CA Rouen, ch. corr., 25 février 2002, n° 01-00761
ROUEN
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Catenoix
Substitut :
général: Mme Pignon
Conseillers :
Mme Gay Julien, M. Bisot
Avocats :
Mes Iweins, Doumith, Zanelli, Cornut-Gentille, Maître-Devallon, Pantaloni, Poux-Jalaguier, Sagon, Anquez, Rivaud, Bousquet, Sprung, Dubosc.
Rappel de la procédure:
Prévention:
Par jugement en date du 10 janvier 2001, le Tribunal correctionnel du Havre, saisi par ordonnance de renvoi d'un juge d'instruction de ce siège en date du 29 mai 2000, a:
- déclaré Michel D, André B, Jean-Paul G et Dominique L coupables d'avoir, au Havre, courant 1995 et en tout cas le 19 janvier 1995 sur le ressort du Tribunal de grande instance du Havre, frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception, la réalisation de pratiques anticoncurrentielles, notamment en échangeant des informations, en réalisant des devis de couverture et autres actions concertées qui ont eu pour effet ou auraient pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'occasion du marché public d'entretien et de rénovation partielle de l'éclairage public de la ville de Havre, une infraction prévue et réprimée par les articles 7, 10 et 17 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 devenus les articles L. 420-1, L. 420-4 et L. 420-6 du Code de commerce et en répression les a condamnés:
* Michel D à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 F,
* André B, Jean-Paul G et Dominique L à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 F chacun;
- relaxé Rémy S, Michel T, Jean-Paul C, Antoine R, Patrice E, Patrick P, Christian U, Patrick M, Alain F, Alain H des poursuites intentées à leur rencontre pour avoir au Havre et sur le ressort du Tribunal de grande instance du Havre, les 22 mai, 4 juin et 4 octobre 1996, frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception, la réalisation de pratiques anticoncurrentielles, notamment en échangeant des informations, en réalisant des devis de couverture et autres actions concertées qui ont eu pour effet et auraient pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'occasion de marchés privés.
Par déclarations au greffe du tribunal,
- le Ministère public le 22 janvier 2001 a interjeté appel principal à l'encontre de tous les prévenus à l'exception de Patrick P.
- Michel D le 23 janvier 2001, Jean-Paul G le 23 janvier 2001 et Dominique L le 24 janvier 2001 ont interjeté un appel incident.
DÉCISION
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.
En la forme
Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure les appels formés par le Ministère public et les prévenus Michel D, Dominique L et Jean-Paul G ont été interjetés dans les forme et délais des articles 498 et suivants et 801 du Code de procédure pénale; ils sont réguliers et donc recevables en la forme.
À l'audience de la cour du 10 décembre 2001, Michel D, Dominique L, André B, Jean-Paul G, Christian U, Alain F, Patrick M, Patrice E, Antoine R, Rémy S, Michel T, Alain H, cités régulièrement et Jean-Paul C, comparaissant volontairement, sont présents et assistés.
Il sera donc statué par arrêt contradictoire à l'égard de tous les prévenus.
Au fond
Des pièces de la procédure résultent les faits suivants:
Par courrier en date du 18 janvier 1995 émanant du service central de prévention de la corruption, le Procureur de la république du Havre était informé de ce que dans son ressort la passation de marchés publics donnerait lieu à des ententes entre les entreprises concourant aux appels d'offres dans le but d'obtenir l'attribution des marchés à tour de rôle et qu'un "tour de table" réunissant des entreprises concurrentes était prévu le 19 janvier 1995 à propos de l'attribution d'un important marché public de travaux d'éclairage de la ville de Havre.
Le service régional de Police judiciaire de Rouen était immédiatement saisi pour vérifier la véracité de cette information et il est établi par les investigations effectuées par les policiers qu'une réunion "autour d'une table" a effectivement eu lieu dans l'après-midi du 19 janvier 1995 dans les locaux de la société X sise à Caucriauville - Le Havre rue <adresse>, à laquelle ont notamment participé un représentant, Paul A, de la société Y, titulaire depuis 1978 du marché public d'éclairage de la ville du Havre, lequel devait être à nouveau négocié, Jean-Paul G directeur de la société W, Dominique L chef de service, en charge du secteur éclairage public, de la société Z (Z), André B responsable d'exploitation de la société X, Michel V responsable de la société Q, Benoît N directeur de la société J et Jacques K directeur d'agence de la société I.
Au cours de l'information ouverte le 16 novembre 1995, les policiers, agissant sur commission rogatoire, le 4 octobre 1996 intervenaient au sein de l'entreprise XY rue <adresse>au Havre, où une nouvelle réunion se tenait autour d'une table. Quatorze personnes étaient interpellées dont Patrick M de la société XY, Alain F de la société WX, Christian U de la société ZY, Alain H de la société Y, Michel T de la société YW, Rémy S de la société X, Jean-Paul C de la société YY et Antoine R et Patrice E de la société XX. Il apparaissait rapidement aux enquêteurs, notamment au vu de documents trouvés en possession de Messieurs M et S et de Jean-Claude O, autre participant à cette réunion au nom de la société X, que cette réunion n'avait pas pour objet l'attribution de marchés publics mais était en relation avec l'attribution de marchés privés, dans le secteur de l'électricité industrielle, sur le site de Port Jérôme à Notre-Dame de Gravenchon, lancés en mai 1996 par les sociétés ZZ (WZ) et YZ et exécutés au cours de l'été et qu'elle faisait suite à deux réunions tenues les 22 mai et 4 juin 1996. Les investigations allaient être poursuivies en enquête préliminaire en vertu d'un soit transmis du Parquet en date du 28 octobre 1996 et donner lieu à un réquisitoire supplétif en date du 19 juin 1998.
Préliminairement à l'examen des faits, il convient de rappeler que:
- l'article L. 420-6 du Code de commerce, qui reprend les dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, réprime "le fait, pour toute personne physique, de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2" du même Code (anciennement les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986).
- l'article 420-1 (anciennement 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) dispose: "Sont prohibées..., lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions notamment lorsqu'elles tendent à:
1° limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises,
2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse,
3° limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique,
4° répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement."
En conséquence de ces dispositions, les trois conditions cumulatives d'une participation personnelle, déterminante et frauduleuse dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre des pratiques incriminées à l'articles L. 420-1 du Code de commerce doivent être réunies pour que leur auteur puisse encourir les sanctions prévues à l'article L. 420-6 dudit Code.
Il convient encore d'exposer préliminairement que le Ministère public a adressé aux avocats des prévenus:
- le 30 novembre 2001 une copie de ses réquisitions écrites en date du même jour prises en cause d'appel.
- le 29 novembre 2001 pour onze des prévenus et les 30 novembre 2001 et 4 décembre 2001 pour Michel T et Patrick M une copie d'un rapport de 82 pages, intitulé "conclusions" en date du 28 novembre 2001 établi par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et déposé au dossier de la procédure à l'initiative du Ministère public.
Dans des conclusions développées à l'audience par leur avocat, Alain F, Jean-Paul C, Rémy S et Patrick M demandent à la cour de déclarer irrecevables les conclusions de la DGCCRF au motif que, si le ministre chargé de l'Economie ou son représentant, en application de l'article L. 470-5 du Code de commerce, peut devant les juridictions pénales déposer des conclusions et même les développer oralement à l'audience, son intervention par voie de conclusions écrites pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en l'absence d'un texte spécial l'y autorisant, tel l'article 388-1 du Code de procédure pénale concernant l'intervention et la mise en cause de l'assureur, et au motif que le dépôt tardif de ces conclusions, les privant du temps nécessaire pour y répondre, est contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en raison de l'atteinte portée à leur droit à un procès équitable.
Ceci étant, la cour, rappelant que la DGCCRF n'est pas intervenue à l'audience pour développer oralement les conclusions datées du 28 novembre 2001 et déposées au dossier de la procédure à l'initiative du Ministère public, relève:
- d'une part qu'aucun texte du Code de procédure pénale n'interdit au Ministère public de solliciter, même en cause d'appel, de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes un avis sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce relevées dans la procédure dont est saisie la juridiction d'appel dès lors que cet avis, exprimé sous forme de conclusions, est soumis au débat et à la libre discussion des parties devant les juges du fond;
- d'autre part que les dispositions de l'article L. 470-5 du Code de commerce, qui autorise le ministre ou son représentant à déposer des conclusions devant la juridiction pénale, ne confèrent pas pour autant à celui-ci la qualité de partie à la cause et que leur application n'est donc pas soumise aux règles de procédure régissant l'intervention des parties en 1ère instance et en appel.
Le délai écoulé entre l'envoi de ces conclusions, qui ne constituent qu'une analyse approfondie des éléments de la procédure déjà connus des prévenus et notamment de Messieurs F, S, C et M, et la date d'audience (10 décembre 2001) fut suffisamment important pour permettre à ces derniers d'en prendre connaissance et de les discuter soit dans des conclusions ainsi que l'ont fait Messieurs U, E et R, soit encore à l'audience lors des débats devant la cour.
En l'absence de toute atteinte au principe du contradictoire et au droit des prévenus à un procès équitable, les moyens invoqués n'étant pas fondés, la cour rejettera la demande formulée par Messieurs F, C, S et M tendant à voir écarter des débats les conclusions de la DGCCRF.
S'agissant du marché public portant sur l'éclairage de la ville du Havre.
Il est constant au vu des pièces de la procédure:
- que l'entretien et les rénovations ponctuelles de l'éclairage public de la ville du Havre sont soumis à la procédure d'appel d'offres depuis 1973; que ce marché a été octroyé sans discontinuité à la société Y en 1978, 1982, 1986, 1989, 1992; que le dernier marché arrivant à son terme début 1995, le 12 décembre 1994 le conseil municipal de la ville du Havre a autorisé la mise en place d'une nouvelle procédure d'appel d'offres; que la publication de cet appel d'offres a été réalisée auprès des journaux spécialisés, tels le Journal des annonces légales en date du 5 décembre 1994, le Bulletin officiel des annonces des marchés publics dans son édition du 8 décembre 1994 et le Moniteur des travaux publics du 9 décembre 1994; que la date limite de dépôt des candidatures a été fixée au 6 janvier 1995;
- que lors d'une réunion le 24 janvier 1995 la Commission d'appel d'offres a retenu, sur les 11 dossiers qui lui étaient parvenus, les dossiers de 9 sociétés admises à soumissionner auxquelles elle a adressé les dossiers techniques et administratifs se rapportant au marché, la date du dépôt des dossiers de soumission étant fixée au 24 février 1995, et que le 28 février 1995 ladite Commission a procédé à l'ouverture des huit dossiers de soumission qui lui avaient été adressés par les sociétés Y, X, W, I, Z, Q, J et XY;
- que le 7 mars 1995, après examen des offres, la Commission d'appel d'offres a décidé d'attribuer le marché à la société Y, moins disante, dont le montant de soumission s'élevait à 5 507 698,61 F, cette société précédant les sociétés X et Z dont les propositions respectives étaient de 5 829 137,82 F et de 5 850 501,23 F.
- que le 6 avril 1995 la ville du Havre a délivré à la société Y une note de service en vue d'assurer l'entretien et les rénovations ponctuelles de son éclairage public jusqu'au 31 décembre 1995, cet ordre étant prorogeable pour 3 ans par tacite reconduction d'année en année.
- que la réunion du 19 janvier 1995 s'est donc tenue dans la période critique entre la publication de l'appel d'offres début décembre 1994 et la date limite du dépôt des dossiers de soumission fixée au 24 février 1995.
Il résulte des déclarations de Paul A, un ingénieur de la société Y qui est aujourd'hui décédé, et des déclarations des participants à la réunion du 19 janvier 1995, Messieurs V, K, N et en particulier B, G, L, que cette réunion fut organisée à l'instigation de la société Y par l'intermédiaire de Paul A dans le but de s'entendre afin de garantir à la société Y l'attribution de ce marché en contre partie de quoi celle-ci ne soumissionnerait pas ou pour le moins ne ferait pas d'offres compétitives sur les prochaines consultations en matière d'éclairage public de la ville du Havre; qu'une fois le principe de l'entente accepté par Jean-Paul G, directeur de la société W, Dominique L, chef de service, en charge du secteur d'éclairage public, de la société Z et André B, responsable d'exploitation de la société X, à la différence de Messieurs K, N et V qui ont refusé cette entente, Paul A a élaboré pour chacune des entreprises participant à l'entente un devis estimatif et un bordereau de prix unitaire à un niveau plus élevé afin que celles-ci puissent présenter des offres cohérentes mais suffisamment élevées de manière à ce que la société Y soit l'entreprise moins disante et finalement désignée attributaire de ce marché public; que les sociétés W, Z et X ont recopié les bordereaux de prix et devis estimatifs fournis par la société Y et les ont envoyés, comme offre de leur part, à la municipalité du Havre, validant ainsi l'accord obtenu lors de la réunion du 19 janvier 1995.
Cette entente expresse, émanant d'opérateurs économiques apparaissant pour la commission d'appel d'offres comme des concurrents pour l'attribution du marché public et concrétisée par des offres de couverture aux énonciations totalement fausses et ayant pour seul but de simuler une concurrence, caractérise à la charge de ces opérateurs économiques un comportement anticoncurrentiel et, en ce qu'elle tend à limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence, entre dans les pratiques incriminées par l'article L. 420-1 du Code de commerce (anciennement article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986).
À l'audience et dans les conclusions développées par leur avocat, Messieurs D, G et L sollicitent leur relaxe et André B une application bienveillante de la loi. Tous soutiennent et font plaider que le délit prévu et réprimé par l'article L. 420-6 du Code de commerce (anciennement article 17 de l'ordonnance de 1er décembre 1986), qui suppose non seulement l'existence d'une pratique anticoncurrentielle mais aussi que le prévenu ait pris une part personnelle, déterminante et frauduleuse dans la conception, l'organisation où la mise en œuvre de cette pratique, n'est pas caractérisé.
S'agissant de Dominique L, Jean-Paul G et André B
Dominique L ne conteste pas avoir eu une participation personnelle en raison de sa présence à la réunion du 19 janvier 1995 mais il estime que cette participation ne fut pas déterminante, n'ayant eu aucune initiative dans cette affaire et s'étant borné à recopier les documents qui lui avaient été remis par Paul A, ni frauduleuse, le fait qu'il ait eu conscience de commettre une faute ne caractérisant pas l'élément frauduleux qui dépasse la seule intention coupable.
Jean-Paul G soutient que sa présence exceptionnelle à la réunion du 19 janvier 1995 ne saurait constituer une participation personnelle à la conception, l'organisation et à la mise en œuvre de l'entente, que le seul fait qu'il ait soumissionné pour la société W, sans avoir fait établir d'étude de prix, sur la base de documents remis par Paul A caractérise l'entente dont l'existence est un élément préalable au délit et ne saurait démontrer le caractère déterminant d'une participation, que son comportement ne s'inscrit pas dans le contexte d'une participation frauduleuse, laquelle suppose une mauvaise foi et une volonté de tromper, qu'il n'a jamais eu, allant au-delà d'une participation volontaire et intentionnelle à une pratique anticoncurrentielle.
André B soutient que sa présence à une seule réunion, qui n'a duré qu'une heure, ne peut-être caractérisée comme déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de cette entente et qu'il s'est borné à faire recopier les documents remis par Paul A.
Ceci étant,
Se référant expressément aux énonciations du jugement déféré rapportant d'une manière circonstanciée leurs déclarations, la cour relève notamment:
- que Dominique L a reconnu et ne conteste pas avoir en sa qualité de représentant de la société Z assisté à la réunion du 19 janvier 1995, avoir seul décidé de la soumission de la société Z après qu'un accord ait été finalisé à l'issue de cette réunion et avoir établi et déposé un dossier de soumission en recopiant ou faisant recopier les éléments de prix que lui avait fixés la société Y sans qu'aucune étude de marché n'ait été effectuée par la société Z.
- que Jean-Paul G a indiqué que la société W avait déjà en avril 1995 exécuté un marché d'éclairage pour la ville du Havre, reconnu et ne conteste pas avoir en sa qualité de directeur de la société W assisté à la réunion du 19 janvier 1995, et, tout en sachant que le marché ne l'intéressait pas, avoir déposé, après qu'un accord ait été finalisé à l'issue de cette réunion un dossier de soumission au nom de la société W en recopiant ou faisant recopier les éléments de prix que lui avait fixés la société Y sans qu'aucune étude n'ait été effectuée par sa société.
- que André B, responsable d'exploitation de la société X et disposant d'une délégation de pouvoirs, a reconnu avoir de sa propre initiative et sans en parler à son directeur régional assisté à la réunion du 19 janvier 1995 dont l'objet était de mettre en place une entente entre les diverses sociétés susceptibles de répondre à l'appel d'offre de la ville du Havre, avoir proposé à Paul A de mettre à sa disposition les locaux de la société X pour la tenue de cette réunion et avoir signé et adressé à la ville du Havre un dossier de soumission au nom de la société X en recopiant un devis estimatif établi pour son entreprise par Paul A sans qu'aucune étude de marché n'ait été effectuée par celle-ci.
Ceci étant, il n'est pas contestable que cette entente décidée le 19 janvier 1995 a eu pour but de tromper la commission d'appel d'offres de la ville du Havre en lui faisant croire faussement à l'authenticité de la situation de concurrence entourant la consultation; Messieurs G, B et L, agissant en tant que représentants de leur société, ont bien pris une part personnelle à cette entente ainsi qu'en atteste leur présence à cette réunion à l'issue de laquelle il fut décidé de favoriser l'attribution du marché à la société Y tout en faisant croire à une apparence de concurrence; leur participation fut déterminante car sans leur acceptation et sans l'accord qu'ils ont donné à Paul A l'entente n'aurait pu être et le fait qu'ils aient accepté de déposer des offres de couverture concrétisées par le dépôt, au nom de leur société, d'un dossier de soumission fictif en ce que par rapport à leur entreprise il était dépourvu de toute authenticité et ne comportait que de fausses énonciations concertées avec l'intention de tromper l'acheteur public sur la situation de concurrence, constitue un acte de mauvaise foi et de tromperie et confère à leur participation un caractère frauduleux au sens de l'article L. 420- 6 du Code de commerce.
Messieurs B, G et L ayant personnellement, d'une façon déterminante et frauduleusement participé à la conception et à la mise en œuvre de pratiques incriminées par l'article L. 420-1 du Code de commerce, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a déclarés coupables des faits reprochés.
