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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 5 septembre 2001, n° 00-04970

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CELM (SA)

Défendeur :

Plus International (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Poumarede, Mme Nivelle

Avoués :

Me Gautier, SCP Castres Colleu & Perot

Avocats :

Me Rouby, SCP Coroller-Bequet.

T. com. Quimper, du 30 juin 2000

30 juin 2000

Exposé du litige - faits- procédure

Le 27 février 1990 la société CELM signait un contrat de franchise avec la société Plus International en vue d'exploiter à Chambéry un magasin ayant pour activité la commercialisation de cuisines sous la marque Cuisine Plus;

Le 31 octobre 1991 la société CELM signait avec la société Plus International un contrat de licence de marque en vue de la commercialisation de salles de bain sous la marque Bains Plus.

L'exploitation du magasin a débuté le 30 avril 1991.

Dès le premier mois d'exploitation la redevance de franchise est demeurée impayée et après plusieurs échanges de courriers la société CELM signifiait à son franchiseur (la société Plus International) qu'elle mettait fin au contrat de franchise pour l'enseigne Cuisine Plus;

La société Plus International ayant assigné la société CELM devant le Tribunal de commerce de Quimper cette juridiction, par jugement en date du 30 juin 2000 a:

- débouté la société CELM de toutes ses demandes de nullité ou de résolution du contrat;

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de franchise et du contrat de licence à effet du 11 mars 1994;

- condamné la société CELM à verser à la société Plus International:

* 1 015 512,50 F au titre des redevances non versées;

* 28 019,25 F au titre des redevances de licence;

- enjoint à la société CELM d'avoir à produire tous documents comptables afin de calculer le montant définitif des redevances;

- débouté la société Plus International de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamné la société Plus International aux dépens de l'instance.

La société CELM a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à nouveau à la cour de:

- prononcer la nullité des contrats des 27 février 1990 et 31 octobre 1991 pour dol;

- prononcer la nullité des mêmes contrats pour défaut de cause;

- prononcer la nullité des mêmes contrats pour lésion à raison de leur caractère léonin;

- condamner la société Plus International à verser à la société CELM toutes causes confondues, la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts y incluant le remboursement de la somme de 297 749 F versés indûment au titre des redevances des deux contrats à annuler;

- condamner la société Plus International au paiement de la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Plus International conclut à la confirmation de la décision attaquée sauf à parfaire la somme de 1 015 512,50 F au vue de la communication des chiffres d'affaires réalisés par la société CELM pendant la période d'exécution du contrat;

Elle demande en outre la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Moyens des parties

Considérant qu'au soutien de son recours la société CELM fait valoir les arguments suivants:

- la prescription de la nullité pour dol de l'article 1304 du Code civil court à compter du jour où les faits ont été découverts; l'exploitation du magasin ayant en l'espèce réellement débuté non pas le 30 avril 1991 mais le 30 mai 1991, les résultats de la première année d'exploitation n'ont été connus que le 30 mai 1992 au plus tôt après établissement du bilan de l'exercice; en conséquence le délai de prescription de cinq ans n'a pu commencer à courir qu'à compter du 30 mai 1992 de sorte que les conclusions de nullité ayant été déposées le 9 janvier 1997, la prescription n'était pas acquise;

- seule la société CELM a mis le contrat à exécution, la société Plus International n'ayant quant à elle aucune obligation, de sorte que l'appelante était parfaitement fondée à invoquer la prescription par voie d'exception;

- le dol résulte très explicitement et très clairement des conditions dans lesquelles le contrat de franchise a été conclu et en particulier du silence gardé par la société Plus International sur la situation réelle du marché, le franchiseur ayant en outre fourni des informations mensongères en surestimant le chiffre d'affaire prévisionnel, la redevance étant par ailleurs calculée sur cette base erronée;

- le contrat est nul pour défaut de cause dans la meure où la société Plus International n'a contracté auprès de la société CELM aucune des obligations d'un franchiseur en ne prodiguant à son franchisé ni soutien ni accompagnement, allant jusqu'à faire condamner le dirigeant de la société CELM pour publicité mensongère;

- il s'agit d'un contrat léonin mettant à la charge du franchisé des obligations exorbitantes et qui doit être qualifié de lésionnaire au regard de l'article 1118 et suivant du Code civil;

- son préjudice doit être estimé toute cause confondue à la somme de 1 000 000 F.

Considérant que la société Plus International rétorque:

- que plus de cinq ans s'étaient écoulés lorsque le dol a été évoqué pour la première fois par la société CELM au mois de janvier 1997 et que la prescription était acquise comme l'a justement retenu le tribunal;

- qu'en fait l'appelante n'a évoqué le dol qu'après avoir été elle-même assignée en paiement alors qu'elle se plaint d'un chiffre d'affaires insuffisant dès les premiers mois d'exploitation;

- que la loi du 31 décembre 1989 n'était pas applicable au contrat contesté;

- qu'il n'est pas démontré au demeurant que l'omission ou l'inexactitude de l'information ait vicié le consentement de la société CELM étant précisé que Monsieur Jean-Louis Le Floch, dirigeant de la société CELM a établi lui-même le prévisionnel de son entreprise avec l'aide de son père ingénieur-conseil;

- que la preuve de l'intention dolosive n'est pas rapportée;

- que la société Plus International n'a jamais manqué à son obligation d'assistance à l'égard de son franchisé et ceci en dépit d'un défaut de paiement des cotisations dès mai 1991;

- que les dispositions de l'article 1118 du Code civil ne sont pas applicables au contrat de franchise, les clauses de ce contrat n'ayant au demeurant aucun caractère léonin;

- que la demande de dommages et intérêts n'est absolument pas justifiée;

Considérant que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à la décision attaquée, et aux écritures des parties régulièrement signifiées;

MOTIFS DE LA COUR

Sur la prescription de l'action pour dol

Considérant qu'il sera fait remarquer que le Tribunal de commerce de Chambéry, dans une décision du 14 janvier 1994 qui n'a pas été critiquée et qui est aujourd'hui définitive, s'est déjà prononcé sur la responsabilité de Plus International relativement à la publicité mensongère reprochée à CELM; que la même décision a considéré que la CELM n'avait pas subi de préjudice commercial à la suite de cette condamnation;

Considérant qu'aux termes de l'article 1304 du Code civil l'action en nullité ou en rescision d'une convention se prescrit par 5 ans, étant précisé que, dans le cas du dol, ce temps ne court qu'à compter de la découverte du dol;

Considérant en l'espèceque le contrat de franchise a été signé le 27 février 1990 et qu'il a pris effet à cette date même si l'exploitation n'a effectivement commencé que le 30 avril 1991;que ce n'est cependant que le 9 janvier 1997, dans des conclusions en réponse à une assignation en paiement du franchiseur que la société CELM a sollicité l'annulation du contrat pour dol;

Considérant que si l'exception de nullité est soumise à la prescription trentenaire, encore faut-il que le contrat n'ait pas reçu exécution ce qui n'est pas le cas en l'espèce,dans la mesure où la société CELM a fonctionné avec l'enseigne Cuisine Plus jusqu'au mois d'avril 1997 quand bien même le fonctionnement se serait déroulé dans les mauvaises conditions décrites par la société CELM;

Considérant qu'il résulte en effet des correspondances échangées dès les premiers mois entre la société CELM et son franchiseur, la société Plus International, que des difficultés étaient apparues entre les cocontractants; que l'ouverture du magasin a néanmoins eu lieu et que le contrat n'a pas été dénoncé par la société CELM avant le mois de mars 1994;

Considérant que la décision critiquée sera en conséquence confirmée sur ce point;

Sur l'absence de cause

Considérant qu'aux termes de l'article 1131 du Code civil, l'obligation sans cause ne peut avoir aucun effet; que dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation de l'autre, la cause faisant défaut quand la promesse de l'une des parties n'est pas exécutée;

Considérant en l'espèce que la société CELM, qui ne conteste pas ne pas avoir exécuté son obligation de payer les redevances au franchiseur, et cela dès le début du contrat, ne démontre en rien en quoi la société Plus International n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par le contrat ni en quoi le comportement de la société Plus International justifierait un défaut de paiement de ses redevances;

Considérant que les obligations de la société Plus International consistaient essentiellement dans la mise à la disposition de franchisé par le franchiseur de son savoir-faire et de l'usage de la marque Cuisine Plus;

Que cela résulte en particulier des articles 2 et 3 du contrat;

Considérant que la société CELM verse au dossier l'étude prévisionnelle préalable établie par la société Plus International et les conditions de financement proposées le 22 décembre 1990 par la BNP;

Considérant que ces documents apparaissent insuffisants à établir la carence du franchiseur dont se prévaut la société CELM;

Sur les clauses léonines

Considérant que la société CELM qui ne reproche pas à la société Plus International un défaut d'information estime que les obligations mises à sa charge sont disproportionnées avec celles qui incombent au franchiseur; qu'elle qualifie ces clauses de léonines et considère qu'elles justifient que le contrat soit annulé pour lésion;

Considérant cependant que la société CELM procède par affirmations et ne démontre en rien en quoi les clauses du contrat sont léonines;

Considérant au surplus qu'à l'instar de l'action en nullité pour dol, l'action en récision pour lésion se prescrit en cinq ans aux termes de l'article 1304 du Code civil; que les règles relatives à l'exception lui sont également applicables;

Considérant ainsi que la société CELM est irrecevable à soulever ce moyen pour la première fois devant la cour dans des conclusions signifiées le 18 octobre 2000;

Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer la décision attaquée;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Plus International l'intégralité des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la procédure d'appel; qu'il convient de lui accorder la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant que, succombant en son recours la société CELM supportera les dépens de première instance et d'appel;

Décision

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision attaquée, Condamne la société CELM à pyer à la société Plus International la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société CELM aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile.