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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 20 décembre 2001, n° 00-29

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Trollat Immobilier (SA)

Défendeur :

Sanchez

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Espel

Conseillers :

MM. Bancal, Bertrand

Avoués :

SCP Pomies Richaud Astraud, SCP Fleuriot Besson Melgar

Avocats :

Mes Everlange, Sabatier.

T. com. Annonay, du 3 déc. 1999

3 décembre 1999

Vu l'assignation devant le Tribunal de commerce d'Annonay, en date du 3 décembre 1999, délivrée à la requête de Monsieur Christophe Sanchez et tendant à faire condamner la société anonyme Trollat Immobilier au paiement à la suite de la rupture d'un contrat d'agent commercial :

- d'une somme de 106 374,90 F au titre de commissions impayées;

- d'une somme de 148 000 F au titre du manque à gagner;

- d'une somme de 536 000 F à titre de l'indemnité compensatrice;

- d'une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive;

Vu le jugement rendu contradictoirement le 3 décembre 1999 par le Tribunal de commerce d'Annonay et qui a notamment :

- donné acte à la société anonyme Trollat Immobilier de ce qu'elle se reconnaissait débitrice envers Monsieur Sanchez de la somme de 69 973,91 F;

- jugé que la société anonyme Trollat Immobilier était à l'origine de la rupture du contrat d'agent commercial signé le 2 janvier 1999 avec Monsieur Sanchez;

- condamné la société Trollat Immobilier à verser à Monsieur Sanchez une provision de 25 000 F ;

- ordonné une expertise comptable pour fixer les différentes indemnités dues à Monsieur Sanchez;

Vu l'appel interjeté le 22 décembre 1999 par la société Trollat Immobilier à l'encontre du jugement du 3 décembre 1999 et enrôlé sous le numéro 00-29;

Vu les dernières conclusions en date du 18 octobre 2001,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles la société anonyme Trollat Immobilier demande notamment à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

- de juger que la rupture du contrat d'agent commercial incombe à Monsieur Sanchez;

- de lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir à Monsieur Sanchez une somme de 69 973,91 F;

- de condamner Monsieur Sanchez à lui payer une somme de 10 000 F au titre d'avances sur salaires non remboursées et une somme de 34 874,76 F au titre de commissions perçues deux fois;

- de condamner Monsieur Sanchez à lui rembourser la somme de 25 000 F versée au titre de l'exécution provisoire;

- d'ordonner la compensation et de constater qu'elle n'est plus redevable que de la somme de 99,15 F;

- de condamner Monsieur Sanchez à lui verser la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts;

- a titre subsidiaire, de juger qu'il n'y a pas lieu de confier à un expert judiciaire la mission de déterminer le montant des éventuelles indemnités de rupture revenant à Monsieur Sanchez;

- a titre très subsidiaire, de juger que l'indemnité compensatrice réclamée ne saurait être équivalente à deux ans de commission, compte tenu de la faible durée du contrat d'agent commercial;

- de lui allouer une somme de 25 000 F par application des dispositions de l'aride 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 26 juillet 2000, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens et par lesquelles Monsieur Christophe Sanchez déclarant former un appel incident, demande notamment à la cour :

- de confirmer partiellement la décision déférée en ce que le premier juge a considéré que la rupture du contrat d'agent commercial incombait à la société Trollat Immobilier et était abusive;

- de réformer partiellement la décision déférée en ce que le premier juge a ordonné une expertise;

- de juger qu'une expertisé n'est pas nécessaire en l'espèce;

- de condamner la société anonyme Trollat Immobilier à lui verser une somme de 120 374,90 F au titre de commissions impayées, une somme de 148 000 F au titre du manque à gagner, une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, une somme de 536 000 F au titre de l'indemnité compensatrice et une somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil;

- de lui allouer une somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu la clôture le 19 octobre 2001 de la mise en état de la procédure ;

Motifs de la décision

Attendu que la recevabilité de l'appel principal interjeté par la société anonyme Trollat Immobilier n'est ni contestée ni contestable;

Attendu que la recevabilité de l'appel incident formé par Monsieur Christophe Sanchez n'est ni contestée ni contestable;

Attendu qu'il résulte effectivement des pièces soumises à la contradiction des parties :

- que la société anonyme Trollat Immobilier exploite un fonds de commerce d'agence immobilière;

- que par un contrat de travail en date du 30 mai 1998 Monsieur Christophe Sanchez a été engagé par la société anonyme Trollat Immobilier en qualité de négociateur-VRP salarié;

- que le 2 janvier 1999 la société Trollat Immobilier et Monsieur Christophe Sanchez ont signé un contrat d'agent commercial à durée déterminée;

- que ce contrat d'agent commercial fait expressément référence aux dispositions des décret du 23 décembre 1958, du 22 août 1968 et de la loi du 25 juin 1991 et a été conclu pour une durée d'un en renouvelable par tacite reconduction;

- que le contrat d'agent commercial du 2 janvier 1999 stipule également une interdiction d'exercer une activité similaire pendant deux ans et dans un rayon de 20 kilomètres;

- qu'en juin 1999, un différend est né entre la société Trollat Immobilier et Monsieur Sanchez au sujet du paiement de trois factures de commissions;

- que Monsieur Christophe Sanchez et la société anonyme Trollat Immobilier ont échangé des correspondances au sujet de ce différend;

- qu'aux termes de cet échange de correspondance et par une lettre en date du 14 juin 1999, la société anonyme Trollat Immobilier a considéré que Monsieur Christophe Sanchez avait rompu le contrat d'agent commercial;

Attendu que la cour constate que la cessation du contrat d'agent commercial à durée déterminée a au lieu le 14 juin 1999 à savoir avant l'échéance du premier terme conventionnel;

Attendu que Monsieur Christophe Sanchez est fondé à soutenir que la rupture de son contrat d'agent commercial à durée déterminée avant l'échéance du premier terme conventionnel est le fait unilatéral et fautif de la société anonyme Trollat Immobilier;

Attendu que Monsieur Christophe Sanchez est fondé à soutenir que le courrier qu'il a envoyé le 9 juin 1999 à la société Trollat Immobilier n'était pas une lettre de résiliation de son contrat d'agent commercial; que la Cour relève à cet égard :

- que Monsieur Sanchez et la société anonyme Trollat Immobilier avaient un différend sur le paiement de trois factures de commissions;

- que les termes de la lettre du 9 juin 1999 étaient très fermes quant aux exigences financières de Monsieur Sanchez;

- que dans cette lettre Monsieur Sanchez n'excluait aucune voie de droit pour obtenir le paiement des trois factures;

- que cependant aucun des termes de la lettre du 9 juin 1999 ne permet de considérer que par ce courrier Monsieur Sanchez entendait mettre fin au contrat d'agent commercial du 2 janvier 1999;

- que par sa lettre du 14 juin 1999 la société Trollat Immobilier a pris l'initiative de mettre fin de façon unilatérale et fautive au contrat à durée déterminée du 2 février 1999 et ce, en donnant au courrier du 9 juin 1999 une signification volontairement déformée;

- que dés le 18 juin 1999, la société anonyme Trollat Immobilier a d'ailleurs averti par lettre ses clients ainsi que plusieurs notaires que Monsieur Christophe Sanchez n'était plus son agent commercial;

Attendu que la société anonyme Trollat Immobilier n'est pas fondée à soutenir que la cessation du contrat d'agent commercial du 2 février 1999 aurait été provoquée par une faute grave de Monsieur Christophe Sanchez et, ce au sens des dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991;

Attendu que la cour relève à cet égard :

- que la lettre du 14 juin 1999 envoyée par société anonyme Trollat Immobilier à Monsieur Christophe Sanchez ne fait pas mention d'une faute grave;

- qu'en effet la lettre du 14 juin 1999 fait état du conflit concernant le paiement des factures de commissions réclamées par Monsieur Christophe Sanchez;

- que la lettre du 14 juin 1999 mentionne également une incompatibilité de travail et une impossibilité de relations normales;

- que la lettre du 14 juin 1999 mentionne pareillement les critiques de Monsieur Sanchez sur la compétence technique du personnel d'encadrement et des salariés de la société anonyme Trollat Immobilier;

- qu'en l'espèce la seule allégation d'une incompatibilité de travail ainsi que d'une impossibilité de relations normales et telles qu'invoquée sans précision particulière par la société anonyme Trollat Immobilier dans se lettre du 14 juin 1999 n'est pas suffisante à caractériser une faute grave au sens de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991;

- qu'une telle incompatibilité et une telle impossibilité ne sont nullement démontrées et ce alors même qu'avant de devenir l'agent commercial de la société Trollat Immobilier, Monsieur Sanchez en avait été le salarié;

- que dans sa lettre du 14 juin 1999 la société Trollat Immobilier reproche à Monsieur Sanchez les critiques qu'il a faites sur la compétence technique de son personnel dans sa lettre du 9 juin 1999;

- qu'en l'état des termes employés par Monsieur Sanchez dans sa lettre du 9 juin 1999, les critiques exprimées par ce dernier ne présentent aucun caractère injurieux;

- que par sa lettre du 9 juin 1999, Monsieur Sanchez défendait ses intérêts aussi âprement que le faisait la société Trollat Immobilier;

- que dés lors les critiques faites dans la lettre du 9 juin 1999 ne sont pas constitutives d'une faute grave au sens de l'article 13 de la loi du 25 juin 1991;

Attendu que les lettres que Monsieur Christophe Sanchez a pu envoyer à certains clients de la société anonyme Trollat Immobilier postérieurement à la cessation du contrat d'agent commercial ne peuvent être retenues pour caractériser la faute grave que tente d'alléguer la société appelante pour justifier la rupture; que le fait pour un agent commercial s'estimant victime d'une rupture abusive de tenter de rechercher des témoignages auprès des personnes avec lesquelles il a travaillé et ce à la seule défense de ses intérêts n'est pas constitutif d'une faute;que la société Trollat Immobilier ne démontre pas le caractère malveillant des démarches de Monsieur Sanchez;

Attendu que la société anonyme Trollat Immobilier n'est pas fondée à invoquer dans ses écritures un comportement déloyal de Monsieur Christophe Sanchez et qui serait constitutif d'une faute grave ; qu'il y a lieu de relever à cet égard :

- que la lettre du 14 juin 1999 ne mentionne nullement un tel comportement déloyal;

- que la société Trollat Immobilier ne rapporte pas la preuve de façon décisive du caractère déloyal du comportement qui est reprochée à Monsieur Christophe Sanchez à l'occasion de la transaction Marin;

- qu'en effet les affaires Gattoni, Petit, Aurenche, Bernard, Pourchere, Veyrat, Combe, Desgranges et Gravier ont été réalisées alors qu'il était salarié de la société anonyme Trollat Immobilier ;

- que les 12 affaires qu'il a réalisées en sa qualité d'agent commercial ont généré à son profit des commissions pour un montant global de l'ordre de 165 000 F qu'il n'a d'ailleurs que partiellement perçues;

- qu'en raison de la durée très courte de son activité en qualité d'agent commercial de la société Trollat Immobilier, Monsieur Christophe Sanchez n'est pas en mesure de rapporter la preuve qu'il aurait pu réaliser au second semestre 1999 le même nombre d'affaires qu'au cours du premier;

- que Monsieur Sanchez demeure certes lié par une clause d'interdiction d'exercer une activité similaire dans un rayon de 20 kilomètres pendant deux ans;

- que Monsieur Christophe Sanchez n'a cependant pas rapporté la preuve qu'à la suite de la rupture unilatérale de son contrat d'agent commercial il serait resté sans emploi et sans revenus;