S'agissant de Michel D
Michel D, qui à l'époque des faits était directeur régional de la société Y et avait pour subordonné direct Paul A, chargé en qualité d'ingénieur du centre de travaux de suivre le marché d'électricité de la ville du Havre, reconnaît avoir été informé des contacts pris par ce dernier avec les responsables d'autres entreprises dans la perspective de tenter d'obtenir le marché en 1995 et avoir laissé faire Paul A sans s'y opposer expressément, la perspective de l'obtention de ce marché permettant de continuer à faire travailler les différentes personnes jusque-là affectées à l'exécution de ce marché. Il expose que son rôle et sa responsabilité se sont limités à la connaissance qu'il a eue de l'initiative de Paul A et au fait qu'il ne s'y est pas expressément opposé et soutient que ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser les trois conditions spécifiques de l'infraction reprochée d'une part dans la mesure où cette infraction doit être distinguée de l'existence même de l'entente qui, suite à la dépénalisation imposée par l'ordonnance de 1986, peut conduire à des sanctions pécuniaires à l'encontre des entreprises et d'autre part dans la mesure où la responsabilité pénale instituée par l'article L. 420-6 du Code de commerce ne concerne que les personnes physiques qui ont effectivement pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre de l'entente. À cet égard, il soutient qu'aucun élément du dossier n'établit sa participation personnelle et déterminante à la réunion du 19 janvier 1995 ni dans sa préparation ou encore dans la communication aux entreprises des bordereaux de prix et qu'aucune manœuvre frauduleuse n'est démontrée à son encontre à l'occasion de cette entente.
Ceci étant,
Se référant expressément aux énonciations du jugement déféré rapportant de manière circonstanciée et complète les déclarations de Paul A, la cour relève que ce dernier au cours de ses diverses auditions a toujours déclaré avoir agi sur ordre et instructions de son directeur, Michel D, et avoir organisé la réunion du 19 janvier 1995 à la demande de ce dernier. Les affirmations de Paul A ont été confirmées par Messieurs B et G qui ont déclaré que Paul A lors de la réunion du 19 janvier 1995 avait dit agir sur ordre de M. D, M. V indiquant pour sa part que Paul A, loin d'être l'instigateur de cette réunion, n'en avait été qu'un exécutant.
Jacques ML, ingénieur technico-commercial à la société Y, a également déclaré que Michel D avait mis en place, dès l'appel d'offres émanant de la ville du Havre, une entente entre les sociétés susceptibles de soumissionner, ce dernier s'étant engagé à ce que la société Y ne soumissionne pas au cours des trois années suivantes sur de nouveaux marchés émanant de la ville du Havre, que seul Michel D de part les responsabilités qui étaient les siennes au sein de la société Y était en mesure de provoquer cette entente et que Paul A avait été missionné pour agir dans la mesure où il jouissait d'une bonne réputation parmi les professionnels et de leur confiance, alors que Michel D était considéré comme n'étant pas un homme de parole.
Il est constant par ailleurs aux dires mêmes de Michel D que ce dernier connaissait l'existence de ces ententes puisqu'il n'ignorait pas que lors de l'attribution en 1989 dudit marché public à la société Y une entente similaire entre les sociétés susceptibles de soumissionner à l'appel d'offres émanant de la ville du Havre avait été mise en place par un certain JJ à l'époque directeur général adjoint de la société Y aux fins de s'assurer l'attribution du marché et que dans son audition du 5 mars 1997 il a encore déclaré " De 1989 à 1992, il m'est arrivé d'accompagner M. A dans des réunions visant à mettre en place des ententes pour l'attribution de marchés publics de type éclairage public émanant de la ville du Havre. L'intéressé était en quelque sorte le porte-parole de Y et avait tous pouvoirs pour négocier les éventuelles compensations susceptibles d'être accordées aux concurrentes, tel que s'engager au nom de Y à ne pas se positionner sur tel ou tel marché public ultérieur, ou du moins à se positionner en terme de prix au-delà de la société théoriquement moins disante. Ce positionnement nécessitait bien entendu l'échange d'informations financières et du montant des soumissions".
Michel D a encore déclaré qu'il avait donné son accord pour une entente, que sans cet accord Paul A n'aurait pas eu le pouvoir de la réaliser et il a reconnu qu'il avait communiqué à ce dernier le coefficient de marge pour le calcul du montant de la soumission de la société Y, n'ignorant pas qu'il le communiquerait aux sociétés liées à l'entente.
Ces divers éléments, corroborés par le fait que Paul A, dont le licenciement décidé en décembre 1994 devait prendre effet à compter du 31 mars 1995, ne pouvait donc pas engager la société Y sans l'aval de son supérieur hiérarchique, suffisent à eux seuls pour démontrer que Michel D, qui a engagé la société Y en sa qualité de directeur régional en signant le dossier de soumission envoyé à la ville du Havre, était dûment averti de la pratique des ententes mises en place depuis plusieurs années par la société Y pour l'attribution de marchés publics émanant de la ville du Havre et affirmer qu'à l'occasion de l'attribution du nouveau marché en 1995 il a pris frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente décidée le 19 janvier 1995 en mandatant en toute connaissance de cause Paul A pour qu'il réunisse les professionnels susceptibles de soumissionner et parvienne avec eux, en vue d'obtenir l'attribution du marché, à une entente dont il n'a pu ignorer la nature et les modalités en raison de cette pratique instaurée d'une manière habituelle au sein de la société et en sa qualité d'instigateur de l'entente.
En conséquence, la cour confirmera également le jugement déféré en ce qu'il l'a déclaré coupable des faits reprochés.
M. B est actuellement sans emploi et perçoit une indemnité des ASSEDIC de 1 676,94 euros; il a 3 enfants à charge; M. D, directeur régional de la société Y, perçoit une rémunération de l'ordre de 4 573,47 euros et a une enfant à charge; M. G en qualité d'ingénieur perçoit une rémunération de l'ordre de 3 811,23 euros et a une enfant à charge; M. L perçoit une rémunération de l'ordre de 3 811,23 euros et à 3 enfants à charge.
Au vu des circonstances de la cause, du degré de gravité de l'infraction commise portant gravement atteinte à la réglementation en vigueur dans l'attribution des marchés publics et à l'ordre économique, du degré de participation de chacun des prévenus et des renseignements recueillis sur leur personnalité et leur situation actuelle, la cour confirmera la peine d'emprisonnement prononcée avec sursis à l'encontre de chacun d'eux par le tribunal et portera à 9 000 euros l'amende infligée à Michel D, à 4 500 euros l'amende infligée à Dominique L et Jean-Paul G et à 3 000 euros l'amende infligée à André B.
Au vu des circonstances de la cause et des éléments soumis à son appréciation, la cour n'estime pas devoir faire droit à la demande de Dominique L tendant à voir prononcer l'exclusion de la mention de la présente condamnation du bulletin n° 2 de son casier judiciaire et rejettera sa requête.
S'agissant des marchés privés sur le site de Port Jérôme
Les investigations effectuées consécutivement à l'interpellation le 4 octobre 1996 au sein de l'entreprise XY de Messieurs M, F, U, H, T, S, C, R et E ont démontré que les sociétés qu'ils représentaient à cette réunion, XY, WX, ZY, Y, YW, X, E.I et XX, lesquelles disposaient toutes d'une implantation à proximité de la zone industrielle de Port Jérôme à Notre-Dame de Gravenchon, avaient participé à des réunions tenues les 22 mai et 4 juin 1996 ayant eu notamment pour but de se répartir l'attribution d'un certain nombre de marchés d'électricité industrielle qui allaient être exécutés au cours de l'été au sein des sociétés ZZ et YZ durant l'arrêt de production sur leur site respectif.
Les marchés concernés par cette entente, pour lesquels les consultations étaient en cours à l'époque où se sont tenues ces deux réunions, sont:
- S'agissant de la société ZZ
* le marché Unite Expansion résine 1000, lancé le 15 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 13 juin 1996.
* le marché Finition résine 1000, lancé le 3 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 10 juin 1996.
* le marché IMSC II, lancé le 10 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 14 juin 1996.
* le marché ECP-Projet Exceed, lancé le 29 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 18 juin 1996.
- S'agissant de la société YZ
* le marché Turbo Alt, lancé le 23 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 14 juin 1996.
* le marché YZ CDR, lancé le 28 mai 1996 avec pour date limite de dépôt des offres le 17 juin 1996.
Au vu des témoignages et déclarations recueillis étaient présents:
- À la réunion du 22 mai 1996:
* Messieurs E, AA et R pour la société XX.
* M. F pour la société WX.
* M. U pour la société ZY.
* M. M pour la société XY.
* M. O pour la société X.
* M. CC pour la société YW.
- À la réunion du 4 juin 1996:
* Messieurs E, AA et R pour la société XX.
* M. F pour la société WX.
* M. U pour la société ZY.
* M. MD pour la société XY.
* M. O pour la société X.
* M. CC pour la société YW.
* M. C pour la société YY
* M. SL pour la société Y.
* M. PR pour la société WW.
Tous les prévenus dans les conclusions développées par leur avocat et/ou à l'audience contestent que ces réunions puissent avoir caractérisé des actions concertées et ententes prohibées au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce (anciennement 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) en ce que celles-ci, auxquelles n'ont participé qu'une partie des sociétés qui ont soumissionner et qui ont été dictées par la nécessité de répondre rapidement aux appels d'offres lancés (délais très court entre l'appel d'offre et la date pour déposer), n'ont eu pour but que de procéder dans ce laps de temps à un échange d'informations tant sur le prix des marchés que sur les effectifs, les moyens matériels et les capacités techniques à faire face aux fins de satisfaire au mieux les intérêts de ces deux sociétés, au besoin sous forme de regroupement d'entreprises dont celles-ci n'ignoraient pas l'existence.
Ceci étant,
Il résulte des déclarations d'un certain nombre de prévenus et en particulier de Messieurs U, F, E, M, des témoignages recueillis auprès d'employés travaillant également au sein de ces sociétés, Messieurs O, CC, MD et AA, et de l'analyse des documents saisis le 4 octobre 1996 sur les personnes de Messieurs M, O et S que les réunions du 22 mai 1996 et 4 juin 1996 ont eu pour objet d'organiser et de mettre en œuvre, au terme de concertations entre les différentes sociétés, une répartition de l'attribution des marchés lancés par les sociétés ZZ et YZ, une coordination dans la présentation des offres après une entente sur le prix des marchés, et le dépôt d'offres de couverture.
Ainsi, il est constant, en particulier au vu de ces déclarations et témoignages, que ces deux réunions ont eu pour but:
1°) d'arrêter un plan des opérations de chiffrage des marchés effectuées à plusieurs sociétés, dont certaines n'étaient d'ailleurs pas pressenties pour le ou les marchés concernés, et ce afin de remettre au client des prix cohérents afin d'éviter toute concurrence extérieure ainsi que l'on exposé notamment:
- M. E: "... Il a été prévu que pour chaque marché trois entreprises feraient le chiffrage afin d'avoir le prix au plus juste de sorte que l'entreprise qui souhaitait avoir le marché reste compétitive vis à vis des autres entreprises concurrentes et ne présente pas des prix trop élevés vis-à-vis d'autres concurrents sur la place."
- M. U: "... Pour chaque marché, il avait été décidé que trois sociétés travailleraient au chiffrage de tel ou tel dossier afin de remettre au client un prix au plus juste et que la société qui devait remporter le marché soit idéalement placée en terme de prix par rapport à la concurrence."
- M. F: "... Les participants ont annoncé qu'ils allaient chiffrer tel ou tel appel d'offres...; l'intérêt de chiffrer à trois entreprises différentes... est de s'assurer de la valeur de l'affaire..."
2°) d'effectuer une répartition des marchés, au terme de laquelle une entreprise ou un groupement d'entreprises était retenu par l'entente avec généralement un choix d'entreprise de second, voire troisième rang ainsi que l'ont exposé notamment:
- M. U: "... Il s'agissait en fait d'un système de concurrence à deux étages; l'un occupé par les trois sociétés de l'entente pour le marché en question qui établissait un prix au plus juste, le second occupé par les autres sociétés concurrentes qui ont toujours rendu des prix plus élevés que ceux de l'entente et qui ont été systématiquement écartées de l'affaire. Ce système a bien fonctionné puisque chaque société de cette entente... a finalement décroché le volume d'affaires sur lequel elle s'était positionnée..."
- M. E: "sur la base des engagements pris à l'occasion de ces réunions.., les entreprises ont répondu aux appels d'offres sur les marchés déterminés et les montants chiffrés selon le concertation préalable..."
3°) d'assurer la mise en place et la présentation d'offres de converture par les sociétés non retenues par l'entente et d'ailleurs parfois non intéressées par le marché.
À ces différents égards, outre les déclarations de Messieurs E et U particulièrement édifiantes, les déclarations de Jean-Stéphane PR, responsable de l'agence de WW sise à Sandouville, laquelle fut invitée au second tour de table le 4 juin 1986 avec les sociétés YY et Y, sont également particulièrement révélatrices des mécanismes de l'entente tant sur le chiffrage des prix, la répartition des marchés que l'envoi d'offres de couvertures. Dans sa déposition du 11 septembre 1998 il a déclaré:
"À l'origine, compte tenu de la répartition déjà réalisée en mon absence (réunion du 22 mai 1996), WW n'était prévue sur aucun marché... Craignant que mon entreprise adopte une politique agressive en matière de prix, il m'a été proposé une part des marchés en question en contrepartie de quoi je devais répondre à des niveaux de prix raisonnables, c'est-à-dire qui ni me permettent pas d'être compétitifs... J'ai donné un accord de principe, m'engageant à présenter des réponses aux consultations avec des prix qui ne me permettaient pas d'obtenir des marchés. C'est ainsi que WW, consultée par ZZ sur les marchés Unité Expansion résine 1000, Finition résine 1000 et IMSC II, a répondu sur ces dossiers. J'ai répondu en groupement avec Y sur IMSC II mais pour répondre à votre question, si j'ai bien monté le dossier de présentation technique, je n'ai pas réalisé le chiffrage. Vous me dites que notre offre conjointe avec Y s'élevait à 4 442 227 F, ce qui plaçait notre groupement en avant dernière position, c'est possible, je ne m'en suis pas occupé et je ne sais pas comment Y a réalisé ce chiffrage. De toute façon, compte tenu de ma structure (18 personnes) je n'étais pas à même de réaliser ce chantier... ce qui est sûr c'est que je ne devais pas obtenir ce marché IMSC II... Pour le chiffrage Unite Expansion résine 1000, vous me dites que l'offre présentée par WW nous place en dernière position. C'est possible, lors de la réunion M. E et M. O m'avaient indiqué le niveau de prix auquel je devais répondre. Quant à la consultation relative au marché Finition résine 1000, une partie de ce marché m'avait été accordée mais en sous-traitance pour ZY (société ZY). Mon chiffrage a été effectué de façon à respecter un niveau de prix qui m'avait été indiqué par ZY, y compris pour le deuxième tour. ZY a été retenue par le client ZZ et m'a consenti la sous-traitance des armoires électriques avec le montage, soit environ 800 KF. Ces prestations ont fait l'objet d'une facturation à ZY, indépendante des prix remis au client..."
L'exploitation des documents saisis le 4 octobre 1996 et découverts en possession de Messieurs O et S de la société X et de M. M de la société XY, dont il est constant qu'ils ont été établis antérieurement à la réunion du 4 octobre 1996, atteste également de la réalité et des modalités des ententes intervenues et de la répartition des six marchés avant la date du dépôt des offres.
À cet égard il convient notamment de noter que:
- le document trouvé en possession de Patrick M, qui énumère pour les quatre marchés ZZ et les deux marchés YZ une liste d'entreprises avec des noms d'entreprises, dont certaines cochées, a été établi par Philippe MD, son collaborateur, qui a précisé qu'il avait lors de la réunion de juin 1996 pris des notes remises ensuite à Patrick M.
- le document trouvé en possession de Jean-Claude O, qui énumère les quatre marchés ZZ et les deux marchés YZ associés avec un nom d'entreprise ou un groupement d'entreprises et un montant en KF, a été établi antérieurement à la réunion du 4 octobre 1996. Patrick E a notamment précisé qu'au début de la réunion du 4 octobre, "Monsieur MN a demandé que chacun à son tour énonce les marchés obtenus par son entreprise et les montants. Monsieur O avait une liste préétablie et donnait les informations qu'il détenait en fonction des réunions de négociation", ce qu'a confirmé ce dernier dans son audition du 5 octobre 1996.
- le document trouvé en possession de Rémy S, qui énumère également un certain nombre de marchés associés au nom d'une entreprise et à un montant KF, est aussi antérieur à la réunion du 4 octobre 1996 ainsi qu'en atteste le fait que ce document et celui trouvé en possession de Jean-Claude O comportent les mêmes incertitudes et rajouts pour certains des marchés (IMSC II et YZ CDR), pour lesquels les entreprises pressenties n'ont finalement pas été retenues par le client.
La comparaison entre ces documents et l'analyse des offres déposées corrobore la mise en œuvre des accords passés.
Ainsi, pour le marché Unité Expansion résine 1000 l'attributaire fut la société XY, candidate mieux disante, et cette entreprise est distinguée dans les documents saisis sur M. M et O. Sur le document O, figure en face de ce marché la mention XY-XX et ces deux sociétés seront placées 1ère et 2ème de cette consultation; sur le document M, une croix distingue la société XY. Alain F a confirmé que ce marché avait été réservé à la XY.
Pour le marché Finition résine 1000, l'attributaire fut la société ZY Électricité (ZY), candidate mieux disante. Les trois documents saisis font état pour ce marché de l'entreprise ZY associée à la société WW qui de fait, consécutivement à sa participation à la réunion du 4 juin 1996, fut sous-traitante occulte de ce marché. Sur les documents O et S figure en face de ce marché la mention "ZY-WW" et une croix distingue ces deux entreprises sur le document M. Yves CC de la société YW confirmera que ce marché était réservé à la société ZY (ZY).
Pour le marché IMSC II, l'attributaire fut le groupement XX-ZY-SPIE placé en deuxième position après le groupement X-YW-XY mais préféré par le client ZZ. Les documents saisis démontrent, ce qui n'est pas contesté, que l'entente avait désigné le groupement X-YW-XY pour ce marché; sur le document O figure en face de ce marché la mention "X/CLEM/XY - SPIE/XX/ZY" et une croix distingue les sociétés X-YW et XY sur le document M. Les raisons ayant amené le client à porter son choix sur le groupement placé en seconde position étaient méconnues des participants à l'entente et en grande partie à l'origine de la réunion du 4 octobre 1996, Rémy S de la société X ayant cru que le groupement XX-ZY-SPIE n'avait pas respecté l'accord passé et avait été mieux disant.
Pour le marché ECP-Projet Exceed, l'attributaire fut la société YY placée en deuxième position après la société XX, ZZ ne retenant par celle-ci car déjà attributaire du marché IMSC II. Les documents en possession de Messieurs O et M distinguent ces deux sociétés et les déclarations de M. E confirment qu'il était convenu que la société XX se positionnerait sur ce marché en échange de quoi la société Entreprise Industrielle (ET) devait obtenir une sous-traitance.
Pour le marché Turbo ALT et le marché YZ CDR lancés par la société YZ, l'attributaire fut l'entreprise ZC, non partie au tour de table. Cela étant, on constate que parmi les entreprises présentes au tour de table de juin 1996, la société SPIE, qui s'était positionnée en mieux disante pour le premier de ces deux marchés, est "distinguée" dans les documents trouvés en possession de Jean-Claude O et Patrice M; il en est de même pour la société Y en ce qui concerne le second marché, mieux disante des quatre autres sociétés qui, parties au tour de table de juin, ont également soumissionné.
Il convient enfin de relever que pour ces marchés des offres avaient été déposées:
- pour le marché Unité Expansion résine 1000 par les sociétés XX, WW, ZY, YW, WX et XY, outre ZC non partie à l'entente.
- pour le marché Finition résine 1000 par les sociétés XX, WW, ZY, YW, WX, XY, outre ZC non partie à l'entente.
- pour le marché IMSC II par les sociétés XX, WW, ZY, YW, WX, XY, X, Y, YY, outre ZC non partie à l'entente.
- pour le marché ECP-Projet Exceed par les sociétés XX, ZY, YW, Y, EL outre ZC non partie à l'entente.
- pour le marché YZ Turbo ALT par les sociétés WX, X, Y, ET, outre ZC non partie à l'entente.
- pour le marché YZ CDR par les sociétés XX, ZY, X, Y et les sociétés SEATH et ZC non parties à l'entente.
Dans des conclusions développées par leur avocat, Alain F et Christian U, Patrice E, Antoine R soutiennent que seuls les 4 marchés ZZ (Unité Expansion résine, Finition résine, IMSC II et EC- EXCEED) entrent dans la saisine de la cour, à l'exception des deux marchés YZ (Turbo ALT et YZ CDR).
A cet égard, Alain F fait plaider que ces deux marchés ne sont pas mentionnés dans l'ordonnance de renvoi même si celle-ci fait référence à la société YZ et qu'il n'a pas été interrogé sur ces deux marchés.
Ceci étant,
Il est certain que les deux marchés YZ, au même titre que les marchés ZZ, ont fait l'objet d'échanges d'information, de discussions et d'une répartition au cours des réunions des 22 mai et 4 juin 1996, ainsi qu'en attestent les annotations figurant sur les documents trouvés en possession de Messieurs O, M et S et distinguant, indépendamment du fait que la société ZC, non partie au tour de table leur fut préférée par le client YZ, pour la marché Turbo ALT la société WX et pour la marché YZ CDR la société Y; expressément mentionnés dans les documents saisis, ces deux marchés, comme les marchés ZZ, ont donc fait l'objet de l'enquête préliminaire ordonnée le 28 octobre 1996 ainsi qu'en attestent encore les auditions recueillies auprès du responsable des achats de la société YZ, M. Gérard HS, entendu sur les conditions d'attribution de ces marchés, et de M. Laurent CC, qui a notamment indiqué le 5 octobre 1996 que les marchés "YZ" avaient été évoqués aux réunions des 22 mai et 4 juin 1996 et il est constant qu'ils sont visés dans les faits d'entente illicite ayant donné lieu aux réquisitions supplétives en date du 19 juin 1998, lesquelles font expressément référence à l'ensemble des procès-verbaux de l'enquête préliminaire.
S'il est vrai qu'au cours de l'information ces deux marchés ont donné lieu à des mesures d'instruction moindres du fait qu'à la différence des marchés ZZ leur attributaire fut une société étrangère à l'entente, il est néanmoins constant d'une part qu'ils ont donné lieu à des investigations, que notamment Messieurs C, S et H ont évoqué les marchés "YZ" devant le juge d'instruction, que Messieurs M et U ont d'ailleurs reconnu qu'au cours de la réunion du 4 octobre 1996 l'attribution de ces deux marchés devait être évoquée par les participants à cette réunion, d'autre part que selon les termes de l'ordonnance de renvoi, qui indique que l'objet des réunions du 22 mai et du 4 juin 1996 avait été la répartition de nombreux marchés proposés notamment par les sociétés ZZ et YZ, les prévenus, mis en examen du chef d'ententes illicites, ont comparu devant le juridiction de jugement sous la prévention d'avoir les 22 mai et 4 juin 1996 frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception et la réalisation de pratiques anticoncurrentielles qui ont eu pour objet ou auraient pu avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'occasion de marchés privés. Les deux marchés YZ, étant au nombre des marchés concernés par ces pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre les 22 mai et 4 juin 1996, contrairement aux prétentions de Messieurs F, R, U et E, font donc bien partie intégrante de la saisine de la cour devant laquelle les prévenus, s'ils n'ont pas été entendus expressément par le magistrat instructeur, ont la possibilité de faire valoir à leur sujet toutes explications qu'ils jugent utiles à leur défense.
Au cours de ces deux réunions tenues à l'insu des sociétés ZZ et YZ, les sociétés participant à celles-ci, par leur représentant ou leur délégué, ont à la fois échangé sur les prix pour finalement s'entendre sur le chiffrage des marchés faisant l'objet d'appels d'offres lancés par les sociétés ZZ et YZ, défini entre elles une répartition de ces marchés en coordonnant pour chacun d'eux l'ordre de présentation des offres et prévu l'envoi d'offres de couverture pour conférer aux consultations une apparence de concurrence trompant ainsi les sociétés ZZ et YZ sur la réalité de l'intensité concurrentielle des marchés en cause. La mise en œuvre et la participation à ces actions concertées et ententes, en ce qu'elles tendent à répartir les marchés, à fausser le jeu de la concurrence et à en limiter le libre exercice, caractérisent un comportement anticoncurrentiel et entrent dans le champ des pratiques incriminées par l'article L. 420-1 du Code de commerce (anciennement article 17 de l'ordonnance du 1er décembre 1986).
À cet égard, il importe peu, contrairement à ce que certains prévenus ont pu soutenir, que les offres présentées par les sociétés non désignées par l'entente aient été plus ou moins satisfaisantes ou encore proches de la réalité dans leur estimation, leur caractère de "couverture" résultant du fait qu'elles n'étaient pas de nature à remettre en cause l'ordre des soumissions fixé par la concertation et qu'elles ont été produites par des sociétés dans un but autre que celui d'être désignées attributaires des marchés. De même il importe peu que l'entente n'ait pas réuni la totalité des entreprises qui ont pu être sélectionnées par les sociétés ZZ et YZ dès lors que cette entente, qui a d'ailleurs regroupé la totalité des sociétés concurrentes à l'exception de la société ZC, par ses actions et au vu des résultats obtenus a grandement contribué à la répartition des marchés et à l'atteinte portée à la concurrence. Les prévenus ne sauraient pas davantage tirer un quelconque fait justificatif de leurs agissements dans l'acceptation de "la pratique du groupement" par les sociétés ZZ et YZ dès lors qu'un seul marché, IMSC II, a fait l'objet d'offres de groupements et qu'il résulte des déclarations du responsable des achats d'ZZ, Jean-Pierre SASSOLAS, que si l'existence d'un groupement d'entreprises à l'occasion d'un marché n'était pas impossible, en l'espèce même dans ce cas: "nous n'avons pas eu connaissance d'ententes entre les entreprises, d'ailleurs si nous l'avions su, nous aurions pris systématiquement des dispositions pour bouleverser l'entente et attribuer volontairement les marchés à des plus disant quitte à payer plus cher."
À l'audience et dans les conclussions développées par leur avocat, Messieurs S, T, C, R, U, M, F, E et H sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il les a relaxés des fins de la poursuite et soutiennent et font plaider que les éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par l'article L. 420-6 du Code de commerce, qui sanctionne toute personne qui aura frauduleusement pris une part personnelle et déterminante à l'entente incriminée, ne sont pas caractérisés à leur encontre.
Patrick M soutient et fait plaider essentiellement que sa participation personnelle à la réunion du 22 mai 1996 n'est pas établie, n'en ayant conservé aucun souvenir, qu'il est certain de ne pas avoir assisté à la réunion du 4 juin 1996, qu'il ne peut être tenu responsable de réunions auxquelles il n'a pas personnellement participé, que la réunion du 4 octobre 1996 tenue dans les locaux de la XY n'a eu aucun objet ni aucun effet anticoncurrentiel puisqu'elle concernait des marchés passés, qu'il n'a donc pas pris une part personnelle ni a fortiori une part déterminante aux faits litigieux et qu'il ne peut lui être reproché en tout état de cause d'avoir agi frauduleusement au sens de l'article L. 420-6 du Code de commerce en l'absence de manœuvres frauduleuses telles que retenues par le jurisprudence comme l'usage d'une fausse qualité, la corruption.
Christian U, qui a participé aux trois réunions, soutient et fait plaider que sa seule participation aux réunions des 22 mai 1996 et 4 juin 1996, en l'absence de toute manœuvre démontrant une volonté de porter atteinte aux intérêts des tiers, ne suffit pas pour caractériser le délit, que le fait de participer intentionnellement à une entente ne suffit pas, que la preuve d'un dol spécial doit être rapportée, que tel n'est pas le cas s'agissant des faits dont la cour est saisie.
Subsidiairement, il demande à la cour de faire une application modérée de la loi pénale et sollicite l'exclusion de la mention de la condamnation du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire.
Michel T rappelle qu'il n'était pas présent aux deux premières réunions des 22 mai et 4 juin 1996, qu'il n'a assisté qu'à la très brève réunion du 4 octobre 1996, postérieurement à l'attribution des marchés concernés, et soutient et fait plaider que sa mise en cause ne peut résulter d'une simple présomption de responsabilité fondée sur les seules déclarations de M. CC qui n'a fait que l'informer qu'il avait envisagé de concourir en groupement avec la société X, une information portée à sa connaissance dans des conditions normales et nullement répréhensibles puisque lui seul pouvait engager la société YW dans une convention de groupement, et que sa relaxe s'impose n'ayant pris aucune part personnelle, déterminante et frauduleuse dans la conception et la réalisation des prétendues pratiques anticoncurrentielles.
Jean-Paul C rappelle qu'il n'a été convié qu'aux réunions du 4 juin 1996 et 4 octobre 1996 et soutient et fait plaider que n'ayant pas participé à la réunion préparatoire du 22 mai 1996 il ne peut se voir attribuer un rôle de concepteur et d'organisateur, qu'il n'est pas démontré que lui-même et la société Entreprise Industrielle ont utilisé pour obtenir le marché ECP (Exceed) le système d'offres de couverture évoqué par Messieurs U et E ou encore ont donné leur accord pour participer à ce système, qu'en tout état de cause la preuve qu'il ait pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre de l'entente et qu'il ait utilisé celle-ci pour obtenir le marché n'est pas rapportée, que de surcroît la preuve qu'il ait commis une manœuvre frauduleuse quelconque, la fraude ne s'identifiant pas à l'intention mais au contraire venant s'ajouter au fait que le prévenu doit avoir eu conscience de prendre une part personnelle et déterminante dans les pratiques litigieuses, n'est pas rapportée.
Alain H rappelle que la société Y n'a obtenu aucun des six marchés visés à la prévention, qu'il est mis en cause pour avoir été présent à la réunion du 4 octobre 1996 et pour avoir été le signataire d'offres présentées par la société Y pour les marchés ZZ ECP Exceed, ZZ IMSC II et YZ Turbo ALT ainsi que l'offre signée par M. BC et formulée pour le marché YZ CDR, que la société Y n'était pas représentée à la réunion du 22 mai 1996 et l'était par l'intermédiaire de M. SL à la réunion du 4 juin 1996 et affirme que le dossier ne contient aucun document ni aucune déclaration le mettant en cause comme ayant d'une quelconque manière participé à un acte constitutif d'une entente illicite, qu'indépendamment qu'il n'est pas établi que la société Y aurait établi des offres de couverture les déclarations de M. SL ne permettent pas d'affirmer qu'il aurait eu connaissance d'une éventuelle participation de la société Y à une entente illicite et encore moins qu'il aurait pu donner des instructions en ce sens, qu'aucun élément de la procédure ne laisse supposer qu'il aurait frauduleusement pris une part personnelle et déterminante à une entente illicite.
Rémy S expose qu'il n'a pas participé aux réunions des 22 mai et 4 juin 1996, que la réunion du 4 octobre 1996 interrompue par les services de police, à laquelle il a participé, n'avait aucun objet et ne pouvait avoir aucun effet anticoncurrentiel au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce (anciennement article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986), qu'il n'a pas été l'organisateur ou l'initiateur, ni à l'origine de l'une quelconque des réunions, qu'aucune ne s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise X, qu'il n'est pas le signataire des offres remises par son entreprise et qu'en conséquence il ne saurait être retenu à sa charge d'avoir frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre d'une entente illicite. A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour de faire une application modérée de la loi pénale et d'exclure la mention d'une éventuelle condamnation du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire.
Patrice E et Antoine R soutiennent et font plaider que leur seule participation aux réunions visées dans la prévention, à supposer que cette participation caractérise une volonté de mettre en place une entente, ne saurait suffire pour caractériser le délit prévu et réprimé par l'article L. 420-6 du Code de commerce, que le fait de participer intentionnellement à une entente ne suffit pas, que la preuve d'un dol spécial doit être rapporté; que tel n'est pas le cas en l'espèce en l'absence de toute manœuvre frauduleuse à leur charge.
À titre subsidiaire, ils demandent à la cour de faire une application modérée de la loi pénale et d'ordonner que la mention de la condamnation ne soit pas portée au bulletin numéro 2 de leur casier judiciaire.
Alain F rappelle que l'ordonnance de 1986 a eu notamment pour objectif de dépénaliser le droit de la concurrence, soutient et fait plaider que sa simple participation aux réunions du 22 mai 1996 et 4 juin 1996 ne suffit pas pour qu'il soit condamné sur le fondement de l'article L. 420-6 du Code de commerce, qu'il doit être rapporté la preuve qu'il a commis des agissements personnels frauduleux et déterminants dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre de la prétendue entente, qu'en l'espèce les réunions n'ont pas été organisées par lui mais à l'initiative de Messieurs R et E, qu'il n'a pris aucune part déterminante dans la mise en place de la prétendue entente, sa motivation étant simplement de connaître les marchés pour lesquels il n'était pas consulté et d'envisager un groupement d'entreprises, qu'il n'a commis aucun agissement frauduleux, aucun acte de mauvaise foi ou de tromperie, au sens habituellement retenu par la doctrine et la jurisprudence (faux et usage de faux, corruption), que la preuve qu'il ait frauduleusement pris une part personnelle et déterminante dans la conception et la réalisation d'une pratique visée à l'article L. 420-1 du Code de commerce n'étant pas rapportée, le délit qui lui est reproché n'est pas établi.
Ceci étant,
Pour être incriminée au sens de l'article L. 420-6 du Code de commerce, la participation d'une personne physique à une entente anticoncurrentielle visée par l'article L. 420-1 dudit Code doit revêtir un caractère d'entremise personnelle excluant une responsabilité pénale du fait d'autrui, déterminant et frauduleux, que cela soit au stade de la conception, de l'organisation ou de la mise en œuvre de l'entente.
L'envoi d'offres de couverture, qui caractérise la mise en œuvre de la concertation illicite et a eu pour effet de simuler une concurrence, ne fut en réalité pratiqué que pour dissimuler une répartition des marchés à prix convenus et un chiffrage et une présentation des offres établis sur la base d'une concertation et non pas d'une étude autonome et indépendante des sociétés soumissionnaires et ainsi tromper sur la réalité et l'étendue de la concurrence les clients dont les possibilités alternatives de choix quant aux prix et à l'attributaire se sont trouvées limitées par cette entente. Une telle manœuvre constitue un acte de mauvaise foi ou de tromperie à l'égard du client et confère un caractère frauduleux à la participation de tous ceux qui ont personnellement et d'une façon déterminante contribué à la mise en œuvre de cette entente illicite.
Christian U, qui occupait au moment des faits le poste de directeur de l'agence rouennaise de l'entreprise ZY, laquelle regroupait 80 personnes réparties sur trois centres de travaux, était présent lors des trois réunions de mai, juin et octobre 1996 et il fut le signataire de l'offre déposée par la société ZY pour le chantier IMSC II, les autres offres étant signées par son collaborateur, M. BT, agissant sous son autorité.
Christian U, qui a déclaré au magistrat instructeur qu'il confirmait ses déclarations faites devant les services de police, a décrit de manière circonstanciée les modalités des ententes mises en place lors des réunions des 22 mai 1996 et 4 juin 1996
- Il commençait par indiquer qu'il avait été convenu "en fonction de l'état d'avancement des chiffrage des dossiers, de communiquer à chacune des sociétés présentes les montants des travaux en cours d'estimation et de laisser se positionner vis-à-vis des clients la société qui était la plus avancée dans le chiffrage et qui bénéficiait de la sorte des informations glanées par ses concurrents. Il avait également été pris en compte la faisabilité des travaux dans le délai imparti afin de ne pas laisser échapper le marché au profit d'une société qui ne participait pas au tour de table".
- Il précisait ensuite que "pour chaque marché, il avait été décidé que trois sociétés travailleraient sur le chiffrage de tel ou tel dossier, afin de remettre au client un prix au plus juste, afin que la société qui devait remporter le marché soit idéalement placée en terme de prix par rapport à la concurrence. Il s'agissait en fait d'un système de concurrence à deux étages: l'un composé par les trois sociétés de l'entente pour le marché en question, qui établissait un prix au plus juste, le second occupé par les autres concurrents qui ont toujours rendus des prix plus élevés que ceux de l'entente, et qui ont été systématiquement écartés de l'affaire".
Christian U a confirmé le respect de ces accords par les entreprises concernées, indiquant que "grâce à ce type d'entente", la société ZY avait obtenu les marchés sur lesquels elle s'était ainsi officieusement pré-positionnée.
Le représentant de la société WW, également présent lors de la seconde réunion du 4 juin 1996, a confirmé le rôle actif joué par la société ZY dans la mise en œuvre de l'entente, précisant que pour le marché Finition résine 1000, le chiffrage de la société WW avait été effectué de façon à respecter un niveau de prix indiqué par la société ZY (qui de fait a emporté le marché), "y compris pour le deuxième tour". En compensation, la société ZY avait consenti à la société WW la sous-traitance de la partie "armoires électriques" du marché ajoutant que la facturation avait fait l'objet d'une facturation interne, indépendante des prix remis au client.
Ces éléments établissent à eux seuls que Christian U, par sa participation aux réunions et en acceptant de présenter pour le compte de l'entreprise ZY, sous sa propre signature ou celle de M. BT agissant sous son autorité, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels, a pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et la cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Michel T occupait sous l'autorité de M. DE les fonctions de responsable d'agence de la société YW, ce centre gérant trois sites dont un à Lillebonne placé sous la responsabilité de Laurent CC.
Michel T n'était pas présent aux réunions des 22 mai et 4 juin 1996 où la société YW était représentée par M. CC, responsable du site de Lillebonne. Les offres déposées au nom de la société YW ont été signées par Laurent CC pour trois des marchés; il n'est pas établi que Michel T soit le signataire de l'offre déposée pour le marché IMSC II.
Laurent CC, qui a confirmé d'une manière circonstanciée les mécanismes de l'entente mis en place au cours des réunions du 22 mai et 4 juin 1996, a déclaré qu'il avait été invité à la première réunion tenue dans les locaux de la société XX par M. E, puis qu'il s'était rendu à la seconde réunion faisant suite à celle-ci le 4 juin 1996; il a confirmé qu'au cours de cette concertation il avait été décidé que le marché IMSC II serait attribué au groupement X-XY- YW et qu'il avait chiffré ce marché avec M. O de la société X mais que finalement le client ZZ avait préféré le groupement XX, WX et ZY. Questionné sur l'information qu'il avait pu donner à sa hiérarchie sur la tenue et l'objet de ces réunions, il a déclaré qu'il n'était pas possible qu'il ait procédé à cette entente sans mettre au courant M. T et son responsable régional M. DE sans toutefois donner davantage de précisions.
Devant le magistrat instructeur, Michel T a reconnu qu'il avait su qu'un groupement d'entreprises avait été réalisé avec la société X et qu'une étude de marché avait été réalisée en commun avec celle-ci pour l'obtention de ce marché.
L'entremise personnelle exigée par l'article L. 420-6 du Code de commerce excluant toute responsabilité pénale du fait d'autrui, il convient de constater que ces seuls éléments ne permettent pas d'affirmer que Michel T, qui n'était pas le responsable de l'agence de Lillebonne implantée à proximité du site industriel de Port Jérôme et qui n'a pas participé aux réunions du 22 mai et 4 juin 1996, ait pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre de l'entente et en conséquence la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il l'a renvoyé des fins de la poursuite.
Patrice E était au moment des faits le responsable de l'agence havraise de la société XX, poste auquel devait lui succéder Patrick P à compter de juillet 1996. C'est à la demande de son responsable régional, Antoine R qu'il est resté au-delà de cette période à l'agence, ayant suivi les chantiers ZZ et YZ. Il a participé aux réunions des 22 mai et 4 juin 1996 et il est le signataire de l'ensemble des offres déposées pour la société XX pour les chantiers ZZ concernés par l'entente.
Ses déclarations aux termes desquelles, évoquant les réunions de mai et de juin 1996, il confirme la concertation intervenue pour la répartition des marchés, sont particulièrement édifiantes:
"Il était entendu que chacun devait se positionner sur quelques affaires et établir une estimation des dossiers (...) afin de ne pas perdre de temps pour pouvoir chiffrer les affaires". "Chacun a présenté les affaires qu'il envisageait de retenir pour son entreprise, s'est positionné sur les différents marchés et a énoncé ses prix."
Patrice E a confirmé le principe du chiffrage de chaque marché par trois entreprises afin d'avoir le prix le plus juste et indiqué que la société XX s'était pour sa part positionnée sur plusieurs marchés sans opposition des confrères. Il a enfin évoqué comment les premiers accords avaient été modifiés lors de la seconde réunion de juin, lorsque trois autres entreprises (ET, Y et YW) s'étaient invitées à la table de négociation: XX sous traiterait de façon occulte une part du marché à ET, en contrepartie de quoi XX se verrait rétrocéder une part de marché Escorez (en dehors de la prévention) en sous-traitance occulte.
Patrice E a aussi constaté que "chacun avait respecté ses engagements de base sur la répartition des marchés, même si le choix du client avait pu se porter dans certains cas sur un autre candidat". De fait, s'agissant du marché ECP, la société XX a présenté l'offre la mieux disante, suivie de la société ET en seconde position. La société ET a finalement emporté le marché, la société XX ayant déjà été retenue par ZZ sur un autre marché, le marché IMSC II.
Les déclarations d'un de ses collaborateurs, Hervé AA, chargé des chiffrages des projets de la société XX, ont corroboré la réalité décrite par Patrice E sur la répartition des opérations de chiffrage.
Ces éléments établissent à eux seuls que Patrice E, par sa participation aux réunions et en acceptant de présenter pour le compte de la société XX, sous sa signature et dans le cadre de sa délégation, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels, a pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et la cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Antoine R occupait les fonctions de directeur régional d'agence de la société XX au moment des faits et intervenait en tant que superviseur ou contrôleur de gestion sur les sites placés sous sa responsabilité. Antoine R dans les conclusions développées par son avocat ne conteste pas avoir participé avec M. E aux réunions tenues les 22 mai et 4 juin 1996 ainsi que cela résulte des déclarations des autres participants et il a reconnu avoir été l'organisateur de ces réunions tenues dans les locaux de la société XX, réunions pour lesquelles il a soit directement contacté d'autres responsables régionaux pour participer à ce "tour de table" soit donné des instructions à M. E pour inviter les autres responsables d'entreprises à s'y joindre.
Antoine R a donc participé aux négociations menées à son initiative et, nécessairement tenu informé de la teneur des négociations, il a donné son aval à celles-ci en ne s'opposant pas à ce que M. E entérine les accords en transmettant des offres conformes à ceux-ci. Bien qu'il n'ait pas été le signataire de ces offres, sa participation a été tout à la fois personnelle et très déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente. En conséquence, la Cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Patrick M occupait au moment des faits les fonctions de directeur régional de la société XY, gérant plus particulièrement l'agence havraise, qui a accueilli dans ses locaux la réunion interrompue du 4 octobre 1996, et assurant la recherche d'affaires et donnant les instructions au "service devis" pour chiffrer les affaires.
Patrick M est le signataire des offres de la société XY sur les trois marchés pour lesquels la société a soumissionné dans le cadre des appels d'offres d'ZZ. Contrairement aux prétentions formulées dans les conclusions développées par son avocat, Patrick M, qui fut de surcroît à l'origine de la réunion du 4 octobre 1996, a reconnu le 5 octobre 1996 avoir participé à la réunion du 22 mai 1996, sa présence étant d'ailleurs confirmée par plusieurs participants à cette réunion et il a reconnu avoir demandé à l'un de ses subordonnés, M. Yves MD, d'assister à la réunion du 4 juin 1996.
Yves MD a confirmé que la réunion du 4 juin 1996 avait eu pour objet de finaliser les découpages de marchés examinés en mai. Son rôle consistant à prendre des notes à l'intention de Patrick M, il a reconnu être l'auteur du document manuscrit retrouvé en possession de ce dernier par les enquêteurs, lequel récapitule les chantiers en consultation à cette époque avec pour chacun l'estimation du marché, le nom des entreprises consultées, les positionnements de chacune (XY par exemple, pour laquelle le marché Unite résine 1000 avait été coché, a bien remporté ce marché), le partage ayant été réalisé préalablement entre les décideurs et les dates limites de remises des offres.
Alain F de la société SPIE précisera d'ailleurs au sujet de ce marché "nous devions avoir le deuxième ou le troisième niveau de prix par rapport à XY. XY avais émis le souhait d'avoir ce marché. Ils étaient les moins-disant sur cette affaire... Au final, c'est XY qui a obtenu le marché."
Ces éléments établissent à eux seuls que Patrick M, par sa participation à la réunion du 22 mai 1996, la mission qu'il confia à Yves MD lors de la réunion du 4 juin 1996 et en acceptant de présenter pour le compte de la société XY, sous sa signature, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels, dont il avait nécessairement connaissance ainsi qu'en attestent les déclarations d'Yves MD et le document retrouvé en sa possession, a bien pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente. En conséquence, la Cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Alain F occupait au moment des faits le poste de chef de l'agence Havraise de la société WX, gérant plusieurs centres de travaux. Il a participé aux deux réunions des 22 mai 1996 et 4 juin 1996 et il est le signataire des offres de la société WX sur les 4 marchés pour lesquels cette société a soumissionné dans le cadre des appels d'offres.
Outre les déclarations précitées de l'intéressé démontrant l'entente sur la répartition des marchés, Alain F a convenu qu'à la réunion de juin les participants s'étaient mis d'accord pour savoir qui chiffrait quel marché, corroborant les déclarations de Patrice E, Christian U et Hervé AA sur le système de chiffrage par plusieurs entreprises, et que des informations avaient été échangées sur les prix.
"Pour ma part, j'ai évoqué pour les deux affaires sus-décrites l'estimation du client pour ces marchés, estimations que j'ai porté à la connaissance des autres participants... l'intérêt de chiffrer à trois entreprises différentes, comme je viens de vous le décrire pour l'affaire IMSC II, est de s'assurer de la valeur de l'affaire.., si les trois chiffrages sont concordants, et que l'estimation du client est inférieure à notre fourchette de chiffrage, nous restons à notre niveau de prix..."
Ces éléments établissent à eux seuls qu'Alain F, par sa participation aux réunions des 22 mai 1996 et 4 juin 1996 et en acceptant de présenter pour le compte de la société WX, sous sa signature, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels dont il avait nécessairement connaissance, a bien pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente. En conséquence, la cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Rémy S occupait les fonctions de directeur régional de la société X et il a participé à la réunion du 4 octobre 1996 tenue dans les locaux de cette société au Havre et destinée à l'analyse des résultats des consultations effectuées lors des réunions des 22 mai 1996 et 4 juin 1996. A ce sujet, M. O, responsable de l'agence de la société X sur le site de Port Jérôme et participant également à cette réunion, a déclaré "... Ensuite M. S a pris la parole pour reprocher à l'entreprise XX de nous avoir subtilisé le chantier ZZ IMSC II alors qu'il avait été convenu entre nous que la X et YW devaient passer devant XX. Cela avait été convenu par téléphone au mois de mai ou juin dernier..." Laurent CC dira encore au sujet de cette réunion: "M. S a pris à partie M. E car il pensait qu'en fait M. E n'avait pas respecté l'accord et que le groupement WX-XX-ZY avait été mieux disant sur ce marché contrairement aux accords qui avaient été pris."
Rémy S n'était pas présent aux réunions du 22 mai et 4 juin 1996 auxquelles assistaient M. O, responsable du site de Port Jérôme; il n'est pas le signataire des offres de la société X déposées sous la signature de M. O et, s'il est incontestable que Rémy S avait connaissance de l'entente réalisée les 22 mai 1996 et 4 juin 1996 ainsi qu'en attestent les déclarations précitées, il n'est nullement établi que M. O, qui avait coutume de participer à de tels échanges d'informations et qui a déclaré que Rémy S lui laissait une entière autonomie sur son site, ait participé à ces réunions sur instructions de Rémy S.
L'entremise personnelle exigée par l'article L. 420-6 du Code de commerce excluant toute responsabilité pénale du fait d'autrui, le seul fait que Rémy S ait eu connaissance de l'entente réalisée les 22 mai et 4 juin 1996, alors qu'il n'a pas participé à ces réunions, qu'il n'est pas le signataire des offres et qu'il n'ait pas démontré que M. O ait agi sur ses ordres, ne suffit pas pour affirmer que ce dernier ait pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et en conséquence la cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il l'a renvoyé des fins de la poursuite.
Alain H occupait au moment des faits les fonctions de directeur de la filiale Y pour la région Normandie-Bretagne, l'une des trois sociétés (Y-WW-EI) invitées au second tour de table le 4 juin 1996; elle y fut représentée par M. SL, lequel, étant spécialisé dans l'établissement de devis, s'y est rendu à la demande de M. H ainsi qu'il l'a précisé au cours de son audition du 4 octobre 1996.
Alain H, qui ne conteste pas avoir demandé à son responsable d'affaires de participer à cette réunion et n'a pas pu ne pas avoir connaissance de la teneur et des résultats de cette réunion, ce dernier agissant sur ses ordres, est le signataire des offres déposées au nom de la société Y sur les marchés ZZ IMSC II et ECP Exceed et sur le marché YZ Turbo ALT, l'offre déposée sur le marché YZ CDR ayant été signée par un subordonné, M. BC.
S'agissant de l'offre déposée en groupement avec la société WW sur le marché IMSC II, il n'est pas contestable que ce groupement fut décidé lors de cette réunion et à cet égard M. PR, responsable de l'agence WW, a déclaré: "A l'origine, compte tenu de la répartition déjà réalisée en mon absence (réunion du 22 mai 1996), WW n'était prévue sur aucun marché... Craignant que mon entreprise adopte une politique agressive en matière de prix, il m'a été proposé une part des marchés en question en contre partie de quoi je devais répondre à des niveaux de prix raisonnables, c'est-à-dire qui ne permettent pas d'être compétitifs... J'ai donné un accord de principe, m'engageant à présenter des réponses aux consultations avec des prix qui ne me permettaient pas d'obtenir des marchés. C'est ainsi que WW, consultée par ZZ sur les marchés Unité Expansion résine 1000, Finition résine 1000 et IMSC II, a répondu sur ces dossiers. J'ai répondu en groupement avec Y sur IMSC II mais pour répondre à votre question, si j'ai bien monté le dossier de présentation technique, je n'ai pas réalisé le chiffrage. Vous me dites que notre offre conjointe avec Y s'élevait à 4 442 227 F, ce qui plaçait notre groupement en avant dernière position, c'est possible, je ne m'en suis pas occupé et je ne sais pas comment Y a réalisé ce chiffrage. De toute façon, compte tenu de ma structure (18 personnes) je n'étais pas à même de réaliser ce chantier.., ce qui est sûr c'est que je ne devais pas obtenir ce marché IMSC II..."
Ces déclarations, corroborant les déclarations de plusieurs personnes impliquées dans la cause, démontrent incontestablement que, contrairement aux prétentions de Alain H, la société Y, qui sera la mieux disante des sociétés parties autour de la table sur le chantier YZ CDR même si le client lui a préféré la société ZC, a bien participé à l'entente tant sur la fixation des prix, la répartition des marchés que l'envoi d'offres de couverture.
Ces éléments établissent à eux seuls qu'Alain H, par la mission qu'il confia à M. SL à la réunion du 4 juin 1996 et en acceptant de présenter pour le compte de la société Y, sous sa signature, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels dont il ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, M. SL étant dépourvu de tout pouvoir décisionnel, a bien pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et en conséquence la cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Jean-Paul C occupait au moment des faits les fonctions de responsable des trois agences de la société Entreprise Industrielle (El) de Normandie, une des trois entreprises invitées au deuxième tour de table du 4 juin 1996. Il a participé à cette réunion du 4 juin 1996, à propos de laquelle les déclarations de Jean-Stéphane PR de la société WW, autre entreprise invitée à ce second tour de table, démontrent qu'elle fut déterminante dans la réalisation de l'entente, et à la réunion tenue le 4 octobre 1996 dans les locaux de la société X.
La société ET fut attributaire du marché ZZ ECP Projet Exceed et elle a également déposé des offres de soumission sur les marchés IMSC II et YZ Turbo ALT. Jean-Paul C est le signataire des offres déposées sur les marchés IMSC II et YZ Turbo ALT et son collaborateur signataire de l'offre sur le marché ECP Projet Exceed.
Contrairement aux dires de Jean-Paul C, il résulte notamment des déclarations de Christian U et de Patrice E que le marché ECP évoqué au premier tour de table le 22 mai 1996, auquel la société ET n'avait pas été invitée, devait revenir à la société XX, qu'il fut finalement décidé que la société XX, pressentie lors du premier tour, "partagerait" ce marché avec la société ET en lui concédant une partie en sous-traitance occulte, que de fait la société XX s'est positionnée en mieux-disante sur ce marché et que la société ET, placée en seconde position, a finalement obtenu ce marché du seul fait que XX était déjà attributaire du marché IMSC II.
Devant le magistrat instructeur, Jean-Paul C a reconnu de surcroît qu'à la réunion de juin les marchés YZ avaient été évoqués mais qu'il n'était pas intéressé pas ces marchés alors qu'il a néanmoins déposé au nom de la société ET une offre pour le marché Turbo ALT.
Ces divers éléments démontrent à eux seuls que Jean-Paul C par sa participation à la réunion du 4 juin 1996 qui fut déterminante dans l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et en acceptant de présenter pour le compte de la société ET, sous sa signature, des offres conformes aux accords anticoncurrentiels dont il ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, a bien pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation et la mise en œuvre de l'entente et en conséquence la cour, infirmant le jugement déféré, le déclarera coupable des faits reprochés.
Au vu des circonstances de la cause, de la nature et du degré de gravité de l'infraction commise et des renseignements recueillis sur la situation et la personnalité de chacun des prévenus, la cour en répression condamnera Christian U, Patrice E, Antoine R, Patrick M, Alain F, Alain H et Jean-Paul C à une amende de 4 500 euros.
En l'état des pièces soumises à son appréciation, la cour n'estime pas devoir faire droit à la requête de Christian U, Patrice E et Antoine R tendant à voir prononcer l'exclusion de la mention de la présente condamnation du bulletin numéro 2 de leur casier judiciaire et rejettera leur requête.
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme Déclare les appels recevables, Au fond Rejette la demande formulée par Jean-Paul C, Alain F, Patrick M et Rémy S tendant à voir écarter des débats les conclusions de la DGCCRF en date du 28 novembre 2001 et annexées au dossier de la procédure à l'initiative du Ministère public en cause d'appel. Dit que les deux marchés YZ, Turbo ALT et YZ CDR, entrent dans la saisine de la cour et rejette en conséquence les demandes de Alain F, Christian U, Patrice E et Antoine R tendant à les voir exclure du champ des poursuites. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Michel D, Jean-Paul G, L Dominique et André B coupable des faits reprochés. L'infirmant partiellement sur les sanctions pénales prononcées à leur encontre; S'agissant de Michel D, confirme la peine de 6 mois d'emprisonnement prononcée avec sursis et le condamne en outre à une amende de 9 000 euros; S'agissant de Dominique L, confirme la peine de 4 mois d'emprisonnement prononcée avec sursis et le condamne en outre à une amende de 4 500 euros, S'agissant de Jean-Paul G, confirme la peine de 4 mois d'emprisonnement prononcée avec sursis et le condamne en outre à une amende de 4 500 euros, S'agissant de André B, confirme la peine de 4 mois d'emprisonnement prononcée avec sursis et le condamne en outre à une amende de 3 000 euros, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé des fins de la poursuite Michel T et Rémy S; L'infirmant, Déclare Christian U, Patrice E, Antoine R, Patrick M, Alain F, Alain H et JeanPaul C coupables des faits reprochés, En répression les condamne chacun à une amende de 4 500 euros, Rejette les requêtes de Dominique L, Christian U, Patrice E et Antoine R tendant à voir prononcer l'exclusion de la mention de la présente condamnation du bulletin n° 2 de leur casier judiciaire. Constate que l'avertissement prescrit par l'article 132-29 du Code pénal a été donné à Michel D, Dominique L, Jean-Paul G qui assistaient à l'audience à laquelle le présent arrêt a été rendu. Constate que l'avertissement prescrit par l'article 132-29 du Code pénal n'a pas été donné à André B qui n'assistait pas à l'audience à laquelle le présent arrêt a été rendu. Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu dans les formes de droit à la contrainte par corps pour le recouvrement des amendes à l'égard de Jean-Paul C, Alain F, André B, Alain H, Michel D, Jean-Paul G, Dominique L, Patrick M, Christian U, Antoine R et Patrice E. La présente procédure est assujettie à un droit fixe de 120 euros, dont sont redevables Jean-Paul C, Alain F, André B, Alain H, Michel D, Jean-Paul G, Dominique L, Patrick M, Christian U, Antoine R et Patrice E.