Livv
Décisions

CCE, 11 décembre 2002, n° 2003-293

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Mesures en faveur du secteur agricole mises à exécution par l'Espagne à la suite de la hausse du coût du carburant

CCE n° 2003-293

11 décembre 2002

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne et, notamment, son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir mis les parties intéressées en demeure de présenter leurs observations conformément à l'article susmentionné (1) et vu ses observations, considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 29 septembre 2000, les autorités espagnoles ont notifié à la Commission les mesures de soutien au secteur agricole à la suite de la hausse du coût du carburant, exposées dans la décision d'ouverture de la procédure, conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité.

(2) Par télécopie du 20 novembre 2000, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités espagnoles. Lesdites informations sont parvenues par lettres du 9 janvier 2001 et du 13 mars 2001.

(3) Une grande partie des mesures incluses dans la notification a déjà été adoptée et a donc été transférée au registre des aides non notifiées (aide NN 19/01). Les mesures notifiées qui n'ont pas encore été adoptées figurent dans le registre des aides notifiées (N 681/A/2000).

(4) Par lettre du 11 avril 2001, modifiée le 25 avril 2001, la Commission a notifié à l'Espagne sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard de certaines des mesures et a considéré que certaines autres mesures ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'article 87 du traité.

(5) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures considérées.

(6) Par lettres des 6 juin et 20 décembre 2001, l'Espagne a transmis une série d'observations.

(7) La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part des intéressés. Lesdites observations ont été communiquées à l'Espagne, qui a eu la possibilité de les commenter. Ses commentaires lui sont parvenus par lettres du 1er et du 30 octobre 2001.

II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

(8) Dénomination du régime: mesures en faveur du secteur agricole à la suite de la hausse du coût du carburant.

(9) Budget: non précisé.

(10) Durée: varie selon les mesures.

(11) Bénéficiaires: les titulaires d'exploitations agricoles et d'élevage et les coopératives agricoles.

(12) Objectif des mesures: dédommagement du secteur agricole pour la hausse du coût du carburant.

(13) Effets possibles des mesures: distorsion de la concurrence, favorisant certaines productions agricoles et d'élevage et infraction aux dispositions des organisations communes des marchés concernées.

(14) Intensité de l'aide, coûts éligibles, cumul: varie selon les mesures.

(15) Description des raisons ayant conduit à l'ouverture de la procédure: Modification de la loi 37-1992 concernant la taxe sur la valeur ajoutée (3).

(16) Cette mesure est prévue dans le décret-loi royal 10-2000 du 6 octobre 2000 relatif aux mesures urgentes de soutien aux secteurs agricoles, de la pêche et des transports (4). Elle consiste à augmenter le pourcentage de compensation applicable aux assujettis au régime spécial de l'impôt sur la valeur ajoutée (ci-après dénommée "TVA") pour l'agriculture, l'élevage et la pêche, afin de neutraliser l'augmentation de la charge fiscale.

(17) Cette mesure s'inscrit dans le cadre de l'application de la sixième directive 77-388-CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (5), modifiée en dernier lieu par la directive 2002-92-CE (6) (dénommée ci-après la sixième directive), et notamment son article 25.

(18) Une analyse de l'évolution des données macroéconomiques du secteur relatives aux titulaires des exploitations agricoles assujettis à ce régime au cours des trois dernières années a permis de conclure qu'il était nécessaire d'augmenter la compensation sur le volume des opérations de 2,5 points au maximum pour compenser la hausse de la charge fiscale de la TVA qui grève l'achat de biens et de services. Conformément aux dispositions de l'article 25, paragraphe 3, de la sixième directive, il a été décidé d'établir des augmentations différenciées pour le sous-secteur agricole et pour le sous-secteur de l'élevage. Dans le sous-secteur agricole, l'augmentation a été de 3 points, et dans celui de l'élevage, de 2 points, si bien que le pourcentage a atteint 8 % dans le premier cas et 7 % dans le second.

(19) Cette mesure a été adoptée pour rétablir l'équilibre entre la TVA supportée et la TVA répercutée sur les assujettis au régime spécial de la TVA pour l'agriculture, l'élevage et la pêche et, selon les autorités espagnoles, elle ne constitue pas une aide d'État.

(20) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(21) L'article 25 de la sixième directive dispose que les États membres ont la faculté d'appliquer aux producteurs agricoles un régime forfaitaire tendant à compenser la charge de la taxe sur la valeur ajoutée payée sur les achats de biens et services des agriculteurs forfaitaires. Les États membres fixent, pour autant que de besoin, des pourcentages forfaitaires de compensation et les notifient à la Commission avant leur mise en application. Ces pourcentages sont déterminés sur base des données macro-économiques relatives aux seuls agriculteurs forfaitaires des trois dernières années. Ils ne peuvent avoir pour effet de procurer à l'ensemble des agriculteurs forfaitaires des remboursements supérieurs aux charges de la taxe sur la valeur ajoutée en amont. Les États membres peuvent réduire ces pourcentages jusqu'au niveau zéro. Les pourcentages peuvent être arrondis au demi-point inférieur ou supérieur. Les États membres ont la faculté de fixer des pourcentages forfaitaires de compensation différenciés pour la sylviculture, les divers sous-secteurs de l'agriculture et de la pêche.

(22) Selon les informations disponibles à ce stade, la Commission a considéré que les autorités espagnoles ne lui avaient pas notifié l'augmentation des pourcentages globaux de compensation avant de les appliquer, contrevenant ainsi à l'article 25 précité. La Commission n'avait donc pas pu conclure que la modification introduite dans la loi 37-1992 était conforme aux dispositions de l'article 25 de la sixième directive, ni déterminer si cette augmentation avait pu avoir pour effet de procurer à l'ensemble des agriculteurs soumis au régime forfaitaire des remboursements supérieurs aux charges de la TVA ajoutée en amont, auquel cas, il s'agirait d'une mesure fiscale sélective qui affecte les ressources de l'État.

Mesures de soutien aux coopératives agricoles

(23) Cette mesure est prévue dans le décret-loi royal 10-2000, qui introduit certaines modifications dans la loi 27-1999 du 16 juillet 1999 concernant les coopératives (7) ainsi que dans la loi 20-1990 du 19 décembre 1990 concernant le régime fiscal des coopératives (8). La limite maximale de 50 % de leur chiffre d'affaires, imposée aux coopératives agricoles pour la réalisation d'opérations avec des tiers non associés sans perte du privilège fiscal établi dans la loi 20-1990, est supprimée pour les opérations de livraison de gasoil B aux tiers non associés. En outre, la loi 34-1998 du 7 octobre 1998 concernant le secteur des hydrocarbures (9) est modifiée par la suppression, pour la distribution de gasoil B aux non associés par les coopératives agricoles, de l'exigence de constituer une entité dotée de personnalité juridique propre assujettie au régime fiscal général.

(24) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(25) L'approbation du décret-loi royal 10-2000 supposait la concession d'avantages fiscaux aux coopératives agricoles, dont elles ne bénéficiaient pas avant l'approbation dudit décret.

(26) Le premier avantage réside dans la suppression de l'exigence de constituer une entité dotée de personnalité juridique propre à laquelle s'applique le régime fiscal général (c'est-à-dire un régime fiscal moins lourd) pour la distribution de gasoil B aux tiers non associés, grâce à laquelle les coopératives payeraient moins d'impôts qu'avant pour ladite opération. Autrement dit, avant la modification de la loi 27-1999, la distribution de gasoil B à des non associés par les coopératives agricoles était subordonnée à l'obligation de constituer une entité dotée de personnalité juridique propre. Depuis la modification de la loi, elles ne sont plus soumises à cette obligation et les opérations concernées seraient assujetties à une fiscalité avantageuse.

(27) Le deuxième avantage réside dans la suppression de la limite maximale de 50 % actuellement imposée aux coopératives agricoles pour fournir du gasoil B aux tiers non associés sans perdre la condition de coopérative fiscalement protégée. Autrement dit, avant la modification de la loi 27-1999, les coopératives agricoles devaient limiter les opérations de livraison aux tiers non associés à 50 % du chiffre d'affaires, si elles ne voulaient pas perdre le privilège fiscal. Depuis la modification de la loi, elles peuvent dépasser cette limite sans devoir renoncer à la condition de coopératives fiscalement protégées.

(28) Il s'agirait d'une mesure spécifique applicable uniquement aux coopératives agricoles et qui s'accompagne d'un avantage fiscal consistant dans le paiement d'un impôt réduit par rapport à l'impôt normal acquitté avant la modification de la loi 27-1999. Cet avantage a été accordé dans le cadre de la hausse du coût du carburant.

(29) Selon les informations disponibles, la Commission a considéré que ces mesures semblaient procurer à leurs bénéficiaires, les coopératives agricoles, un avantage qui allégeait les charges grevant normalement leur budget. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources de l'État sous la forme de dépenses fiscales [point 9 de la communication de la Commission relative à l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (10)]. Par conséquent, cette mesure était donc à considérer comme une mesure fiscale sélective qui affectait les ressources de l'État.

Prêts aux titulaires des exploitations agricoles

(30) Cette mesure, prévue dans une décision du ministère de l'Agriculture du 15 novembre 2000 (11) annonçant la publication d'un accord du Conseil des ministres du 10 novembre 2000, vise à permettre l'octroi de prêts aux titulaires d'exploitations agricoles pour un montant maximal de 35 milliards de pesetas espagnoles (ESP) à un taux d'intérêt bonifié par le ministère de l'Agriculture et donne instruction aux sections de crédit des coopératives agricoles qui souscrivent des accords avec le ministère de l'Agriculture et l'Institut de crédit officiel (ICO), avec l'intervention des organismes financiers, à mettre une ligne de prêts à la disposition des titulaires d'exploitations agricoles.

(31) Les conditions de cette ligne de prêts sont les suivantes: la durée est de cinq ans avec une année de franchise pour le remboursement du principal, le taux de cession de l'ICO aux organismes financiers est le taux de référence ICO, la marge bénéficiaire des organismes financiers est de 1 %, la bonification accordée par le ministère de l'Agriculture est de 3 %, le risque de ces prêts est assumé par les organismes financiers et le montant maximal des prêts fixé à 75000 d'ESP par hectare, avec un montant maximal par bénéficiaire de 4,5 millions d'ESP dans le cas des personnes physiques et de 13,5 millions d'ESP dans le cas des groupements.

