînes à faire face à l'augmentation des coûts des programmes. Par ailleurs, suite à un audit du cabinet Coopers & Lybrand, les deux chaînes publiques ont mis au point un plan stratégique en juillet 1991, comprenant pour chaque chaîne un projet de réorganisation interne et un plan social destinés à générer des économies, et déterminant une stratégie pour mieux répondre aux attentes des téléspectateurs tout en affirmant leur spécificité de chaîne publique. L'État a accompagné la mise en œuvre de ce plan stratégique par des financements supplémentaires sous la forme des subventions d'investissement déjà citées, et pour France 2, d'une dotation en capital afin de redresser la structure de son bilan. Cette première dotation de 500 millions de FRF s'étant révélée insuffisante, l'État a décidé d'octroyer à France 2 deux nouvelles dotations en capital en 1993 et 1994, cette dernière intervenant suite à un nouvel audit du cabinet Coopers & Lybrand et concomitamment à un nouveau plan d'économie. Ces mesures de recapitalisation ont permis d'assainir la situation financière de France 2. Les autorités françaises estiment que ces mesures financières ont permis aux deux chaînes publiques de s'adapter au nouveau contexte concurrentiel.
(42) Les autorités françaises rappellent que ces aides en faveur des chaînes publiques sont intervenues dans un contexte général de redéfinition de leurs missions de service public et de leurs relations avec l'État à travers la conclusion de contrats d'objectifs.
(43) Les autorités françaises indiquent enfin que les marchés de l'audience, des programmes et de la publicité audiovisuelle constituent des marchés de dimension nationale et reprochent à la Commission de n'avoir pas démontré en quoi les échanges intra-communautaires avaient été affectés par ces mesures financières étatiques.
(44) Dans leur réponse en date du 29 avril 1999, les autorités françaises avaient fait des observations quant à la position de France 2 et de France 3 sur les marchés de l'acquisition des droits audiovisuels et de la publicité. Elles indiquaient que les chaînes publiques ne sont pas en mesure de menacer les positions des chaînes commerciales sur les marchés d'acquisition des droits audiovisuels, dans la mesure où leurs capacités financières sont moindres et où leur programmation répond à un impératif d'exigence et de diversité, alors que les chaînes commerciales ne proposent que des programmes attractifs en termes d'audience. Les autorités françaises contestaient également que France 2 et France 3 aient eu une politique tarifaire "artificiellement basse" en matière de vente d'espaces publicitaires. Elles faisaient notamment valoir que les prix de vente des espaces publicitaires de France 2 ne sont dans l'ensemble inférieurs que de 5 à 10 % à ceux de TF1, alors que ses écrans sont deux fois moins puissants. La différence de prix pratiqués entre les deux chaînes publiques et TF1 ne ferait que refléter la différence de puissance des écrans publicitaires.
B. Sur les observations de l'ATC
(45) Par lettre en date du 15 juin 2000, les autorités françaises ont fait parvenir à la Commission leurs commentaires sur les observations de l'ACT. Elles rappellent leur position, selon laquelle la redevance constitue une aide existante et contestent que les chaînes privées hertziennes soient assujetties à des obligations comparables à celles des chaînes publiques. Elles confirment leur analyse selon laquelle les subventions d'investissement et les dotations en capital qui font l'objet de la présente décision sont compatibles avec le Marché commun en vertu de l'article 86, paragraphe 2, et de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité et indiquent ne pas avoir demandé l'application de l'article 87, paragraphe 3, point d), relatif à la promotion de la culture. Elles indiquent enfin qu'il appartient à la Commission d'évaluer si les informations dont elle dispose sont suffisantes pour clôturer la procédure et que les documents publics peuvent être communiqués à l'ACT.
V. Évaluation des mesures en cause
(46) L'article 87, paragraphe 1, du traité, dispose que "sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".
(47) Ainsi, pour qu'une mesure financière constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, les conditions suivantes doivent être cumulativement remplies:
- l'aide doit être accordée par un État membre au moyen de ressources étatiques,
- l'aide doit favoriser certaines entreprises ou certains secteurs, et ainsi créer ou menacer de créer une distorsion de concurrence,
- l'aide doit affecter les échanges entre États membres.
A. Sur les ressources étatiques
(48) Les subventions et les dotations en capital qui font l'objet de la présente décision proviennent du budget de l'État. L'octroi de ces subventions et de ces dotations résultait soit d'un acte législatif, soit d'un acte réglementaire. Ainsi, le caractère de ressources étatiques des mesures en cause et leur imputabilité à l'État ne font aucun doute.
B. Sur l'avantage sélectif et la distorsion de concurrence
(49) Toutes les subventions dont France 2 et France 3 ont bénéficié de 1988 à 1994 ont constitué pour les deux chaînes publiques des ressources financières dont elles ont pu disposer pour financer leur activité ou pour investir, et qu'elles ont obtenues sans avoir à prélever sur leurs propres ressources ni emprunter sur le marché. Ces subventions ont donc constitué un avantage. Celui-ci est en outre sélectif, puisque seules ces deux chaînes publiques de télévision en ont bénéficié, et non tous les opérateurs de télévision, qu'ils soient publics ou privés.
(50) Sur la période 1988-1994, l'État a également versé à France 2 trois dotations en capital. La Commission considère normalement qu'un apport en capital de l'État à une entreprise ne constitue pas un avantage sélectif pour celle-ci, si cet apport est réalisé dans des circonstances qui seraient acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché. Ce test de l'investisseur privé en économie de marché, en raison de sa nature même, ne peut s'appliquer qu'aux investissements dans des activités commerciales dont il est escompté un rendement normal. En l'espèce, France 2 a pour activité la conception et la programmation d'émissions de télévision conformes aux missions qui lui ont été confiées par l'État et une grande partie de son activité est à ce titre directement financée par l'État à travers la redevance. Sa programmation n'a pas pour but de maximiser ses recettes commerciales. En apportant du capital à France 2, l'objectif premier de l'État n'était donc pas d'obtenir un rendement optimal. Ainsi, l'État n'a pas octroyé ces dotations en capital à France 2 avec la motivation d'un investisseur privé en économie de marché. Dans leurs observations en date du 20 décembre 1996 et du 29 avril 1999, les autorités françaises avaient soulevé l'argument selon lequel l'État avait agi comme un investisseur privé en économie de marché. Il s'avère cependant contradictoire de soutenir dans certaines observations que l'État a agi comme un investisseur privé en économie de marché et dans les observations sur l'ouverture de la procédure formelle d'examen, que l'intervention de l'État en faveur de France 2 a respecté les critères des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. En effet, les lignes directrices s'appliquent lorsqu'il est question d'aides au sauvetage ou à la restructuration, et non d'interventions conformes à celles d'un investisseur privé en économie de marché.
(51) Les autorités françaises ayant cependant évoqué la similitude de leur comportement envers France 2 avec celui d'un investisseur privé en économie de marché, il convient d'analyser cet argument. Afin d'apprécier si des dotations en capital sont octroyées aux conditions normales de marché, il faut analyser les résultats économiques du bénéficiaire au cours de la période précédant l'octroi des dotations en capital, ainsi que les perspectives financières prévues sur la base des prévisions de marché. En l'espèce, le tableau 3 montre quels ont été les résultats nets de France 2 avant et après l'octroi des trois dotations en capital.
<emplacement tableau>
(52) Comme il ressort du tableau 3, France 2 n'était pas rentable à l'époque des dotations en capital. Les autorités françaises ne pouvaient s'attendre, sur la base des résultats antérieurs de la chaîne, à un taux de rendement raisonnable pour leur investissement. Elles ne pouvaient pas non plus s'attendre à un retour normal sur investissement sur la base des perspectives financières de l'entreprise ou des prévisions du marché.S'il est vrai que la viabilité de France 2 s'est rétablie à partir de 1992, après quelques années de pertes, les maigres bénéfices obtenus par la chaîne n'ont été possibles que grâce aux apports supplémentaires de capital consentis par l'État en 1993 et 1994. Par conséquent, l'argument des autorités françaises, selon lequel les dotations en capital octroyées à France 2 doivent être considérées comme un investissement normal de marché, ne peut être accepté.
(53) La Commission considère donc qu'un investisseur privé en économie de marché n'aurait pas octroyé à France 2 des dotations en capital équivalentes à celles que l'État a versé en 1991, 1993 et 1994. Elles constituent donc, à cet égard, un avantage pour France 2, de surcroît sélectif, puisque France 2 est la seule chaîne de télévision à avoir bénéficié de tels apports en capital pour financer son activité.
(54) En outre, il convient d'examiner si la condition relative à l'avantage consenti est remplie au regard des conditions cumulatives posées par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'arrêt Altmark (7). Ces conditions sont les suivantes:
- l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies,
- les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes,
- la compensation ne dépasse pas ce qui nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations,
- lorsque le choix de l'entreprise n'a pas été effectué dans le cadre d'une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations.
(55) En l'espèce, la Commission considère que la deuxième condition posée par l'arrêt Altmark n'est pas remplie. En effet, les subventions d'investissement et les dotations en capital sont des mesures de soutien ponctuelles accordées par l'État français à France 2 et France 3 pour leur permettre de faire face à la dégradation de leur situation économique. Ces financements n'ont été accordés qu'a posteriori et pour faire face à une situation imprévue. Il ne s'agit donc pas de financements accordés en fonction de paramètres établis préalablement de façon objective et transparente.
(56) De plus, en ce qui concerne la quatrième condition posée par l'arrêt Altmark, la Commission constate que les chaînes de télévision auxquelles les autorités françaises ont confié l'exercice de missions de service public n'ont pas été sélectionnées au terme d'une procédure de marché public. En outre, le niveau de la compensation financière accordée aux deux chaînes publiques n'a pas été déterminé sur la base de l'analyse des coûts qu'auraient encourus une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, pour exécuter ces missions de service public.
(57) Les conditions cumulatives posées par l'arrêt Altmark n'étant pas remplies, la Commission constate que les subventions et les dotations en capital qui font l'objet de la présente décision ont constitué pour France 2 et France 3 des avantages sélectifs au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
(58) En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice (8), toute aide d'État qui renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires génère une distorsion de concurrence. En 1988, date à partir de laquelle commence l'examen de la Commission dans la présente affaire, le secteur audiovisuel était en France ouvert à la concurrence. France 2 et France 3 étaient en concurrence avec d'autres opérateurs de télévision et l'avantage financier dont elles ont bénéficié à travers les mesures financières qui font l'objet de la présente décision ont nécessairement maintenu ou renforcé leur position par rapport à celles de leurs concurrents. Les mesures financières dont elles ont bénéficié ont donc bien généré une distorsion de concurrence au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
C. Affectation des échanges
(59) Une mesure financière étatique ne constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, que si elle affecte réellement ou potentiellement les échanges entre les États membres. Lorsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces dernières doivent être considérées comme affectées par l'aide (9). La Cour de justice a développé une interprétation large de cette notion d'affectation. Ainsi, le fait que l'entreprise concernée ne participe pas elle-même aux exportations n'exclut pas que les échanges soient affectés. En effet, lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, l'activité intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée, ce qui diminue d'autant les chances des entreprises établies dans d'autres États membres de s'établir sur ce marché. L'aide permet alors de maintenir une part de marché dont auraient pu s'emparer des concurrents établis dans d'autres États membres (10).
(60) À la lumière de cette jurisprudence, la Communication énonce que "d'une manière générale, on peut donc considérer que le financement des organismes publics de radiodiffusion par l'État influence les échanges entre États membres. C'est à l'évidence le cas en ce qui concerne l'acquisition et la vente de droits de diffusion, qui se font souvent à l'échelon international. La publicité également, dans le cas des radiodiffuseurs publics autorisés à vendre des espaces publicitaires, a une incidence transfrontalière, notamment dans les zones linguistiques homogènes qui s'étendent de part et d'autre des frontières nationales. De plus, la structure de l'actionnariat des radiodiffuseurs commerciaux peut s'étendre à plusieurs États membres." (11).
(61) Dans son injonction d'informations (12) et dans la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a longuement développé cette question de l'affectation des échanges. Les marchés d'acquisition des droits audiovisuels et de vente des programmes ont une dimension internationale, même si les droits et les programmes sont généralement acquis pour un marché géographique déterminé. Les ressources financières accordées à France 2 et à France 3 leur ont fourni des moyens concurrentiels supplémentaires pour l'acquisition de droits audiovisuels et l'investissement dans des programmes qui ont été ensuite mis en vente. En outre, les mesures d'aide en cause ont placé France 2 et France 3 dans une position plus favorable que celles de leurs concurrents de la Communauté, diminuant d'autant les chances de ces derniers de s'établir en France. Il convient à ce sujet de noter que sur une partie de la période examinée dans la présente décision, un groupe audiovisuel opérant dans plusieurs États membres était actionnaire de la chaîne française la Cinq, qui a fait faillite en 1992.
(62) Par conséquent, les subventions et les dotations en capital dont ont bénéficié France 2 et France 3 ont bien affecté les échanges entre États membres au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
(63) Eu égard à ces considérations, il convient de conclure que les subventions versées par les autorités françaises à France 2 et à France 3 ainsi que les dotations en capital versées à France 2 de 1988 à 1994 constituent des aides d'État au sens du traité.
VI. Attribution à France 2 et à France 3 de la gestion d'un service d'intérêt économique général
(64) L'article 86, paragraphe 2, du traité dispose que "les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté."
(65) Selon une jurisprudence constante, l'article 86 du traité constitue, pour les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, une dérogation à l'interdiction des aides d'État (13). L'arrêt Altmark confirme implicitement qu'une aide d'État qui compense les coûts encourus par une entreprise pour la fourniture d'un service d'intérêt économique général peut être déclarée compatible avec le Marché commun, si les conditions posées par l'article 86, paragraphe 2, du traité sont respectées.
(66) Conformément à une jurisprudence constante (14), l'article 86 du traité constitue une disposition dérogatoire qui doit être interprétée de manière restrictive. Le Tribunal a précisé qu'il est nécessaire que les conditions suivantes soient toutes réunies, pour qu'une mesure puisse bénéficier de cette dérogation:
- le service en question doit être un service d'intérêt économique général et être clairement défini en tant que tel par l'État membre,
- l'entreprise concernée doit être explicitement chargée par l'État membre de la fourniture dudit service,
- l'application des règles de concurrence du traité doit faire échec à l'accomplissement de la mission particulière impartie à l'entreprise et la dérogation ne doit pas affecter le développement des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.
(67) La Communication fixe les principes et méthodes que la Commission entend suivre pour veiller au respect de ces conditions en matière de radiodiffusion. En l'espèce, la Commission doit ainsi établir que:
- l'activité des chaînes de télévision France 2 et France 3 constitue une activité de service public et que leurs missions de service public sont clairement définies (définition),
- France 2 et France 3 ont été investies de ces missions de service public par un acte officiel (mandat et contrôle),
- la compensation financière qui leur a été accordée est proportionnelle au coût net de leur activité de service public (proportionnalité).
(68) Dans le cadre de son analyse, la Commission doit aussi tenir compte du protocole. Il rappelle que la radiodiffusion de service public est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias. Il stipule plus précisément que les États membres sont compétents pour "pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement de la mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre et dans la mesure où ce financement n'altère pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure qui serait contraire à l'intérêt commun, étant entendu que la réalisation du mandat de ce service public doit être prise en compte".
A. Définition des missions de service public de France 2 et France 3
(69) En vertu du protocole et de la Communication, la définition des missions de service public incombe aux États membres. La Communication indique que "compte tenu du caractère particulier du secteur de la radiodiffusion, une définition "large" confiant à un organisme de radiodiffusion donné la mission de fournir une programmation équilibrée et variée en application de son mandat tout en conservant un certain taux d'audience peut être considérée, compte tenu des dispositions interprétatives du protocole, comme légitime au regard de l'article 86, paragraphe 2, du traité en ce qu'elle viserait à la fois à assurer la satisfaction des besoins démocratiques, sociaux et culturels de la société et à garantir le pluralisme, y compris la diversité culturelle et linguistique (15)". Il convient enfin de rappeler qu'en matière de définition du service public dans le secteur de la radiodiffusion, le rôle de la Commission se limite au contrôle de l'erreur manifeste (16).
(70) L'article 48 de la loi française n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fait référence à la "mission éducative, culturelle et sociale" des chaînes de télévision France 2 et France 3. Les articles 54, 55 et 56 de ladite loi déterminent précisément certaines missions de France 2 ou France 3 en matière de diffusion des déclarations gouvernementales, des débats parlementaires et d'émissions consacrées aux formations politiques, aux organisations syndicales et professionnelles ainsi qu'aux principaux cultes pratiqués en France.
(71) Les missions de service public de France 2 et France 3 sont ensuite détaillées pour chaque chaîne dans un cahier des charges. L'article 3 du cahier des missions et des charges de France 2 du 28 août 1987 dispose que "la société conçoit et programme ses émissions dans le souci d'apporter à toutes les composantes du public information, enrichissement culturel et divertissement, en fonction de la mission culturelle, éducative et sociale qui lui est assignée par la loi" et qu'elle "assure notamment par ses programmes la mise en valeur du patrimoine et participe à son enrichissement par les créations audiovisuelles qu'elle propose sur son antenne.". L'article 3 du cahier des missions et des charges de France 3, également du 28 août 1987, reprend ces deux alinéas et en ajoute un troisième aux termes duquel "la société conçoit et programme des émissions sur la vie régionale en favorisant notamment l'expression et l'information des communautés culturelles, sociales et professionnelles et des familles spirituelles et philosophiques.".
(72) Une vingtaine d'articles décrivent ensuite plus précisément le contenu de ces missions de service public: expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion; honnêteté, indépendance et pluralisme de l'information; adaptation aux mutations technologiques; adaptation des programmes aux difficultés des personnes sourdes et malentendantes; diffusion des communications gouvernementales, des principaux débats du Parlement, d'émissions consacrées aux formations politiques, aux organisations syndicales et professionnelles et aux principaux cultes pratiqués en France; diffusion de messages consacrés aux grands causes nationales, à la sécurité routière et d'émissions pour l'information du consommateur; diffusion d'émissions éducatives et sociales; obligations relatives à la diffusion et à la nature des documentaires, des programmes d'information, de théâtre, de musique, de danse, de variétés, de sport, des émissions pour les enfants et les adolescents et des ouvres de fiction.
(73) Les cahiers des missions et des charges de France 2 et France 3 du 16 septembre 1994, qui se sont substitués à ceux de 1987, réaffirment ces missions de service public. Le préambule de leur cahier des missions et des charges indique que "les sociétés nationales de programme de télévision [France 2 et France 3] constituent la télévision de tous les citoyens. À ce titre, elles aspirent à rassembler le public le plus large tout en affirmant leur personnalité par une offre de programmes spécifique, fondée sur quatre caractéristiques majeures:
- en exécutant la mission culturelle, éducative et sociale que leur assigne la loi, ces chaînes apportent au public information, enrichissement culturel et divertissement, dans le respect constant de la personne humaine,
- elles assurent le pluralisme de leurs programmes en abordant tous les genres et en s'ouvrant à tous les publics,
- la programmation qu'elles proposent est particulièrement riche et diversifiée dans le domaine des émissions culturelles et des programmes pour la jeunesse,
- elle accomplissent un effort significatif de création télévisuelle en recherchant l'innovation, en portant systématiquement attention à l'écriture et en favorisant la réalisation de productions originales qui s'attachent, notamment, à mettre en valeur le patrimoine français. En cela, les sociétés nationales de programme ont vocation à constituer la référence en matière d'éthique, de qualité et d'imagination. Elles conservent à ce titre le souci d'éviter toute vulgarité. L'attention qu'elles portent à leur audience exprime plus une exigence vis-à-vis du public qu'une volonté de performance commerciale.". Le préambule du cahier des missions et des charges de France 2 décrit ensuite celle-ci comme la "seule chaîne exclusivement généraliste du secteur public", ayant pour vocation d'atteindre "un large public, auquel elle offre une gamme diversifiée et équilibrée de programmes", tandis que le préambule du cahier des missions et des charges de France 3 indique que celle-ci "affirme sa vocation particulière de chaîne régionale et locale" et privilégie "l'information décentralisée et les événements régionaux". Comme dans les cahiers des missions et des charges du 28 août 1987, une vingtaine d'articles détaillent ensuite plus précisément le contenu de ces missions de service public.
(74) La Commission considère que les missions de service public dont sont investies France 2 et France 3 correspondent à un service d'intérêt économique général au sens de l'article 86, paragraphe 2, du traité. Ces missions de service public sont clairement définies et légitimes, en ce qu'elles visent à la fois à assurer la satisfaction des besoins démocratiques, sociaux et culturels de la société française et à garantir le pluralisme, y compris la diversité culturelle et linguistique, au sens du protocole. La Commission constate en outre que ces missions de service public couvrent la conception et la diffusion de tous les programmes diffusés par France 2 et France 3. L'activité de service public de ces deux chaînes consiste ainsi en la conception et la diffusion de tous leurs programmes. Certes, certaines missions de service public sont de nature générale et plutôt qualitative, mais la Commission, tenant compte des dispositions interprétatives du protocole, considère cette définition "large" comme légitime. La Commission considère enfin que cette définition des missions de service public ne contient aucune erreur manifeste.
(75) Les cahiers des missions et des charges des deux chaînes publiques contiennent également des dispositions relatives aux quotas de diffusion d'ouvres cinématographiques et audiovisuelles "d'expression originale française" et au financement de coproductions d'œuvres cinématographiques. Il s'agit de dispositions d'ordre réglementaire, applicables à toutes les télévisions diffusant en clair par voie hertzienne. Étant donné que ces mesures n'entrent pas dans le champ d'examen de la présente décision, celle-ci est sans préjudice d'une éventuelle analyse des avantages ainsi accordés au secteur de la production audiovisuelle et cinématographique.
B. Mandat et contrôle
(76) Les missions de service public en question ont été confiées à France 2 et France 3 au moyen d'actes officiels, puisqu'elles résultent de la loi n° 86-1067 ainsi que des cahiers des missions et des charges du 28 août 1987, puis du 16 septembre 1994, adoptés par décret du Premier ministre. Ces cahiers des missions et des charges prévoient que certaines obligations sont précisées par des dispositions annuelles. Les cahiers des missions et des charges du 16 septembre 1994 indiquent en outre que les obligations et les principes qu'ils mentionnent sont précisés, en tant que besoin, dans les contrats d'objectifs conclus entre l'État et les chaînes.
(77) Les autorités françaises ont instauré différents moyens de contrôle du respect par France 2 et France 3 de leurs missions de service public. Les deux chaînes publiques adressent tous les ans au ministre chargé de la Communication et au CSA un rapport sur l'exécution des dispositions prévues dans leurs cahiers des missions et des charges. Le CSA publie chaque année un rapport public, dans lequel il évalue pour chaque chaîne le respect, article par article, des cahiers des missions et des charges. En cas de manquement grave d'une chaîne à ses missions de service public, le CSA adresse des observations publiques à son conseil d'administration.
(78) Par ailleurs, conformément à l'article 53 de la loi n° 86-1067, le Parlement vote le budget des chaînes publiques sur la base d'un rapport préparé dans chaque assemblée par un membre de la commission des finances. Le rapporteur peut, s'il l'estime nécessaire, commenter le respect par les chaînes de leurs missions de service public.
(79) Il convient enfin de noter que sur les douze membres que compte le conseil d'administration de chaque chaîne, il y a deux parlementaires, quatre représentants de l'État et quatre personnalités qualifiées. Ces dix personnes sont extérieures aux chaînes et peuvent donc exprimer sans réserve leurs observations quant au respect des missions de service public.
C. Proportionnalité du financement de l'activité de service public
a) Évaluation de la compensation par l'État du coût de l'activité de service public
(80) La Commission doit apprécier si les aides d'État versées à France 2 et France 3 sont proportionnelles au coût de leur activité de service public. Aux termes de la Communication, "pour que le critère de proportionnalité soit respecté, il est nécessaire que les aides d'État n'excédent pas les coûts nets induits par la mission de service public, compte tenu des autres recettes directes ou indirectes tirées de cette dernière. C'est pourquoi les bénéfices nets que les activités commerciales retirent du service public seront pris en considération pour apprécier la proportionnalité de l'aide (17).".
(81) Il convient de noter que, si la Communication fait à cet égard référence à la directive 80-723-CEE de la Commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (18) et à l'obligation de séparation des comptes introduite par cette directive, cette obligation ne s'appliquait pas au secteur de la diffusion télévisée pendant la période concernée par la présente décision.
(82) La Communication est neutre au regard des moyens choisis par l'État membre pour financer les télévisions investies de missions de service public. Les autorités françaises ont opté pour un financement mixte, reposant à la fois sur des ressources publiques et des ressources commerciales. Les recettes de publicité et de parrainage représentent la quasi-totalité de ces ressources commerciales, les activités de distribution ne générant que des recettes marginales. En ce qui concerne les ressources publiques, la redevance constitue le financement public ordinaire de France 2 et de France 3. Cependant, de 1988 à 1994, en plus de la redevance, les autorités françaises ont accordé à France 2 et à France 3 les subventions mentionnées dans les tableaux 1 et 2.
(83) Les autorités françaises ont également accordé à France 2 trois dotations en capital. De 1988 à 1991, la chaîne a accumulé des pertes telles qu'en 1991, elle a été obligée, conformément à l'article 241 de la loi française n° 66-537 du 24 juillet 1966, d'augmenter, puis de réduire son capital social pour apurer une grande partie de ses pertes et reconstituer le niveau de ses capitaux propres à hauteur de la moitié de son capital social. Lors de cette opération, l'État français a apporté 500 millions de FRF à France 2. Cette opération a suffi pour assurer la poursuite de l'activité de la chaîne à court terme, mais n'a pas permis de rétablir un équilibre durable entre les fonds propres et l'endettement bancaire. L'État a donc dû accorder deux nouvelles dotations en capital en 1993 et en 1994 pour un montant total de 410 millions de FRF.
(84) Dans le cadre de l'examen du critère de proportionnalité, la Commission est tenue de vérifier que l'ensemble des financements publics perçus par France 2 et France 3 de 1988 à 1994, à savoir les aides d'État visées par la présente décision, mais aussi la redevance et les subventions d'équipement, n'excédent pas le coût net de leur activité de service public.
(85) À titre préliminaire, il convient de noter qu'en l'espèce, sur la période 1988-1994, France 2 et France 3 ont reçu des ressources publiques qui relèvent de différentes logiques comptables. En effet, la redevance est destinée à compenser les charges annuelles encourues par les deux chaînes publiques dans l'exercice de leur activité de service public; à ce titre, elle est enregistrée sur une base annuelle au compte de résultat. En revanche, les dotations en capital et les subventions sont enregistrées au bilan. Les dotations en capital constituent en effet des apports exceptionnels qui ont servi à combler des déficits antérieurs accumulés sur plusieurs exercices. De même, les subventions d'investissement et d'équipement permettent de financer des investissements qui vont être utilisés, et donc amortis, sur plusieurs exercices. Les subventions sont donc reprises au compte de résultat au même rythme que l'amortissement des investissements. Dans la mesure où, pour le calcul de la compensation des coûts de service public, sont mélangés des éléments de bilan (les subventions) et des éléments de compte de résultat (les amortissements, inclus dans les charges totales de l'exercice), il est indispensable de raisonner en cumul sur une période de moyen terme ou long terme, puisqu'il est alors possible de considérer que les reprises de subventions (figurant au compte de résultat) et les subventions (figurant au bilan) convergent vers les mêmes montants. La procédure formelle d'examen portant sur les années 1988-1994, cette période de cumul sera retenue.
(86) France 2 et France 3 gèrent à la fois une activité de service public et des activités commerciales, soit en interne, soit par l'intermédiaire de filiales. Seul le coût de l'activité de service public des chaînes, qui inclut tous les coûts nécessaires à la conception et à la diffusion de leurs programmes, peut être financièrement compensé par l'État. Or, les charges totales de l'exercice de chaque chaîne incluent les charges liées à l'activité de service public, mais aussi les charges liées aux activités commerciales. Le coût net de l'activité de service public de chaque chaîne s'obtient donc en déduisant de leurs charges totales de l'exercice toutes les charges liées aux activités commerciales, qu'elles soient gérées en interne ou par l'intermédiaire de filiales, ainsi que les bénéfices nets de ces activités (essentiellement les recettes de la publicité et du parrainage), comme le prévoit la Communication. Sur la période considérée, 1988-1994, comme l'indique le tableau 4, le coût net de l'activité de service public de France 2 s'élève ainsi en cumul à 15,69 milliards de FRF et celui de France 3 à 20,89 milliards de FRF (19).
<emplacement tableau>
(87) Ces coûts nets de service public doivent ensuite être mis en rapport avec l'ensemble des financements publics perçus par les chaînes afin d'évaluer si la compensation financière de l'État a excédé ou non ces coûts. La redevance, d'une part, et les subventions et les dotations en capital, d'autre part, obéissant à des logiques comptables différentes, il est nécessaire de présenter successivement les soldes de la compensation du coût de l'activité de service public en fonction des financements publics pris en compte. Sur la période 1988-1994, France 2 et France 3 ont respectivement perçu au titre de la redevance 12,12 et 20,17 milliards de FRF (20). Ainsi, au terme d'une analyse conforme à une approche "compte de résultat", il s'avère que France 2 et France 3 ont été, en cumul, souscompensées à hauteur respective de 3,57 milliards de FRF et de 718,6 millions de FRF.
(88) Il convient désormais de mettre en relation ces montants de sous-compensation avec les ressources publiques complémentaires enregistrées au bilan. Ces ressources complémentaires sont constituées, d'une part, de subventions d'équipement, et, d'autre part, des subventions d'investissement, autres subventions et dotations en capital qui font l'objet de la présente procédure. En cumul, elles s'élèvent pour France 2 à 1,91 milliards de FRF et pour France 3 à 633,5 millions de FRF. Par ailleurs, ne doivent pas être inclus dans le coût net de l'activité de service public les apports en capital ainsi que les avances en comptes courants non remboursées aux filiales des deux chaînes publiques ayant des activités commerciales (115,2 millions de FRF pour France 2 et 25,9 millions de FRF pour France 3).
(89) En prenant en compte ces ressources complémentaires, il apparaît que France 2 et France 3 ont été sous-compensées sur la période 1988-1994. La sous-compensation de France 2 s'élève à 1,54 milliards de FRF, celle de France 3 à 59,2 millions de FRF.
b) Évaluation du comportement de France 2 et France 3 sur le marché de la vente d'espaces publicitaires
(90) Aux termes de la Communication, la Commission doit également vérifier qu'aucune distorsion de concurrence, qui ne serait pas nécessaire au titre de l'accomplissement des missions de service public, ne s'est produite au niveau des activités commerciales intrinsèquement liées à l'activité de service public. Une telle distorsion serait présente si France 2 et France 3, assurées de voir leurs moindres recettes commerciales compensées par l'État, tiraient les prix de vente des espaces publicitaires vers le bas, réduisant ainsi les recettes de leurs concurrents.
(91) Dans sa plainte, TF1 soulève cet argument en affirmant que grâce aux aides d'État dont elles bénéficient, les chaînes France 2 et France 3, agissant "en dehors des contraintes de rentabilité qui sont celles de leurs concurrents, peuvent pratiquer des prix d'appel et des baisses artificielles sur leurs écrans publicitaires ou leurs actions de parrainage, afin de conserver la clientèle des annonceurs.".
(92) Sur la base des informations dont elle dispose, la Commission n'a décelé aucun élément probant de nature à corroborer l'argument avancé par TF1. La différence entre les prix de vente des écrans publicitaires de TF1 et ceux de France 2 et France 3 s'explique, non pas par le comportement commercial des deux chaînes publiques, mais par la différence de puissance des écrans de TF1 par rapport à ceux des chaînes publiques.
(93) Dans le secteur de la publicité à la télévision, les annonceurs s'intéressent avant tout à l'audience des écrans publicitaires auprès du public des ménagères de moins de 50 ans. Cette audience se mesure à travers la notion de "Gross Rating Point" (GRP, indicateur de pression des media), définie comme le nombre moyen de contacts à une campagne publicitaire obtenus sur 100 personnes de la cible visée. Un contact est considéré comme établi lorsqu'une personne est exposée une fois, à un moment donné, au message diffusé.
(94) Pour leurs publicités, les annonceurs recherchent les écrans les plus puissants qui assurent, à un moment donné, la meilleure couverture de la population ciblée. Il en résulte que plus l'audience d'un écran est forte, plus les annonceurs acceptent de payer un prix unitaire par contact plus élevé (prix GRP). Il y a ainsi une prime à la puissance des écrans.
(95) Le tableau 6 indique pour chaque chaîne le GRP moyen et le prix GRP moyen sur l'ensemble de la journée sur la cible des ménagères de 15 à 49 ans.
<emplacement tableau>
(96) Le tableau 7 indique pour chaque chaîne le GRP moyen et le prix GRP moyen sur les heures de grande écoute (19 heures - 22 heures) sur la cible des ménagères de 15 à 49 ans.
<emplacement tableau>
(97) Un comportement anti-concurrentiel des chaînes publiques sur le marché de la vente d'espaces publicitaires serait constaté si, en tenant compte du fait qu'un GRP moyen supérieur entraîne un prix GRP supérieur (la prime à la puissance), les prix GRP pratiqués par les chaînes publiques étaient sensiblement inférieurs aux prix pratiqués par TF1 et M6. Ce n'est pas le cas sur la base des données reprises dans les tableaux 6 et 7. Il est vrai qu'il en ressort que, pour l'essentiel, comme le souligne TF1, son prix GRP est supérieur à celui de France 2 ou de France 3, qui sont eux-mêmes supérieurs à ceux de M6. Il en ressort également que le GRP moyen de TF1 est toujours très nettement supérieur à celui de France 2 ou de France 3. De 1990 à 1994, sur l'ensemble de la journée, le GRP moyen de TF1 varie de 4,7 à 5,8 points, tandis que celui de France 2 varie de 2,4 à 3 points, celui de France 3 de 1,6 à 2,3 points et celui de M6 de 1,9 à 2 points. Sur les heures de grande écoute, le GRP moyen de TF1 varie de 10,3 à 12,8 points, tandis que celui de France 2 varie de 5,7 à 6,1 points, celui de France 3 de 3,4 à 4,1 points et celui de M6 de 3,4 à 4,4 points. Cependant, la différence entre les prix GRP de TF1 et ceux des deux chaînes publiques n'est pas disproportionnée si on la compare à la différence entre les prix GRP de TF1 et de M6. En moyenne, on observe une décote des prix GRP de France 2, France 3 et M6 de l'ordre de 83 euros par unité de GRP par rapport au prix GRP de TF1 sur les deux périodes considérées (ensemble de la journée et heures de grande écoute). Dès lors, on constate que France 2 et France 3 n'ont pas facturé la vente de leurs espaces publicitaires à un prix artificiellement bas.
