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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 14 mars 2002, n° 1999-22551

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Hubert (SARL), Hubert (Epoux)

Défendeur :

Esso SAF (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Président de chambre :

Mme Pezard

Conseiller :

M. Faucher

Avoués :

Me Ribaut, SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet

Avocats :

Mes Jourdan, Renaudin.

T. com. Paris, 21e ch., du 7 juill. 1999

7 juillet 1999

La société Hubert, ayant pour co-gérants Monsieur Bernard Hubert et Madame Claudine Cardin, son épouse, ont exploité successivement, comme locataires-gérants et mandataires de la société Esso pour la vente des carburant, en exécution de contrats conclus respectivement le 23 mars 1987, le 28 septembre 1992 et le 18 mai 1993, des stations-service sises à Meaux, puis à Aubervilliers (93), enfin à la Chaussée Saint-Victor (41). Le dernier contrat, conclu pour 3 ans, a pris fin au terme convenu.

La société Hubert et les époux Hubert ont, le 26 mai 1997, assigné la société Esso en remboursement des pertes d'exploitation, paiement d'une prime de fin de gérance pour l'exploitation des stations-service de Meaux et de La Chaussées Victor et paiement de dommages-intérêts, à raison notamment de la violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1989 dite loi "Doubin", tant à la SARL Hubert qu'aux époux Hubert personnellement.

Par jugement du 7 juillet 1999 le Tribunal de commerce de Paris a débouté les demandeurs de leurs prétentions relatives aux contrats d'exploitation des stations-service de Meaux et Aubervilliers et, pour celles relatives au contrat d'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint-Victor, a, avant dire droit nommé expert Monsieur Devillebichot avec mission d'apprécier la réalité et le montant des pertes d'exploitation alléguées par la société Hubert, en tenant compte du droit des époux Hubert à une rémunération équitable et de faire les comptes entre les parties, a ordonné l'exécution provisoire et réservé les dépens.

La société Hubert et les époux Hubert ont fait appel de ce jugement.

Vu les dernières écritures des appelants, signifiées le 30 novembre 2001, demandant à la cour de :

- confirmer le jugement quant à la mesure d'instruction ordonnée et le réformer pour le surplus,

- dire que la société Esso n'a pas fourni l'information pré-contractuelle exigée par la loi "Doubin" et les accords interprofessionnels, préalablement à la signature des contrats relatifs aux stations-service d'Aubervilliers et de La Chaussée Saint-Victor,

- dire que le consentement de la société Hubert a été vicié par l'erreur et par le dol imputable à la société Esso, notamment pour le dernier de ces deux contrats,

- annuler en conséquence les dits contrats en leur entier ou, subsidiairement, en celles de leurs dispositions relatives à la fixation d'une commission forfaitaire et à la renonciation prétendue au bénéfice de l'article 2000 du Code civil,

- dire que, dans ces cas, l'expert nommé aura pour mission de dresser un compte de remise en état sans préjudice ni bénéfice pour aucune des parties, à charge pour la société Esso de payer à la société Hubert la valeur du service rendu par l'exécution des contrats nuls,

subsidiairement

- dire que la société Esso doit combler les pertes d'exploitation nées de l'exécution du mandat, incorporant une légitime rémunération pour les consorts Hubert, tenant compte des sujétions d'exploitation, du personnel qu'il ont dû remplacer faute de pouvoir le rémunérer et des responsabilités prises au travers de la SARL Hubert,

- dire nulle à raison d'un vice du consentement la stipulation d'une rémunération forfaitaire,

- constater que la société Esso n'a jamais émis de critiques à propos de la gestion de la société Hubert,

- condamner la société Hubert à payer une provision de 1 092 997 F au titre du déficit né de l'exécution du mandat, avec les intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, au besoin à titre de dommages-intérêts supplémentaires, en application de l'article 2001 du Code civil,

- condamner la société Esso à payer aux époux Hubert, en réparation du préjudice causé par la faute quasi-délictuelle commise à leur égard, la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Esso, outre les dépens et les frais d'expertise complémentaires, à payer à la société Hubert 160 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les dernières écritures de la société Esso SAF, intimée et incidemment appelante, signifiées le 16 novembre 2001, demandant à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise à l'effet d'apprécier les pertes d'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint-Victor,

- déclarer la société Hubert irrecevable et à tout le moins mal fondée en ses demandes relatives à l'exploitation des stations de Meaux et Aubervilliers, en raison des transactions intervenues entre les parties respectivement le 28 septembre 1992 et le 9 mai 1993,

- débouter la société Hubert et les époux Hubert de toutes leurs prétentions relatives à l'exploitation de la station de La Chaussée Saint-Victor, les parties ayant valablement dérogé aux dispositions de l'article 2000 du Code civil, cependant que la loi "Doubin" n'est pas applicable en l'espèce, qu'en tout état de cause la preuve d'un vice du consentement n'est pas rapportée, pas plus que n'est démontrée l'inexactitude volontaire des informations et comptes prévisionnels remis à la société Hubert pour la station de La Chaussée Saint-Victor,

- subsidiairement, débouter en toute hypothèse les époux Hubert, faute par eux de justifier d'un préjudice personnel distinct de celui qu'aurait subi la société dont ils étaient les gérants,

- condamner solidairement les appelants à lui payer 50 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur l'exception de transaction

Considérant que, s'agissant du contrat relatif à l'exploitation de la station-service de Meaux, le premier en date, les appelants ne remettent pas en cause la disposition du jugement déféré qui les a déboutés de leurs demandes, en se fondant au demeurant sur l'existence d'une transaction qui rendait celles-ci irrecevables, et ne forment devant la cour aucune demande de ce chef;

Considérant que le contrat relatif à l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers, conclu pour 3 ans le 28 septembre 1992, a été résilié avant son terme, à compter du 9 mai 1993, par un avenant signé le 10 mai 1993 ; que, le 19 novembre 1993, la société Esso et la société Hubert, après avoir exposé en préambule qu' "un différend (était) susceptible de naître à la suite de ces relations commerciales et de leur cessation, la société a demandé à la société Esso de procéder à l'examen des comptes pour l'ensemble de la période", ont conclu une transaction dans les termes suivants : "Les parties se sont rapprochées et sont convenues de mettre fin à titre définitif et transactionnel à tout différend ultérieur aux conditions suivantes:

1. Esso accorde à la société une indemnité forfaitaire de cent quatre-vingt dix mille francs, hors TVA (F 190 000 hors TVA), qui sera versée au crédit de son compte, sur production d'une facture. Cette indemnité couvre toute somme pouvant lui être due à quelque titre que ce soit, tant à l'occasion des relations commerciales concernant le fonds de commerce susvisé que leur cessation;

2. Les parties se reconnaissent remplies de tous leurs droits et renoncent en conséquence à exercer toute action de quelque nature que ce soit, au titre des relations commerciales ayant existé entre elles pour l'exploitation dudit fonds de commerce et de leur cessation,

3. Le présent accord vaut transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil".

Considérant que l'article 2052 du Code civil dispose que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que la société Esso oppose aux appelants cette fin de non-recevoir, cependant que la société Hubert soutient que la transaction ainsi invoquée est nulle pour violence, laquelle résulte de la contrainte économique qu'elle subissait à l'époque de sa signature du fait que son capital social était plusieurs fois absorbé, que le dépôt de bilan était inéluctable à défaut d'une aide financière d'Esso et que ses associés risquaient de perdre non seulement le fruit de leur travail mais même l'emploi de distributeur de carburants auquel ils avaient consacré une partie de leur existence ;

Considérant que la transaction a été conclue six mois après la résiliation du contrat auquel elle se rapporte, alors que la société Hubert exploitait déjà depuis plusieurs mois la station-service de La Chaussée Saint-Victor ; qu'il résulte de la "situation d'exploitation" au 9 mai 1993, du compte de résultat et du bilan au 31 mai 1993, établis par l'expert-comptable de la société Hubert et versés aux débats que l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers a dégagé un résultat courant négatif de 190 248 F; qu'on ne voit pas dès lors en quoi le consentement de la société Hubert aurait pu être vicié par la contrainte économique qu'elle invoque, sans au demeurant démontrer qu'elle atteignait un niveau tel qu'elle puise être regardée comme une violence, au sens de l'article 2053 du Code civil, puisqu'elle a obtenu de sa cocontractante une indemnité couvrant les pertes subies ; que la société Hubert s'abstient au demeurant de préciser les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas conclu une telle transaction si elle avait été plus libre, n'établissant pas en quoi l'accord intervenu serait déséquilibré, désavantageux pour elle ou sacrifierait sans contrepartie suffisante ses intérêts ;