(32) Le ministère de l'Agriculture peut également bonifier les garanties accordées par la société anonyme nationale de garantie agricole, lorsque de telles garanties sont nécessaires à l'octroi des prêts bonifiés. Le montant de la subvention de la garantie est destiné à couvrir les frais de gestion pour un montant n'excédant pas 1 % des encours garantis.

(33) Les autorités espagnoles ont fait savoir que l'aide maximale reçue par un agriculteur en moyenne annuelle au cours des cinq ans de durée des prêts est de 1575 d'ESP par hectare (12). Le prix moyen du gasoil était de 54,4 d'ESP par litre en 1999 et de 79,8 d'ESP par litre en 2000. La hausse entre 1999 et 2000 a donc été de 47 %.

(34) Selon les autorités espagnoles, la comparaison entre l'augmentation des frais et l'aide moyenne annuelle accordée sous la forme d'une bonification du taux d'intérêt (1 575 d'ESP par hectare pendant cinq ans) prouve que l'objectif de l'aide n'est pas de compenser les pertes subies par l'agriculteur, mais de lui permettre de bénéficier d'un prêt des organismes financiers pour faire face au manque de liquidités causé par la hausse disproportionnée du coût du gasoil. Cette hausse, qui a causé des perturbations de l'ordre public, des grèves, des ruptures d'approvisionnement en produits énergétiques et alimentaires, ainsi que des difficultés de libre transit des marchandises sur le territoire de la Communauté, devrait être considérée comme un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(35) Les autorités espagnoles ont expliqué que le coût de cette mesure est inférieur à la réduction d'impôts spéciaux et de la TVA appliquée par d'autres États membres, déconseillée par la Commission. Selon les autorités espagnoles, si cette aide était jugée incompatible avec le Marché commun, les agriculteurs espagnols seraient désavantagés sur le plan de la concurrence par rapport aux agriculteurs des autres États membres qui ont bénéficié de réductions d'impôts.

(36) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(37) La bonification du taux d'intérêt des prêts suppose une aide d'État aux agriculteurs. De plus, certains agriculteurs recevront une aide de l'État sous la forme d'une bonification d'une partie de leurs frais de gestion des garanties de ces prêts bonifiés. Par conséquent, ces mesures sont à considérer comme des aides sélectives accordées par l'État.

Mesures fiscales concernant l'impôt sur le revenu des personnes physiques (ci-après dénommé "IRPF") et la TVA

(38) Ces mesures sont prévues dans un arrêté du 29 novembre 2000 du ministère des Finances établissant les modalités d'application pour l'exercice 2001 du régime d'estimation objective de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et du régime spécial simplifié de la taxe sur la valeur ajoutée (13).

Pour l'exercice 2000, application à certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective de l'IRPF d'un indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers

(39) Une réduction de 5 % du module appliqué pour le calcul du rendement net dans le cas de certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective sous la forme d'une augmentation de l'indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers.

(40) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(41) Cette modification de l'indice correcteur semblait procurer à leurs bénéficiaires un avantage qui allégeait les charges grevant normalement leur budget. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources de l'État sous la forme de dépenses fiscales. Les autorités espagnoles n'avaient pas justifié cette mesure par la nature ou l'économie du système fiscal.

(42) En conséquence, selon les informations disponibles à ce stade, la Commission a considéré que cette mesure fiscale, imputable à l'État, qui affectait les ressources de celui-ci et constituait un avantage sélectif, ne semblait pas justifié par la nature ou l'économie du système fiscal.

Pour l'exercice 2001, réduction du rendement net dans le cadre du régime d'estimation objective de l'IRPF pour les activités agricoles et d'élevage

(43) Toutes les activités agricoles et d'élevage dont le rendement est calculé dans le cadre du régime d'estimation objective bénéficient d'une réduction de 35 % sur le prix d'achat du gasoil agricole nécessaire à leurs activités, dûment documentées par des factures.

(44) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(45) Les autorités espagnoles n'avaient pas fourni d'explications sur cette réduction du rendement pour justifier son introduction comme méthode d'ajustement de la taxation à l'évolution de la capacité économique réelle découlant des circonstances exceptionnelles liées à la hausse du coût du carburant.

(46) Selon les informations disponibles à ce stade, cette mesure ne semblait donc pas se justifier par la nature ou l'économie du système et devait être considérée comme une aide sélective accordée par l'État.

Pour l'exercice 2001 également, réduction du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels des assujettis à la TVA sous régime simplifié pour certaines activités agricoles

(47) Les réductions du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels de la TVA sous régime simplifié pour certaines activités agricoles sont les suivantes: élevage porcin à viande et aviculture à viande d'exploitation intensive, 7 %; aviculture à oeufs et élevage ovin, caprin et bovin laitier d'exploitation intensive, 1 %; élevage bovin à viande et cuniculture d'exploitation intensive, 14 %; élevage porcin et bovin reproducteur et autres formes d'élevage intensives ou extensives non incluses expressément dans les autres rubriques, 19 %; élevage ovin et caprin à viande d'exploitation intensive, 24 %; services de reproduction, de garde et d'engraissement de volailles, 24 %; autres travaux et services accessoires réalisés par les agriculteurs et les éleveurs, 28 %.

(48) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(49) Cette réduction du pourcentage servant à déterminer les paiements trimestriels de la TVA sous régime simplifié diminuait le montant des paiements et supposait pour les bénéficiaires un avantage qui allégeait les charges grevant normalement le budget. Une diminution des recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales. Les autorités espagnoles n'avaient pas justifié cette mesure par la nature ou l'économie du système fiscal. Par conséquent, selon les informations disponibles à ce stade, cette mesure fiscale ne semblait pas être justifiée par la nature ou l'économie du système fiscal.

Extension aux exercices 2000 et 2001 des avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles

(50) Cette extension des avantages fiscaux à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles, prévue par la sixième disposition additionnelle de la loi 19-1995 du 4 juillet 1995 relative à la modernisation des exploitations agricoles (14), prévue par la septième disposition transitoire de la loi 14-2000 du 28 décembre 2000 portant mesures fiscales, administratives et d'ordre social (15).

(51) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(52) Cette mesure procurait à ses bénéficiaires un avantage qui allégeait les charges grevant normalement leur budget. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources de l'État sous la forme de dépenses fiscales. Par conséquent, cette extension des avantages fiscaux serait une aide sélective octroyée par l'État. Cette prise de position correspondait exclusivement à la période 2000 et 2001 et ne préjugeait pas de la position de la Commission sur la compatibilité ou l'incompatibilité de l'aide accordée avant cette période.

Augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF

(53) Celle-ci est la seule mesure qui n'avait pas encore été adoptée lorsque l'Espagne a envoyé ses observations et elle peut donc être considérée comme une aide notifiée. Une augmentation de 5 à 10 % des dépenses difficiles à justifier a été accordée exclusivement au secteur agricole et seulement pour les exercices 2000 et 2001 dans le cadre de l'IRPF.

(54) La Commission a fondé la décision d'ouverture de la procédure sur les arguments suivants:

(55) Les autorités espagnoles n'avaient pas communiqué de données sur cette augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dont auraient bénéficié les agriculteurs soumis au régime d'estimation objective, qui permettent de la justifier par la nature ou l'économie du système fiscal et d'attester qu'elle a été introduite pour adapter la taxation à l'évolution de la capacité économique réelle liée aux circonstances exceptionnelles provoquées par la hausse du coût du carburant.

(56) Selon les informations disponibles à ce stade, cette mesure fiscale ne semblait donc pas être justifiée par la nature ou l'économie du système fiscal et semblait procurer à leurs bénéficiaires un avantage qui allégeait les charges grevant normalement leur budget. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources de l'État sous la forme de dépenses fiscales.

En conclusion, la Commission a considéré, au stade de l'ouverture de la procédure, que

(57) Selon les informations disponibles à ce stade, toutes ces mesures devaient être considérées déjà comme des mesures fiscales imputables à l'État qui concernaient les ressources de l'État, procuraient un avantage sélectif et ne semblaient pas justifiées par la nature ou l'économie du système fiscal, c'est-à-dire comme des aides sélectives accordées par l'État.

(58) Les informations fournies par les autorités espagnoles, selon lesquelles, entre 1999 et 2000, il s'était produit une hausse du prix des carburants de 47 % qui avait provoqué des perturbations de l'ordre public, des grèves et des ruptures d'approvisionnement en produits énergétiques et denrées alimentaires, ne permettaient pas de considérer à ce stade de la procédure qu'il s'agissait d'un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(59) En ce qui concerne la mesure étendant aux exercices 2000 et 2001 les avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles, celle-ci pourrait être considérée comme une aide aux investissements dans le secteur de la production primaire, au motif que l'avantage fiscal est lié à la transmission de terres et d'exploitations agricoles. Or, la loi 14-2000, qui est la base juridique de l'octroi de ces aides, ne prévoyait pas l'obligation de respecter les conditions visées au point 4.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole (16).

(60) Les autres mesures seraient, selon les informations disponibles à ce stade, des aides d'État destinées à améliorer la situation financière des producteurs mais qui ne contribuent en aucune manière au développement du secteur (point 3.5 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole). Par conséquent, au stade de l'ouverture de la procédure, il semblait que ces mesures étaient à considérer comme des aides au fonctionnement, incompatibles avec le Marché commun.

(61) De plus, en ce qui concerne les aides accordées sous forme de garantie, les conditions sont fixées dans la communication de la Commission relative à l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État accordées sous la forme de garantie (17) pour la compatibilité des aides d'État octroyées sous cette forme.

(62) En outre, il était nécessaire de considérer que ces aides aux produits agricoles de l'annexe I du traité concernent des produits soumis à une organisation commune de marché et qu'il existe des limites au pouvoir des États membres d'intervenir dans le fonctionnement d'une telle organisation qui relève de la compétence exclusive de la Communauté. Ainsi, ces aides devaient être considérées comme des infractions aux organisations communes de marché et, par conséquent, à la législation communautaire.

(63) À la lumière de ces considérations, la Commission a estimé qu'il ne semblait pas que les mesures en question, dans la mesure où elles étaient considérées comme des aides, pouvaient bénéficier des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité et, a donc décidé d'ouvrir à leur encontre la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité.

III. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS

(64) Toutes les observations de tiers concernent exclusivement la mesure de soutien aux coopératives agricoles.

Observations de l'Association des gérants de stations-service

(65) Cette association considère que le décret-loi royal 10-2000 concède des avantages fiscaux aux coopératives agricoles.

(66) En premier lieu, la suppression de l'exigence de constituer une entité dotée de personnalité juridique propre assujettie au régime fiscal général pour la distribution de gasoil B aux tiers non associés suppose un avantage fiscal grâce auquel les coopératives payeront moins d'impôts qu'avant pour ladite distribution de gasoil, ces opérations étant assujetties à une taxation avantageuse.

(67) En second lieu, la suppression de la limite maximale de 50 %, actuellement imposée aux coopératives pour réaliser les opérations de livraison de gasoil B aux tiers non associés sans perte de leur privilège fiscal, constitue un autre avantage fiscal.

(68) Le décret-loi royal 10-2000 favorise, selon cette association, la création d'un réseau parallèle, en marge du marché, en faveur des coopératives, comme entités "aidées" par le secteur public qui les dispense, de surcroît, de respecter les exigences légales imposées à leurs concurrents, tout cela dans le but d'accorder une réduction du prix qui est le résultat des mécanismes normaux du marché, et sans prévoir la moindre indemnisation pour les titulaires des installations de vente au public (distribution au détail), qui seront exclues du marché dans une proportion élevée.

Observations de l'Association des entrepreneurs des stations-service de la communauté de Madrid, de la Fédération catalane des stations-service et de la Confédération espagnole des stations-service

(69) Ces associations, qui représentent la quasi-totalité du secteur des stations-service en Espagne, considèrent que le décret-loi royal 10-2000 contient des mesures destinées à libérer les coopératives agricoles de diverses charges fiscales lors de la distribution de gasoil B aux tiers non associés, en soumettant cette activité à un régime fiscal particulièrement protégé dans le cas de la vente de combustible à des tiers.

(70) Selon ces associations, les coopératives agricoles obtiennent, à partir de l'entrée en vigueur du décret-loi royal 10-2000, les avantages énumérés ci-après lors de la distribution de gasoil B en cas de vente du combustible à des tiers:

(71) En ce qui concerne l'impôt sur les transmissions patrimoniales et actes juridiques documentés, les coopératives en sont exemptées en cas de constitution, d'augmentation du capital, de fusion et scission, d'octroi et d'annulation de prêts y compris ceux constitués d'obligations, d'achat de biens et de droits versés au Fonds pour l'éducation et la promotion aux fins de la réalisation de leurs objectifs et en cas d'opérations d'acquisition de biens et de droits destinés directement à la réalisation de leurs objectifs sociaux et statutaires.

(72) Pour ce qui est de l'impôt sur les sociétés, étant donné que le décret-loi royal 10-2000 considère la vente de gasoil B aux tiers non associés comme le résultat économique de l'activité coopérative, ladite activité est imposée au taux de 20 % et bénéficie également de la totale liberté d'amortissement pour les éléments de l'actif fixe neuf amortissable, achetés dans les trois ans suivant la date de leur inscription au registre des coopératives; les coopératives bénéficient, de surcroît, d'un allégement de 50 % du montant de l'impôt.

(73) Au sujet de l'impôt sur les activités économiques, les coopératives bénéficient d'un allégement de 95 % du montant de l'impôt.

(74) Quant à l'impôt sur les biens immeubles, elles bénéficient d'un allégement de 95 % du montant de l'impôt.

Observations de la Confédération des coopératives agricoles d'Espagne

(75) Cette confédération est constituée de la majorité des coopératives agricoles d'Espagne. Les coopératives agricoles ont commencé leur activité dans la distribution de produits pétroliers à partir de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 31 juillet 1986 (18) du ministère d'Economie et des Finances, modifiant le règlement concernant la fourniture et la vente de carburants et combustibles liquides, objet du monopole sur les produits pétroliers (19). La loi 34-1992 du 22 décembre 1992 portant réglementation du secteur pétrolier (20) instaure un nouveau système de distribution des produits pétroliers.

(76) La situation réglementaire s'est modifiée brusquement pour les coopératives agricoles à la suite de la publication de la loi 34-1998 et, plus particulièrement de sa quinzième disposition additionnelle qui interdit aux coopératives de distribuer des produits pétroliers (tant les gasoils que l'essence) aux tiers, à moins qu'elles ne constituent à cet effet une entité dotée de personnalité juridique propre, assujettie au régime fiscal général.

(77) Selon cette confédération, le décret-loi royal 10-2000 n'a fait que lever partiellement la restriction à la libre concurrence que supposait l'interdiction introduite par la loi 34-1998 par voie de sa quinzième disposition additionnelle.

(78) Les allégements fiscaux dont jouissent les sociétés coopératives doivent être examinés en corrélation avec les normes d'ajustement technique et avec les obligations qui en découlent pour les coopératives.

(79) Les coopératives doivent distinguer clairement entre les deux types d'opérations pour déterminer la base imposable au titre de l'impôt sur les sociétés: les opérations réalisées avec des associés et les opérations réalisées avec les non-associés ou les tiers. La norme d'ajustement technique prévue à l'article 16 de la loi 20-1990 consiste à déterminer la base imposable séparément, pour les résultats coopératifs provenant des opérations réalisées avec les associés, d'une part, et pour les résultats extracoopératifs provenant des opérations réalisées par les coopératives avec des non associés ou des tiers, d'autre part.

(80) L'article 33 de la loi 20-1990 précise que, dans le cadre de l'impôt sur les sociétés des entités coopératives, un taux d'imposition différencié, respectivement de 20 % et de 35 % (taux général) de la base imposable s'applique aux résultats coopératifs et extracoopératifs, ces derniers étant, entre autres, ceux obtenus par les coopératives agricoles lors de leurs opérations avec des tiers. Par conséquent, les bénéfices qu'une coopérative agricole retire de ses opérations avec des tiers non associés ne font l'objet d'aucun allégement.

(81) En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés dont sont redevables les coopératives, l'article 23 de la loi 20-1990 définit le montant de l'impôt comme égal à la somme algébrique des montants résultant de l'application aux bases imposables, positives ou négatives, des taux d'imposition prévus, ledit montant étant considéré comme le montant exigible (quota integra) lorsque le résultat est positif. Le régime d'exonération en faveur des coopératives spécialement protégées - comme le sont en principe les coopératives agricoles -, prévu à l'article 34 de ladite loi, consiste à accorder une ristourne de 50 % sur le montant de l'impôt exigible, défini précédemment à l'article 23.

(82) Cette ristourne ne peut être appréciée indépendamment du traitement fiscal des excédents nets distribués aux associés coopérateurs au titre de l'IRPF. Dans une coopérative, le bénéfice d'entreprise est distribué aux associés en fonction de l'activité réalisée dans le cadre de la coopérative pendant l'exercice considéré et non en fonction de l'apport en capital: c'est ce que l'on appelle l'excédent net, qui a des caractéristiques totalement différentes de celles du dividende dans une entreprise capitaliste.

(83) Compte tenu de ses spécificités, l'exonération de 50 % accordée aux coopératives spécialement protégées au titre de l'impôt sur les sociétés doit être appréciée à la lumière de la double imposition des dividendes/excédents au titre de l'impôt sur les sociétés, d'une part, et au titre de l'impôt sur les personnes physiques, d'autre part. L'atténuation de la double imposition dans la relation société de capitaux-actionnaire (dividende) n'a pas de contrepartie dans la relation société coopérative-associé coopérateur (distribution des excédents nets), de sorte que les excédents nets sont plus lourdement imposés que les dividendes.

(84) Cette distinction est reflétée dans l'article 23 de la loi 40-1998 du 9 décembre 1998 relative à l'impôt sur les personnes physiques et à d'autres normes fiscales (21), qui confirme le traitement fiscal différencié appliqué aux dividendes (propres des entreprises capitalistes soumises au régime fiscal général) et aux excédents nets (propres des entités coopératives soumises à un régime fiscal spécial).

(85) Par ailleurs, les exonérations fiscales en matière d'IRPF, prévues à l'article 66 de la loi 40-1998, diffèrent également suivant le type de société: en cas de dividendes, ledit article prévoit une exonération de 40 % et, en cas d'excédents nets, renvoie à l'article 32 de la loi 20-1990 concernant le régime fiscal applicable aux coopératives, qui dispose que l'exonération pour double imposition est de 10 % dans le cas d'une coopérative protégée et de 5 % dans le cas d'une coopérative spécialement protégée.

(86) Les coopératives sont en outre soumises à des obligations spécifiques dont sont dispensées les entreprises assujetties au régime fiscal général, notamment à des obligations financières instituées par la loi 27-1999 qui prescrit l'immobilisation de ressources rendues non distribuables, comme dans le cas de la constitution de Fonds sociaux obligatoires.

(87) Premièrement, le Fonds de réserve obligatoire, qui est destiné spécifiquement à la consolidation, au développement et à la garantie des coopératives et qui ne peut être distribué aux associés, comme le rappelle l'article 55 de la loi 27-1999. Il fait partie du patrimoine social non distribuable, et en cas de dissolution de la coopérative, serait mis à la disposition du Trésor public qui le destinerait à la constitution d'un Fonds pour la promotion du mouvement coopératif. Selon la loi 27-1999, la dotation minimum dudit Fonds de réserve est composée de résultats coopératifs à hauteur de 20 % et de résultats extracoopératifs à hauteur de 50 % (soit ceux provenant des opérations des coopératives avec des tiers non associés) auxquels s'ajoutent les cotisations d'affiliation des associés et les montants déduits de leurs apports obligatoires au capital social en cas de résiliation de l'affiliation. Il s'ensuit que l'associé coopérateur ne peut jamais récupérer la totalité de ses apports à l'entreprise et qu'une partie des excédents de l'entreprise sont immobilisés.

(88) Deuxièmement, le Fonds pour l'éducation et la promotion, réglementé par l'article 56 de la loi 27-1999, a pour finalité la formation et l'éducation des associés et des salariés de la coopérative, la diffusion des principes coopératifs, la promotion des relations entre coopératives, la promotion culturelle, professionnelle, ainsi que l'aide au milieu local ou à la communauté en général. Conformément à la loi 27-1999, sa dotation minimum est de 5 % des résultats coopératifs. Au même titre que pour le Fonds de réserve obligatoire, celle-ci ne peut être distribuée aux associés, y compris en cas de dissolution de la coopérative.

(89) Par conséquent, l'excédent maximum distribuable est inférieur dans le cas des coopératives par rapport à l'excédent généré par des sociétés de capitaux où la disponibilité des bénéfices est supérieure, ces dernières n'étant pas tenues de doter ces Fonds avec une partie des bénéfices de l'exercice en cours.

(90) L'avantage fiscal que la coopérative peut obtenir de l'exonération partielle de l'impôt sur les sociétés est corrigé par la double imposition au titre de l'IRPF appliquée à l'associé coopérateur dont la charge fiscale est ainsi accrue.

(91) Un aperçu global du régime fiscal auquel sont assujetties les coopératives, qui tienne compte à la fois des avantages et des obligations, peut être illustré à l'aide des exemples suivants.

(92) Le premier exemple porte sur l'analyse de la disponibilité nette de fonds dans le cas de l'associé coopérateur par opposition à l'actionnaire d'une société assujettie au régime fiscal général en Espagne, en partant des mêmes résultats initiaux; 150 unités monétaires (ci-après dénommées "u.m.")

<emplacement tableau>

(93) Compte tenu du taux marginal d'imposition prévu dans le cadre de l'IRPF, on peut affirmer que pour un même résultat initial de 150 u.m., le revenu net perçu par un associé coopérateur serait de 38 u.m., tandis que celui perçu par un actionnaire d'une société assujettie au régime fiscal général serait de 71 u.m. En outre, comme expliqué plus haut, il convient de rappeler que la double imposition au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'IRPF annule l'effet initial de l'allégement accordé au titre de l'impôt sur les sociétés.

(94) Dans le second exemple, où les opérations des coopératives avec les associés et avec les tiers non associés, c'est-à-dire les résultats coopératifs et extracoopératifs, sont soumises à des pourcentages différents, il est loisible de constater que lorsque le poids spécifique des résultats extracoopératifs augmentent par rapport aux résultats coopératifs, les ressources à verser aux Fonds obligatoires ainsi que l'impôt sur le revenu augmentent proportionnellement, tandis que le pourcentage du bénéfice disponible décroît; il s'ensuit que le revenu net perçu par chaque associé est inférieur lorsque les résultats extracoopératifs sont plus importants.

<emplacement tableau>

(95) En conclusion, la confédération des coopératives agricoles considère que la législation relative à la fiscalité des coopératives agricoles en Espagne doit être analysée dans son ensemble. Cette fiscalité établit des différences et contient des éléments avantageux, mais qui s'accompagnent d'obligations spécifiques (dotations de Fonds obligatoires, traitement du capital, double imposition).

IV. COMMENTAIRES DE L'ESPAGNE

(96) Par lettre du 11 juin 2001, l'Espagne a invoqué les arguments suivants.

Modification de la loi 37-1992

(97) L'article 25 de la sixième directive du Conseil accorde la faculté aux États membres d'établir un régime commun forfaitaire pour les producteurs agricoles, de l'élevage et de la pêche, faculté dont l'Espagne a fait usage depuis son adhésion à la Communauté.

(98) L'article 25, paragraphe 3, de la sixième directive prévoit que "les États membres fixent, pour autant que de besoin, des pourcentages forfaitaires de compensation et les notifient à la Commission avant leur mise en application". On peut déduire du libellé de cette disposition qu'il incombe aux États membres qui souhaitent fixer de tels taux de compensation d'en communiquer le montant avant leur approbation. Par contre, rien ne permet de déduire qu'une éventuelle modification de ces montants devrait également faire l'objet d'une communication à la Commission. Il n'en demeure pas moins que si telle était néanmoins l'interprétation à donner à cette disposition de la sixième directive, cela reviendrait à soumettre cette compensation à un régime de suivi autre que celui à caractère général prévu pour les modifications que les États membres apportent à leurs législations respectives, ce qui ne serait pas cohérent. En outre, il importe de souligner que le texte de la sixième directive n'exige pas une autorisation préalable de la Commission pour l'institution d'une compensation, mais uniquement sa communication.

(99) En dépit de ce qui précède, le fisc espagnol a communiqué à la Commission (se reporter à la copie de la lettre jointe), avant l'approbation de la disposition qui augmentait le pourcentage de compensation et sa publication au Boletín Oficial del Estado, l'intention du gouvernement de procéder à la majoration de la compensation ainsi qu'à sa différenciation en fonction des produits à laquelle elle s'applique, aspect expressément prévu par l'article 25, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la sixième directive.

(100) Deuxièmement, il découle de l'article 25, paragraphe 3 précité de la sixième directive, une exigence supplémentaire pour les États, selon laquelle le montant de la compensation ne peut avoir pour effet de procurer à l'ensemble des agriculteurs forfaitaires des remboursements supérieurs aux charges supportées. Cette exigence a été respectée par la législation espagnole, comme l'attestent les données sur la base desquelles l'administration espagnole a déterminé les nouveaux taux de compensation, incluses dans une étude jointe aux commentaires envoyés par l'Espagne dans le cadre de cette procédure.

(101) La méthodologie suivie comporte deux phases: une première phase consistant à calculer le montant des ventes des produits obtenus dans les exploitations des assujettis au régime spécial de la TVA pour l'agriculture, l'élevage et la pêche et, une seconde phase, consistant à déterminer le total des taxes sur la TVA acquittées au titre des achats réalisés par lesdites exploitations. Le résultat de cet exercice montre que le pourcentage de compensation réel a dépassé largement, depuis 1987, le pourcentage légal se situant, en 1999, à 8,28 %.

(102) En conclusion, l'Espagne considère que l'augmentation du pourcentage de compensation forfaitaire a respecté à tout moment les dispositions de l'article 25, paragraphe 3, de la sixième directive, dans la mesure où ladite augmentation n'a pas procuré aux assujettis au régime spécial un avantage économique découlant d'une compensation plus que proportionnelle au montant des taxes acquittées.

Mesures de soutien aux coopératives agricoles

(103) L'Espagne soutient que l'assimilation des mesures de soutien aux coopératives à une aide d'État au motif que celles-ci payeront moins d'impôts qu'avant la modification introduite n'est pas fondée, pour les raisons suivantes.

(104) Les mesures introduites par le décret-loi royal 10-2000 visent à libéraliser le secteur de la livraison de gasoil, en supprimant des barrières imposées aux coopératives agricoles pour la distribution dudit combustible à des tiers, sans que cela implique un traitement fiscal privilégié pour ces entités.

(105) Le régime fiscal des coopératives agricoles établit une distinction entre les activités réalisées avec les associés dans le cadre de la coopérative et les activités réalisées avec les non associés, les résultats de ces dernières étant qualifiés d'extracoopératifs. Il s'ensuit que le régime fiscal en matière d'impôt sur les sociétés applicable auxdits résultats correspond au régime général auquel est assujettie toute autre entité qui se consacre à la même activité.

(106) Le régime fiscal des coopératives est régi par la loi 20-1990, dont l'article 21 considère comme revenus extracoopératifs ceux générés par l'exercice de l'activité couverte par la coopérative avec des tiers non associés, de sorte que ces résultats extracoopératifs sont imposés au taux général de l'impôt sur les sociétés, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la loi 43-1995 du 27 décembre relative à l'impôt sur les sociétés (22). Par ailleurs, la sixième disposition additionnelle de la loi 27-1999 impose à ces entités la tenue d'une comptabilité séparée pour les opérations réalisées avec des tiers non associés.

(107) Les mesures introduites par le décret-loi royal 10-2000 ont pour objet de libéraliser le secteur de la livraison de gasoil B, en autorisant les coopératives agricoles à livrer ledit combustible, quelle que soit la part de ces opérations par rapport au total des opérations réalisées par les coopératives, sans que cela n'entraîne la perte de leur régime fiscal pour les activités coopératives. Le but recherché est de permettre à la coopérative de réaliser cette activité, sans qu'elle ait besoin de constituer une autre entité différenciée, l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés étant le même dans les deux situations, de sorte que les revenus générés par la livraison de gasoil B à des tiers sont soumis au régime général de l'impôt sur les sociétés.

(108) En conclusion, selon l'Espagne, les mesures introduites par le décret-loi royal 10-2000 ne constituent pas une aide d'État, dans la mesure où elles n'ont pas d'incidence sur les entreprises concurrentes qui se consacrent à la même activité (distribution de gasoil B), étant donné que toutes les entreprises du secteur, y compris les coopératives agricoles, sont assujetties à la même taxation au regard de l'impôt sur les sociétés.

(109) L'Espagne a complété ses commentaires concernant cette mesure, transmis par lettre du 6 juin 2001, par ses commentaires sur les observations des intéressés, envoyés par lettres datées des 1er et 30 octobre 2001. Dans sa lettre du 1er octobre 2001, l'Espagne a ajouté les commentaires suivants:

(110) Tant la hausse du brut que la dépréciation de l'euro face au dollar ont constitué des événements qui ont modifié de manière substantielle les conditions normales d'exercice de l'activité agricole et provoqué une crise du secteur qui a touché les exploitations agricoles, détériorant leurs résultats économiques et menaçant la survie d'un grand nombre d'entre elles si cette tendance persistait.

(111) Face à une telle situation, le Gouvernement espagnol a décidé de prendre des mesures tant conjoncturelles que structurelles, comme le renforcement de la libéralisation du secteur de la distribution des combustibles, pour permettre aux exploitations agricoles et d'élevage de poursuivre leurs activités et de conserver le degré de compétitivité nécessaire.

(112) Les mesures de soutien instituées par le décret-loi royal 10-2000 s'inscrivent dans une politique de libéralisation du secteur des combustibles. Concrètement, elles suppriment certaines restrictions auxquelles la législation espagnole soumettait les coopératives agricoles, ce qui suppose, à n'en pas douter, l'ouverture du marché dans le secteur de la distribution de gasoil B en Espagne.

(113) Ceci explique l'exonération des coopératives de l'obligation de limiter les opérations de distribution de gasoil B aux tiers non associés à 50 % de celles réalisées avec leurs associés et la suppression de la subordination des activités de distribution au détail de produits pétroliers aux tiers non associés à la constitution d'une entité dotée de la personnalité juridique, distincte de la coopérative. Cette dernière exigence limitait le champ d'action des coopératives agricoles et entrait partiellement en conflit avec la loi 27-1999, selon laquelle les sociétés créées en vertu de ladite loi pouvaient organiser et effectuer tout type d'activité économique.

(114) La modification, visant à conserver aux coopératives leur condition d'entités spécialement protégées lorsqu'elles distribuent du gasoil B aux tiers non associés, doit être interprétée comme une mesure dépénalisante mais qui ne s'accompagne pas d'un régime fiscal spécial, plus avantageux en ce qui concerne la distribution de carburant agricole aux tiers.

(115) L'affirmation des associations de stations-service, selon laquelle la libéralisation de la distribution du gasoil par les coopératives aux tiers non associés, revient à soumettre ces opérations à un taux d'imposition de 20 % au regard de l'impôt sur les sociétés, est inexacte. Toutes les opérations que les coopératives réalisent avec des tiers non associés sont assujetties au taux général de 35 %.

(116) Dans sa lettre du 30 octobre 2001, qui complète les commentaires de l'Espagne aux observations des tiers intéressés, déjà transmis par lettre du 1er octobre 2001, l'Espagne a ajouté les commentaires du ministère des Finances exposés ci-après: dans leurs observations, les associations de stations-service se fondent sur une interprétation erronée des effets du décret-loi royal 10-2000 sur le régime fiscal applicable aux coopératives protégées. Les résultats extracoopératifs sont assujettis au taux général de 35 %, y compris les bénéfices générés par la distribution de gasoil B aux tiers non associés.

(117) Les modifications apportées par le décret-loi royal 10-2000 visent uniquement à libéraliser le secteur de la distribution de gasoil B, en permettant aux coopératives agricoles de fournir ledit combustible, quelle que soit la part de ses opérations par rapport au total des opérations réalisées par la coopérative, sans perte de leur régime fiscal applicable aux activités coopératives.

(118) En tout état de cause, il n'y a eu aucune modification du régime fiscal applicable aux opérations de livraison de gasoil B par des coopératives, de sorte qu'il y a lieu de conclure à l'absence d'une mesure pouvant être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 87 du traité.

(119) S'agissant de l'impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques documentés, il ressort des observations des associations de stations-service que ces avantages sont antérieurs au décret-loi royal 10-2000, de sorte que les coopératives n'en bénéficient à la suite de l'entrée en vigueur dudit décret. Ces avantages ont pour objet de renforcer ce type de sociétés ainsi que le mouvement coopératif en Espagne.

(120) En dernier lieu, pour ce qui est des impôts locaux, les critiques des associations de stations-service ne portent pas tant sur les avantages fiscaux en vigueur applicables aux coopératives spécialement protégées en eux-mêmes que sur la modification apportée par le décret-loi royal 10-2000, consistant à changer les exigences imposées aux coopératives agricoles pour bénéficier du statut de coopératives spécialement protégées, concrètement le fait de permettre à ces coopératives de distribuer du gasoil B aux tiers non associés sans limitation.

Prêts aux titulaires d'exploitations agricoles

(121) L'Espagne considère qu'elle ne peut que répéter les arguments déjà exposés dans la notification et insister sur le fait qu'il s'agit de préjudices causés par des événements extraordinaires [article 87, paragraphe 2, point b), du traité]. Tout en reconnaissant le bien-fondé du point de vue de la Commission visant à donner une interprétation restrictive de ladite notion, il n'en est pas moins vrai que le caractère exceptionnel des événements et la mesure correctrice qui a suivi découle du souci du Gouvernement espagnol de maintenir lesdits impôts, conformément à la position publiquement exprimée par la Commission de ne pas réduire les impôts sur les carburants afin de ne pas obéir aux injonctions de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et de rechercher une autre forme de compensation de la hausse démesurée du coût du carburant qui menaçait gravement la viabilité des exploitations, à l'origine de grèves et de graves perturbations de l'ordre public ainsi que de ruptures d'approvisionnement en produits énergétiques et alimentaires.

(122) Dans ses commentaires transmis par lettre du 6 juin 2001, l'Espagne a confirmé que cette ligne de prêts n'était pas opérationnelle. Néanmoins, par lettre du 20 décembre 2001, elle communiquait qu'elle l'était devenue depuis le 22 novembre 2001 et que des fonds avaient déjà été mis à la disposition des bénéficiaires, de sorte que le versement des aides avait déjà commencé.

(123) En tout état de cause, l'Espagne considère que le coût de cette mesure est inférieur à celui qu'aurait entraîné une réduction éventuelle des impôts spéciaux et de la TVA applicable au gasoil, expressément déconseillée par la Commission.

Mesures fiscales concernant l'IRPF et la TVA

Application à certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective de l'IRPF d'un indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers

(124) Cet indice correcteur existe depuis 1995 et s'applique à certaines activités d'élevage en fonction du pourcentage d'aliments du bétail achetés à des tiers en vue de leur incorporation au processus d'exploitation. Pour les exercices 2000 et 2001, cet indice correcteur a été étendu à toutes les activités d'élevage, pour autant que la valeur de marché des aliments du bétail achetés à des tiers ne représente pas plus de 50 % de la valeur des aliments consommés.

(125) Cette prorogation est motivée par le fait que, tant en 2000 qu'en 2001, les indices de rendement net applicables à ces activités n'ont pas été modifiés, de sorte que la hausse du coût des aliments du bétail n'a été intégrée dans le calcul du rendement net. Par conséquent, lorsque la consommation d'aliments du bétail achetés à des tiers est importante (plus de 50 % des aliments consommés), il a été jugé préférable d'introduire un indice correcteur de 0,95 % plutôt que de réduire l'indice de rendement net.

(126) En conclusion, selon l'Espagne, cette mesure ne peut en aucun cas être considérée comme un avantage sélectif, mais comme un ajustement du rendement net à la capacité économique réelle de l'activité, déterminée à l'aide d'une méthode objective.

Réduction du rendement net dans le cadre du régime spécial d'estimation objective de l'IRPF pour les activités agricoles et d'élevage

(127) Le régime d'estimation objective pour les activités agricoles et d'élevage se fonde sur l'application aux revenus générés par l'activité, d'indices de rendement net, déterminés sur la base d'un compte d'exploitation type. Dans le cadre de ce compte d'exploitation type, pour l'exercice 2001, la facture du gasoil a été calculée sur la base des prix en vigueur en janvier 1999. Étant donné que le prix du gasoil a augmenté d'environ 35 % entre cette date et le 1er janvier 2001, le Gouvernement espagnol a préféré introduire cette réduction au lieu de modifier le compte d'exploitation type.

(128) En conclusion, l'Espagne considère que cette mesure ne peut en aucun cas être considérée comme un avantage sélectif, mais comme un ajustement du rendement net à la capacité économique réelle de l'activité, déterminée à l'aide d'une méthode objective.

Réduction du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels dans le cadre du régime simplifié de la TVA pour certaines activités agricoles

(129) En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle la réduction des pourcentages servant à déterminer les versements trimestriels des assujettis à la TVA sous régime simplifié diminuent le montant des paiements et supposent donc pour leurs bénéficiaires un allégement de la charge fiscale, l'Espagne signale que cette réduction ne concerne pas les indices au moyen desquels sont calculés les montants fixés provisoirement, à valoir sur l'impôt exigible en fin d'exercice.

(130) La mesure est justifiée par la hausse des prix du gasoil qui s'est produite au cours du dernier semestre 2000 et a un caractère provisoire, comme précisé dans le préambule de l'arrêté ministériel du 29 novembre 2000 portant modalités d'application du régime simplifié pour l'exercice 2001. Ce caractère provisoire se traduit par le fait que la réduction des indices concerne exclusivement les versements trimestriels versés à titre d'acomptes, mais pas ceux applicables au calcul de la taxe annuelle due. Ainsi, à la fin de l'exercice, le contribuable doit régulariser la différence entre les montants tels qu'ils résultent de l'application des indices annuels et les versements anticipés trimestriels.

(131) En conclusion, selon l'Espagne, il n'est pas exact de prétendre que la mesure entraînerait une diminution de la charge fiscale au titre de l'exercice 2001.

Extension aux exercices 2000 et 2001 des avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles

(132) Cette mesure, qui proroge jusqu'au 31 décembre 2001 les avantages fiscaux prévus dans la sixième disposition additionnelle de la loi 19-1995, doit être examinée dans le cadre plus large des avantages accordés aux cédants, ces avantages ne s'appliquant que dans certaines situations définies en fonction de l'acquéreur des terres et des exploitations agricoles cédées.

(133) Selon l'Espagne, il ne s'agit donc pas exclusivement d'un avantage fiscal, puisque celui-ci n'est accordé que si l'acquéreur remplit un certain nombre de conditions qui visent à une meilleure organisation de l'activité agricole en Espagne et à une amélioration de la taille des exploitations.

Augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF

(134) Dans ses commentaires, l'Espagne a précisé que, à la date de leur rédaction, cette mesure n'avait toujours pas été approuvée et que, si elle devait l'être, son objet était d'adapter le pourcentage de dépenses applicable dans le cadre du régime simplifié d'estimation directe au volume des dépenses que remplace ce pourcentage (dépenses difficiles à justifier et provisions), dépenses qui ont augmenté du fait de la hausse du prix du gasoil.

Conclusion

(135) L'Espagne estime qu'aucune des mesures adoptées par le Gouvernement espagnol en faveur du secteur agricole mérite l'appellation "d'aide d'État", étant donné qu'elles sont pleinement compatibles avec les dispositions de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

V. ÉVALUATION DE L'AIDE

Article 87, paragraphe 1, du traité

Modification de la loi 37-1992

(136) Cette modification de la loi 37-1992, prévue par le décret-loi royal 10-2000, qui consiste en une augmentation du taux compensatoire applicable aux assujettis au régime spécial de la TVA pour l'agriculture, l'élevage et la pêche, destinée à neutraliser la hausse de la charge fiscale, s'inscrit dans le cadre de l'application de la sixième directive, et notamment de son article 25.

(137) Cette mesure a été instituée pour restaurer l'équilibre entre la TVA estimée en amont et la TVA en aval, répercutée sur les assujettis à la taxe dans le cadre du régime spécial de la TVA pour l'agriculture, l'élevage et la pêche.

(138) Le fisc espagnol a communiqué à la Commission, avant l'approbation de la loi qui relevait le pourcentage de la compensation, l'intention du gouvernement de procéder audit relèvement ainsi qu'à l'introduction d'une différenciation en fonction des produits auxquels elle s'applique, aspect expressément prévu à l'article 25, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la sixième directive.

(139) L'Espagne a également transmis à la Commission, conformément à l'article 25, paragraphe 3, de la sixième directive, les données sur la base desquelles l'administration espagnole a procédé au calcul des nouveaux taux compensatoires et qui attestent que le montant de la compensation appliquée n'a pas pour effet d'accorder un avantage économique aux assujettis couverts par le régime, du fait d'une compensation plus que proportionnelle au montant de la taxe en amont. Ces données ont été examinées par la Commission qui n'a pas formulé d'objections.

(140) En conséquence, au vu des informations communiquées par l'Espagne dans ses commentaires, la Commission considère que cette mesure relève du champ d'application de la sixième directive et qu'elle ne constitue pas une mesure fiscale sélective.

Mesures de soutien aux coopératives agricoles

(141) Les modifications apportées par le décret-loi royal 10-2000 à la loi 27-1999 et à la loi 20-1999 ne font que rétablir la situation réglementaire en vigueur avant l'adoption de la loi 34-1998 en ce qui concerne la distribution de produits pétroliers par les coopératives agricoles jusqu'à l'adoption de la loi 34-1998.

(142) L'Espagne a expliqué dans ses commentaires, qu'aux termes de la loi 20-1990, les bénéfices que les coopératives agricoles retirent des opérations réalisées avec des tiers non associés sont imposés au taux général de l'impôt sur les sociétés, de sorte que ces opérations ne bénéficient d'aucun allégement fiscal et que les modifications apportées par le décret-loi royal 10-2000 n'entraînent aucun changement du régime fiscal applicable aux opérations de livraison de gasoil B par les coopératives aux tiers non associés.

(143) Les coopératives agricoles, grâce aux modifications introduites par le décret-loi royal 10-2000, peuvent réaliser cette activité sans être obligées de constituer une nouvelle entité juridique pour la distribution de gasoil B aux tiers non associés et sont autorisées à dépasser la limite de 50 % du volume de chiffre d'affaires pour les opérations de livraison aux tiers non associés, sans perte de leur privilège fiscal.

(144) Il est certain que, en ce qui concerne les revenus provenant des opérations avec des tiers non associés, les coopératives agricoles sont imposées au taux général de l'impôt sur les sociétés au même titre que les autres sociétés, mais il est également certain que, à la suite desdites modifications, les coopératives peuvent désormais distribuer du gasoil B aux tiers non associés sans aucune limitation du chiffre d'affaires et sans obligation de constituer une nouvelle entité juridique, tout en continuant à bénéficier du traitement fiscal différencié accordé aux coopératives.

(145) Avant l'entrée en vigueur du décret-loi royal 10-2000, les coopératives bénéficiaient déjà d'avantages fiscaux en ce qui concerne l'impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques documentés, l'impôt sur les activités économiques, l'impôt sur les biens immeubles et l'impôt sur les sociétés. S'agissant de ce dernier impôt, les opérations réalisées avec des associés sont imposées à un taux réduit et les coopératives spécialement protégées, comme le sont en principe les coopératives agricoles, bénéficient d'une ristourne de 50 % au titre de l'impôt sur les sociétés.

(146) Toutefois, il convient d'examiner les avantages fiscaux dont jouissent les sociétés coopératives à la lumière des obligations que les normes d'ajustement technique imposent aux coopératives. Comme le signale la confédération des coopératives agricoles espagnoles dans ses observations, cet avantage fiscal ne peut être apprécié indépendamment du traitement fiscal des excédents nets de l'associé coopérateur dans le cadre de l'IRPF, excédents dont les caractéristiques sont complètement différentes de celles des dividendes dans une entreprise capitaliste. L'atténuation de la double imposition dans la relation société capitaliste-actionnaire (dividende) n'a pas de contrepartie dans la relation société coopérative-associé coopérateur (distribution des excédents nets), de sorte que les excédents nets sont plus lourdement imposés que les dividendes. L'avantage que la coopérative peut tirer de l'abattement sur l'impôt sur les sociétés est corrigé par la double imposition au regard de l'IRPF qui est appliquée à l'associé de la coopérative et donc par l'augmentation de la charge fiscale.

(147) La fiscalité des coopératives agricoles en Espagne doit être analysée dans son ensemble. Cette fiscalité établit des différenciations quant à sa structure et contient des éléments avantageux, contrebalancés par des obligations spécifiques (dotations de Fonds obligatoires, traitement du capital, double imposition).

(148) En conséquence, au vu des informations communiquées par l'Espagne et par la confédération des coopératives agricoles espagnoles, la Commission considère donc que les modifications apportées par le décret-loi royal 10-2000 à la législation relative aux coopératives agricoles ne constituent pas un avantage sous forme d'allégement des charges grevant leur budget et ne constituent pas une mesure fiscale sélective qui affecte les ressources de l'État. Il s'ensuit que cette mesure n'est pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Prêts aux titulaires d'exploitations agricoles

(149) La bonification du taux d'intérêt des prêts constitue une aide d'État en faveur des agriculteurs. En outre, certains agriculteurs recevront une aide de l'État sous forme de bonification d'une partie des frais de gestion afférents aux garanties de ces prêts bonifiés. Par conséquent, la Commission considère que ces mesures doivent être considérées comme des aides sélectives accordées par l'État.

Mesures fiscales concernant l'IRPF et la TVA

Application à certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective de l'IRPF d'un indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers

(150) L'Espagne a expliqué dans ses commentaires que cet indice correcteur, qui existait depuis 1995, a été étendu, au titre des exercices 2000 et 2001, à toutes les activités d'élevage, pour autant que la valeur de marché des aliments du bétail achetés à des tiers représente plus de 50 % de la valeur des aliments consommés. Cette extension est motivée par l'absence de modification des indices nets applicables à ces activités au cours de ces années, circonstance qui implique la non-intégration de la hausse du coût des aliments du bétail dans le calcul du rendement net. Par conséquent, lorsque la consommation d'aliments du bétail achetés à des tiers est importante (plus de 50 % des aliments consommés), il a été jugé préférable d'introduire un indice correcteur plutôt que de réduire l'indice de rendement net. Il ne s'agit donc pas d'un avantage sélectif mais d'un ajustement du rendement net calculé par une méthode objective au rendement réel de l'activité.

(151) Le point 27 de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises signale qu'il est possible "que des dispositions spécifiques qui ne comportent pas d'élément discrétionnaire, permettant par exemple la fixation de l'impôt sur une base forfaitaire (par exemple, dans les secteurs de l'agriculture ou de la pêche), peuvent être justifiées par la nature et l'économie du système (....). De telles dispositions ne constituent donc pas des aides d'État.".

(152) La réglementation espagnole relative à l'impôt sur le revenu des producteurs assujettis au régime d'estimation objective établit un système de fiscalité par modules, correspondants aux résultats économiques des exploitations dans des conditions normales de prix, de dépenses et de revenus. Ladite réglementation prévoit que, en cas de circonstances exceptionnelles qui perturbent la situation économique, les modules peuvent être réajustés pour rééquilibrer la situation. Selon les autorités espagnoles, sous l'effet de l'augmentation des prix des carburants, les prix des aliments du bétail ont augmenté et des circonstances exceptionnelles se sont produites qui ont modifié substantiellement les conditions d'exploitation, obligeant à introduire un indice correcteur de l'indice du rendement net de l'activité.

(153) L'ajustement répondait à la nécessité d'adapter la fiscalité à la capacité économique réelle. Faute d'un tel ajustement, il y aurait eu un excès d'impôt. Ledit ajustement est donc justifié par la nature ou l'économie du système fiscal d'estimation objective en vue d'adapter le revenu imposable aux revenus réels.

(154) Par conséquent, au vu des informations fournies par l'Espagne dans ses commentaires, la Commission considère que ces mesures sont des mesures fiscales justifiées par la nature ou l'économie du système fiscal.

Réduction du rendement net dans le cadre du régime spécial d'estimation objective de l'IRPF pour les activités agricoles et d'élevage

(155) L'Espagne a expliqué dans ses commentaires que dans le régime d'estimation objective pour les activités agricoles et d'élevage, le rendement net est déterminé au moyen d'un compte d'exploitation type. Dans le cadre de ce compte d'exploitation type, la facture du gasoil pour l'exercice 2001 a été calculée en fonction des prix en vigueur en janvier 1999. Étant donné que le prix du gasoil a augmenté d'environ 35 % entre cette date et le 1er janvier 2001, le Gouvernement espagnol a préféré introduire cette réduction au lieu de modifier le compte d'exploitation type. Il ne peut donc être question d'une aide sélective de l'État, mais d'une adaptation du rendement net calculé par un système objectif au rendement réel de l'activité.

(156) La réglementation espagnole relative à l'impôt sur le revenu des producteurs assujettis au régime d'estimation objective établit que le rendement net pour les activités agricoles et d'élevage est calculé sur la base d'un compte d'exploitation type. Ladite réglementation prévoit que, en cas de circonstances exceptionnelles qui perturbent la réalité économique, le rendement net peut être adapté pour rééquilibrer la situation. Selon les autorités espagnoles, sous l'effet de l'augmentation des prix des carburants, les prix des aliments du bétail ont augmenté et des circonstances exceptionnelles se sont produites qui ont modifié substantiellement les conditions, obligeant à introduire un indice correcteur de l'indice du rendement net de l'activité.

(157) L'ajustement répondait à la nécessité d'adapter la fiscalité à la capacité économique réelle. En l'absence d'un tel ajustement, il y aurait eu un excès d'impôt. Ledit ajustement est donc justifié par la nature ou l'économie du système fiscal d'estimation objective en vue d'adapter le revenu imposable aux revenus réels.

(158) Par conséquent, au vu des informations fournies par l'Espagne dans ses commentaires, la Commission considère que ces mesures sont des mesures fiscales justifiées par la nature ou l'économie du système fiscal.

Réduction du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels dans le cadre du régime simplifié de la TVA pour certaines activités agricoles

(159) L'Espagne a expliqué dans ses commentaires que la réduction des pourcentages servant à déterminer les versements trimestriels des assujettis à la TVA sous régime simplifié ne concerne pas les indices au moyen desquels est fixé le montant de la taxe due. Elle a été établie à titre provisoire, à la suite de la hausse des prix du gasoil, et porte sur les versements anticipés à valoir sur l'impôt exigible en fin d'exercice. La réduction des indices concerne exclusivement les versements trimestriels payés à titre d'acomptes, mais n'est pas applicable au calcul de la taxe annuelle due. Ainsi, à la fin de l'exercice, le contribuable doit régulariser la différence existant entre les montants tels qu'ils résultent des indices annuels et les versements anticipés trimestriels effectués. En conclusion, la mesure n'entraîne pas une diminution de la charge fiscale au titre de l'année 2001.

(160) Par conséquent, au vu des informations fournies par l'Espagne dans ses commentaires, la Commission considère que ces mesures n'impliquent pas une réduction de la charge fiscale. Cette prise de position est fondée sur les caractéristiques spécifiques du secteur agricole et ne préjuge pas des autres décisions que la Commission serait appelée à adopter dans d'autres secteurs.

Extension aux exercices 2000 et 2001 des avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles

(161) Selon l'Espagne, cette mesure ne constitue pas exclusivement un avantage fiscal, dans la mesure où elle ne s'applique que si l'acquéreur remplit un certain nombre de conditions déterminées qui visent à une meilleure organisation de l'activité agricole en Espagne et à une amélioration de la taille des exploitations.

(162) Cette extension des avantages fiscaux pour la transmission de certaines terres et exploitations agricoles procure à leurs bénéficiaires un avantage qui allège les charges grevant normalement leur budget. Une diminution des recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales.

(163) La Commission considère donc cette extension des avantages fiscaux comme une aide sélective octroyée par l'État.

Augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF

(164) L'Espagne a expliqué dans ses commentaires que l'augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF pour le secteur agricole, limitée aux seuls exercices 2000 et 2001, a pour objet d'adapter le pourcentage des dépenses applicable sous le régime simplifié d'estimation directe au volume des dépenses que remplace ce pourcentage (dépenses difficiles à justifier et provisions), lesquelles ont augmenté sous l'effet de la hausse du prix du gasoil.

(165) Cette augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF est justifiée par le fait que ces dépenses se sont accrues sous l'effet de la hausse du prix du gasoil agricole. Faute d'augmentation d'un tel pourcentage, les agriculteurs n'auraient pas pu déduire des dépenses effectivement supportées. Cette augmentation a été introduite pour ajuster la fiscalité aux dépenses réelles supportées et, faute d'une telle augmentation, il y aurait eu un excès d'impôt. Ainsi, cet ajustement est justifié par la nature ou l'économie du système fiscal d'estimation objective et vise à adapter le revenu imposable aux revenus réels.

(166) Au vu des informations fournies par l'Espagne dans ses commentaires, la Commission considère que ces mesures sont des mesures fiscales justifiées par la nature ou l'économie du système fiscal.

Conclusion

(167) Sur la base des informations fournies par l'Espagne dans ses commentaires, la modification de la loi 37-1992, les mesures de soutien aux coopératives agricoles et les mesures fiscales prévoyant l'application à certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective de l'IRPF d'un indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers, la réduction du rendement net dans le cadre du régime d'estimation objective de l'IRPF pour les activités agricoles et d'élevage, la réduction du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels dans le cadre du régime simplifié de la TVA pour certaines activités agricoles et l'augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'IRPF sont à considérer comme des mesures fiscales justifiées par la nature ou l'économie du système fiscal et qui ne relèvent donc pas des critères d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(168) En revanche, la bonification des prêts et des garanties octroyés aux titulaires d'exploitations agricoles et la mesure fiscale prévoyant l'extension aux exercices 2000 et 2001 d'avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles doivent être considérées, dans le premier cas, comme des aides sélectives octroyées par l'État et, dans le second cas, comme des mesures fiscales imputables à l'État qui concernent les ressources de l'État et qui supposent un avantage sélectif non justifié par la nature ou l'économie du système fiscal.

(169) Les articles 87 et 88 du traité s'appliquent à tous les produits agricoles de son annexe I, soumis à une organisation commune de marché (tous les produits agricoles, sauf les pommes de terre autres que les pommes de terre de fécule, la viande équine, le miel, le café, l'alcool d'origine agricole, le vinaigre dérivé de l'alcool et le liège) conformément aux différents règlements qui régissent les organisations communes de marché respectives.

(170) Selon les dispositions de l'article 87, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(171) Dans le cas d'espèce, les aides confèrent à leurs bénéficiaires un avantage qui réduit les charges qui grèvent normalement leur budget. Elles sont accordées par l'État ou au moyen de ressources d'État. Elles sont spécifiques ou sélectives en ce sens qu'elles favorisent certaines entreprises ou certaines productions, concrètement les producteurs du secteur agricole et de l'élevage.

(172) Pour relever du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité, les aides doivent en outre affecter la concurrence et les échanges entre États membres. Ce critère suppose que les bénéficiaires des aides exercent une activité économique. Selon la jurisprudence constante en la matière, les échanges commerciaux sont réputés affectés dès lors que l'entreprise bénéficiaire exerce une activité économique faisant l'objet d'échanges commerciaux entre les États membres. Le simple fait que l'aide renforce la position de l'entreprise par rapport aux autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires permet de considérer que ces échanges ont été affectés.

(173) Dans le cas considéré, les bénéficiaires exercent une activité économique qui fait l'objet d'échanges commerciaux entre les États membres. Or, les échanges commerciaux de produits agricoles entre la Communauté et l'Espagne sont importants. En 1999, L'Espagne a exporté des produits agricoles à destination de la Communauté pour une valeur de 11,329 milliards d'euro et elle a importé des produits de ce type pour une valeur de 7,382 milliards d'euro (23).

(174) En effet, les entreprises bénéficiaires opèrent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence. Il importe de signaler qu'il existe, dans le secteur agricole, une concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits font l'objet d'échanges intracommunautaires. Les producteurs espagnols participent pleinement à cette concurrence, puisqu'ils exportent des quantités substantielles de produits agricoles vers d'autres États membres. En outre, le grand nombre de bénéficiaires de ces aides accroîtra l'incidence desdites aides sur les échanges.

(175) Dès lors, ces aides sont susceptibles d'affecter les échanges de produits agricoles entre les États membres, ce qui se produit lorsque les aides favorisent des opérateurs actifs dans un État membre au détriment des autres États membres. Les mesures en question ont un effet direct et immédiat sur les coûts de production des produits agricoles en Espagne. De ce fait, elles procurent un avantage économique par rapport aux autres exploitations des autres États membres qui n'ont pas accès à des aides comparables. Par conséquent, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence.

(176) Compte tenu de ce qui précède, les aides en question sont à considérer comme des aides d'État qui répondent aux critères de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Toutefois, le principe d'incompatibilité posé à l'article 87, paragraphe 1, admet des exceptions.

Article 87, paragraphe 2, point b), du traité

(177) L'article 87, paragraphe 2, point b), du traité dispose que sont compatibles avec le Marché commun les aides destinées à remédier aux préjudices causés par les calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires. L'Espagne a justifié ces aides en faisant valoir qu'elles étaient destinées à remédier aux préjudices causés par un événement extraordinaire.

(178) Selon l'Espagne, la hausse disproportionnée du coût du gasoil a causé des perturbations de l'ordre public, des grèves, des ruptures d'approvisionnement en produits énergétiques et alimentaires et des difficultés de libre transit des marchandises à travers le territoire de la Communauté, ce qui devrait être considéré comme un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(179) S'agissant des exceptions au principe général d'incompatibilité des aides d'État avec le Marché commun, établi à l'article 87, paragraphe 1, du traité, la Commission considère qu'il faut donner une interprétation restrictive à la notion d'"événement extraordinaire" dont il est fait état à l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité. Jusqu'à présent, la Commission a accepté comme événement extraordinaire les guerres, les troubles intérieurs ou les grèves et, sous certaines réserves et en fonction de leur étendue, les accidents nucléaires ou industriels graves ou les incendies qui se soldent par de lourdes pertes. Étant donné les difficultés inhérentes aux prévisions en la matière, la Commission détermine la compatibilité des aides en procédant à des analyses cas par cas, eu égard à sa pratique antérieure dans le domaine considéré (point 11.2.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole).

(180) Le texte même du point b) de l'article 87, paragraphe 2, du traité exclut toute surcompensation des dommages. Lorsque l'existence d'un événement extraordinaire a été établie, la Commission autorise l'octroi d'une aide pouvant aller jusqu'à 100 % du coût du dommage matériel subi. La compensation doit normalement être calculée au niveau du bénéficiaire individuel et, afin d'éviter toute surcompensation, tous les paiements versés sont à déduire du montant total de l'aide (point 11.2.2 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole).

(181) Dans le cas présent, le motif de l'octroi des aides est la hausse du coût du carburant et non les perturbations de l'ordre public, les grèves, les ruptures d'approvisionnement en produits énergétiques et alimentaires. Ces événements n'ont pas été la cause de l'octroi des aides, mais la conséquence de l'augmentation du coût des carburants.

(182) L'Espagne n'a pas justifié l'existence d'un lien entre les aides accordées et les dommages subis par les bénéficiaires du fait de la hausse du prix du carburant. Aucune preuve n'a été apportée démontrant que tous les bénéficiaires de ces aides ont subi des dommages pour ce motif, ni que le montant de ces aides est proportionnel et ne dépasse pas les dommages subis par les agriculteurs.

(183) Selon les autorités espagnoles, l'aide ne vise pas à compenser les pertes subies par l'agriculteur, mais à lui permettre de bénéficier d'un prêt des organismes financiers pour faire face au manque de liquidités causé par la hausse disproportionnée du coût du gasoil.

(184) Les informations fournies par les autorités espagnoles ne permettent pas de conclure que tous les bénéficiaires des aides ont subi des dommages pour ce motif et que l'aide ne dépasse pas les dommages subis. Dans la présente décision, la Commission ne se prononce pas sur l'existence d'un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité. La présente décision ne préjuge pas d'autres décisions que la Commission est susceptible d'adopter dans d'autres secteurs.

(185) Par conséquent, lesdites aides ne peuvent bénéficier de l'exception prévue à l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité en tant qu'aides destinées à remédier aux dommages causés par un événement de caractère exceptionnel.

Article 87, paragraphe 3, du traité

(186) Les dérogations prévues à article 87, paragraphe 3, du traité ne peuvent être accordées que si la Commission est en mesure d'établir que l'aide est nécessaire à la réalisation de l'un des objectifs considérés. Accorder le bénéfice desdites dérogations à des aides qui ne remplissent pas cette condition reviendrait à permettre des infractions aux échanges entre États membres et des distorsions de concurrence dépourvues de toute justification au regard de l'intérêt communautaire, tout en accordant de ce fait des avantages indus aux opérateurs de certains États membres.

(187) La Commission considère que les aides en cause n'ont pas été conçues comme des aides régionales en faveur de la réalisation de nouveaux investissements ou de la création d'emplois, voire pour surmonter des handicaps au niveau des infrastructures de manière horizontale pour l'ensemble des producteurs de la région, mais comme des aides au secteur agricole. Il s'agit par conséquent d'aides à caractère éminemment sectoriel, qui doivent être appréciées au regard de l'article 87, paragraphe 3, point c).

(188) Conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun les aides destinées à favoriser le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(189) En ce qui concerne la mesure fiscale consistant à étendre aux exercices 2000 et 2001 les avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'IRPF à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles, cette aide pourrait être considérée comme une aide à l'investissement dans le secteur de la production primaire, l'avantage fiscal étant lié à la transmission de terres et d'exploitations agricoles. Toutefois, la loi 14/2000, qui constitue la base juridique pour l'octroi de ces aides, ne prévoit pas l'obligation d'observer les conditions visées au point 4.1 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole.

(190) Concrètement, des aides à l'investissement en faveur d'exploitations agricoles ne peuvent être accordées que si leur viabilité économique peut être démontrée par une étude de marché(24) et pour autant que les titulaires possèdent les compétences et les aptitudes requises. En outre, l'exploitation doit respecter les normes minimales en matière d'environnement, d'hygiène et de bien-être animal. Aucune aide ne peut être accordée pour des investissements dont l'objectif est d'augmenter une production pour laquelle il n'existe pas de débouché sur le marché et le pourcentage maximum de l'aide publique par rapport à l'investissement est fixé à 40 % [50 % dans les zones défavorisées définies à l'article 17 du règlement (CE) n° 1257-1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements (25) (se reporter également à l'article 51, paragraphe 2, en liaison avec l'article 7 dudit règlement)].

(191) Dans ses commentaires, l'Espagne n'a fourni aucune information permettant de conclure que ces aides à l'investissement remplissent les conditions prévues dans lesdites directives. Elle s'est bornée à signaler que les mesures doivent être examinées dans le cadre plus large des avantages accordés au cédant, ceux-ci ne s'appliquant que dans certaines situations qui se définissent en fonction de l'acquéreur des terres et des exploitations cédées. Il ne s'agit pas exclusivement d'un avantage fiscal, le bénéfice de cet avantage étant subordonné au respect de certaines conditions par l'acquéreur, lesquelles sont destinées à améliorer l'organisation de l'activité agricole en Espagne ainsi que la taille des exploitations.

(192) En outre, en ce qui concerne les aides accordées sous la forme de garantie, les conditions fixées dans la communication de la Commission relative à l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État accordées sous la forme de garantie pour la compatibilité des aides d'État accordées sous la forme de garantie n'ont pas été prévues.

(193) Les aides accordées sous la forme d'extension des avantages fiscaux au titre de la transmission de certaines terres et exploitations agricoles et les aides accordées sous la forme de bonification de prêts et de garanties sont donc à considérer comme des aides au fonctionnement incompatibles avec le Marché commun. Les aides de ce type n'ont pas des effets durables sur le développement du secteur, étant donné que leurs effets immédiats disparaissent avec la disparition de la mesure elle-même [voir l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juin 1999 dans l'affaire T-459-93: Siemens SA contre Commission(26)]. Ces aides ont pour conséquence directe d'améliorer les possibilités de production et de commercialisation des produits des opérateurs économiques qui en bénéficient par rapport à celles d'autres opérateurs économiques, situés sur le territoire national ou sur celui des autres États membres, qui ne bénéficient pas d'aides comparables.

(194) De plus, il importe de noter que ces aides en faveur des produits agricoles de l'annexe I du traité (sauf les aides en faveur des pommes de terre autres que les pommes de terre de fécule, la viande équine, le miel, le café, l'alcool d'origine agricole, le vinaigre dérivé de l'alcool et le liège) concernent des produits soumis à une organisation commune de marché et que les États membres ne disposent que de pouvoirs limités pour intervenir dans le fonctionnement de ces organisations qui relèvent exclusivement de la Communauté.

(195) L'organisation commune de marché ne peut être réduite aux seules dispositions relatives au régime des prix. Au contraire, elle repose sur plusieurs mécanismes et dispositions qui, ensemble, forment le cadre "complet et exhaustif" dont la Commission réaffirme qu'il ne peut y être dérogé et qui, d'après la jurisprudence constante de la Cour de justice, exclut tout pouvoir des États membres de prendre des mesures qui seraient de nature à y déroger ou à y porter atteinte [voir l'arrêt de la Cour de justice des Communautés du 26 juin 1979 dans l'affaire 177-78, Pigs and Bacon Commission contre McCarren and Company Limited (27)].

Conclusion

(196) La Commission conclut, au vu de l'analyse qui précède et à la lumière des règles communautaires applicables, pour ce qui est des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, visant les aides destinées à remédier à des préjudices causés par des calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires ainsi que celles prévues à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), visant les aides destinées à favoriser le développement économique de certaines régions et de certaines activités, que les aides considérées sont susceptibles d'altérer les conditions des échanges dans un sens contraire à l'intérêt commun, enfreignent la législation communautaire et ne peuvent dès lors bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité.

VI. CONCLUSIONS

(197) La Commission conclut que l'Espagne a accordé illégalement les aides considérées, en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Leur octroi était illégal, dans la mesure où elles ont été mises à exécution avant que la Commission ne se prononce sur leur compatibilité avec le Marché commun.

(198) En outre, pour les raisons exposées ci-dessus, ces aides sont incompatibles avec le Marché commun, dès lors qu'elles relèvent du champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, et qu'elles ne peuvent bénéficier d'aucune des dérogations prévues aux paragraphes 2 et 3 dudit article.

(199) Lorsque les aides sont incompatibles avec le Marché commun, la Commission doit obliger l'État membre à procéder au recouvrement des aides illégalement perçues. Cette récupération, également requise par l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (28), est nécessaire pour rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont les bénéficiaires de l'aide octroyée de façon abusive ont indûment bénéficié depuis la date d'octroi de l'aide.

(200) Les aides accordées doivent être entièrement remboursées.

(201) Le remboursement des aides doit être effectué selon les procédures prévues par le droit espagnol. Les montants à récupérer produisent des intérêts qui commencent à courir depuis la date d'octroi des aides jusqu'à la date de leur récupération effective. Ces intérêts doivent être calculés sur la base du taux commercial, par référence au taux appliqué dans le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale, conformément aux dispositions des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (29).

(202) La présente décision ne préjuge pas des conséquences que la Commission tirera, le cas échéant, sur le plan du financement de la politique agricole commune par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).

A arrêté la présente décision:

Article premier

Les mesures mises à exécution par l'Espagne, concernant la modification de la loi 37-1992 prévue par le décret-loi royal 10-2000, les mesures de soutien aux coopératives agricoles prévues par le décret-loi royal 10-2000 et les mesures fiscales prévues par l'arrêté du 29 novembre 2000 du ministère des Finances, concernant l'application à certaines activités d'élevage soumises au régime d'estimation objective d'un indice correcteur pour les aliments du bétail achetés à des tiers, la réduction du rendement net dans le cadre du régime d'estimation objective de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les activités agricoles et d'élevage, la réduction du pourcentage servant à déterminer les versements trimestriels dans le cadre du régime simplifié de la taxe sur la valeur ajoutée pour certaines activités agricoles et la mesure fiscale consistant dans l'augmentation du pourcentage des dépenses difficiles à justifier dans le cadre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, ne constituent pas une aide aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

Article 2

Les aides d'État accordées par l'Espagne en faveur des titulaires d'exploitations agricoles sous la forme de bonification de prêts et de garanties, prévues par une décision du ministère de l'Agriculture du 15 novembre 2000 annonçant la publication d'un accord du Conseil des ministres du 10 novembre 2000, et la mesure d'extension aux exercices 2000 et 2001 des avantages fiscaux applicables dans le cadre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques à la transmission de certaines terres et exploitations agricoles, prévue par la septième disposition transitoire de la loi 14-2000, sont incompatibles avec le Marché commun.

Article 3

L'Espagne annule les régimes d'aides visés à l'article 2.

Article 4

1. L'Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de ses bénéficiaires les aides visées à l'article 2, déjà illégalement mises à leur disposition.

2. La récupération a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant que celles-ci permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. Le montant des aides à récupérer inclut les intérêts produits depuis la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu'à la date de leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 5

L'Espagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 6

L'Espagne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 172 du 16.6.2001, p. 2.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) BOE 312 du 29.12.1992, p. 44247.

(4) BOE 241 du 7.10.2002, p. 36614.

(5) JO L 145 du 13.6.1977, p. 1.

(6) JO L 331 du 7.12.2002, p. 27.

(7) BOE 170 du 17.7.1999, p. 27027.

(8) BOE 304 du 20.12.1990, p. 37970.

(9) BOE 241 du 8.10.1998, p. 33517.

(10) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(11) BOE 276 du 17.11.2000, p. 40088.

(12) Bonification du taux d'intérêt: 3 %, durée du prêt: cinq ans. Un an de franchise de remboursement, montant maximal du crédit par hectare: 75 000 d'ESP. 0,03 x 75 000 (1 + 1 + 1/4 + 2/4 + 3/4)1/5 = 1 575 d'ESP par hectare.

(13) BOE 287 du 30.11.2000, p. 41611.

(14) BOE 159 du 5.7.1995, p. 20394.

(15) BOE 313 du 30.12.2000, p. 46631.

(16) JO C 28 du 1.2.2000, p. 2. Rectificatif (JO C 232 du 12.8.2000, p. 19).

(17) JO C 71 du 11.3.2000, p. 14.

(18) BOE 188 du 7.8.1986, p. 27907.

(19) BOE 58 du 9.3.1970, p. 3820.

(20) BOE 308 du 24.12.1992, p. 43867.

(21) BOE 295 du 10.12.1998, p. 40730.

(22) BOE 310 du 28.12.1995, p. 37072.

(23) Source: Eurostat.

(24) Les exploitations agricoles ayant des difficultés financières peuvent uniquement recevoir des aides qui remplissent les conditions établies par les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2).

(25) JO L 160 du 26.6.1999, p. 80.

(26) Rec. 1995, p. II-1675.

(27) Rec. 1979, p. 2161. Éd. spéciale espagnole 1979, p. 1083.

(28) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(29) JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site