Livv
Décisions

CCE, 27 novembre 2002, n° 2003-626

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide mis à exécution par l'Allemagne "Programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des petites et moyennes entreprises"

CCE n° 2003-626

27 novembre 2002

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, Considérant ce qui suit:

1. PROCÉDURE

(1) Le 16 janvier 1996 est entré en vigueur, pour une durée indéterminée, le régime relatif au programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des petites et moyennes entreprises (ci-après: "le régime d'aide") (1). Les autorités du Land ont considéré que ce régime était conforme à la règle de minimis instaurée par l'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises (2) (ci-après: "l'encadrement PME") de 1992 et ne l'ont donc pas notifié au titre de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

(2) Par lettre SG (99) D-760 du 1er février 1999, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'ouvrir, au sujet du régime d'aide, la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE.

(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3). La Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause, mais elle n'a pas reçu d'observations.

(4) Par lettre du 2 mars 1999, l'Allemagne a sollicité une prorogation du délai de présentation des observations et la Commission a accédé à cette demande par lettre du 11 mars 1999. Par courrier du 8 mars 1999, la Commission a demandé des éclaircissements sur certains éléments fournis par les autorités allemandes dans la procédure concernant l'aide en faveur de la société Korn Fahrzeuge und Technik GmbH (C 36-99, ex NN 29-98) (4).

(5) L'Allemagne a présenté ses observations par lettres des 29 mars, 19 août et 26 août 1999.

(6) Le 15 mars 2001, la Commission a demandé un complément d'information au sujet de l'application du régime après l'année 1998. L'Allemagne a répondu par lettre du 19 avril 2001, informant en outre la Commission du remplacement du régime d'aide par un autre régime en date du 1er juin 1999. Ce nouveau régime d'aide ne fait pas l'objet du présent examen.

(7) Une réunion a eu lieu entre des représentants de la Commission et de l'Allemagne le 24 avril 2001 à Bruxelles. Enfin, par lettre du 1er février 2002, l'Allemagne a présenté ses dernières observations.

2. DESCRIPTION DE L'AIDE

2.1. Titre et base juridique

(8) Les concours sont octroyés par la Thüringer Aufbaubank pour le compte du ministère de l'Economie de Thuringe sur la base des articles 23, 44 et 44 bis du règlement budgétaire du Land de Thuringe, au titre du régime d'aide.

2.2. Bénéficiaires de l'aide

(9) En vertu du paragraphe 3 du régime d'aide ("Bénéficiaires de l'aide"), celui-ci s'adresse aux petites et moyennes entreprises (dans la définition de l'encadrement PME en vigueur) et aux professions libérales. Dans des cas exceptionnels et avec l'agrément du ministre compétent, l'aide peut également être octroyée en faveur de grandes entreprises. En ce qui concerne les aides en faveur d'entreprises des secteurs sensibles, le paragraphe 3 du régime d'aide prévoit que chaque cas doit recevoir l'approbation de la Commission. Il ressort cependant du rapport annuel sur l'exécution du régime en 1997 que cette disposition n'a pas été respectée dans un certain nombre de cas (par exemple, aides en faveur de Ferkelaufzucht GmbH, Spedition Rothe GmbH, Dreistreif Kaffeerösterei, Fleisch-und Wurstwaren GmbH, Meininger Privatbrauerei Müller et Pafahg Mischfutter GmbH).

2.3. Durée

(10) Entré en vigueur le 16 janvier 1996 pour une durée indéterminée, le régime a été remplacé le 1er juin 1999 par un nouveau régime d'aide relatif au programme de prêts du Land de Thuringe ("programme de prêts pour la consolidation et les fonds de roulement des entreprises" de la Thüringer Aufbaubank) (5).

2.4. Objectifs

(11) Le régime d'aide se compose de deux volets - "fonds de roulement" et "consolidation" - qui regroupent des programmes autrefois distincts.

(12) En vertu du paragraphe 2, point a), du régime d'aide ("Objet de l'aide"), le volet "fonds de roulement" s'adresse aux entreprises qui ne disposent pas de sécurités bancaires suffisantes. Il permet de financer le fonds de roulement (préfinancements et financements provisoires inclus) de l'entreprise et de soutenir celle-ci dans sa phase de constitution et d'expansion ou pour son maintien sur le marché, notamment pour écarter les risques pesant sur son exploitation et ses emplois. L'octroi des prêts de ce volet est subordonné à la présentation par l'entreprise d'un plan stratégique à moyen terme assurant sa rentabilité et sa trésorerie. Ces prêts sont consentis pour une durée maximale de trois ans, à un taux d'intérêt situé dans une fourchette de 4,5 à 8 %, et avec une franchise de remboursement d'une durée maximale de trois ans.

(13) Aux termes du paragraphe 5 du régime d'aide ("Nature, limite et montant de l'aide"), le montant du prêt ne doit pas dépasser le strict nécessaire pour permettre à l'entreprise de résoudre ses difficultés.

(14) En vertu du paragraphe 2, point b), du régime d'aide ("Objet de l'aide"), le volet "consolidation" s'adresse aux entreprises qui ont des problèmes de trésorerie et de rentabilité. Il a pour but de permettre le rééchelonnement des dettes à moins d'un an en dettes à plus d'un an, à des taux d'intérêt bonifiés. Le rééchelonnement des dettes de l'entreprise envers sa banque habituelle ou d'autres établissements financiers est exclu quand ces dettes ont été garanties par la Thüringer Aufbaubank.

(15) L'octroi des prêts de ce volet est subordonné à la présentation par l'entreprise d'un plan de restructuration global cohérent qui permette, compte tenu du prêt de consolidation, de rétablir durablement la viabilité de l'entreprise. Ce plan doit indiquer les besoins de l'entreprise, la contribution du bénéficiaire et de sa banque habituelle ainsi que les aides publiques déjà octroyées.

(16) Les prêts sont consentis pour une durée de trois à dix ans, à un taux d'intérêt situé dans une fourchette de 4,5 à 8 %, et avec une franchise de remboursement d'une durée maximale de deux ans.

(17) Pour le volet "consolidation" également, le montant du prêt ne doit pas dépasser la somme nécessaire pour permettre à l'entreprise de résoudre ses difficultés (paragraphe 5 du régime d'aide).

(18) L'aide octroyée par la Thüringer Aufbaubank au titre des deux volets revêt la forme de prêts bonifiés qui, en règle générale et dans tous les cas d'application connus, sont consentis à l'entreprise bénéficiaire par l'intermédiaire et au risque initial de sa banque habituelle. Celle-ci peut bénéficier d'une garantie à concurrence de 60 % du montant du prêt moyennant une prime annuelle de 1 % de ce montant. La Thüringer Aufbaubank et la banque habituelle de l'entreprise peuvent percevoir des frais de dossier s'élevant à 0,1 % du prêt.

2.5. Intensité d'aide

(19) Le paragraphe 5 du régime d'aide ("Nature, limite et montant de l'aide") se réfère expressément au caractère de minimis du régime.

(20) D'après le régime d'aide, le calcul de l'élément d'aide d'un prêt bonifié est effectué sur la base de la différence entre le taux d'intérêt réel et un taux de référence et ne tient compte ni de l'élément d'aide résultant de la garantie ni des risques particuliers qui caractérisent les entreprises bénéficiaires. Le montant du prêt n'est pas plafonné. Le montant de l'aide dont l'entreprise peut bénéficier (c'est-à-dire l'élément d'aide résultant de la bonification d'intérêt) ne doit pas dépasser le seuil de minimis fixé par la règle du même nom.

(21) Le régime d'aide prévoit expressément la possibilité de varier le niveau de la bonification d'intérêt par rapport au taux de référence, pour pouvoir autoriser le montant de prêt considéré comme nécessaire.

2.6. Cumul d'aides

(22) En vertu du paragraphe 4 du régime d'aide, les aides publiques qui ont déjà été octroyées au bénéficiaire de l'aide doivent être signalées lors du dépôt de la demande. On ne voit pas quelle conséquence pratique pourrait en résulter.

2.7. Motifs d'ouverture de la procédure

(23) En ne tenant pas compte dans le calcul du montant de l'aide des éléments d'aide attachés à la garantie et des risques particuliers que présentent les entreprises bénéficiaires, le régime n'a pas respecté la règle de minimis. Contrairement à son libellé, le régime a également été exécuté en faveur d'entreprises présentes dans des secteurs sensibles. En conséquence, il a été appliqué dans des secteurs sensibles, alors que ceux-ci étaient exclus par la règle de minimis en vigueur à l'époque.

(24) Les prêts bonifiés assortis de la garantie de la Thüringer Aufbaubank pouvaient dépasser les seuils de minimis et, par conséquent, constituer des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE en faveur des entreprises bénéficiaires. Ces aides ayant permis à des entreprises en difficulté d'assurer le maintien ou l'expansion de leurs activités, la Commission considère qu'elles étaient susceptibles de fausser la concurrence.

(25) Il ressort du libellé du régime d'aide que le programme de prêts s'adressait, du moins par son volet "consolidation" - et, dans une moindre mesure, son volet "fonds de roulement" lorsqu'il a servi au maintien de l'entreprise -, aux entreprises en difficulté dans la définition des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (6) de 1994 (ci-après: "lignes directrices de 1994").

(26) Dans le cadre de la procédure préliminaire, l'Allemagne a contesté cette qualification en avançant l'argument que les prêts étaient octroyés au risque initial de la banque habituelle du bénéficiaire, laquelle garderait en tout état de cause - déduction faite de la garantie de 60 % - un risque de 40 %. Selon les déclarations des autorités allemandes, ce risque restant ne peut faire l'objet d'une garantie d'une origine différente. Normalement, d'après les autorités allemandes, il y a peu de chances qu'une banque consente un prêt à une entreprise en difficulté si elle n'obtient pas des garanties bancaires suffisantes.

(27) Cet argument n'est pas valable aux yeux de la Commission, car les entreprises en difficulté ne sont pas exclues du programme de prêts. En effet, si l'on compare les listes de 1997 des bénéficiaires de certaines aides autorisées en faveur des entreprises thuringiennes en difficulté (NN 74-95 et N 370-97) avec les bénéficiaires en 1997 du régime sous examen, on voit un certain nombre de cas où des entreprises ont bénéficié de deux régimes (Automatisierungs- und Elektronik GmbH, Allenburger Automaten und Metallgießerei GmbH, Dreistreif Kaffeerösterei, etc.).

(28) Par ailleurs, en ce qui concerne le volet "consolidation" et le volet "fonds de roulement", la Commission a estimé que, avec le rééchelonnement de la dette des entreprises en difficulté, le régime était susceptible, dans certains cas, de réduire considérablement les risques auxquels les banques étaient initialement exposées.

(29) À ce stade, la Commission a décidé de considérer que le régime - à l'exception du volet "fonds de roulement" pour autant qu'il concerne la constitution et l'expansion d'entreprises - s'adressait aux entreprises en difficulté.

(30) Dans la mesure où le régime d'aide s'adresse aux entreprises en difficulté, son objectif consiste à écarter les risques pour l'exploitation de l'entreprise et ses emplois [paragraphe 2, point a), du régime d'aide - Volet "fonds de roulement"] et à opérer la restructuration de l'entreprise [paragraphe 2, point b) du régime d'aide - Volet "consolidation"]. Dans les deux cas, la compatibilité du régime devait être examinée au regard des lignes directrices de 1994.

(31) Dans la mesure où le régime a pour but le sauvetage d'une entreprise en difficulté, les lignes directrices de 1994 prévoient que, pour être compatibles, les aides au sauvetage doivent être octroyées soit sous forme de prêts publics aux conditions du marché soit sous forme de garantie d'État pour les crédits privés. Cette condition n'est pas remplie en l'espèce, puisque les prêts consentis sont bonifiés. Comme, de surcroît, le régime ne prévoit pas la notification individuelle prévue par les lignes directrices de 1994 pour les grandes entreprises et les entreprises des secteurs sensibles, n'exclut pas les aides en faveur des grandes entreprises et a été appliqué en faveur d'entreprises d'un secteur sensible, la Commission a nourri des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun dans le domaine des aides au sauvetage.

(32) Dans la mesure où le régime a pour but la restructuration d'une entreprise en difficulté, la Commission a constaté que les lignes directrices de 1994 subordonnaient la compatibilité essentiellement au respect des conditions suivantes:

a) présentation et exécution d'un plan de restructuration permettant de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise;

b) limitation du montant d'aide au strict minimum nécessaire pour atteindre cet objectif;

c) contribution appropriée de l'entreprise bénéficiaire et de ses associés;

d) respect des règles spécifiques d'application aux secteurs sensibles, y compris, en principe, la notification individuelle;

e) notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises;

f) sauf cas exceptionnels imprévisibles et indépendants de la volonté de l'entreprise, interdiction de l'octroi répété d'aides à la restructuration;

g) présentation d'un rapport détaillé sur la gestion des régimes approuvés en faveur des PME.

(33) Le régime ne prévoit ni la notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises ni l'interdiction de l'octroi répété d'aides à la restructuration. Bien que les lignes directrices de 1994 prévoient la notification individuelle des cas d'application dans les secteurs sensibles, l'examen du rapport annuel présenté par l'Allemagne pour 1997 montre que cette disposition n'a pas été respectée dans la totalité des cas.

(34) Au vu de ces éléments, la Commission a nourri des doutes quant à la compatibilité du régime dans le domaine des aides à la restructuration.

(35) Dans la mesure où le volet "fonds de roulement" du régime est destiné à des entreprises saines et a favorisé la constitution et l'expansion d'entreprises, la Commission a estimé qu'il s'agissait d'aides au fonctionnement devant être examinées sur la base des règles concernant les aides à finalité régionale, lesquelles font l'objet notamment des dispositions suivantes:

a) elles doivent être limitées dans le temps et dégressives;

b) elles ne peuvent être autorisées que dans les régions visées à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE;

c) les secteurs sensibles doivent en être exclus.

(36) La Commission constate que le régime n'est pas limité dans le temps, qu'il ne prévoit aucune dégressivité, qu'il n'exclut pas son application aux secteurs sensibles et que, compte tenu de sa durée indéterminée, il pourrait porter sur des régions qui ne bénéficient plus de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.

(37) C'est pourquoi, dans ce domaine également, la Commission a nourri des doutes quant à la compatibilité du régime avec le marché commun.

3. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(38) Dans ses observations, l'Allemagne déclare que 624 prêts au total, représentant un montant total de 124,6 millions d'euros, ont été accordés du 16 janvier 1996 au 1er juin 1999.

(39) L'Allemagne confirme à la Commission que le programme de prêts du Land de Thuringe s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté. Toutefois, tant que le montant de l'aide restait inférieur au seuil de minimis, même en intégrant d'autres aides de minimis, le régime était compatible avec la règle de minimis, que l'entreprise bénéficiaire ait été en difficulté ou non.

(40) En ce qui concerne les différents cas cités par la Commission, l'Allemagne déclare ce qui suit:

(41) La société Altenburger Automaten und Metallgießerei GmbH a bénéficié en 1995 de prêts ou d'apports du fonds de consolidation (7). Son évolution ultérieure ayant été positive, il n'y avait pas lieu de considérer l'entreprise comme étant en difficulté au moment de l'octroi du prêt de consolidation (juin 1997).

(42) La société Dreistreif Kaffeerösterei a bénéficié à la fin de 1996 d'un financement provenant du fonds de consolidation (8). Au moment de l'octroi des prêts de consolidation (fin 1997), l'entreprise n'était pas en difficulté.

(43) Quant à la société Automatisierungs- und Elektronik GmbH, un prêt de consolidation de 500 000 marks allemands (DEM) lui a été consenti le 22 juin 1995. À ce moment-là, l'entreprise n'était pas en difficulté. En février 1997, un apport de 500 000 DEM du fonds de consolidation (9) a permis de résoudre les difficultés de l'entreprise. Un autre prêt de consolidation de 150 000 DEM lui a été consenti à une date ultérieure.

(44) En définitive, l'Allemagne estime que, au moment de l'octroi des prêts de consolidation au titre du régime, les entreprises susmentionnées n'étaient pas des entreprises en difficulté et les seuils de minimis n'ont été dépassés dans aucun de ces cas.

(45) Pour 1996 et 1997, le calcul de l'intensité d'aide a été effectué exclusivement à partir de l'élément de la bonification d'intérêt, car ce n'est qu'après une réunion entre des représentants de l'Allemagne et de la Commission à l'automne 1997 qu'il a été effectué en tenant compte, en sus de la bonification d'intérêt, de l'élément d'aide attaché à la garantie partielle.

(46) Selon l'Allemagne, la garantie partielle est intervenue moyennant une prime annuelle spéciale de 1 % du montant du prêt à garantir. Initialement, l'Allemagne avait considéré qu'une garantie partielle ne contenait pas d'élément d'aide dès lors qu'une prime de risque calculée selon les usages du marché était acquittée. Puisque c'est le cas pour le régime, le calcul du montant d'aide pour les garanties partielles n'a pas été jugé nécessaire.

(47) En raison de l'évolution durant les années 1996 et 1997, il s'est avéré que la prime de risque fixée ne couvrait pas le risque et qu'il convenait d'affecter un élément d'aide à la garantie partielle.

(48) L'Allemagne estime que le calcul du montant d'aide pour les garanties a été établi définitivement par la lettre de la Commission D-54570 du 11 novembre 1998 (10).

(49) À partir du 1er janvier 1998, le calcul du montant d'aide pour les garanties a été effectué conformément aux indications de la Commission et dès lors, il n'y a plus eu de dépassements du seuil de minimis. D'après les déclarations de l'Allemagne, à partir de janvier 1998, le montant d'aide de 0,5 % a servi de base pour les garanties aux entreprises saines, tandis que pour les entreprises en difficulté, le montant d'aide d'une garantie a été évalué à 100 % conformément à la liste exhaustive des aides de 1999.

(50) Selon les éléments fournis par l'Allemagne, le risque de 40 % assumé par la banque habituelle de l'entreprise était un véritable risque propre et il était exclu que ce risque pût faire l'objet d'une garantie d'une origine publique différente. Comme le montre la liste des aides de 1997, la garantie de 40 % de la banque habituelle constitue un engagement minimal.

(51) Si le prêt dont la banque habituelle assume le risque initial était transmis à une autre banque, un rééchelonnement des engagements de la banque habituelle avec participation de la Thüringer Aufbaubank au risque serait exclu. C'est pourquoi les lignes de crédit en cours de la banque habituelle, qui permettent à l'entreprise de disposer de liquidités, ont dû être maintenues pour leur montant total pendant la durée du crédit garanti.

(52) Toutefois, dans la procédure C 36-99 concernant la société Korn Fahrzeuge und Technik GmbH, l'Allemagne a déclaré par lettre du 27 juillet 1999 que les prêts consentis au titre du régime en cause dans la présente procédure pouvaient être garantis, soit par des cautionnements à hauteur de 80 % en application du régime du Land de Thuringe pour la prise en charge de cautionnements et garanties en faveur des entreprises et des professions libérales par la Thüringer Aufbaubank ("Richtlinie des Freistaates Thüringen für die Übernahme von Bürgschaften und Garantien zugunsten der Wirtschaft und der freien Berufe durch die Thüringer Aufbaubank") (11), soit par une garantie partielle conforme à ce régime. Il était donc possible de cautionner à hauteur de 80 % les prêts consentis au titre du régime en cause.

(53) En ce qui concerne les aides au fonctionnement octroyées à des entreprises saines, l'Allemagne déclare que les prêts du volet "fonds de roulement" comme ceux du volet "consolidation" sont limités dans le temps, la durée maximale des premiers étant de trois ans et celle des derniers étant de dix ans. La dégressivité des régimes est assurée par le fait que les prêts doivent être intégralement remboursés dans les délais prévus dans le cadre du plan de remboursement. Si l'entreprise poursuit des activités dans un secteur sensible, le régime prévoit l'obligation de notification individuelle. Enfin, le Land de Thuringe est une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.

(54) En ce qui concerne les secteurs sensibles, l'Allemagne souligne que, en cas d'octroi de prêts à des entreprises présentes dans l'un ou l'autre de ces secteurs, le régime prévoit l'obligation de notification individuelle.

(55) Selon l'Allemagne, l'examen de l'octroi des prêts consentis aux sociétés Spedition Rothe GmbH, Dreistreiff Kaffeerösterei GmbH et Meininger Privatbrauerei Müller a montré que la notification de ces prêts n'était pas nécessaire, car ces entreprises n'exercent pas leur activité dans un secteur faisant l'objet de dispositions communautaires particulières.

(56) Ce n'est qu'en 1998 qu'ont pris effet les dispositions particulières de l'encadrement des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles (12) de 1996, en application de la décision 1999-183-CE de la Commission du 20 mai 1998 relative aux aides d'État dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui pourraient être octroyées en Allemagne sur la base de régimes d'aide existants à finalité régionale (13). Il n'existait donc pas de règles particulières pour le secteur des produits alimentaires et des denrées d'agrément.

(57) L'Allemagne concède que l'obligation de notification individuelle n'a pas été respectée dans les cas suivants:

a) Getreidemühle Hans-Georg Hirn (confirmation de prêt du 5 juin 1996);

b) Pafahg Mischfutter GmbH (confirmation de prêt du 7 novembre 1997);

c) Ferkelaufzucht GmbH (confirmation de prêt du 29 avril 1997).

(58) En ce qui concerne les aides octroyées à Ostthüringer Obst- und Gemüsezentrale Laasdorf NN 108-98 (ex N 801-97), Hohenölsener Fleisch- und Wurstwaren GmbH (N 628- 97), Molkerei Großbraunshain GmbH NN 35-98 (ex N 796-97) et AGK Fleisch- und Wurstwaren Kölleda (N 799-97), les procédures de notification ont été engagées.

(59) Dans le cadre de la réunion du 24 avril 2001, l'Allemagne a déclaré que, dans certains cas, des prêts avaient été consentis au titre du volet "fonds de roulement" du régime d'aide conjointement avec d'autres aides relevant de régimes d'aide autorisés destinés aux entreprises en difficulté. Dans ces cas, les régimes d'aide autorisés fixaient comme condition sine qua non la présentation d'un plan de restructuration permettant le rétablissement de la viabilité à long terme de l'entreprise.

4. APPRÉCIATION DE L'AIDE

4.1. Existence d'une aide d'État

(60) Même si un concours financier octroyé à une entreprise modifie les conditions de concurrence dans une certaine mesure, toutes les aides n'ont pas pour autant des effets sensibles sur les échanges et la concurrence entre les États membres. Dans ce contexte, sont exclues de l'obligation de notification en vertu de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE les aides qui n'excèdent pas un montant maximal absolu et qui, en qualité d'aides de minimis, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(61) C'est dans l'encadrement PME (14) qu'a été établie pour la première fois une définition de ce que l'on entend par aides de minimis.

(62) Le point 3.2 fixe le champ d'application de la règle de minimis à un montant d'aide de 50 000 euros par entreprise sur une période de trois ans pour certaines grandes catégories de dépenses (investissements, formation). De ce fait, les aides uniques à hauteur de 50 000 euros pour une catégorie donnée de dépenses ainsi que les régimes d'aide au titre desquels les aides versées aux entreprises pour une catégorie donnée de dépenses sur une période de trois ans étaient limitées à ce montant n'étaient plus soumis à la notification préalable prévue à l'article 88, paragraphe 3 (ancien article 93, paragraphe 3), du traité CE. Il y avait cependant une condition, à savoir que la notification individuelle ou le régime d'aide devait comporter une condition expresse prévoyant qu'une aide supplémentaire accordée à la même entreprise éventuellement pour le même type de dépense provenant d'autres sources ou au titre d'autres régimes, ne devait pas dépasser 50 000 euros. Le paragraphe 3.2 précise que la règle de minimis ne s'applique pas aux secteurs sensibles (sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, industrie automobile, agriculture, pêche, transports et industrie charbonnière).

(63) La communication de la Commission de 1996 relative aux aides de minimis (15) a modifié la règle de minimis de l'encadrement PME. Le montant maximal total d'aide de minimis était porté à 100 000 euros sur une période de trois ans débutant au moment de la première aide de minimis. Ce montant couvrait toute aide publique octroyée à titre d'aide de minimis et n'affectait pas la possibilité pour le bénéficiaire d'obtenir d'autres aides sur la base de régimes approuvés par la Commission.

(64) Cette règle ne s'appliquait pas aux secteurs couverts par le traité CECA, à la construction navale, au secteur des transports et aux aides octroyées pour les dépenses relatives au secteur agricole ou de la pêche.

(65) L'article 1er du règlement (CE) n° 69-2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis (16) étend le champ d'application de la règle de minimis à tous les secteurs, à l'exception du secteur des transports et des activités concernant la production, la transformation ou la commercialisation des produits énumérés à l'annexe I du traité, des aides en faveur d'activités liées à l'exportation, c'est-à-dire les aides directement liées aux quantités exportées, à la mise en place et au fonctionnement d'un réseau de distribution ou à d'autres dépenses courantes liées à l'activité d'exportation, et des aides subordonnées à l'utilisation de produits nationaux de préférence aux produits importés.

(66) En vertu de l'article 2 du règlement précité, le montant total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 100 000 euros sur une période de trois ans. Ce plafond s'applique quels que soient la forme et l'objectif des aides.

(67) Étant donné que le règlement (CE) n° 69-2001 n'est entré en vigueur que le 2 février 2001 - alors que le régime en cause a été en vigueur du 16 janvier 1996 au 1er juin 1999 -, la question se pose de savoir si, pour sa décision, la Commission peut appliquer le règlement (CE) n° 69-2001 rétroactivement aux concours financiers octroyés avant son entrée en vigueur ou si elle doit appliquer la règle de minimis de l'encadrement PME de 1992 en vigueur durant la période en cause et la communication de minimis de la Commission (consecutio legis).

(68) Le règlement (CE) n° 69-2001 ne précise pas s'il s'applique à l'appréciation des aides octroyées avant son entrée en vigueur. En revanche, il n'exclut pas son application à des cas antérieurs qui sont soumis au mécanisme de contrôle prévu à son article 3. La Commission estime que, faute d'un autre texte explicite, c'est le règlement (CE) n° 69-2001 qui doit être appliqué aux aides de minimis octroyées avant son entrée en vigueur. D'un côté, dans la mesure où ledit règlement exempte une certaine catégorie de mesures de l'obligation de notification, il constitue une règle de droit procédural et devrait donc être applicable directement aux procédures en cours. D'un autre côté, l'application directe du règlement (CE) n° 69-2001 concorde avec ses objectifs fondamentaux de simplification des procédures et de décentralisation.Ce n'est que pour les aides qui ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001 et ne peuvent donc être exemptées à ce titre que la Commission aura recours aux règles qui étaient en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. Comme le règlement (CE) n° 69-2001 est fondamentalement plus généreux que les règles de minimis qui l'ont précédé et comme ces règles sont de toute façon applicables dans la mesure où l'aide n'est pas exemptée en vertu du règlement (CE) n° 69-2001, il est raisonnablement tenu compte du principe juridique général de la confiance légitime et du principe de la sécurité juridique. Du point de vue économique, la Commission estime qu'un concours financier qui, en vertu du règlement (CE) n° 69-2001 en vigueur aujourd'hui, ne peut être qualifié d'"aide" au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE sur un marché intégré, n'aurait pu constituer dans le passé une "aide" sur un marché moins intégré. Par conséquent, la Commission poursuivra l'examen des concours financiers au regard du règlement (CE) n° 69-2001, ce qui n'interdit pas d'appliquer les règles qui étaient en vigueur au moment de l'exécution des aides, dès lors que celles-ci ne sont pas exemptées en vertu du règlement (CE) n° 69-2001.

(69) Par conséquent, l'ouverture de la procédure porte aussi bien sur le régime d'aide que sur les cas d'application qui n'entrent pas dans le champ d'application sectoriel du règlement (CE) n° 69-2001 ou d'autres règles de minimis, ou alors les cas qui entrent dans le champ d'application sectoriel du règlement (CE) n° 69-2001 ou d'autres règles de minimis pertinentes, mais dans lesquels le seuil de minimis est franchi.

(70) Toutes les activités qui se rapportent à la fabrication, à la transformation ou à la commercialisation de produits énumérés à l'annexe I du traité CE sont exclues du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 et des règles de minimis antérieures à celui-ci. Dès lors, la Commission estime que les prêts consentis à des entreprises de l'industrie alimentaire ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001 et des règles de minimis antérieures à celui-ci, dans la mesure où ils ont pour objet la fabrication, la transformation ou la commercialisation de produits énumérés à l'annexe I du traité CE.

(71) L'argument de l'Allemagne, selon lequel les dispositions de l'encadrement des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles de 1996 n'ont pris effet qu'en 1998, est dénué d'importance en l'espèce, car cette législation particulière n'a pas influé sur le champ d'application de la règle de minimis (17).

(72) La Commission estime que le champ d'application restant du règlement (CE) n° 69-2001 ou des autres règles de minimis pertinentes a pu être franchi du fait que le seuil fixé dans ces textes pouvait être dépassé en raison de la non-prise en compte de l'élément d'aide de la garantie ou en raison des modalités de calcul de cet élément d'aide lors de l'octroi des prêts. Le régime d'aide ne garantit nullement que le seuil de minimis a été respecté dans chaque cas, notamment lorsqu'il s'adresse aux entreprises en difficulté avec le risque élevé de défaillance qui s'y rattache.

(73) En ce qui concerne les bénéficiaires du régime, la Commission considère qu'il s'agit majoritairement d'entreprises en difficulté.

(74) Pour pouvoir distinguer une entreprise en difficulté des autres entreprises, la Commission a introduit au point 2.1 des lignes directrices de 1994 une explication de la notion d'entreprise en difficulté (18).

(75) Dans les lignes directrices de 1994, l'entreprise en difficulté est décrite comme une entreprise "incapable d'assurer son redressement avec ses propres ressources ou avec des fonds obtenus auprès de ses actionnaires ou par l'emprunt. Les signes habituels de cette situation sont la baisse de rentabilité ou le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d'affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d'autofinancement, l'endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que la faible valeur de l'actif net. Dans les cas les plus graves, l'entreprise peut même être devenue insolvable ou se trouver en liquidation".

(76) D'après son paragraphe 2, point a) (volet "fonds de roulement"), le régime avait pour objet d'aider les entreprises dans leur phase de constitution et d'expansion ou pour leur maintien, notamment pour écarter les risques pour l'exploitation de l'entreprise et pour ses emplois. En vertu de son paragraphe 2, point b) (volet "consolidation"), le régime s'adressait aux entreprises qui avaient des problèmes de trésorerie et de rentabilité en raison de leur niveau de rendement et de leur situation financière souvent difficiles.

(77) L'Allemagne a affirmé que, en cas de constitution d'une garantie, le risque de la banque habituelle aurait été de 40 % et qu'il était exclu que ce risque pût faire l'objet d'une garantie d'une origine publique différente. Aux yeux du prêteur, le risque propre de la banque habituelle de l'entreprise présentait un certain intérêt en ce qu'il permettait de vérifier convenablement la solvabilité de l'emprunteur afin de diminuer le risque de défaillance.

(78) Cet argument ne constitue pas une preuve convaincante de la non-application du régime aux entreprises en difficulté. En effet, d'après sa formulation, le régime d'aide avait précisément pour objet d'accorder à des entreprises qui connaissaient des difficultés financières des prêts de consolidation, mais aussi des prêts pour fonds de roulement et des garanties de prêts. Même si la probabilité que le bénéficiaire fût effectivement une entreprise en difficulté a été réduite par le risque restant à la charge de la banque habituelle, il n'en demeure pas moins que le texte du régime d'aide n'exclut nullement l'application de celui-ci à des entreprises en difficulté.

(79) En outre, l'Allemagne a admis qu'un prêt relevant du régime d'aide pouvait être garanti à hauteur de 80 % en application du régime du Land de Thuringe pour la prise en charge de cautionnements et garanties en faveur des entreprises et des professions libérales par la Thüringer Aufbaubank ("Richtlinie des Freistaates Thüringen für die Übernahme von Bürgschaften und Garantien zugunsten der Wirtschaft und der freien Berufe durch die Thüringer Aufbaubank") ou alors par une garantie au titre du régime en cause.

(80) Dès lors, la Commission considère que l'argument du risque propre de la banque à hauteur de 40 % n'est pas concluant comme critère d'exclusion des entreprises en difficulté.

(81) Par ailleurs, la Commission estime qu'il a pu être avantageux pour la banque habituelle de l'entreprise, notamment dans le cas d'entreprises en difficulté, de participer à l'octroi de prêts du régime, au titre du volet "fonds de roulement" ou du volet "consolidation", car le versement des prêts a permis d'améliorer globalement la trésorerie des entreprises bénéficiaires et de réduire le risque de défaillance pour des prêts consentis antérieurement par la banque habituelle. En effet, il peut être économiquement judicieux pour une banque de réduire un risque élevé de défaillance pour des prêts anciens, grâce à l'apport à l'entreprise de nouveaux fonds pour sa restructuration. Cela s'applique notamment lorsque le risque est partiellement assumé par l'État.

(82) Enfin, l'Allemagne a envoyé des listes exhaustives des aides confirmées ou payées au titre du régime qui prouvent que des entreprises en difficulté en ont bénéficié.

(83) La Commission ne peut se rallier à l'avis de l'Allemagne, selon lequel les cas mentionnés lors de l'ouverture de la procédure (Automatisierungs- und Elektronik GmbH, Altenburger Automaten und Metallgießerei GmbH et Dreistreiff Kaffeerösterei) n'étaient pas des entreprises en difficulté. Avant même qu'il fût question d'aides à ces entreprises au titre du régime en cause, celles-ci avaient déjà toutes obtenu des concours financiers du fonds de consolidation du Land de Thuringe et se trouvaient donc dans un processus de restructuration soutenu par des aides d'État, au cours duquel elles ont seulement bénéficié de concours supplémentaires au titre du régime en cause. Toutefois, la Commission estime qu'il ne s'agit globalement que d'une opération de restructuration et que les entreprises doivent donc être considérées comme des entreprises en difficulté, même si leurs difficultés financières immédiates ont pu être résolues grâce aux aides. Par conséquent, les fonds provenant du régime en cause doivent être considérés comme de nouvelles aides à la restructuration ou comme le renforcement d'un plan de restructuration existant.

(84) La Commission juge incompréhensibles les explications fournies par l'Allemagne, notamment au sujet de la société Automatisierungs- und Elektronik GmbH, selon lesquelles une entreprise qui, au départ, n'était pas en difficulté a bénéficié d'un prêt de consolidation, puis de concours du fonds de consolidation (pour résoudre ses difficultés) et ensuite d'un nouveau prêt de consolidation, et qui, malgré tout cela, n'était pas en difficulté.

(85) Enfin, dans ses observations, l'Allemagne a admis que le régime du programme de prêts du Land de Thuringe s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté.

(86) L'élément d'aide de la garantie devait être pris en considération dans le calcul du montant d'aide des prêts, surtout dans le cas des entreprises en difficulté, compte tenu des risques de défaillance.

(87) Le fait que, dans ses observations, l'Allemagne fasse remarquer que les autorités allemandes ne savaient pas en 1996 et 1997 qu'il fallait prendre en compte dans le calcul du montant de l'aide l'élément d'aide attaché à la garantie et aux risques particuliers de l'octroi de prêts à des entreprises en difficulté ne change rien à cette appréciation.

(88) En effet, la Commission ne peut accepter cette remarque puisque, dès 1989, elle avait envoyé une lettre aux États membres pour leur indiquer que, à son avis, toutes les garanties assumées par l'État entraient dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE (19).

(89) Lors de la constitution de garanties pour les prêts consentis à des entreprises ayant des problèmes de trésorerie, les autorités allemandes auraient au moins dû se douter du caractère d'aide des concours relevant du régime et elles auraient dû notifier ces concours en temps utile à la Commission, afin que celle-ci pût donner son avis à leur sujet (20).

(90) En vertu de la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties (21), l'équivalent-subvention d'une garantie de prêt pour une année donnée peut:

a) être calculé de la même façon que celui d'un prêt à taux privilégié, la bonification d'intérêt étant égale à la différence entre le taux du marché et le taux obtenu grâce à la garantie de l'État après déduction des primes éventuellement versées;

b) être considéré comme égal à la différence entre: a) le montant garanti non encore remboursé, multiplié par le facteur de risque (probabilité d'une défaillance) et b) la prime payée, soit (somme garantie × risque) - prime;

c) être calculé par toute autre méthode objectivement justifiable et généralement admise.

(91) La Commission confirme son point de vue exprimé dans la communication précitée, à savoir que si la constitution de garanties est, comme en l'espèce, fondée sur un régime d'aide, la deuxième méthode devrait constituer la méthode standard de calcul.

(92) La Commission confirme en même temps la thèse qu'elle défend de longue date, à savoir que si la probabilité de l'insolvabilité de l'emprunteur est manifestement très forte au moment de la décision d'octroi du prêt, le montant de l'aide peut atteindre celui de la somme effectivement couverte par la garantie.

(93) Du reste, l'élément d'aide que constitue la garantie peut entraîner un dépassement du seuil de minimis même dans le cas d'entreprises saines.

(94) La Commission estime que le régime d'aide et les cas où il a été appliqué constituent des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, lorsqu'ils ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001, ou lorsqu'ils en relèvent mais franchissent le seuil prévu à l'article 2, paragraphe 2. Cela vaut également pour les autres règles de minimis qui étaient en vigueur au moment où les aides ont été exécutées.

(95) Dans la mesure où il s'adresse à des entreprises en difficulté, le régime d'aide permet aux entreprises bénéficiaires d'obtenir des moyens financiers d'une banque privée, alors que leur situation financière ne leur donnerait plus accès au soutien d'établissements financiers privés aux conditions de crédit usuelles de ceux-ci. Ces moyens financiers permettent aux entreprises bénéficiaires d'éviter d'être éliminées du marché ou d'améliorer leur position de marché. En cas d'élimination de l'entreprise du marché, soit les surcapacités existantes seraient réduites, soit les parts de marché ainsi libérées seraient reprises par des concurrents qui, dans les deux cas, pourraient améliorer leur rentabilité. Les prêts concernés par la présente procédure n'excluent pas l'octroi de prêts à des entreprises fabriquant des produits ou fournissant des services qui font l'objet d'échanges intracommunautaires. Dès lors, force est de constater que les concours financiers concernés par la présente procédure sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres.

(96) Même des entreprises saines n'obtiendraient pas ces moyens financiers aux conditions proposées et elles ont donc pu, grâce à leurs fonds de roulement étoffés, améliorer leur position de marché à l'intérieur du marché commun par rapport à leurs concurrents. Cela concerne particulièrement les entreprises saines qui poursuivent des activités dans des secteurs sensibles. En effet, comme les marchés de ces secteurs sont caractérisés par des capacités excédentaires, l'avantage financier que les prêts procurent à ces entreprises spécifiques a pour effet de renforcer leur position vis-à-vis d'autres concurrents dans les échanges entre États membres, ce qui peut entraîner une altération de ces échanges.

(97) C'est pourquoi la Commission conclut que le régime d'aide et son application constituent des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE au profit d'entreprises qui participent aux échanges intracommunautaires.

(98) Au vu des observations des autorités allemandes, la Commission estime que la banque privée, en sa qualité de prêteur, n'a pas profité de l'octroi des prêts de consolidation d'une manière susceptible de fausser la concurrence.

(99) Dans sa communication sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties, la Commission considère que, si une garantie de l'État est accordée ex post en ce qui concerne un prêt ou une autre obligation financière déjà contractés sans que les modalités de ce prêt ou de cette autre obligation financière ne soient adaptées, ou si un prêt garanti est utilisé pour rembourser un autre prêt, qui lui n'est pas garanti, à la même institution de crédit, il est alors possible que le prêteur bénéficie aussi d'une aide, dans la mesure où le prêt devient plus sûr.

(100) Bien que, d'après la formulation du paragraphe 2, point b), du régime d'aide, les problèmes de trésorerie des entreprises doivent être résolus par un rééchelonnement des dettes à moins d'un an en dettes à plus d'un an à des taux d'intérêt bonifiés, l'Allemagne a indiqué dans ses observations qu'un rééchelonnement des engagements de crédit en cours de la banque habituelle par la Thüringer Aufbaubank n'était possible que sans la garantie de celle-ci.

(101) Étant donné qu'il a été exclu que les engagements de crédit en cours de la banque habituelle de l'entreprise puissent être rééchelonnés avec la garantie de la Thüringer Aufbaubank, aucune aide en faveur du prêteur ne peut être décelée dans le régime d'aide. Le fait que la stabilisation d'une entreprise en difficulté profite à tous les créanciers de celle-ci est une conséquence normale des aides et ne constitue pas en soi une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE en faveur de ces créanciers.

4.2. Légalité de l'aide

(102) La Commission déplore que l'Allemagne ait octroyé les aides en application erronée du règlement (CE) n° 69-2001 et en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.

4.3. Compatibilité de l'aide avec le marché commun en cas de sortie du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou d'une autre règle de minimis pertinente

(103) Dans son examen du régime d'aide, la Commission constate que celui-ci s'adressait aussi bien aux entreprises saines qu'aux entreprises en difficulté.

(104) Lorsque les aides ont été octroyées à des entreprises en difficulté, il s'agissait d'aides à la restructuration ou d'aides au sauvetage au sens des lignes directrices de 1994, lesquelles sont confirmées par les lignes directrices de 1999. (22).

(105) Lorsque les aides ont été octroyées à des entreprises saines, il s'agissait d'aides au fonctionnement au sens de la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales de 1988 (23). Cette communication a été confirmée pour l'essentiel et présentée en détail dans les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (24) de 1998 modifiées par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (25) de 2000.

(106) La suite de la présente décision examine, pour chacun de ces champs d'application, la compatibilité au regard des dispositions applicables dans chaque cas (26).

4.3.1. Aides à la restructuration prévues par le régime d'aide

(107) Lorsqu'il s'agit de la restructuration d'entreprises en difficulté, force est de constater que les lignes directrices de 1994 subordonnaient essentiellement la compatibilité de l'aide avec le marché commun au respect des critères suivants:

a) présentation et exécution d'un plan de restructuration permettant de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise;

b) contribution appropriée de l'entreprise bénéficiaire et de ses associés;

c) limitation du montant de l'aide au strict minimum nécessaire;

d) respect des règles spécifiques d'application concernant les secteurs sensibles, ce qui nécessite la notification individuelle des aides;

e) sauf situations exceptionnelles imprévisibles dont l'entreprise ne peut être rendue responsable, les aides à la restructuration ne peuvent être octroyées qu'une seule fois. À partir de 1995, la Commission a élaboré une pratique décisionnelle en vertu de laquelle l'octroi répété d'aides à la restructuration à la même entreprise doit être notifié individuellement si le montant de l'aide à la restructuration accordée précédemment était supérieur à 1 million d'euros (27);

f) notification individuelle des aides en faveur de grandes entreprises.

(108) Le régime d'aide prévoit comme condition d'octroi des prêts du volet "fonds de roulement" la présentation d'un plan stratégique à moyen terme indiquant les besoins de l'entreprise pour assurer sa rentabilité et sa trésorerie. En outre, l'entreprise et sa banque habituelle doivent y contribuer de manière appropriée sur leurs propres ressources. La présentation d'un plan de restructuration n'est pas nécessaire.

(109) Le régime d'aide prévoit comme condition d'octroi des prêts du volet "consolidation" la présentation d'un plan global de restructuration cohérent qui, après sa réalisation et en tenant compte du prêt, permet de tabler sur une suppression durable des difficultés de l'entreprise. Là encore, l'entreprise et sa banque habituelle doivent apporter une contribution appropriée sur leurs propres ressources.

(110) En ce qui concerne l'impératif du strict minimum nécessaire, le régime d'aide prévoit que le montant des prêts octroyés au titre des deux volets ne doit pas dépasser le montant nécessaire pour permettre à l'entreprise de résoudre ses difficultés.

(111) Le régime d'aide prévoit l'obligation de notification individuelle des cas d'application du régime dans les secteurs sensibles, mais cette disposition n'a pas été respectée, en partie du moins, dans le secteur sensible de l'agriculture.

(112) Le texte du régime d'aide ne prévoit pas l'interdiction de l'octroi répété d'aides à la restructuration ou la notification de l'octroi répété d'aides lorsque le montant de l'aide à la restructuration accordée précédemment était supérieur à 1 million d'euros. Enfin, il ne prévoit pas la notification individuelle des aides en faveur des grandes entreprises.

(113) La Commission conclut donc que le régime d'aide ne respecte pas les conditions des lignes directrices de 1994 et est incompatible avec le marché commun. Si des aides à la restructuration ont été octroyées au titre du régime à des entreprises en difficulté, ces aides ne sont pas compatibles avec le marché commun.

4.3.2. Aides au sauvetage

(114) Lorsqu'il s'agit du sauvetage d'entreprises en difficulté, force est de constater que les lignes directrices de 1994 exigent, comme condition de compatibilité, que les aides au sauvetage soient limitées aux formes d'aide du prêt public aux conditions du marché ou de la garantie d'État pour les crédits privés. Cette condition n'est pas remplie en l'espèce, puisque les prêts sont bonifiés.

(115) Dans la mesure où des aides au sauvetage ont été octroyées au titre du régime en cause, elles ne sont pas compatibles avec le marché commun.

4.3.3. Aides au fonctionnement en faveur d'entreprises saines

(116) D'après le texte du régime d'aide, si des prêts ont été consentis en faveur d'entreprises financièrement saines, ils mettent à la disposition des entreprises bénéficiaires des liquidités qui ne sont pas spécifiques d'investissements. La Commission qualifie ces aides d'aides au fonctionnement qui doivent être examinées au regard de la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales de 1988 et la pratique ultérieure de la Commission, confirmées par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998.

(117) D'après la carte des aides régionales en vigueur de 1996 à 1999, le Land de Thuringe était une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. La communication de la Commission de 1988 précitée prévoit que la Commission, reconnaissant les difficultés particulières dans les régions visées à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE [ancien article 92, paragraphe 3, point a), du traité CE], peut exceptionnellement autoriser certaines aides au fonctionnement dans ces régions, dès lors que l'aide est limitée dans le temps et est destinée à surmonter les handicaps structurels des entreprises dans ces régions et qu'elle n'est pas octroyée dans des secteurs sensibles.

(118) Par ailleurs, dans les années 90, la Commission a élaboré une pratique en vertu de laquelle les aides doivent être dégressives. Cette condition est confirmée dans les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998.

(119) La Commission considère que la condition de la limitation dans le temps n'est pas prise en compte dans le régime d'aide, même si celui-ci est arrivé à expiration le 31 mai 1999 (28).

(120) Si la Commission examine l'obligation de limitation dans le temps du régime d'aide en cause, elle ne peut limiter cet examen exclusivement à ce régime, mais elle doit considérer le fait que ce dernier a remplacé deux régimes d'aide antérieurs (29). Ces deux régimes antérieurs sont entrés en vigueur le 20 juillet 1993 et ont été remplacés le 16 janvier 1996 par le régime en cause. La Commission estime que la prorogation des deux régimes antérieurs par le régime sous examen ne concorde pas avec le souci de limitation dans le temps tel qu'il est exposé dans la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales de 1988 et dans les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale. De surcroît, l'Allemagne n'a présenté aucun argument écartant la possibilité que des aides au fonctionnement aient été octroyées du 20 juillet 1993 au 31 mai 1999 au titre du régime en cause. Cela n'est pas contraire à la thèse selon laquelle, pris isolément, chacun des prêts était limité dans le temps.

(121) Dans les années 90, la Commission a élaboré une pratique constante en vertu de laquelle les aides au fonctionnement devaient être dégressives (30). La Commission estime que, à partir de l'entrée en vigueur du régime d'aide le 16 janvier 1996, le régime et son application devaient être adaptés à l'obligation de dégressivité. Or le régime ne prévoyait pas cette adaptation.

(122) De même, le régime d'aide ne prévoit pas l'obligation d'octroi d'un prêt une seule fois. Au contraire, dans au moins un cas (Automatisierungs- und Elektronik GmbH), il est apparu qu'une entreprise a obtenu des aides aussi bien le 22 juin 1995 au titre du programme de consolidation du Land de Thuringe qu'au titre du régime examiné en l'espèce. L'Allemagne n'a pas non plus expliqué la nécessité de la poursuite de l'octroi d'aides.

(123) À ce stade, il semble nécessaire de souligner le caractère tout à fait exceptionnel que la Commission confère à la possibilité d'autoriser des aides au fonctionnement. En effet, ni la communication de la Commission sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales de 1988 ni les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998 (point 4.15) n'offrent la possibilité d'autoriser des aides au fonctionnement pour l'entretien des structures. Les lignes directrices confirment l'orientation de la méthode de 1988 sous une forme généralisatrice, puisqu'elles exigent que les aides au fonctionnement soient justifiées en fonction de leur contribution au développement régional et de leur nature et que leur niveau soit proportionnel aux handicaps qu'elles visent à pallier.

(124) S'il est vrai que le territoire de l'ex-RDA, dont la Thuringe fait partie, présentait encore des handicaps structurels dans les premières années de la réunification allemande, la Commission estime toutefois que ces handicaps avaient très nettement diminué en 1996, année de démarrage du régime thuringien, grâce aux investissements considérables effectués par l'Allemagne dans les infrastructures de la région dans le cadre du programme de reconstruction de l'Est "Aufbau-Ost". Du reste, les autorités allemandes n'ont jamais déclaré à la Commission, dans le cadre de la procédure, que les aides octroyées étaient nécessaires pour compenser des handicaps substantiels de coûts et d'infrastructures.

(125) Au vu de l'importante activité d'investissement en Thuringe durant la période postérieure à 1996, il ne saurait pas davantage être question d'affirmer que le maintien des investissements existants était la condition sine qua non de la réalisation de nouveaux investissements. Ce genre d'argument en faveur du maintien des "noyaux industriels" était peut-être valable durant la phase initiale de l'intégration des nouveaux Länder dans l'Allemagne réunifiée, et la Commission l'a d'ailleurs reconnu à sa juste valeur dans ses décisions relatives au complexe de la Treuhandanstalt et à certains grands projets (EKO-Stahl, Leuna 2000, etc.). En revanche, cet argument est à rejeter pour la période en cause; au demeurant, l'Allemagne ne l'a pas fait valoir.

(126) Par ailleurs, la Commission constate que le programme de prêts du Land de Thuringe n'est pas non plus clairement destiné aux petites entreprises de secteurs traditionnels de l'économie dont l'expansion ne peut se faire sans aide de l'extérieur. La Commission constate que, dans le domaine de l'encouragement des investissements dans les nouveaux Länder à l'époque, les instruments de financement de l'investissement initial autorisés par la Commission ne manquaient pas. En effet, la Commission a reconnu dans plusieurs décisions que, pour des raisons historiques, les nouveaux Länder souffraient d'une insuffisance de capitaux propres résultant du manque de possibilités de constitution d'actifs sur le territoire de l'ex-RDA. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Commission a autorisé une série d'aides au fonctionnement très strictement encadrées.

(127) S'il est vrai que l'objet du régime en cause n'écarte pas la possibilité du financement de la croissance, on constate cependant que le régime n'est pas globalement axé de manière offensive sur la croissance, ce qui favoriserait les mutations structurelles, mais qu'il est essentiellement défensif et ne peut qu'entraver ces mutations. Or, à long terme, les mesures qui entravent les mutations structurelles ne sont pas aptes à contribuer à un développement régional réussi.

(128) Au vu de ces explications, la Commission considère que la contribution des aides au fonctionnement en cause au développement régional n'est pas démontrée.

(129) Par ailleurs, elle constate que, contrairement au texte du régime d'aide, les secteurs sensibles ne sont pas exclus de l'octroi d'aides au fonctionnement. L'application du régime dans le secteur sensible de l'agriculture montre que, contrairement à son libellé, il a été appliqué dans au moins un secteur sensible.

(130) Pour tous les motifs qui précèdent, la Commission conclut que, dans la mesure où des aides au fonctionnement ont été octroyées au titre du régime à des entreprises saines, ces aides ne sont pas compatibles avec le marché commun. Le régime d'aide prolonge la période durant laquelle des aides au fonctionnement peuvent être octroyées, il n'exige pas que ces aides soient dégressives et il n'exclut pas - dans son application - les secteurs sensibles. En conséquence, il est incompatible avec le marché commun.

(131) La Commission estime que les dérogations de l'article 87, paragraphe 2, du traité CE ne s'appliquent pas à la présente espèce, puisque le régime d'aide ne poursuit aucun des objectifs qui y sont énoncés. Du reste, l'Allemagne n'a pas revendiqué ces dérogations (31).

(132) La Commission conclut que, hormis les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, aucune des règles régissant l'appréciation des aides d'État à finalité horizontale conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE n'était applicable au régime d'aide, car celui-ci ne poursuit aucune de leurs finalités spécifiques et l'Allemagne n'a pas affirmé que tel était le cas.

(133) La Commission estime que les aides ne sont pas non plus destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, pas plus qu'elles ne sont destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine. Dès lors, la Commission conclut que ni l'article 87, paragraphe 3, point b), ni l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE ne s'appliquent au régime d'aide en cause.

(134) Quelques cas d'application du régime en cause ont éventuellement fait l'objet d'une autre procédure formelle d'examen conformément à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, mais la présente décision ne les concerne pas.

5. CONCLUSIONS

(135) Le régime d'aide n'ayant pas été notifié, il est illégal au regard de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Les aides qui sortent du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou qui, si elles ne relèvent pas de ce règlement, sortent du champ d'application des autres règles de minimis en vigueur au moment où le régime a été exécuté en faveur d'entreprises présentes dans les échanges intracommunautaires, ont été octroyées illégalement.

(136) L'application du régime est incompatible avec le marché commun - dans la mesure où les échanges intracommunautaires sont affectés -, car elle permet en dehors du champs de minimis que des aides au sauvetage soient octroyées à des taux d'intérêt bonifiés, elle permet que des aides à la restructuration soient octroyées plus d'une seule fois ou ne prévoit pas que l'octroi répété d'aides doit être notifié si la somme octroyée est supérieure à 1 million d'euros. Si des aides à la restructuration ont été octroyées au titre du volet "fonds de roulement" du régime, la présentation d'un plan de restructuration n'était pas nécessaire. Par ailleurs, le régime a été appliqué dans au moins un secteur sensible et prévoit des aides au fonctionnement pour des entreprises saines, et ce sans dégressivité.

(137) En conséquence, l'application du régime en dehors du champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001 ou des règles antérieures pertinentes concernant les entreprises en difficulté et concernant les aides au fonctionnement octroyées à des entreprises saines est incompatible avec le marché commun.

(138) En vertu de la pratique décisionnelle constante de la Commission, les aides octroyées illégalement et incompatibles au regard de l'article 87, du traité CE doivent être récupérées auprès de leurs bénéficiaires, dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par des règles de minimis. Cette pratique a été confirmée par l'article 14 du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 92 du traité CE (32), aux termes duquel l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire. Pour tirer définitivement au clair le nombre de cas concernés par la récupération, la Commission estime que l'Allemagne doit dresser la liste de toutes les entreprises qui n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 69-2001,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le régime d'aide relatif au programme de prêts du Land de Thuringe en faveur des petites et moyennes entreprises (ci-après "le régime d'aide") constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Le régime ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE lorsque les aides relèvent du règlement (CE) n° 69-2001 ou, si elles n'en relèvent pas, lorsqu'elles relèvent des règles de minimis qui étaient en vigueur au moment de l'exécution de l'aide et que, cumulées avec d'autres aides de minimis, elles ne franchissent pas le seuil de minimis correspondant du règlement (CE) n° 69-2001 ou des autres règles de minimis pertinentes.

Le régime ne constitue pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, dans la mesure où des aides ont été octroyées en faveur d'entreprises fabriquant des produits ou fournissant des services qui ne font pas l'objet d'échanges entre États membres.

Dans la mesure où le régime relève de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, les aides octroyées sont illégales.

Article 2

Dans la mesure où le régime d'aide octroie des aides au fonctionnement en faveur d'entreprises saines, il est incompatible avec le marché commun s'il entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 3

Dans la mesure où le régime d'aide octroie des aides au sauvetage et à la restructuration en faveur d'entreprises en difficulté, il est incompatible avec le marché commun s'il entre dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 4

La présente décision ne concerne pas les cas d'application du régime d'aide qui ont déjà fait l'objet d'une autre procédure formelle d'examen ou d'une décision formelle de la Commission. Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste des entreprises concernées.

Article 5

L'Allemagne prend toutes les mesures qui s'imposent pour exiger des bénéficiaires qu'ils restituent les aides décrites aux articles 2 et 3 qui leur ont été accordées illégalement.

Le recouvrement de l'aide intervient immédiatement, conformément aux procédures nationales, dans la mesure où elles permettent l'exécution effective et immédiate de la décision. Les sommes à recouvrer comprennent les intérêts à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a perçu l'aide illégale jusqu'à la date de son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l'équivalent-subvention des aides à finalité régionale.

Article 6

Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste des entreprises qui sont exclues du champ d'application sectoriel du règlement (CE) n° 69-2001 ou qui, en intégrant l'élément d'aide de la garantie et les autres aides de minimis octroyées durant la période en cause, franchissent le seuil prévu par le règlement (CE) n° 69-2001.

La liste fait ressortir les entreprises en difficulté, les entreprises saines et le volet au titre duquel l'aide a été octroyée. En outre, l'Allemagne précise les critères en vertu desquels une entreprise a été jugée en difficulté.

Dans ce contexte, l'Allemagne élabore une méthode de détermination de l'élément d'aide de la garantie sur la base de la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties.

Dans le cadre de l'exécution de la présente décision, l'Allemagne dresse la liste des entreprises qui ne relèvent pas du règlement (CE) n° 69-2001 et ont bénéficié du régime en cause, et qui fabriquent des produits ou fournissent des services qui ne font pas l'objet d'échanges intracommunautaires, et elle indique ses critères.

Article 7

L'Allemagne informe la Commission, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 8

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

(1) Thüringer Staatsanzeiger n° 7-1996, p. 390.

(2) JO C 213 du 19.8.1992, p. 2.

(3) JO C 108 du 17.4.1999, p. 29.

(4) Un prêt a été consenti à la société Korn Fahrzeuge und Technik GmbH au titre du régime en cause.

(5) Thüringer Staatsanzeiger n° 22-1999, p. 1236 et 1237.

(6) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(7) Il s'agit manifestement de la procédure NN 74-95.

(8) Il s'agit manifestement de la procédure NN 74-95.

(9) Il s'agit manifestement de la procédure NN 74-95.

(10) Selon cette lettre, un montant d'aide de 0,5 % du prêt garanti sert de base pour les entreprises saines, tandis que pour les entreprises en difficulté, il peut atteindre 100 % du prêt.

(11) Aide N 117-96 (JO C 288 du 23.9.1997, p. 5).

(12) JO C 29 du 2.2.1996, p. 2.

(13) JO L 60 du 9.3.1999, p. 61.

(14) JO C 213 du 19.8.1992, p. 2.

(15) JO C 68 du 6.3.1996, p. 9.

(16) JO L 10 du 13.1.2001, p. 30.

(17) Du reste, cet encadrement communautaire est entré en vigueur avec sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. Par la décision 1999-183-CE, la Commission a établi que les régimes d'aide allemands sont incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE dans la mesure où ils ne respectent pas l'encadrement et les mesures utiles concernant les aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles qui ont été communiqués à l'Allemagne par lettre SG (95) D-13086 du 20 octobre 1995.

(18) En ce qui concerne les aides non notifiées, le point 101 b) des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté de 1999 (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2) établit que la Commission examine la compatibilité avec le marché commun de toute aide destinée au sauvetage et à la restructuration qui est octroyée sans l'autorisation de la Commission et donc en contravention de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE sur la base des lignes directrices en vigueur au moment de l'octroi de l'aide. C'est pourquoi la Commission a examiné le régime d'aide sur la base des lignes directrices de 1994.

(19) Lettre de la Commission aux États membres SG (89) D-4328 du 5 avril 1989.

(20) Cela s'applique notamment dans le contexte de la décision de la Commission concernant l'aide d'État C 19-95 - Allemagne - décision finale négative, garanties d'État des Länder de Saxe-Anhalt, Basse-Saxe, Rhénanie du Nord-Westphalie, Rhénanie-Palatinat, Bavière, Brême, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Schleswig-Holstein et Saxe pour les aides à la restructuration de grandes entreprises en difficulté [lettre SG(96) D-3694 du 3 avril 1996], dans laquelle la Commission s'exprime de manière exhaustive sur le caractère d'aide des garanties.

(21) JO C 71 du 11.3.2000, p. 14.

(22) En vertu du point 2.2 des lignes directrices de 1994, ces lignes directrices n'étaient applicables que dans la mesure où elles étaient compatibles avec les règles spécifiques applicables aux secteurs sensibles. À l'époque en cause, il existait des dispositions particulières pour les aides d'État dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche, de la sidérurgie, de la construction navale, de l'industrie textile et de l'habillement, des fibres synthétiques, de l'industrie automobile, des transports et de l'industrie charbonnière. Dans le secteur agricole, les États membres pouvaient, s'ils le souhaitaient, à titre d'alternative à ces lignes directrices, continuer à appliquer aux bénéficiaires individuels les règles spéciales prévues par la Commission pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration.

Le 1er janvier 1998 sont entrées en vigueur les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté qui se distinguent des dispositions figurant dans les lignes directrices précédentes de 1994 uniquement pour le secteur agricole (JO C 283 du 19.9.1997, p. 2).

(23) JO C 212 du 12.8.1988, p. 2.

(24) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(25) JO C 258 du 9.9.2000, p. 5.

(26) JO C 119 du 22.5.2002 (Pour la délimitation des définitions, la Commission renvoie aux textes cités. La Commission a examiné les aides aux entreprises saines au regard de sa communication de 1988 sur la méthode pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales. L'appréciation ne serait pas modifiée par l'application des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998.)

(27) Par exemple, décision de la Commission SG(96) D-1946 du 6 février 1996 concernant l'aide d'État NN 74-95 - Fonds de consolidation du Land de Thuringe pour les entreprises en difficulté.

(28) La Commission constate que le régime en cause du Land de Thuringe a été remplacé le 1er juin 1999 par un nouveau régime qui, de prime abord, semble être conforme aux règles de minimis applicables.

(29) Régime "consolidation" du Land de Thuringe, C 85-98 et régime "fonds de roulement" du Land de Thuringe, C 28-99.

(30) Cette pratique a été confirmée avec l'adoption des mesures utiles pour l'adaptation des régimes existants d'aides à finalité régionale aux dispositions des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 2000 par lettre de la Commission SG (98) D-1670 du 24 février 1998.

(31) Pour l'application de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité CE, la Commission renvoie aux explications de la Cour de justice des Communautés européennes relatives à l'article 52, paragraphe 8, de la loi allemande concernant l'impôt sur le revenu; voir arrêt du 19 septembre 2000 dans l'affaire C-156-98, Allemagne/Commission (non encore publié à ce jour).

(32) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.