Qu'il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevables les demandes de la société Hubert en ce qu'elles se rapportent au contrat conclu pour l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers ;

Que seules seront examinées les demandes relatives au contrat conclu pour l'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint-Victor;

Considérant en premier lieu que les appelants soutiennent que ce contrat est nul pour dol et aussi pour erreur, comme ayant été conclu sans qu'ait été fournie à la société Hubert une information pré-contractuelle répondant aux exigences de la loi "Doubin" du 31 décembre 1989 et des accords inter-professionnels;

Sur le dol

Considérant que, selon les appelants, la société Esso s'est rendue coupable de dol en ayant fourni, concernant la station-service de La Chaussée Saint-Victor, des renseignements inexacts et en ayant dissimulé le lourd déficit du précédent exploitant et l'indemnité versée à celui-ci pour couvrir ce déficit;

Mais considérant que, pour preuve de l'inexactitude des éléments d'information qui lui ont été fournis : documents intitulés "déclaration mensuelle diversification par station année 1992", la société Hubert se borne à produire un récapitulatif de ses résultats, sur la base duquel elle conteste aussi la sincérité et le sérieux du compte d'exploitation prévisionnel qui lui avait été remis; que cette seule comparaison ne peut suffire à démontrer le caractère sciemment inexact, ni même seulement erroné des documents remis par la société Esso, alors que les différences constatées peuvent avoir toutes sortes d'explications, tenant notamment à la gestion de la société Hubert ; que ne peut être regardée comme une manœuvre dolosive l'omission d'indiquer les indemnités versées au précédent exploitant pour combler ses pertes, alors que la SARL Hubert, qui négociait alors avec la société Esso pour obtenir des indemnités de même nature pour Meaux et Aubervilliers, n'a sollicité aucune information à ce sujet pour La Chaussée Saint-Victor ; qu'aucun litige n'a opposé la société Duchemin à la société Esso;

Sur l'obligation d'information pré-contractuelle

Considérant que la convention conclue entre les parties le 18 mai 1993 pour l'exploitation de la station-service Esso de La Chaussée Saint-Victor associe un contrat de location-gérance du fonds de commerce, comprenant la marque, l'enseigne, la clientèle, l'achalandage, le droit à la jouissance des lieux, le matériel et les immobilisations, et un contrat de mandat pour la vente des produits énergétiques énumérés au paragraphe 4 des conditions particulières (carburants et fioul domestique), ces deux contrats constituant un ensemble indissociable ; que la convention unique ainsi conclue l'a été dans l'intérêt commun des deux parties et comportait, de la part de la société Hubert, un engagement de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité globale, dès lors qu'elle prévoit, aux termes des articles 4.1 et 5.1 de ses conditions générales, que l'exploitant de la station "se réapprovisionne directement et exclusivement auprès d'Esso", s'agissant des produits énergétiques et "s'approvisionne exclusivement auprès d'Esso pour les lubrifiants utilisés dans la station-service - y compris pour le mélange 2 temps",la liberté de choix des fournisseurs ne concernant, selon l'article 5.2, que les autres produits et pour autant qu'est respectée la destination du fonds ; que la condition d'exclusivité ou quasi-exclusivité visée à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 dite loi " Doubin" devenu l'article L. 330-3 du Code commerce, est donc remplie en l'espèce,sans qu'il y ait lieu de rechercher les parts respectives exactes des ventes de produits Esso et des ventes de produits provenant d'autres fournisseurs dans la marge dégagée par l'exploitation du fonds, dès lors qu'à l'évidence la vente de carburants et de lubrifiants utilisés dans la station-service constituait l'essentiel de l'activité de l'exploitant, exercée sous l'enseigne Esso ; que confirmation en est apportée, s'il en était besoin, par l'article 9, "Exclusivité" de l'accord inter-professionnel du 25 juillet 1990, auquel se référent expressément en leur article 3, les conditions générales du contrat du 18 mai 1993, qui précise que la liberté du choix par l'exploitant de ses fournisseurs, limitée aux produits et articles autres que "les produits pétroliers et assimilés nécessaires au fonctionnement des moteurs de véhicules ou à usage de combustibles", s'exerce sous la condition que "la nature et l'importance des produits, articles et services offerts dans la station-service ne modifient pas la destination du fonds de commerce donné en exploitation, ne soient pas préjudiciables à la vente des produits pétroliers qui constitue l'activité de base de la station-service"..., et que "l'exploitant ne vende pas des produits ou articles commercialisés sous la marque principale d'une société pétrolière concurrente de celle de la société si cette dernière commercialise elle-même un produit équivalant sous sa propre marque";

Considérant que les quelques éléments - déclarations mensuelles "diversification par station année 1992" et compte prévisionnel - remis par la société Esso à la société Hubert avant la signature du contrat relatif à l'exploitation de la station de La Chaussée Saint-Victor sont insuffisants au regard des exigences des articles 1er de la loi du 31 décembre 1989 et 1er du décret du 4 avril 1991;

Mais considérant que la méconnaissance par une partie des dispositions susvisées ne peut entraîner la nullité de la convention conclue qu'autant qu'elle a eu pour effet de vicier le consentement, du cocontractant, ce que celui-ci a la charge de prouver;

Qu'en l'espèce, à la date à laquelle elle a signé le contrat pour l'exploitation de la station de La Chaussée Saint-Victor, la société Hubert avait exploité pendant plus de six années des stations-service Esso, dans des environnements fort différents, à Meaux puis à Aubervilliers et avait été à même d'apprécier les chances et les risques d'une telle exploitation ;qu'elle a en particulier pu constater que l'exploitation des stations-service de Meaux et Aubervilliers avait été déficitaire, ces déficits ayant au demeurant donné lieu ultérieurement au versement par Esso d'indemnités transactionnelles de 23 000 F et 190 000 F et n'ayant pas encore reçu les primes de fin de contrat, d'un montant total de 200 206,39 F, qui ont été définitivement arrêtées le 28 mai 1993 sur des bases conformes à la demande de l'exploitant ; qu'à supposer que l'exploitation de la station-service "moyenne" soit déficitaire,ainsi que le soutient la société Hubert en s'appuyant sur une étude "Eurodata" reprise par le rapport de l'expert Devillebichot mais non pertinente au demeurant au regard du présent litige en ce qu'elle porte sur les stations-service de toutes les compagnies pétrolières et non seulement sur celles de la société Esso, la société Hubert aurait eu tout le loisir de s'en rendre compte, tant à travers sa propre expérience que par l'information susceptible d'être recueillie auprès d'autres exploitants du même réseau ou des organisations professionnelles représentant les intérêts des exploitants de stations-service,en particulier la Commission nationale des locataires-gérants et mandataires des station-service, signataire de l'accord interprofessionnel du 25 juillet 1990 ;

Qu'en cet état la société Hubert ne prouve pas que son consentement a été vicié lors de la conclusion du contrat du 18 mai 1993 ;que sa demande en nullité dudit contrat doit donc être rejetée;

Sur le caractère forfaitaire de la rémunération et la couverture des pertes

Considérant que la société Hubert soutient que la stipulation d'une rémunération forfaitaire et la renonciation par le mandataire au bénéfice de l'article 2000 du Code civil seraient nulles ou inopposables, la première en raison d'un vice du consentement tenant à la croyance erronée dans laquelle elle était que la commission forfaitaire prévue permettrait de couvrir les charges d'exploitation, la seconde en ce qu'elle serait impossible dès lors que le mandant s'était réservé la fixation du prix des carburants et, par là, du litrage et de la commission à verser au mandataire, en ce que celui-ci n'était pas en mesure d'apprécier les pertes auxquelles il était censé renoncer et en ce que la dite clause de renonciation serait en contradiction avec la disposition des accords inter-professionnels prévoyant la couverture des pertes lorsque l'exploitant s'est comporté en bon commerçant;

Mais considérant que les parties sont libres de déroger aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil, qui ne sont pas d'ordre public, prévoyant le remboursement au mandataire des avances et frais faits pour l'exécution du mandat et l'indemnisation des pertes essuyées par le mandataire à l'occasion de sa gestion ; que c'est ce qu'ont fait en l'espèce la société Esso et la société Hubert, l'article 3 des conditions générales du contrat du 18 mai 1993 énonçant que "ce contrat est soumis aux dispositions de la loi du 20 mars 1956 ainsi qu'aux dispositions de l'accord interprofessionnel du 25 juillet 1990 relatif aux exploitants-mandataires de stations-service et, pour la distribution des produits énergétiques, aux articles 1984 et suivants du Code civil, à l'exception des articles 1999 et 2000", cependant que l'article 4.5 des mêmes conditions générales prévoit que le mandataire percevra une "commission, dont le montant couvre forfaitairement la rémunération et l'ensemble des frais et pertes de la société", comprenant une partie fixe, s'élevant à 7 300 F hors TVA par mois et une partie variable, calculée en fonction du volume vendu;

Considérant que ces dispositions contractuelles sont claires, dépourvues d'ambiguïté et ne nécessitent aucune interprétation; que la société Hubert n'est pas fondée à soutenir qu'elles seraient atteintes par un vice du consentement en elles-mêmes, indépendamment du contrat dont elles font partie, alors que les deux précédents contrats qu'elle avait conclus comportaient des clauses semblables et qu'elle avait donc été à même d'en mesurer le sens et la portée, cependant qu'elle disposait, ainsi qu'il a été dit, d'éléments d'information suffisants, quant aux données économiques essentielles et à la rentabilité de l'exploitation, pour lui permettre de donner un consentement éclairé ;

Que la société Hubert n'est pas davantage fondée à soutenir que la rémunération versée dépendait de la seule volonté de la société Esso, dès lors qu'une partie fixe était prévue et que le volume vendu dépend de bien des facteurs autres que le prix fixé, tels le dynamisme commercial du distributeur ou la qualité de l'accueil et du service dans la station;

Que l'accord inter-professionnel du 25 juillet 1990, auquel se réfère le contrat du 18 mai 1993, en énonçant en préambule que "la gestion d'une station-service, suppose que l'exploitant, s'il se comporte en bon commerçant, dégage un résultat d'exploitation équilibré" et que "en conséquence les sociétés pétrolières s'engagent à étudier le cas de toute station qui pourrait leur être soumis par un exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat", n'a pas mis à la charge des compagnies pétrolières l'obligation d'indemniser le mandataire, hors tout forfait et dans les conditions prévues par l'article 2000 du Code civil, des pertes effectives essuyées à l'occasion de sa gestion; que la dérogation critiquée aux dispositions de l'article 2000 précité, dont il n'importe qu'elle ne comporte pas le mot "renonciation", n'est nullement inconciliable avec l'accord inter-professionnel invoqué ;

Qu'enfin la circonstance que la société Esso a librement décidé de combler en tout ou partie les pertes nées de l'exécution des précédents contrats conclus avec la société Hubert n'est pas en contradiction avec une clause qui exclut que le mandataire puisse se prévaloir d'un droit à cet égard ;

Considérant que la société Hubert n'est donc pas fondée à prétendre au remboursement de ses pertes éventuelles ;

Considérant que les époux Hubert, ne rapportent, à la charge de la société Esso, la preuve d'aucune faute, qui serait contractuelle à l'égard de la société Hubert et délictuelle à leur égard, qui leur aurait causé un préjudice personnel et direct, de sorte qu'ils ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;

Considérant que la société Hubert et les époux Hubert, qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d'appel, ce qui entraîne le rejet de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable, en application de ce texte, de les condamner à payer à la société Esso 3 000 euro;

Par ces motifs : Infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau, Constate que la société Hubert et les époux Hubert ne forment aucune demande relativement au contrat du 23 mars 1987 concernant l'exploitation de la station-service de Meaux, Déclare la société Hubert et, en tant que de besoin, les époux Hubert, irrecevables en leurs demandes relatives au contrat du 28 septembre 1992 concernant l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers, Déboute la société Hubert et les époux Hubert de leurs autres demandes, Les condamne in solidum à payer à la société Esso SAF la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Les condamne in solidum aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel et admet la SCP Taze Bernard et Belfayol Broquet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.