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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 28 juin 2002, n° 1999-21306

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ophee (SA)

Défendeur :

Beauté Prestige International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thevenot

Conseillers :

MM. Monin-Hersant, Pimoulle

Avoués :

SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Cimadevilla, Levy.

T. com. Paris, ch. vac., du 29 juin 1999

29 juin 1999

LA COUR,

Vu l'appel déclaré par la SA Ophee du jugement du Tribunal de commerce de Paris (chambre des vacations, n° de RG : 98065917), rendu le 29 juin 1999, qui l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer 10 000 F à la SA Beauté Prestige International (ci-après : BPI),

Vu les dernières conclusions de l'appelante, signifiées le 20 septembre 2001, demandant à la cour d'infirmer la décision entreprise, d'ordonner à BPI, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard, de lui permettre de passer commande de produits Jean-Paul Gaultier, de condamner BPI à lui payer 1 380 000 F de dommages-intérêts plus 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions signifiées le 13 décembre 2001 par la SA Beauté Prestige International, intimée, demandant la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Ophee à lui payer 30 000 F par application de l'article 700,

Sur quoi,

Considérant que Ophee, qui exploite un fonds de commerce de produits de beauté, estimant que BPI lui avait causé un préjudice en ne lui fournissant pas les produits de la marque Jean-Paul Gaultier, a assigné cette société en paiement de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de la loi du 1er juillet 1996 et de l'article 1382 du Code civil ; que le tribunal, ayant analysé la chronologie des correspondances échangées entre les parties, en a déduit que BPI avait pu croire que Ophee avait renoncé à sa demande ; que la représentante de Ophee s'était comportée maladroitement à l'égard de ses interlocuteurs; qu'il n'était pas établi que l'absence des produits réclamés dans le magasin exploité par Ophee lui ait fait perdre des clients puisque son chiffre d'affaire avait augmenté;

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure et des explications des parties que, par télécopie du 29 mai 1993, Ophee a demandé à BPI qu'un de ses représentants prenne contact avec elle pour " examiner l'éventualité d'une collaboration (produits Jean-Paul Gaultier)" ; que BPI, après une réponse d'attente du 9 juin 1993, soutient avoir envoyé un questionnaire à Ophee - que cette dernière prétend n'avoir jamais reçu - demeuré sans réponse ; que Ophee a repris contact avec BPI par téléphone le 14 mars 1995, puis lui a envoyé le 16 mars 1995 une lettre recommandée avec demande d'avis de réception exigeant : " Eu égard au délai écoulé nous vous mettons par la présente en demeure de nous livrer sous 48 heures "; qu'elle s'est aussitôt vue adresser un nouveau questionnaire auquel elle a répondu le 17 mai 1995 ; que le point de vente de Ophee a été examiné le 12 mai 1995 par un envoyé de BPI qui a conclu sa visite par la négative; que, enfin, en avril 1996, le président-directeur général de Ophee a encore relancé BPI dans des conditions telles que BPI a cru pouvoir répondre que, compte tenu des termes employés, "dénués de la plus élémentaire correction ", il ne lui paraissait pas souhaitable d'engager des relations commerciales " placées sur le terrain de l'agressivité gratuite ";

Considérant que l'appelante retire de ces circonstances de fait que le silence ou les faux prétextes opposés à sa demande pendant six ans par BPI constituent la manifestation d'un comportement abusif qui doit être réparé à la mesure du préjudice subi ; que c'est l'existence du réseau de distribution sélective organisé par BPI qui a permis à celle-ci de résister abusivement à sa légitime demande ; que ce refus est illicite car il est la traduction de l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique résultant de la notoriété de la marque du caractère non substituable du produit et de l'absence de fournisseur alternatif; enfin que son préjudice ne se limite pas au chiffre d'affaires qui aurait pu être réalisé avec les produits en cause, mais doit tenir compte du comportement de clients qui, ne pouvant trouver ces mêmes produits, se sont abstenus de tout autre achat;

Mais considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des circonstances de la cause en jugeant que, après la première demande présentée par Ophee le 29 mai 1993, à laquelle BPI a aussitôt répondu mais qui n'a été suivie d'aucune réaction de la part de Ophee pendant près de deux ans, BPI avait légitimement pu croire que Ophee avait abandonné son projet;

Qu'aucun élément ne permet de mettre en doute l'objectivité du rapport de visualisation du point de vente établi par l'envoyé de BPI, lequel, s'il a cru pouvoir y consigner qu'il avait trouvé la responsable du magasin "antipathique " - ce que BPI a noté comme n'étant pas un critère d'appréciation recevable - n'a nullement dénigré les aménagements qui lui avaient été présentés, lesquels n'atteignaient pas cependant au niveau requis pour obtenir l'agrément ;que ce rapport n'a d'ailleurs jamais été ni discuté ni seulement réclamé par Ophee jusqu'à sa nouvelle relance, un an plus tard;

Considérant que ces circonstances ne démontrent nullement, à la charge de BPI, le refus de vente, la discrimination ou la faute allégués par Ophee ;que les premiers juges en ont au contraire à juste titre déduit que Ophee ne devait attribuer l'insuccès de ses démarches qu'à son propre comportement;

Que le jugement sera en conséquence confirmé et Ophee déboutée de toutes ses demandes;

Considérant qu'il est équitable de faire droit à la demande d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile présentée par BPI à hauteur de 3 000 euro ;

Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris; Condamne Ophee à payer 3 000 euro à BPI par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toute demande ou prétention contraire à la motivation; Condamne Ophee aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Duboscq et Pellerin, avoué, conformément à l'article 699 nouveau Code de procédure civile.