CCE, 28 octobre 1998, n° 1999-395
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État accordée par l'Espagne à Sniace SA, située à Torrelavega, Cantabrique
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa, après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (1) et vu ces observations, considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 17 avril 1997, la Commission a reçu une plainte détaillée d'un cabinet d'avocats agissant au nom de l'entreprise autrichienne Lenzing AG, principal producteur de fibres de viscose de la Communauté, concernant diverses mesures d'aide illégales accordées à son concurrent espagnol Sociedad Nacional de Industrias y Aplicaciones de Celulosa Española SA (ci-après dénommée "Sniace"). Cette plainte apportait de nouvelles informations par rapport à la plainte initiale du 4 juillet 1996, à la suite de laquelle la Commission avait conclu à l'insuffisance des preuves tendant à établir l'existence d'une aide d'État. Les informations en question comprenaient une copie d'un plan de viabilité pour Sniace élaboré par une société de conseil privée. Le plaignant alléguait que Sniace avait reçu des montants importants d'aide d'État au cours d'une période s'étalant sur plusieurs années et remontant à la fin des années 80. Cette aide n'avait pas été notifiée à la Commission ainsi que l'exigent l'article 93, paragraphe 3, du traité et l'encadrement applicable aux aides au secteur des fibres synthétiques. L'aide aurait faussé la concurrence dans un secteur souffrant de surcapacité structurelle et aurait permis de maintenir Sniace artificiellement en activité.
(2) Il s'est ensuivi une longue enquête préliminaire qui a donné lieu à des réunions entre la direction générale IV et le plaignant et entre celle-ci et les autorités espagnoles, les 17 mai et 16 juin 1997, respectivement. L'aide faisant l'objet de la plainte a été enregistrée comme aide non notifiée sous le numéro NN 118-97, le 17 juillet 1997.
(3) Par lettre du 7 novembre 1997, la Commission a informé le Gouvernement espagnol de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre de divers éléments d'aide présumée (voir ci-dessous).
(4) La décision de la Commission a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2). La Commission a invité les intéressés à lui communiquer leurs observations sur l'aide présumée.
(5) Par lettre du 19 décembre 1997, le Gouvernement espagnol a répondu à la lettre de la Commission l'informant de l'ouverture de la procédure, en fournissant d'autres informations à l'appui de sa thèse selon laquelle aucune des mesures faisant l'objet de l'enquête ne constituait une aide au sens de l'article 92, paragraphe l, du traité.
(6) Par lettre du 23 février 1997, la Commission a demandé des éclaircissements sur certains points. Le Gouvernement espagnol a répondu par lettre du 16 avril 1998.
(7) La Commission a reçu des observations des tiers intéressés. Elle les a transmises aux autorités espagnoles, en les invitant à faire connaître les leurs, ce qu'elles ont fait par lettre du 24 juin 1998.
II. SNIACE
(8) Sniace a été fondée en 1939. Elle produit de la cellulose, du papier, des fibres de viscose, des fibres synthétiques et du sulfate de sodium. Elle est implantée à Torrelavega, en Cantabrique, région qui, depuis septembre 1995, est assistée au sens de l'article 92, paragraphe 3, point a), du traité. Avant cette date, la région pouvait prétendre au bénéfice d'une aide en application de l'article 92, paragraphe 3, point c).
(9) Sniace emploie actuellement quelque six cents personnes. Elle est l'un des cinq producteurs de fibres de viscose de la Communauté; sa capacité de production avoisine les 32000 tonnes (9 % environ de la capacité totale au niveau de la Communauté). Sniace produit également des fibres synthétiques, notamment du fil continu de polyamide. Elle a affiché les résultats suivants au cours des dernières années:
<emplacement tableau>
(10) L'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, a permis de constater que l'entreprise avait connu des difficultés financières durant plusieurs années et dont la presse s'était fait l'écho à plusieurs reprises. À la suite de la demande qu'elle avait présentée en 1992, les tribunaux espagnols ont déclaré l'entreprise en état de cessation de paiements au mois de mars 1993. Celui-ci a été levé après un accord conclu en octobre 1996, par lequel les créanciers privés de Sniace acceptaient de convertir 40 % de leurs créances en actions. Les créanciers publics n'ont pas participé à l'accord.
(11) À la fin de l'année 1997, les exigibilités à court terme de l'entreprise s'élevaient à 8,37 milliards de pesetas espagnoles (ESP), ses disponibilités à court terme à 4,54 milliards et son actif net à 1,73 milliard. Au cours des dernières années, les problèmes auxquels se heurtait l'entreprise, entre autres des conflits du travail, ont provoqué des interruptions périodiques de la production. L'entreprise a cessé de produire durant une bonne partie de l'année 1993. La production a de nouveau été interrompue pendant une grande partie de 1996 et au début de 1997, avant de reprendre en février 1997, et à l'heure actuelle l'entreprise fonctionne normalement sans interruption de l'exploitation.
III. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DES MESURES D'AIDE
(12) La Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, à l'encontre des éléments d'aide présumée suivants:
a) le non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement, dues par Sniace depuis 1987: la Commission a considéré que le non-recouvrement, sur une période de plusieurs années, des contributions dues par l'entreprise à la Confederación Hidrográfica del Norte pouvait constituer une aide d'État. Étant donné que l'entreprise a connu des difficultés financières pendant plusieurs années, le non-paiement de ces contributions peut avoir eu pour effet d'éviter sa mise en liquidation;
b) le non-recouvrement des cotisations de sécurité sociale depuis 1991: la Commission a émis des doutes quant au fait que les termes des deux accords de rééchelonnement de la dette passés avec les autorités de la sécurité sociale correspondent aux conditions du marché; il s'agit:
i) de l'accord du 8 mars 1996, portant sur le rééchelonnement d'une dette se chiffrant à 2,9 milliards d'ESP pour la période allant de février 1991 à février 1995 et prévoyant un remboursement en quatre-vingt-seize mensualités, de 1996 à mars 2004, au taux d'intérêt légal de 9 %, et
ii) de l'accord du 7 mai 1996, prévoyant un différé de remboursement pendant un an et un remboursement en quatre-vingt-quatre mensualités au taux d'intérêt légal de 9 %;
c) l'octroi d'une garantie de prêt totalisant 1 milliard d'ESP, aux termes de la loi 7-93: la Commission a estimé que cette loi, par laquelle le Gouvernement régional de Cantabrique autorisait une garantie de prêt de 1 milliard d'ESP en faveur de Sniace, contenait un élément d'aide d'État;
d) le mécanisme de financement de la construction d'une usine de traitement des effluents: la Commission a déclaré ne pas être en mesure d'affirmer que le financement prévu pour ladite usine ne comportait aucun élément d'aide d'État;
e) l'annulation partielle de dettes par le conseil municipal de Torrelavega a pour un montant de 116 millions d'ESP: la Commission a relevé que les mesures prises par le conseil municipal de Torrelavega semblaient s'être traduites par une réduction de facto d'un montant de 116 millions d'ESP de la dette de l'entreprise et que le fait que le conseil municipal ait conclu un "accord spécial" avec l'entreprise suggérait qu'il avait fait usage de pouvoirs discrétionnaires et que cette mesure pouvait, par conséquent, constituer une aide d'État;
f) les accords passés entre Sniace et le Fondo de Garantía Salarial (ci-après dénommée "Fogasa") prévoyant le remboursement d'un montant total de 1,702 milliard d'ESP, correspondant à un arriéré de salaires payé par le Fogasa au nom de Sniace:
<emplacement tableau>
(13) La Commission doutait que les termes des accords susmentionnés correspondent aux conditions du marché.
IV. OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS
(14) La Commission a reçu les observations d'un État membre (le Royaume-Uni), de plusieurs concurrents de Sniace dans la Communauté et du Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques (ci-après dénommé "CIRFS"). Les observations du ministère bavarois de l'économie, des transports et de la technologie ont été présentées bien après l'expiration du délai et ne peuvent, par conséquent, être prises en considération dans le cadre de la présente procédure.
(15) Säteri, producteur de fibres discontinues de viscose, a déclaré avoir souffert de la concurrence déloyale de Sniace, en particulier en Italie, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Selon lui, grâce aux aides illégales reçues, Sniace avait pu vendre ses produits de 10 à 20 % moins cher que les siens. Svenska Rayon, autre producteur de fibres discontinues de viscose, a déclaré que Sniace avait perturbé le marché des fibres discontinues de viscose durant plusieurs années en vendant à des prix artificiellement bas. Cela avait affecté Svenska Rayon sur le marché italien en particulier.
(16) Dans le secteur des filaments de polyamide, Nylstar a dit être préoccupé par le fait que Sniace faussait la concurrence notamment sur le marché espagnol. Textil Finanz, qui fait partie du groupe Radici, a dit être particulièrement préoccupé par les répercussions que les aides illégales en faveur de Sniace pouvaient avoir sur le secteur. Bemberg a fait état d'une concurrence déloyale de Sniace dans ce secteur, en particulier en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en France et en Suisse, qui lui avait fait perdre des ventes et des contrats du fait que Sniace vendait son fil à des prix qui ne correspondaient pas aux conditions habituelles du marché.
(17) Courtaulds plc, le deuxième producteur de fibres discontinues de viscose en Europe, a rappelé qu'il existait des surcapacités de production dans l'industrie et qu'il avait pris des mesures au cours des dix dernières années pour réduire ses capacités et ses prix de revient, mesures qui ont entraîné des suppressions d'emplois au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. Il signale que les délocalisations des usines de textiles au profit des économies à faible prix de revient ont provoqué une réduction à long terme de la consommation industrielle de fibres en Europe de l'ordre de 1,5 à 2 % par an, qui a été compensée par des importations de fil, de tissu et de vêtements en provenance principalement d'Asie et de l'Inde. Il s'est ensuivi une réduction des capacités en Europe, celles-ci étant ramenées de 687 000 tonnes en 1980 à 355 000 tonnes en 1998. Au cours des vingt dernières années, Courtaulds a réduit ses propres capacités de 195 000 tonnes, dont 30 000 tonnes, en 1997, dans ses installations de Grimsby. Il a déclaré que les données commerciales montraient clairement que Sniace affichait des prix inférieurs à ceux de ses concurrents, ajoutant que, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en France et en Belgique, les prix de Sniace étaient inférieurs d'au moins 20 % à ses propres prix moyens. Il estimait, en outre, qu'en raison de sa taille l'usine de Sniace n'était pas rentable.
(18) Le cabinet d'avocats agissant au nom de l'entreprise Lenzing AG, dont la plainte est à l'origine de l'ouverture de la procédure, a réaffirmé son point de vue selon lequel les différents éléments d'aide étaient illégaux et incompatibles avec le Marché commun. Il a souligné, notamment, qu'il s'agissait de mesures discrétionnaires et non pas, comme le prétend le Gouvernement espagnol, de mesures générales. Il a également réaffirmé que les mesures d'aide auraient servi, selon lui, à maintenir l'entreprise artificiellement en activité.
(19) Le CIRFS a déclaré être l'organe représentatif de l'industrie européenne des fibres synthétiques et artificielles. La part de ses membres est de 92 % dans la production totale des fibres discontinues de viscose et de 76 % dans celle du fil continu de polyamide (les deux principaux types de fibres que produit Sniace). Il est en faveur d'une application stricte de la réglementation sur les aides d'État par la Commission. Il a insisté sur le fait que le marché communautaire des fibres discontinues de viscose est un marché parvenu à maturité, caractérisé par un déclin à long terme de la consommation. Il prévoit une diminution supplémentaire de la consommation de 7 % d'ici à 2002. Les producteurs européens continuent de réduire leurs capacités pour les ajuster plus étroitement à l'évolution de la demande. De plus, le taux d'utilisation des capacités est insatisfaisant pour un secteur si fortement capitalistique: il s'est établi à 81 % environ en 1996 et à 84 % en 1997. Les producteurs de fibres discontinues de viscose cherchent normalement à obtenir un taux d'utilisation de 90 %, au moins, pour obtenir une rentabilité raisonnable de leur capital. Selon le CIRFS, en 1997, les cinq producteurs communautaires auraient tous enregistré des pertes sur leur production de viscose. Pour ce qui est du secteur du fil continu de polyamide, le CIRFS a déclaré qu'il était également caractérisé par une tendance à long terme au déclin. Sous la pression du marché, le secteur s'est engagé dans un processus de rationalisation et de restructuration entraînant une réduction graduelle des capacités de production communautaires afin de les ajuster plus étroitement à la demande. Le taux d'utilisation des capacités reste inférieur aux 90 % exigés pour garantir une rentabilité satisfaisante.
(20) La représentation permanente du Royaume-Uni auprès de l'Union européenne était d'avis que les aides accordées visaient à permettre à Sniace de poursuivre ses activités, ce qui devait inévitablement provoquer du chômage ailleurs en Europe étant donné les surcapacités dont souffre l'industrie des fibres synthétiques.
(21) De plus, Lenzing et Courtaulds ont exprimé la crainte, sur la foi d'informations parues dans la presse, qu'une nouvelle mesure d'aide ait été accordée à Sniace par la Caja de Cantabria, caisse d'épargne appartenant à l'État, sous la forme d'un prêt avec participation aux bénéfices, pour un montant de 2 milliards d'ESP, non conforme aux conditions normales du marché.
V. COMMENTAIRES DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL
(22) Sur un plan général, le Gouvernement espagnol a réaffirmé les positions qu'il avait prises avant l'ouverture de la procédure et, en particulier, son point de vue selon lequel les différentes autorités publiques concernées s'étaient conformées aux procédures normales prévues par la législation espagnole en matière de gestion des dettes fiscales et des dettes envers la sécurité sociale et qu'elles n'avaient en aucune manière accordé à l'entreprise un traitement préférentiel.
Non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement dues par Sniace depuis 1987
(23) Le Gouvernement espagnol a déclaré que, conformément aux dispositions de la loi n° 29-1985 du 2 août 1985 sur les ressources hydriques et à ses règlements d'application, la Confederación Hidrográfica del Norte avait commencé, en 1988, à procéder à la liquidation des redevances sur les effluents rejetés en 1987 et au cours des années ultérieures et avait envoyé des avis aux particuliers et aux entreprises qui rejetaient leurs eaux usées dans le bassin relevant de son autorité. En 1988, cet organisme a ainsi adressé à Sniace l'avis n° 282-1988, qui fixait à 210 millions d'ESP le montant de sa redevance sur les effluents rejetés, en 1987, dans le cadre de son processus de production.
(24) L'entreprise a intenté un recours administratif auprès du Tribunal économique administratif régional des Asturies (ci-après dénommé "TEARA") pour contester la légalité dudit avis.
(25) L'article 81 des règles de procédure concernant les recours à caractère économique administratif, qui ont été approuvées par le décret n° 1999-1981 du 20 août 1981 et qui étaient en vigueur en 1988, prévoit que l'exécution des décisions qui font l'objet d'un recours doit être suspendue si le plaignant dépose auprès du tribunal économique une garantie bancaire couvrant le paiement de la dette. Conformément à cette disposition, Sniace a fourni au TEARA une garantie d'un montant de 210 millions d'ESP, émise par le Banco Español de Crédito et couvrant la redevance visée par l'avis n° 282-1988. Le TEARA, jugeant que la garantie ainsi constituée était suffisante, a suspendu le recouvrement de la redevance en attendant d'avoir statué sur le recours. Par la suite, il a rendu une décision faisant droit à la réclamation de Sniace, par laquelle il annulait l'avis et en suspendait les effets, et il a restitué à l'entreprise la garantie bancaire qu'elle avait déposée. La Confederación Hidrográfica del Norte a fait appel de cette décision devant le tribunal économique administratif central (ci-après dénommé "TEAC").
(26) En 1989, la Confederación Hidrográfica del Norte a procédé à une liquidation pour 1988 et a fixé le montant de la redevance due par Sniace à 315 millions d'ESP (avis n° 271-89). Sniace, tout comme pour la redevance de l'année précédente, a déposé une plainte devant le TEARA et constitué une garantie bancaire émise par le Banco Español de Crédito, après quoi l'exécution du recouvrement a été suspendue conformément aux règles de procédure mentionnées ci-dessus. Sur la base des mêmes moyens de droit, le TEARA a donné gain de cause à Sniace, en annulant l'avis n° 271-89 et en suspendant ses effets, et, comme dans le cas précédent, lui a rendu la garantie bancaire qu'elle avait déposée. La Confederación Hidrográfica del Norte, à son tour, a fait appel de cette deuxième décision devant le TEAC.
(27) Le TEAC a procédé à la jonction des deux appels et, par un arrêt rendu le 28 novembre 1990, il a confirmé la légalité des avis de 1987 et 1988 (avis n° 282-88 et n° 271-89). Étant donné que les garanties bancaires avaient été restituées à Sniace en application des décisions antérieures du TEARA, la Confederación Hidrográfica del Norte a transmis les deux avis à l'agence nationale de l'impôt (Agencia Tributaria del Estado) pour leur mise en recouvrement forcé.
(28) Au mois d'avril 1990, Sniace a reçu l'avis n° 421-90 fixant à 525 millions d'ESP le montant qu'elle devait payer pour 1989 au titre de la redevance sur les effluents; comme elle l'avait fait pour les redevances de 1987 et 1988, elle a déposé une plainte devant le TEARA et fourni une garantie bancaire émise par le Banco Español de Crédito.
(29) Le TEARA, se fondant sur l'arrêt rendu le 28 novembre 1990 par le TEAC, a rejeté à cette occasion (le 8 mars 1991) la plainte de l'entreprise et confirmé la légalité de l'avis n° 421-90. Le TEARA a conservé la garantie bancaire en attendant que le TEAC se prononce sur le recours de Sniace, de sorte que, lorsque ce tribunal a débouté Sniace de son appel, le Banco Español de Crédito a pu verser à la Confederación Hidrográfica les 525 millions d'ESP couverts par cette garantie, majorés des intérêts de retard.
(30) Le Gouvernement espagnol a souligné que les règles de procédure concernant les recours à caractère économique administratif, approuvées par le décret n° 1999-1981, du 20 août 1981, laissent au plaignant la liberté de décider s'il dépose ou non une garantie; l'avantage de la garantie est que, lorsqu'elle est acceptée, l'exécution de la décision contestée est suspendue jusqu'à ce que le tribunal statue.
(31) Dans cette situation, le Gouvernement espagnol considère qu'il était raisonnable, d'un point de vue juridique, que Sniace constitue la garantie bancaire correspondant aux avis émis en 1988, 1989 et 1990, étant donné que la question de leur légalité n'était pas définitivement tranchée. Toutefois, après que le TEAC a décidé, dans son arrêt du 28 novembre 1990, que les avis étaient légaux et que la Confederación Hidrográfica del Norte a exigé le paiement de la garantie couvrant le montant de la redevance visée par l'avis n° 421-90 (525 millions d'ESP, majorés des intérêts), la seule qui pouvait être saisie puisque, comme cela a été signalé ci-dessus, les garanties correspondant aux redevances pour 1987 et 1988 avaient été rendues par le TEARA, il est permis de supposer que Sniace aurait eu du mal à persuader les banques d'émettre des garanties concernant des plaintes qui allaient probablement être rejetées.
(32) C'est pourquoi les avis émis en 1991 et au cours des années suivantes, bien qu'ils aient été attaqués devant le TEARA, n'ont pas été garantis et la procédure d'exécution n'a pas non plus été suspendue: une fois expiré le délai prévu pour le paiement volontaire, les avis ont dans chaque cas été transmis à l'agence nationale de l'impôt pour leur mise en recouvrement forcé.
(33) Selon les autorités espagnoles, Sniace est redevable aujourd'hui des montants suivants:
<emplacement tableau>
(34) Le montant des intérêts de retard est calculé jusqu'au 1er mars 1998. Les intérêts sont calculés à compter de la date d'exigibilité, au taux d'intérêt officiel pour chaque année; ils sont dus le jour même du remboursement de la dette.
(35) Toutes les dettes de Sniace correspondant aux redevances au titre des rejets d'eaux usées, dont l'agence nationale de l'impôt est chargée d'assurer le recouvrement, sont actuellement soumises à la procédure de recouvrement forcé, conformément au livre III des règles générales de recouvrement (décret royal n° 1684-1990 du 20 décembre 1990, modifié par le décret royal n° 448-1995 du 24 mars 1995).
(36) La procédure de recouvrement forcé est parvenue au stade de la saisie. Cela veut dire que des mesures ont été prises pour ordonner la saisie de biens et de titres appartenant au débiteur, à hauteur d'un montant suffisant pour couvrir le montant total de la dette à recouvrer.
(37) Le produit de la saisie des fonds et des crédits à court terme a déjà été affecté au remboursement de la dette et figure dans la colonne "recouvré" du tableau des dettes ci-dessus. L'étape suivante dans la procédure de recouvrement forcé est la vente publique forcée des biens immobiliers, y compris l'usine et les installations et équipements appartenant à Sniace et faisant l'objet de la saisie.
(38) Les autorités espagnoles ont déclaré que la mise en vente forcée des biens immobiliers appartenant à Sniace pose des problèmes tenant à la fois à la situation de l'entreprise et à la nature des biens saisis:
a) le site où se trouve l'usine saisie, ainsi que ses installations et équipements, est officiellement classé comme terrain à usage industriel, et aussi bien l'usine que ses installations et équipements ont été conçus aux fins des activités de Sniace. Cela veut dire que le marché des acheteurs potentiels est extrêmement limité, étant donné que le terrain ne peut servir qu'à des fins industrielles et que la modification des installations pour toute autre activité serait trop coûteuse. Par ailleurs, la propriété est déjà hypothéquée pour plus de 5 milliards d'ESP au profit de divers établissements bancaires à la suite des prêts commerciaux accordés à Sniace avant l'engagement des procédures visant au remboursement des dettes au titre des redevances sur les effluents. Ces hypothèques, qui sont antérieures à la saisie, conserveraient leur validité dans le cas d'une vente des biens immobiliers, ce qui diminue considérablement les probabilités de vente;
b) Sniace est une entreprise en activité, aux effectifs nombreux. La vente de l'usine et de ses installations et équipements aurait très probablement pour effet la cessation de la production et la fermeture de l'entreprise, ce qui ferait naître de nouvelles dettes au titre des salaires impayés et des indemnités de licenciement à verser. Même au cas où les biens immobiliers de Sniace trouveraient preneur, le produit de la vente servirait à payer les dettes salariales de l'entreprise qui, conformément à la réglementation espagnole, doivent être payées en priorité avant que la dette fiscale puisse être remboursée aux autorités;
c) les dettes, qui ont donné lieu à la saisie des biens immobiliers de l'entreprise, font présentement l'objet d'une série de procédures administratives et judiciaires, et, de ce fait, le recouvrement n'est pas assuré. Bien que l'exécution n'ait pas été suspendue parce que Sniace n'a pas déposé de garantie auprès du tribunal, les autorités fiscales doivent à tout le moins faire preuve de prudence avant de procéder à la vente des biens immobiliers, puisqu'il s'agit là d'une action irréversible qui pourrait être frappée de nullité si les tribunaux devaient trancher en faveur de Sniace. Il est indubitable que l'administration a jusqu'ici fait preuve de la prudence requise dans des affaires semblables. La loi n° 1 du 26 février 1998 concernant les droits et devoirs des contribuables traite expressément de cette question et insiste sur le fait que les autorités fiscales doivent faire preuve de la plus grande prudence avant de prendre des décisions irréversibles concernant des créances qui ne sont pas encore certaines. Ce texte, qui est entré en vigueur le 19 mars 1998, limite le pouvoir des autorités fiscales de procéder à la vente des biens saisis dans des affaires où le remboursement de la dette ayant donné lieu à la saisie a été garanti. Quant aux mesures prises par l'agence nationale de l'impôt en vue d'assurer le paiement de ces dettes, les autorités espagnoles soulignent qu'en l'espèce l'agence a mis en œuvre tous les moyens prévus par la loi. Elle a en effet saisi non seulement l'usine, les installations et l'équipement servant aux activités de l'entreprise, mais également ses crédits et ses titres.
(39) Selon les autorités espagnoles, les difficultés qui ont surgi durant la procédure de mise en recouvrement forcé de la dette ont débouché sur des discussions avec l'entreprise et la Confederación Hidrográfica del Norte, l'organe chargé d'obtenir le remboursement des redevances de Sniace au titre des effluents, en vue d'aboutir à un accord négocié sur le remboursement de la dette qui soit conforme aux exigences de la réglementation générale en matière de recouvrement concernant les reports de paiement et les paiements échelonnés. Les conditions relatives au paiement échelonné et les garanties exigées de Sniace font actuellement l'objet de pourparlers.
(40) Les autorités espagnoles ont souligné que le fait que des discussions soient en cours avec l'entreprise sur un paiement échelonné ne signifie pas que cette option sera retenue; cette éventualité est subordonnée au respect de toutes les exigences légales pertinentes, notamment celles concernant les garanties.
Non-recouvrement par les autorités espagnoles de cotisations sociales, depuis 1991
(41) Le Gouvernement espagnol a déclaré qu'un nouvel accord de rééchelonnement portant sur la dette restant due à la sécurité sociale avait été conclu, conformément aux dispositions des articles 40 et suivants du règlement général sur le recouvrement des cotisations de sécurité sociale, approuvé par le décret royal n° 1637-1995 du 6 octobre 1995 (BOE du 24.10.1995), à savoir l'accord du 30 septembre 1997, prévoyant le rééchelonnement de dettes totalisant 3 510 387 323 ESP, pour la période de février 1991 à février 1997, majorées d'une surtaxe de 615 056 349 ESP, et imposant un règlement en cent vingt versements mensuels; les deux premières années, les intérêts seuls seraient remboursés au taux d'intérêt légal de 7,5 %, tandis que, de la troisième à la dixième année, les remboursements concerneraient le principal et les intérêts au taux d'intérêt annuel progressif de 5, 5, 10, 10, 15, 15, 20 et 20 respectivement.
(42) Au mois d'avril 1998, Sniace SA avait remboursé 216 118 863 ESP à la sécurité sociale dans le cadre du nouvel accord de remboursement.
(43) Le Gouvernement espagnol a déclaré que ce nouveau report de remboursement porte sur la dette visée par l'accord du 8 mars 1996 mentionné ci-dessus et modifié par le report accordé le 7 mai 1996, qui est devenu caduc en raison du non-paiement des mensualités de remboursement programmées, l'entreprise n'ayant déposé aucun montant à ce titre.
(44) Le Gouvernement espagnol a affirmé que la trésorerie générale de la sécurité sociale (Tesoreria general de la seguridad social) avait agi conformément à la législation nationale et que son comportement ne peut être considéré comme ayant donné lieu à l'octroi d'une aide d'État. La législation nationale en question s'applique de manière générale à toutes les entreprises se trouvant dans l'une des situations considérées et non pas de manière spécifique à telles entreprises ou tels secteurs. La trésorerie de la sécurité sociale s'est efforcée de recouvrer le montant que lui devait Sniace en se conformant à tout moment à la procédure prescrite par la réglementation générale en matière de recouvrement des recettes de la sécurité sociale.
(45) Le Gouvernement espagnol a souligné que le report du remboursement de la dette est autorisé à titre de mesure générale et ne fait pas l'objet d'une décision laissée à la discrétion des autorités. La procédure de report est prévue aux articles 40 à 43 de la réglementation générale en matière de recouvrement des recettes de la sécurité sociale, approuvée par le décret royal n° 1637-1995, du 6 octobre 1995. Conformément à cette réglementation, le paiement des dettes envers la sécurité sociale peut être différé ou échelonné, à la demande des débiteurs, lorsque leur situation financière ou économique les empêche de payer leurs dettes (article 40). En d'autres termes, le report est accordé chaque fois que l'entreprise en fait la demande et remplit les conditions prévues par la réglementation. Les décisions de report sont prises dans l'intérêt du recouvrement de la dette par la sécurité sociale, puisque toute autre décision aurait pour effet d'entraîner la fermeture de l'entreprise concernée et d'anéantir toute possibilité de remboursement.
(46) Le Gouvernement espagnol a ajouté que l'entreprise avait offert en garantie du remboursement de la dette de prendre une hypothèque de premier rang sur l'usine, les installations et l'équipement implantés à Torrelavega au bénéfice conjoint de la trésorerie générale de la sécurité sociale et du Fondo de Garantía Salarial (Fogasa). Selon une évaluation réalisée par American Appraisal España SA, le 31 décembre 1996, la valeur réelle des actifs concernés se chiffrait à 25 580 000 000 ESP. Toutefois, en raison de la complexité et de la difficulté des mesures exigées pour garantir que la sûreté proposée produise tous ses effets juridiques, Sniace a demandé une prorogation du délai consenti pour la constitution de la garantie. Un délai supplémentaire de six mois au plus a été accordé par le directeur général de la trésorerie générale de la sécurité sociale, le 19 décembre 1997, conformément aux dispositions de l'article 21 de l'arrêté du 22 février 1996, délai durant lequel les commandements de saisie notifiés par la sécurité sociale ne seraient pas mis à exécution.
(47) Durant ce délai supplémentaire, étant donné que les difficultés susmentionnées persistaient et qu'elle ne pouvait préciser à quelle date pourrait intervenir le règlement final, l'entreprise a demandé une "substitution de sûreté" pour faire en sorte que les commandements de saisie ne soient pas mis à exécution. Selon les autorités espagnoles, un examen est actuellement en cours pour déterminer si la nouvelle sûreté est suffisante pour couvrir le report de remboursement.
(48) Selon les autorités espagnoles, ce report ne peut être considéré comme constituant une aide d'État à l'entreprise concernée puisque les conditions de remboursement de la dette, prévoyant le paiement des intérêts au taux légal applicable à la date du report, sont conformes aux dispositions impératives prévues par la législation espagnole.
(49) Toutefois, par lettre datée du 24 juin 1998, les autorités espagnoles ont déclaré que leur position ne contredisait pas la thèse du plaignant selon laquelle le report de la dette est une mesure discrétionnaire du gouvernement adoptée après examen de chaque cas; mais, tout en reconnaissant que l'article 20 de la loi relative au régime général de la sécurité sociale emploie le terme "podrán" (peuvent) en parlant du pouvoir des autorités d'accorder un report de paiement des cotisations de sécurité sociale, elles soutiennent que seule une interprétation absolument littérale permettrait de dire que les autorités disposent d'un pouvoir discrétionnaire. Elles font valoir que "discrétionnaire" n'est pas synonyme d'"arbitraire", terme qui impliquerait une application capricieuse et non uniforme de la loi à des situations similaires. Dans la réalité, chaque fois qu'une entreprise demande un report parce qu'elle est dans l'impossibilité de rembourser ses dettes en raison de sa situation économique ou financière, ledit report est accordé à condition qu'elle remplisse les exigences prévues par les lois en vigueur (ce qui, naturellement, suppose un examen de son cas). Dans ce contexte, les autorités espagnoles font valoir que cette mesure est une pratique générale et que les mêmes critères s'appliquent dans tous les cas.
(50) Enfin, le Gouvernement espagnol s'en tient à son argument selon lequel l'octroi d'un report protège mieux les intérêts de la sécurité sociale en matière de recouvrement des dettes que ne le ferait toute autre forme d'action impliquant la fermeture de l'entreprise, laquelle rend absolument impossible le recouvrement, total ou même partiel, des dettes considérées. Par conséquent, la préférence va à la méthode qui est la plus avantageuse pour le régime de la sécurité sociale.
Garantie de prêt de 1 milliard d'ESP accordée conformément à la loi 7-93
(51) Le Gouvernement espagnol maintient qu'il n'y a pas eu d'aide de l'État puisque la garantie de prêt n'a pas été formellement accordée. Il rappelle que l'article 2 de la loi 7-1993 du 16 septembre 1993 se borne à autoriser le gouvernement régional à accorder une garantie de prêt de 1 milliard d'ESP à Sniace. Or, cette garantie n'a pas été octroyée, la loi prévoyant que différentes conditions strictes doivent être satisfaites avant que le Gouvernement de Cantabrique puisse effectivement accorder une garantie de prêt. Jusqu'à présent, ces conditions n'ayant pas été respectées, le gouvernement régional n'a pas accordé sa garantie, de sorte que celle-ci n'a pas été mise à exécution. Qui plus est, l'entreprise n'en a même pas fait la demande. Le Gouvernement espagnol a réaffirmé son engagement de tenir la Commission préalablement informée dans l'éventualité où le gouvernement régional souhaiterait accorder la garantie.
(52) Il a ajouté qu'en droit privé espagnol (article 440 du Code commercial et articles 1822 à 1856 du Code civil) une garantie se définit comme une transaction formelle: cela signifie que si l'entité qui doit assumer le risque ne se voit pas remettre un document de garantie, la garantie n'existe pas et ne fait donc naître ni droits ni obligations. Une garantie est plus qu'une simple déclaration d'intention. Pour qu'elle soit mise à exécution, les conditions suivantes doivent être remplies:
a) sa conformité avec les dispositions de la loi 7-93 doit être confirmée;
b) un rapport juridique doit être dressé concernant le document de garantie;
c) un rapport général d'audit doit être établi;
d) le ministère de l'économie et des finances du gouvernement régional doit présenter une proposition de garantie;
e) le gouvernement régional doit approuver la garantie;
f) un document de garantie doit être établi.
Le mécanisme de financement de la construction d'une usine de traitement des effluents
(53) Le Gouvernement espagnol a déclaré que la construction d'une usine de traitement des effluents s'insère dans le plan intégré d'épuration des eaux de la rivière Besaya et n'est pas destinée à l'usage exclusif de Sniace, mais que le projet en est encore au stade des études préliminaires.
(54) L'entreprise est en train de prendre des mesures pour installer une usine de traitement des effluents. Toutes les interventions concernant le traitement des effluents rejetés par l'entreprise dans la rivière Besaya sont liées aux mesures prises dans le cadre du plan général de traitement des eaux usées dans le bassin de la Saja/Besaya, qui a été déclaré d'intérêt national et fait actuellement l'objet d'une évaluation technique. Tant que celle-ci n'est pas terminée, il n'est pas possible de préciser les mesures que devront finalement prendre les entreprises qui rejettent leurs effluents dans la rivière Besaya.
(55) D'après les études techniques réalisées jusqu'ici dans le cadre du plan précité, les entreprises industrielles de la zone, Sniace comprise, seront tenues de traiter leurs propres effluents à la source, avant d'être autorisées à rejeter à l'égout les effluents traités, dans le respect des limites prescrites par la réglementation sur les rejets et sous réserve du paiement d'une redevance calculée en fonction de la charge autorisée en polluants. L'option consistant à traiter tous les rejets d'eaux industrielles usées dans une station spécifique, parallèle à la station municipale d'épuration des eaux, n'a pas été retenue en raison de sa complexité.
(56) Par lettre du 16 avril 1998, les autorités espagnoles ont ajouté que Sniace avait déjà acheté les éléments de la station de traitement sans aucune aide publique et qu'il n'est donc pas prévu d'accorder la moindre aide à ce titre.
Annulation partielle par le conseil municipal de Torrelavega de dettes pour un montant total de 116 millions d'ESP
(57) Les autorités espagnoles ont déclaré que la municipalité de Torrelavega avait à tous les égards agi dans les limites de ses pouvoirs et que, en droit espagnol, la "remise partielle" de dettes n'est pas la même chose que leur "annulation".
(58) Le conseil municipal de Torrelavega n'avait pas signé l'accord entre créanciers d'octobre 1996 dans le cadre de la procédure de cessation de paiements, mais avait conclu un accord spécial distinct, reposant précisément sur les dispositions relatives à la "remise partielle" (quita) et à l'"atermoiement" (espera) prévues par la loi fiscale espagnole, par lequel il consentait les mêmes sacrifices que les créanciers privés. Il acceptait en effet la réduction du montant de ses créances et la prolongation du délai, comme dans l'accord entre les créanciers, ainsi que le remboursement échelonné sur une période de cinq ans, assorti d'une période de franchise de remboursement et de taux d'intérêt identiques à ceux prévus par ledit accord. En concluant cet accord spécial, les autorités municipales visaient uniquement à garantir le recouvrement de la dette fiscale contractée par Sniace étant donné que les montants bénéficiant de la "remise partielle" n'étaient pas couverts par la moindre garantie et que tous les actifs étaient déjà grevés. L'accord était strictement conforme aux dispositions de l'article 129, paragraphe 4, de la loi fiscale générale.
(59) Selon les autorités espagnoles, la loi espagnole sur la faillite distingue clairement la notion d'annulation de celle de réduction du montant et de prolongation du délai. L'annulation ne peut être accordée que par la voie législative et concerne généralement des situations de crise qui justifient l'exemption d'impôt. Des réductions de dette et des prolongations de délai sont accordées, en revanche, en vue uniquement du recouvrement ou de la possibilité d'obtenir le remboursement forcé d'une partie au moins de la dette, et seulement dans le contexte d'une procédure de faillite lorsque l'incontestable priorité accordée aux créanciers hypothécaires (Banco Español de Crédito), qui détiennent une hypothèse sur le terrain et sur les bâtiments, rend impossible le recouvrement.
(60) Les autorités espagnoles ont fourni à la Commission une copie de la décision n° 4358-97, du 15 décembre 1997, du conseil municipal de Torrelavega qui déclare, entre autres choses, que le montant de la dette fiscale de Sniace atteignait à cette date le chiffre de 216 245 424 ESP au titre du principal, plus le montant de 37 523 859 ESP au titre de la taxe sur les activités économiques pour l'exercice 1996, à quoi peuvent s'ajouter une surtaxe et le paiement des intérêts légaux. Un montant de 101 093 800 a été garanti par un gage et un montant de 45 000 000 ESP est en attente de compensation; aux termes de l'article 73 de la loi fiscale générale, la taxe foncière bénéficie d'un privilège dans le cadre d'une hypothèque légale implicite.
(61) Les autorités espagnoles ont insisté sur le fait que les "remises partielles" de dettes concernent des liquidations d'impôt qui ne sont pas couvertes par des privilèges ou par des gages et celles qui, comme la liquidation de la taxe sur les activités économiques (Impuesto sobre Actividades Económicas - IAE), auraient pu et auraient dû être annulées puisqu'elles supposent une année complète d'activité (condition qui n'est pas remplie dans le cas des années 1995 et 1996 au cours desquelles l'entreprise est restée fermée pendant de nombreux mois):
<emplacement tableau>
(62) Selon le Gouvernement espagnol, la remise partielle de 116 000 000 d'ESP de dettes ne peut pas être considérée comme constituant une aide directe ou indirecte, parce que le conseil municipal s'est pour ainsi dire borné, avec cette décision, à annuler des dettes irrécouvrables, dont certaines (comme celles correspondant à la taxe sur les activités économiques pour 1995 et 1996 et à la surtaxe pour mise en recouvrement forcé) doivent être annulées en partie, puisque la liquidation a été faite sur la base d'une année entière d'activité, alors que l'entreprise n'a pratiquement pas eu d'activité ces années-là. La taxe sur les activités économiques est une taxe dont le taux est fixé par le gouvernement central et qui frappe l'ensemble de l'activité économique. Autrement dit, le Gouvernement part de l'hypothèse que les effectifs et la consommation d'énergie sont ceux qui correspondent à un niveau normal d'activité de l'entreprise. En fait, la production ayant été interrompue durant cette période, les taxes pour chacune de ces deux années devraient être automatiquement annulées.
(63) Par conséquent, sur le montant total couvert par l'accord sur "la remise partielle" des dettes, 100 216 447 ESP représentaient des créances irrécouvrables, à savoir le montant de la taxe sur les activités économiques du fait que la taxe elle-même n'avait pas de raison d'être, et les surtaxes qui constituaient un élément de comptabilité se rapportant à la dette fiscale réelle visée par la remise, de sorte que le montant de ce poste comptable doit être interprété comme un simple élément d'information comptable absolument dépourvu d'effet pratique.
(64) Les montants restants, pour la taxe sur l'eau et la collecte des déchets, sont également le résultat d'erreurs de calcul graves puisque la taxe au titre de la collecte des déchets, en tout cas, est calculée sur la base d'un régime normal d'activité, ce qui n'a pas été le cas durant les années 1994, 1995 et 1996. Les liquidations pour ces années devront, par conséquent, être refaites en tenant compte du niveau réel d'activité. Les liquidations concernant la taxe sur les activités économiques pour les années 1995 et 1996, se chiffrant à 79 497 353 ESP, n'avaient par conséquent aucun rapport avec la réalité et devront être annulées en partie.
(65) Le reste de la dette visée par la décision ne pouvait en aucun cas être recouvré par le biais de la mise en recouvrement forcé puisqu'il ne s'agit pas d'une créance privilégiée. La décision du conseil municipal n'a, par conséquent, pas d'effet pratique sur l'entreprise puisqu'elle concerne des montants qui ne peuvent être recouvrés et des montants qui devaient être annulés parce que l'entreprise n'avait pas d'activité économique réelle.
(66) Les autorités espagnoles ont conclu que les autorités municipales de Torrelavega avaient agi tout simplement pour assurer la protection réelle et efficace de leurs intérêts financiers, en faisant tout ce qu'elles pouvaient pour recouvrer leurs créances auprès de Sniace. Elles auraient agi en pleine conformité avec la loi, sans que leurs actions entraînent jamais une diminution des fonds de la municipalité de Torrelavega; leurs actions ne peuvent pas non plus être considérées comme constituant une aide directe ou indirecte en faveur de Sniace puisque la remise partielle des dettes concernait uniquement des créances qui, pour diverses raisons, étaient irrécouvrables.
Accords passés entre Sniace et le Fogasa prévoyant le remboursement d'un montant total de 1,702 milliard d'ESP, correspondant à des arriérés de salaires payés par le Fogasa au nom de Sniace.
(67) Le Gouvernement espagnol a réaffirmé que Fogasa paye aux employés les sommes qui leur sont dues, au titre des salaires et rémunérations, par des entreprises qui sont insolvables ou soumises à la procédure de faillite. Ces prestations sont versées aux travailleurs, ce qui signifie que le droit à la garantie salariale est un droit exclusif des travailleurs qui ne peut à aucun moment donner lieu au versement d'une aide ou à l'octroi d'un prêt à des entreprises ayant contracté des dettes à l'égard de leurs travailleurs. L'arrêté ministériel du 20 août 1995 régit la conclusion d'accords en vue du remboursement des montants versés par le Fogasa et prévoit expressément la possibilité pour ce dernier de conclure des accords de report et de rééchelonnement de la dette dans le respect de la réglementation établie par l'arrêté en question.
(68) Le Fogasa, en conformité avec l'arrêté du 20 août 1995 qui met en application l'article 32 du décret royal n° 505-85 du 6 mars 1985, a conclu des accords de remboursement avec Sniace:
a) Accord du 5 novembre 1993
Montant total, intérêts compris: 1 362 708 700 ESP
Durée du remboursement: huit ans
Périodicité des versements: tous les six mois
Taux d'intérêt: 10 %, correspondant au taux d'intérêt légal en 1993, conformément aux dispositions de l'arrêté du 20 août 1985
Sûreté: hypothèque
b) Accord du 31 octobre 1995
Montant total, intérêts compris: 339 459 878 ESP
Durée du remboursement: huit ans
Périodicité des versements: tous les six mois
Taux d'intérêt: 9 %, correspondant au taux d'intérêt légal en 1995, conformément aux dispositions de l'arrêté du 20 août 1985
Sûreté: hypothèque
(69) Le montant remboursé par l'entreprise dans le cadre des deux accords, au mois de juin 1998, s'élevait à 186 963 594 ESP.
(70) Selon les autorités espagnoles, les accords ne contiennent pas d'éléments d'aide ou de subvention de l'État, selon la définition qui en est donnée à l'article 81 du texte révisé de la loi générale sur le budget: c'est-à-dire toute mise à disposition gratuite de ressources publiques par l'État ou ses organes autonomes au profit de personnes morales, publiques ou privées, ou de personnes physiques afin de promouvoir une activité à caractère social ou de faciliter la réalisation d'un objectif public, ou, d'une manière plus générale, toute forme d'aide accordée et imputée au budget de l'État ou de ses organes autonomes, de même que les subventions ou les aides financées, en tout ou en partie, grâce à des ressources de la Communauté. Ces accords concernent plutôt des crédits auxquels le Fogasa a droit en raison de sa subrogation dans les droits et recours des travailleurs bénéficiaires des prestations vis-à-vis des entreprises.
(71) Enfin, le Gouvernement espagnol a fait valoir que la réglementation en question s'applique d'une manière générale à toutes les entreprises se trouvant dans l'une ou l'autre des situations qui y sont prévues et non à des entreprises ou des secteurs spécifiques. Le Fogasa paie aux employés les montants qui leur sont dus et n'effectue jamais de versement aux entreprises concernées; la législation en la matière lui interdit de le faire.
(72) Le Gouvernement espagnol, en plus de ses observations sur les questions examinées dans le cadre de la procédure, a fait également connaître ses réactions aux observations formulées par des tiers selon lesquelles la Caja Cantabria aurait accordé à Sniace un prêt de deux milliards de pesetas constituant une aide d'État. Il a rejeté ces allégations et déclaré, entre autres, que la Caja est un établissement de crédit de droit privé dont les décisions d'investissement sont soumises aux critères de rentabilité et de solvabilité. Sur la base des informations dont elle dispose à ce stade, la Commission admet que l'aide présumée accordée par la Caja Cantabria n'entre pas dans le champ d'application de la procédure. Elle ne peut toutefois en aucun cas exclure la possibilité qu'il y ait eu aide et se réserve le droit de poursuivre l'examen de cette question en dehors du cadre de la présente procédure.
VI. APPRÉCIATION DE L'AIDE PRÉSUMÉE
(73) La Commission doit tout d'abord déterminer si les différentes mesures faisant l'objet de la procédure renferment une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE. Sur la base des informations à sa disposition, la Commission est parvenue aux conclusions suivantes.
(74) Sniace est l'un des cinq producteurs de fibres de viscose de la Communauté. Ses produits font l'objet d'échanges entre les États membres et il existe une concurrence entre les producteurs. Le volume des échanges intracommunautaires des fibres de viscose (code NC 5504 10 00 ) se chiffrait à environ 101 000 tonnes en 1997. Sniace opère dans un secteur en déclin, ce qui a amené certains de ses concurrents à réduire leurs capacités. La production de ces fibres dans l'EEE a été ramenée de 760 000 tonnes en 1992 à 684 000 tonnes en 1997 (soit une réduction de 10 %) et la consommation durant la même période a diminué de 11 %. Le taux moyen d'utilisation des capacités au cours de cette période était d'environ 84 %, ce qui est peu pour un secteur à si forte intensité de capital. En plus de fournir le marché espagnol, Sniace fournit traditionnellement d'autres marchés européens, en particulier l'Italie et la France. En outre, Sniace produit des fibres synthétiques, en particulier du fil de filaments de polyamide. Ce secteur souffre également de problèmes graves de surcapacité et a enregistré un taux moyen d'utilisation des capacités de seulement 76 % entre 1995 et 1997.
Non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement, dues par Sniace depuis 1987
(75) Au 1er mars 1987, le montant total des créances en souffrance au titre des contributions à la protection de l'environnement, y compris les surtaxes et le montant des intérêts pour la période de 1987-1995, a atteint 6 268 766 095 ESP (au lieu de 6 354 149 834 ESP, selon les autorités espagnoles qui n'ont pas tenu compte des montants déjà recouvrés en 1987 et en 1988). Or, la procédure de mise en recouvrement forcé de ces créances semble avoir été engagée il y a de cela environ huit ans, à la suite de l'arrêt rendu le 28 novembre 1990 par le Tribunal économique administratif central concernant la légalité des liquidations pour 1987 et 1988. Ainsi que les autorités espagnoles en conviennent, la procédure de mise en recouvrement forcé n'a pas été suspendue dans ce cas, puisque Sniace n'avait pas déposé de garantie bancaire couvrant les redevances litigieuses au titre de la protection de l'environnement (sauf à l'égard de la redevance pour 1988).
(76) Toutefois, la Commission admet que, en vertu de la législation espagnole, c'est l'autorité fiscale et non pas la Confederación Hidrográfica del Norte qui est l'organe chargé du recouvrement auprès de Sniace des dettes contractées par cette entreprise. Au mois de juin 1998, 85 383 739 ESP avaient été recouvrées, ce qui ne représente guère plus de 1 % du montant total. En attendant, le montant des dettes, intérêts au taux légal et surtaxes compris, ne cesse d'augmenter.
(77) La Commission relève qu'il a été difficile d'obtenir un remboursement, en particulier en raison de la gravité de la situation financière dans laquelle se trouvait Sniace et des recours en justice intentés par celle-ci contre les liquidations annuelles. En évitant de procéder à un recouvrement forcé jusqu'ici pour ne pas risquer de provoquer la mise en liquidation de l'entreprise, les autorités fiscales ont peut-être agi de manière à mettre de leur côté toutes les chances de récupérer au moins une partie des contributions à la protection de l'environnement restant dues, l'alternative étant de ne rien récupérer du tout face à des créanciers privilégiés.
(78) En conclusion, l'enquête menée par la Commission ne lui permet pas de conclure à ce stade que le non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement constitue effectivement une aide d'État. Étant donné la complexité des problèmes juridiques à résoudre avant de pouvoir trancher la question de savoir si les autorités publiques ont accordé un traitement préférentiel à Sniace en ne recouvrant pas les contributions dues, la Commission a décidé de reporter sa décision en la matière à une date ultérieure.
Non-recouvrement des cotisations de sécurité sociale depuis 1991
(79) La Commission ne conteste pas l'argument des autorités espagnoles selon lequel la trésorerie générale de la sécurité sociale a agi de manière à protéger ses intérêts. Elle tient également à souligner qu'elle ne met nullement en cause le régime général de la sécurité sociale en Espagne.
(80) Toutefois, les autorités espagnoles ont reconnu que, si la trésorerie générale de la sécurité sociale avait mis ses créances en recouvrement forcé, cela aurait pu entraîner la fermeture de l'entreprise. Il est par conséquent évident que, dans ce cas, le fait que la trésorerie générale ait accepté un report de plusieurs années pour le paiement des cotisations de sécurité sociale dues par Sniace a conféré à l'entreprise un avantage appréciable.
(81) Il est également incontestable que la réglementation en matière de sécurité sociale donne aux autorités un certain pouvoir discrétionnaire dans le traitement des cas individuels, dont il a précisément été fait usage en l'espèce. La Commission tient à souligner que c'est justement le pouvoir discrétionnaire dont la trésorerie générale de la sécurité sociale a pu faire usage à l'égard, qui plus est, d'une entreprise dont la viabilité était douteuse, qui l'amène à repousser l'argument des autorités espagnoles voulant que les mesures prises à l'égard de Sniace constituent des mesures générales (3).
(82) Bien que la trésorerie générale de la sécurité sociale ait agi conformément à la législation en vigueur, les termes des différents accords de rééchelonnement des dettes de Sniace ne semblent pas compatibles avec les conditions normales du marché. La Commission a pour habitude de prendre pour base de comparaison la valeur, à la date pertinente, du taux de référence fixé pour l'État membre concerné. Toutefois, pareil taux n'avait pas été fixé pour l'Espagne avant août 1996. C'est pourquoi, dans des affaires précédentes concernant le rééchelonnement de dettes contractées envers la sécurité sociale (4), la Commission, afin de déterminer si le taux en question était compatible avec les conditions du marché, a pris pour base de comparaison le taux d'intérêt moyen perçu par les banques privées en Espagne sur des prêts d'une durée supérieure à trois ans. Dans le cas présent, selon les statistiques publiées par la Banque centrale espagnole, ce taux d'intérêt moyen au cours de la période considérée était le suivant: 1991: 18,24 %; 1992: 17,28 %; 1993: 16,19 %; 1994: 12,51 %; 1995: 13,09 %; 1996: 11,06 % (5). Les autres conditions des accords de rééchelonnement, prévoyant le rejet en fin de période des remboursements de la majeure partie du principal et des intérêts (apparemment en vue de faciliter le redressement de l'entreprise), ne sont pas non plus celles pratiquées en matière de crédit dans les conditions normales du marché.
(83) Force est par conséquent de conclure que les accords contiennent des éléments d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, qui sont illégaux faute d'avoir été notifiés à la Commission conformément à l'article 93, paragraphe 3. Il est difficile de chiffrer le montant exact de l'aide illégale en question, mais elle est au moins égale à l'avantage financier découlant des taux d'intérêt réduits pratiqués à compter du jour où la créance a pris naissance.
Garantie de prêt d'un milliard d'ESP autorisée par la loi 7-1993
(84) Bien qu'il soit regrettable que les autorités espagnoles n'aient pas notifié à la Commission l'intention de l'assemblée régionale de Cantabrique d'autoriser l'octroi de la garantie en question, surtout compte tenu du fait que l'entreprise produit entre autres des fibres de polyamide, produit qui entre dans le champ d'application de l'encadrement applicable aux aides au secteur des fibres synthétiques, la Commission peut admettre que l'assemblée régionale n'accorde pas elle-même de garantie et qu'une série de mesures administratives complémentaires distinctes auraient été nécessaires pour que la garantie devienne effective. De plus, la Commission ne dispose d'aucun élément tendant à démontrer que l'adoption de la loi en question a conféré un avantage commercial à Sniace. Par conséquent, à condition que le Gouvernement espagnol notifie au préalable à la Commission tout projet d'octroi effectif de garantie, la Commission conclut que la loi 7-1993, en elle-même, ne confère aucun avantage particulier à Sniace et ne constitue donc pas une aide d'État.
Mécanisme de financement de la construction d'une usine de traitement des effluents
(85) La Commission relève que, selon les informations fournies par le Gouvernement espagnol, la mise en œuvre du plan régional de traitement des eaux usées dans le bassin de la Saja/Besaya en est au stade de l'évaluation technique et que tant que cette phase ne sera pas terminée, il ne sera pas possible de savoir quelles mesures devront être prises concernant le rejet d'effluents par les entreprises (Sniace comprise) dans la Besaya. La Commission note également que le Gouvernement espagnol a donné l'assurance que les mesures prises par Sniace concernant l'usine de traitement des effluents l'avaient été sans aucune forme d'intervention publique et que, en outre, il n'est envisagé d'accorder aucune aide publique à ce titre. L'enquête effectuée par la Commission ne lui a donc pas permis d'établir l'existence d'éléments d'aide à cet égard.
L'annulation partielle de dettes totalisant 116 millions d'ESP par le conseil municipal de Torrelavega
(86) Sur la base des renseignements fournis par le Gouvernement espagnol, le Conseil municipal de Torrelavega semble avoir agi de manière à protéger toutes les créances à l'égard de Sniace dont il est légalement habilité à demander le paiement aux termes de la législation espagnole. La Commission a également examiné la question de savoir si le comportement du créancier public en l'espèce était guidé par l'intention de mettre de son côté toutes les chances de récupérer les taxes dues et si ses actions étaient comparables à celles des créanciers privés. Ainsi que la Commission l'a reconnu lors de l'ouverture de la procédure, en ne signant pas l'accord du mois d'octobre 1996 entre les créanciers privés (qui stipulait, entre autres, la conversion de 40 % des créances en actions) dans le cadre de la procédure de suspension des paiements, les autorités publiques étaient, en principe, en mesure de protéger la totalité de leurs créances. De plus, la Commission peut admettre que l'accord passé par le conseil municipal de Torrelavega avec Sniace ne semble pas avoir consenti à cette dernière un traitement plus généreux que celui qu'elle a obtenu dans le cadre de l'accord conclu parallèlement avec ses créanciers privés.Au contraire, la "remise partielle" de dettes concernait pour l'essentiel des montants irrécouvrables en pratique, en particulier du fait que l'entreprise a chômé durant presque toute l'année en 1995 et en 1996 et que le montant des taxes devra donc faire l'objet d'une nouvelle liquidation, encore qu'aucun détail n'ait été fourni à ce jour à la Commission quant aux liquidations modifiées.
(87) Par conséquent, sur la base des informations à sa disposition, la Commission peut admettre que les actions des autorités municipales de Torrelavega entrant dans le champ de la procédure n'ont pas conféré un avantage indu à Sniace ni entraîné l'annulation de dettes, et ne constituent donc pas une aide d'État.
Accords entre Sniace et le Fogasa prévoyant le remboursement d'un montant total de 1,702 milliard d'ESP correspondant à des arriérés de salaires payés par le Fogasa au nom de Sniace
(88) La Commission réaffirme, comme elle l'a dit dans sa décision d'ouverture de la procédure, qu'elle n'a rien à objecter à l'intervention du Fogasa dans la mesure où ce dernier honore, conformément à sa propre réglementation, au nom de l'entreprise, les créances valablement revendiquées par les employés de Sniace qui, sans cela, n'auraient pas été payés. Toutefois, conformément à la pratique constante de la Commission, toute contribution discrétionnaire de l'État à la prise en charge de ces coûts doit être considérée comme une aide et non pas une mesure générale, si elle confère un avantage financier à l'entreprise, que les fonds soient payés directement à l'entreprise ou qu'ils soient payés aux salariés par l'entremise d'un organisme public.
(89) La Commission croit comprendre que, selon ces arrangements, le Fogasa jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour reporter ou fractionner les remboursements sur une période pouvant aller jusqu'à huit ans. Les paiements reportés sont majorés d'un intérêt calculé au taux légal. Bien que ces arrangements soient en conformité avec la législation applicable, ils ne semblent pas correspondre aux conditions normales du marché. Pour les mêmes raisons que celles avancées plus haut dans le cas des cotisations dues à la sécurité sociale (le fait qu'aucun taux de référence n'avait été fixé pour l'Espagne avant le mois d'août 1996), la Commission a procédé à une comparaison avec le taux d'intérêt moyen appliqué par les banques privées aux prêts à plus de trois ans au cours de la période en question, taux qui était le suivant: 1993: 16,19 %; 1994: 12,51 %; 1995: 13,09 %; 1996: 11,06 %. Ces taux sont nettement supérieurs à ceux prévus par les accords. De plus, la Commission continue de douter que la compagnie soit en mesure d'honorer ses engagements compte tenu de ses difficultés financières. Malgré des demandes répétées, le Gouvernement espagnol n'a fourni aucune précision sur la nature de l'hypothèque offerte en sûreté au Fogasa.
(90) Par conséquent, conformément à l'approche suivie en ce qui concerne les dettes contractées à l'égard de la sécurité sociale, il y a lieu de conclure que les accords de rééchelonnement passés avec le Fogasa constituent au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité une aide d'État qui est illégale pour n'avoir pas été notifiée à la Commission. Comme c'était le cas pour les créances non recouvrées de la sécurité sociale, il est difficile de chiffrer avec exactitude le montant de l'aide illégale, mais celle-ci est au moins égale à l'avantage financier découlant du fait que le taux d'intérêt perçu en vertu des accords de rééchelonnement n'était que de 10 % et 9 % respectivement.
(91) La Commission ayant établi que le non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement, ainsi que les accords passés respectivement avec la sécurité sociale et le Fogasa pour le rééchelonnement de la dette de Sniace, constituent une aide d'État illégale, elle doit déterminer si cette aide est ou non compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE.
(92) Aux termes de l'article 92, paragraphe 1, du traité, toute aide présentant les caractéristiques spécifiées dans ledit article est incompatible avec le Marché commun. Les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 2, du traité ne s'appliquent pas en l'espèce, étant donné la nature et les objectifs de l'aide.
(93) En ce qui concerne les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 3, points a) et c), relatives aux aides visant à favoriser ou à faciliter le développement de certaines régions, la Commission observe que la région dans laquelle est implantée Sniace est une région pouvant prétendre, depuis le mois de septembre 1995, au bénéfice d'aides à finalité régionale en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point a), et qui pouvait, avant cette date, bénéficier des aides à finalité régionale en application de l'article 92, paragraphe 3, point c). Toutefois, l'aide accordée à Sniace ne présente pas les caractéristiques requises pour faciliter le développement de certaines régions économiques au sens dudit article, dans la mesure où elle a été accordée sous la forme d'une aide au fonctionnement, c'est-à-dire une aide subordonnée à aucune condition en matière d'investissement ou de création d'emplois. De plus, cette dérogation ne peut, à titre exceptionnel, couvrir des aides au fonctionnement dans des régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, point a), que pour autant que soient strictement respectées certaines conditions qui font l'objet de contrôles et que ces aides concernent des entreprises en difficulté (voir ci-dessous).
(94) En ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point b), l'aide ne visait de toute évidence pas à promouvoir un projet d'intérêt européen commun, ni à remédier à une perturbation grave de l'économie espagnole. Le Gouvernement espagnol n'a pas non plus cherché à justifier l'aide en se fondant sur ces motifs.
(95) Quant à la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point d), l'aide ne visait manifestement pas à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.
(96) C'est pourquoi l'appréciation de la Commission, en ce qui concerne les mesures prises en faveur de Sniace fait abstraction des éléments à caractère spécifiquement régional pour se concentrer sur l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité, qui prévoit une dérogation pour les "aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun". L'aide à Sniace pourrait être qualifiée d'aide à une entreprise en difficulté, vu la position financière de l'entreprise au cours de la période durant laquelle l'aide a été accordée.
(97) La Commission considère que l'aide aux entreprises en difficulté est celle qui risque le plus de transférer du chômage et des problèmes industriels d'un État membre à un autre. Elle a pour effet de maintenir le statu quo en empêchant les forces à l'œuvre dans l'économie de marché de produire leurs conséquences normales en termes de disparition d'entreprises non compétitives, incapables de s'adapter à l'évolution des conditions de la concurrence; en même temps, cette aide peut avoir pour effet de fausser la concurrence et les échanges par l'influence qu'elle a sur la politique de prix des bénéficiaires, tentés de pratiquer la sous-enchère pour ne pas être évincés du marché.
(98) C'est pourquoi la Commission a, au fil des ans, élaboré une méthode spéciale pour l'appréciation des aides aux entreprises en difficulté. Les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (6) précisent un certain nombre de conditions que ces aides doivent remplir. Elles font la distinction entre les aides au sauvetage et les aides à la restructuration.
(99) Les aides au sauvetage, c'est-à-dire les aides qui ne sont accordées que pour permettre à une entreprise de rester en activité le temps d'analyser la cause de ses difficultés et d'y trouver remède, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun. Pour être autorisées, ces aides doivent donc:
a) consister en des aides de trésorerie prenant la forme de garantie de crédits ou de crédits remboursables portant intérêt à un taux équivalant à celui du marché;
b) se borner dans leur montant à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'entreprise (par exemple, couverture des charges salariales et des approvisionnements courants);
c) n'être versées que pour la période nécessaire (en règle générale ne dépassant pas six mois) à la définition des mesures de redressement nécessaires et possibles;
d) être justifiées par des difficultés sociales graves et ne pas avoir pour effet de déséquilibrer la situation industrielle dans d'autres États membres.
(100) En règle générale, l'aide à la restructuration n'est autorisée que si c'est dans l'intérêt de la Communauté et si elle est liée à un programme viable de restructuration ou de redressement, présenté à la Commission avec les précisions nécessaires. Un plan de restructuration doit satisfaire à chacune des conditions suivantes:
a) il doit rétablir dans un délai raisonnable la viabilité et la santé à long terme de l'entreprise sur la base de prévisions réalistes quant à ses conditions d'exploitation futures;
b) il doit atténuer autant que possible les conséquences défavorables éventuelles pour les concurrents;
c) le montant et l'intensité de l'aide à la restructuration doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration et doivent être en rapport avec les avantages escomptés du point de vue de la Communauté. Pour ces raisons, les bénéficiaires d'une aide à la restructuration doivent normalement contribuer d'une manière importante au plan de restructuration avec leurs propres ressources ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché.
(101) Enfin, depuis 1977, la liberté des États membres d'accorder une aide à l'industrie des fibres synthétiques fait l'objet de restrictions, qui avaient pour but d'éviter que l'octroi d'aides ne débouche sur un accroissement de la capacité de production des principales fibres synthétiques. Comme Sniace est producteur de fibres synthétiques et que l'aide en question semble en partie soutenir ces activités, les mesures en question ne pourraient être considérées comme compatibles avec le Marché commun que si elles étaient également conformes à l'encadrement applicable aux aides au secteur des fibres synthétiques. Bien que l'aide remonte à plusieurs années, elle doit être examinée à la lumière de la dernière version de l'encadrement. Ce dernier couvre, entre autres, l'aide à l'investissement pour l'extrusion et la texturation de quatre fibres: polyester, polyamide, acrylique et polypropylène. Il précise, en ce qui concerne les grandes entreprises (c'est-à-dire celles qui ne sont pas des petites et moyennes entreprises), que la Commission n'autorisera pareille aide (à concurrence de 50 % du plafond d'aide applicable) que si elle entraîne une réduction significative des capacités concernées ou si le marché des produits concernés est caractérisé par une pénurie structurelle et si l'aide n'entraîne pas une augmentation significative des capacités en question.
(102) En l'espèce, les autorités espagnoles n'ont pas prétendu que les mesures constituaient une aide au sauvetage ou à la restructuration. Elles n'ont pas non plus tenté de démontrer l'existence d'un plan de restructuration valable ou d'un projet de réduction de la part de marché de Sniace. Cela semble confirmer que l'aide avait simplement pour effet de permettre à l'entreprise de poursuivre ses activités.
(103) En ce qui concerne le plan de restructuration soumis à la Commission par le plaignant avant l'ouverture de la procédure, le Gouvernement espagnol s'est contenté de réitérer son point de vue selon lequel la conclusion de l'expert-conseil que "la viabilité de Sniace ne peut être assurée que grâce à l'octroi de subventions qui permettraient d'entreprendre des projets d'investissement et de renégocier la dette" était une opinion purement personnelle, exprimée dans une étude privée, et ne reflétait pas nécessairement la position des autorités espagnoles.
(104) De plus, en ce qui concerne les activités de Sniace dans le secteur des fibres synthétiques, la Commission n'a pas connaissance d'un quelconque plan visant à réduire fortement la capacité. Enfin, le taux d'utilisation des capacités dans ce secteur, dans lequel le volume des échanges intracommunautaires est important, demeure insatisfaisant.
VII. CONCLUSIONS
(105) Par conséquent, la Commission conclut que l'Espagne a accordé une aide illégale, sous la forme d'un rééchelonnement de la dette de la sécurité sociale et de deux accords de remboursement passés avec le Fogasa, contraire à l'article 93, paragraphe 3, du traité et que cette aide est incompatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE.
(106) L'aide accordée étant illégale et incompatible avec le Marché commun, elle doit être récupérée et ses effets économiques doivent être annulés,
A arrêté la présente décision:
Article premier
L'aide d'État suivante mise à exécution par l'Espagne en faveur de "Sociedad Nacional de Industrias y Aplicaciones de Celulosa Española" SA (Sniace) est incompatible avec le Marché commun:
a) l'accord du 8 mars 1996 (modifié par l'accord du 7 mai 1996) passé entre Sniace et la trésorerie générale de la sécurité sociale pour le rééchelonnement d'une dette d'un montant total de 2 903 381 848 ESP au titre du principal, tel que modifié de nouveau par l'accord du 30 septembre 1997 portant sur le rééchelonnement de dettes d'un montant total de 3 510 387 323 ESP au titre du principal, dans la mesure où le taux d'intérêt était inférieur au taux du marché; et
b) les accords des 5 novembre 1993 et 31 octobre 1995 passés entre Sniace et le Fondo de Garantía Salarial (Fogasa) portant sur deux montants de 1 362 708 700 ESP et 339 459 878 ESP respectivement (intérêts compris), dans la mesure où le taux d'intérêt était inférieur au taux du marché.
En ce qui concerne les autres points visés par la procédure ouverte en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité, à savoir une garantie de prêt totalisant un milliard de pesetas espagnoles et accordée en vertu de la loi 7-93, le mécanisme de financement de la construction d'une usine de traitement des effluents et l'annulation partielle de dettes par le conseil municipal de Torrelavega, ces mesures ne constituent pas une aide, de sorte qu'il est possible de clore la procédure. Toutefois, l'Espagne doit communiquer à la Commission, dans les deux mois qui suivent la publication de la présente décision, les liquidations modifiées par le conseil municipal de Torrelavega de la taxe sur les activités économiques dont Sniace est redevable pour les années 1995 et suivantes. Pour ce qui est du non-recouvrement des contributions à la protection de l'environnement pour la période 1987/1995, la Commission adoptera une décision distincte en temps utile.
Article 2
1. Le Royaume d'Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès du bénéficiaire l'aide visée à l'article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition.
2. La récupération de l'aide a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter du jour où elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu'à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable.
Article 3
Le Royaume d'Espagne informe la Commission dans les deux mois suivant la notification de la présente décision des mesures prises pour s'y conformer.
Article 4
Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 49 du 14.2.1998, p. 2.
(2) JO C 49 du 14.2.1998, p. 2.
(3) L'Avocat général Jacobs, dans ses conclusions du 24 septembre 1998 dans l'affaire C-256-97 D.M. Transport SA, signale qu'il est certain que, dans certaines circonstances, le fait de tolérer de façon permanente et libérale que les cotisations de sécurité sociale soient payées en retard peut donner à l'entreprise qui bénéficie de cette largesse un avantage commercial appréciable et, dans des cas extrêmes, équivaloir à une dispense de paiement (point 33 des conclusions).
(4) Par exemple dans l'affaire Tubacex publiée au JO L 8 du 11.1.1997.
(5) Les taux de référence qui ont par la suite été appliqués à l'Espagne sont les suivants: 1.8.1996-1.11.1996: 13,45 %; 1.11.1996-1.1.1997: 11,40 %; 1.1.1997-1.8.1997: 10,56 %; 1.8.1997-1.1.1998: 6,22 %; 1.1.1998 à aujourd'hui: 0,620 %.
(6) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.