(98) À titre d'illustration, les graphiques ci-dessous représentent les données concernant les prix GRP et le GRP moyen des chaînes, telles qu'elles apparaissent dans les tableaux 6 et 7, en distinguant entre la moyenne sur la journée et les heures de grande écoute. Le nombre limité (cinq) de points disponibles pour chaque chaîne et leur faible dispersion permettent de représenter l'ensemble des cinq années et des quatre chaînes sur un même graphique.
(99) Les deux graphiques montrent qu'il existe une corrélation positive entre le GRP moyen et le prix GRP, ce qui corrobore le fait qu'il existe une prime à la puissance: une chaîne ayant un GRP plus élevé a un prix GRP supérieur. Cette corrélation est matérialisée sur le graphique par la droite de régression linéaire du prix GRP sur le GRP moyen, qui traduit la relation "moyenne" entre prix GRP et GRP pour l'ensemble des chaînes, sur la période considérée. En outre, il ressort de ces deux graphiques que les prix pratiqués par France 2 et France 3 ne sont pas significativement inférieurs à ceux pratiqués par TF1 et M6, en tenant compte de l'effet de prime à la puissance. En effet, pour France 2 et France 3, les quelques points qui se situent en dessous de la droite de régression en sont cependant très proches. En outre, on constate que certains prix de France 3 sont supérieurs à ceux de M6 avec un GRP à peu près équivalent.
(100) En conclusion, les prix pratiqués par France 2 et France 3 entre 1990 et 1994 n'apparaissent pas significativement inférieurs aux prix pratiqués par TF1 et M6. Ainsi, le prix supérieur des écrans publicitaires de TF1 s'explique par la puissance de ses écrans et non par le comportement commercial des chaînes publiques. Le Conseil français de la concurrence est d'ailleurs parvenu à la même conclusion dans une décision de 2001 relative à la vente d'espaces publicitaires télévisuels (21).
(101) En conclusion, la Commission constate, d'une part, que sur la période 1988-1994, les financements publics versés par les autorités françaises à France 2 et France 3 ont été inférieurs au coût de leur activité de service public et, d'autre part, qu'il n'existe aucun indice probant d'un comportement anticoncurrentiel des chaînes publiques sur le marché de la vente d'espaces publicitaires. La Commission estime donc que le financement étatique de l'activité de service public de France 2 et de France 3 satisfait la condition de proportionnalité.
(102) La Commission considère qu'en l'espèce, les trois conditions d'application de la dérogation prévue par l'article 86, paragraphe 2, du traité, sont réunies.
VII. CONCLUSION
(103) Au terme de son analyse, la Commission considère que les aides d'État qui font l'objet de la présente procédure formelle d'examen sont compatibles avec le Marché commun en vertu de l'article 86, paragraphe 2, du traité,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les subventions d'investissement versées par la France à France 2 et France 3 ainsi que les dotations en capital effectuées par la France en faveur de France 2 entre 1988 et 1994 constituent des aides d'État compatibles avec le Marché commun en vertu de l'article 86, paragraphe 2, du traité.
Article 2
La République française est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 340 du 27.11.1999, p. 57.
(2) Dans la présente décision, par souci de clarté, nous ne ferons référence qu'aux noms "France 2" et "France 3" qui se sont substitués en septembre 1992 aux noms "Antenne 2" et "France Régions 3".
(3) Arrêt du 3 juin 1999 dans l'affaire T-17-96, TF1 c/Commission, Rec.1999, p. II-1757.
(4) Voir note 1 de bas de page.
(5) JO C 320 du 15.11.2001, p. 5.
(6) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.
(7) Arrêt du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280-00, Altmark Trans GmbH et Regierungspräsidium Magdeburg c/Nahverkehrsgesellschaft
Altmark GmbH, non encore publié.
(8) Voir l'arrêt du 17 septembre 1980 dans l'affaire C-730-79, Philip Morris Holland BV c/Commission, Rec 1980, p. 2671, et l'arrêt du 11 novembre 1987 dans l'affaire C-259-85, France c/Commission, Recueil p. 4393.
(9) Voir arrêt Philip Morris précité.
(10) Voir notamment l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1988 dans l'affaire 102-87, France c/Commission, Rec. 1988, p. 4067 et l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991 dans l'affaire C-303-88, Italie c/Commission, Rec. 1991, p. I-1433.
(11) Point 18 de la Communication.
(12) Voir le considérant 15.
(13) Arrêt du Tribunal du 27 février 1997 dans l'affaire T 106-95, FFSA et autres c/Commission, Rec. 1997, p. II-229.
(14) Voir l'arrêt FFSA précité.
(15) Point 33 de la Communication.
(16) Point 36 de la Communication.
(17) Point 57 de la Communication.
(18) JO L 195 du 27.7.1980, p. 35. Directive modifiée en dernier lieu par la directive 2000-52-CE (JO L 193 du 29.7.2000, p. 75).
(19) Ces chiffres ainsi que ceux qui suivent ont été arrondis.
(20) Ces chiffres incluent à la fois la redevance et les remboursements par l'État d'une partie du manque à gagner que constituent pour les chaînes publiques les exonérations de redevance pour motifs sociaux.
(21) Décision n° 00-D-67 du 13 février 2001 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la vente d'espaces publicitaires visuels.