Attendu que Monsieur Christophe Sanchez est fondé à solliciter l'allocation d'une indemnité compensatrice par application des dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991; qu'il y a lieu de fixer à la somme de 165 000 F le montant de cette indemnité; que la cour relève à cet égard :

- qu'il est de principe que le juge apprécie souverainement le montant de l'indemnité compensatrice due par application de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991;

- que le contrat d'agent commercial a été rompu au bout de 6 mois;

- que de janvier à juin 1999, Monsieur Sanchez a réalisé 12 transactions et non pas 21 en se qualité d'agent commercial;

- qu'en effet les affaires Gattoni, Petit, Aurenche, Bernard, Pourchere, Veyrat, Combe, Desgranges et Gravier ont été réalisées alors qu'il était salarié de la société anonyme Trollat Immobilier ;

- que les 12 affaires qu'il a réalisées en sa qualité d'agent commercial ont généré à son profit des commissions pour un montant global de l'ordre de 165 000 F qu'il n'a d'ailleurs que partiellement perçues;

- qu'en raison de la durée très courte de son activité en qualité d'agent commercial de la société Trollat Immobilier, Monsieur Sanchez n'est pas en mesure de rapporter la preuve qu'il aurait pu réaliser au second semestre 1999 le même nombre d'affaires qu'au cours du premier;

- que Monsieur Sanchez ne justifie pas de chefs spécifiques de préjudice qui permettraient de fixer à deux années de commissions le montant de l'indemnité compensatrice;

Attendu qu'en l'état des débats tels que voulus par les parties, la société Trollat Immobilier a justifié qu'elle n'était redevable à l'égard de Monsieur Christophe Sanchez que de la somme globale de 69 973,91 F au titre de commissions demeurées impayées; que la cour a procédé au rapprochement des différentes pièces comptables versées aux débats;

Attendu qu'il y a lieu de condamner en conséquence la société anonyme Trollat Immobilier à payer à Monsieur Christophe Sanchez :

- la somme de 69 973,91 F au titre des commissions demeurées impayées;

- la somme de 60 000 F à titre de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive du contrat d'agent commercial à durée déterminée;

- la somme de 165 000 F au titre de l'indemnité de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991;

Attendu qu'il échet de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 1154 du Code civil dont les conditions sont réunies;

Attendu que Monsieur Christophe Sanchez n'a pas démontré que la défense en justice de la société anonyme Trollat Immobilier aurait dégénéré en faute; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la demande présentée de ce chef;

Attendu qu'il y a lieu de condamner la société anonyme Trollat Immobilier, qui succombe, à payer une somme de 8 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par décision contradictoire, déclare recevables l'appel principal interjeté par la société anonyme Trollat Immobilier et l'appel incident formé par Monsieur Christophe Sanchez; au fond reforme partiellement la décision déférée; statuant a nouveau dit n'y avoir lieu à ordonner une mesure d'instruction ; y ajoutant condamne la société anonyme Trollat Immobilier à verser à Monsieur Christophe Sanchez : - la somme de 69 973,91 F au titre des commissions demeurées impayées; - la somme de 60 000 F à titre de dommages-intérêts en raison de la rupture abusive du contrat d'agent commercial à durée déterminée; - la somme de 165 000 F au titre de l'indemnité de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991; dit qu'il y a lieu à application des dispositions de l'article 1154 du Code civil; confirme pour le surplus la décision déférée constate que la société anonyme Trollat Immobilier a versé à Monsieur Christophe Sanchez une provision de 25 000 F en exécution de la décision déférée; rejette la demande présentée par Monsieur Christophe Sanchez et tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour résistance abusive; condamne la société anonyme Trollat Immobilier à payer à Monsieur Christophe Sanchez la somme de 8 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; condamne la société anonyme Trollat Immobilier aux dépens et autorise la société civile professionnelle Pomies-Richaud-Astraud, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile;