CA Rouen, ch. soc., 18 janvier 2005, n° 02-03173
ROUEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Drouet
Défendeur :
Hess (ès qual.), Univers Auto (SNC), Guez (Consorts), SNIA (Sté), Fiat Auto France, CGEA, AGS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pams-Tatu
Conseillers :
Mme Raynal-Bouche, M. Mouchard
Avocats :
Mes Sélegny, Havelette, Hanchard, Criqui, Henry (SCP Vogel & Vogel), Emery.
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions déposées les 6 septembre, 20 octobre et 30 novembre 2004 et développées à l'audience du 30 novembre 2004;
Attendu que la société Fiat Auto France a conclu, le 1er octobre 1987, avec la société Albion Auto un contrat de concession exclusive afin d'assurer la distribution de véhicules de la marque Fiat dans divers cantons de Rouen, Dieppe et des Andelys ; que le 4 mai 1993, elle a également conclu avec la société Juventus Auto un contrat de concession exclusive pour d'autres cantons de l'arrondissement de Rouen que ceux attribués à la société Albion Auto ; que par lettre du 7 août 1996, la société Fiat Auto France a notifié à ces sociétés que leurs contrats prendraient fin le 8 août 1997;
Attendu que M. Drouet était salarié de la société Univers Auto créée en 1994 et dont les parts ont été ensuite cédées aux sociétés Albion et Juventus ; que la société Univers Auto a été déclarée en redressement judiciaire le 1er août 1997 et a obtenu un plan de continuation le 28 octobre 1999 ; que le salarié a été licencié et a saisi le Conseil de prud'hommes de Rouen afin de voir condamner à titre principal la société SNIA et, subsidiairement, la société Fiat Auto France à lui payer des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail motif pris de la violation de l'article L. 122-12 du Code du travail ; subsidiairement, dire que la société Fiat Auto France devra garantir les condamnations à intervenir;
Attendu que par jugement du 5 juillet 2002, le conseil de prud'hommes a :
- débouté le salarié de sa demande au titre de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail;
- mis hors de cause la société Fiat Auto dans le cadre de la demande sur le fondement de l'article L. 122-12 du Code du travail;
- débouté la société Fiat Auto de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- débouté la société SNIA de ses demandes;
- débouté le salarié de ses autres demandes;
Attendu que le salarié a interjeté appel et soutient:
- que les sociétés Albion et Juventus ont pour objet l'exploitation de la marque Fiat sur Rouen par le biais de deux concessions de véhicules neufs, la société Albion exerçant son activité Rive droite et la société Juventus Rive gauche ; que la société Juventus a été créée en 1993 avec comme seule activité l'exploitation de la marque Fiat ; qu'un contrat de concession a été signé avec la societé Fiat Auto France le 17 janvier 1993;
- que la société Albion, créée en 1976, avait signé un contrat de concession avec la société Fiat le 1er octobre 1987; que la société Albion Investissement, créée en 1992, avait une fonction principalement administrative au profit des sociétés Albion et Juventus avec lesquelles elle était imbriquée;
- que la société Univers Auto, créée en 1994, et dont les parts ont ensuite été cédées aux sociétés Albion et Juventus, a pour activité l'achat et la vente des véhicules d'occasion, la mécanique et la carrosserie;
- que la société Univers Auto achetait aux sociétés Juventus et Albion les véhicules repris lors de ventes de véhicules neufs et les revendait;
- qu'à la suite de la dénonciation des contrats de concession par la société Fiat auprès des sociétés Albion et Juventus, la SNIA s'est affichée comme concessionnaire et a été déclarée telle le 5 octobre 1997;
- que l'absence de lien contractuel entre les sociétés Fiat et Univers Auto n'est pas nécessaire pour l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail;
- que l'ensemble du concept Fiat concédé intégrait la vente de pièces et de véhicules d'occasion;
Qu'il sollicite de voir:
- réformer le jugement;
- dire que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail sont applicables aux salariés de la société Univers Auto au même titre qu'elles le sont au bénéfice des salariés des sociétés Juventus Auto et Albion Auto;
en conséquence, condamner la société SNIA à payer au salarié les sommes de:
* 4.212,91 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail en violation des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail avec intérêts de droit à compter de la demande;
* 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
condamner la société Fiat France à garantir le montant de ces condamnations;
condamner les sociétés SNIA et Fiat France aux dépens;
Attendu que la société SNIA fait valoir:
- qu'à la suite de la dénonciation par la société Fiat des contrats de concession signés avec les sociétés Albion Auto et Juventus Auto, la société SNIA est devenue concessionnaire;
- que les sociétés Albion et Juventus avaient fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 1er août 1997 convertie en liquidation judiciaire le 18 mai 1998 ; que dans le cadre de la procédure collective, plusieurs licenciements pour motif économique ont été prononcés;
- que s'agissant des salariés d'Univers Auto, il appartient à la cour de déterminer si, postérieurement à la rupture des contrats de travail, l'activité a été poursuivie par une entité économique autonome ayant conservé son identité ; que tel n'est pas le cas puisque l'activité de la société Univers Auto (réparation, remise en état des véhicules et carrosserie) est indépendante de l'existence d'un contrat de concession ; que le fait que la société Univers Auto exerce toujours son activité constitue la démonstration que celle-ci n'a pas été continuée ou reprise par la SNIA;
- s'agissant des salariés d'Albion Investissements, que cette société était une holding dont l'activité n'a pas été reprise par SNIA et ses salariés ne peuvent revendiquer le bénéfice de l'article L. 122-12;
- qu'elle est fondée à solliciter recours et garantie à l'encontre de la société Fiat;
Qu'elle conclut à la confirmation du jugement pour la partie du dispositif ayant débouté le salarié de ses demandes et déclaré MM. Michel et Claude Guez hors de cause, subsidiairement, à la garantie de la société SNIA des sommes susceptibles d'être mises à sa charge;
Que la société Fiat Auto soutient que l'article L. 122-12 du Code du travail n'était pas applicable puisque la société Univers Auto n'était pas concessionnaire Fiat à Rouen et qu'elle exerçait la même activité que n'importe quel garagiste ; que la vente de véhicules d'occasion n'était pas concernée par le contrat de concession ; que l'activité de la société Albion Investissements était celle d'une société holding et non d'un distributeur ou réparateur automobile ; que son activité s'apparentait à celle de n'importe quel prestataire de service ; que la demande en garantie à l'encontre de la société Fiat est irrecevable et mal fondée;
Attendu qu'elle sollicite de voir confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, le débouté de l'appelant et sa condamnation à lui payer la somme de 750 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que l'AGS et le CGEA de Rouen interviennent à l'instance et sollicitent de voir:
- constater que cette intervention s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L. 621-126 du Code de commerce relatif au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises;
- leur donner acte de ce qu'ils donnent totale adjonction aux conclusions du salarié qui sollicite l'application de l'article L. 122-12 du Code du travail;
- constater qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de la société Univers Auto et que leur garantie n'a donc pas à être recherchée;
- dire qu'en cas d'application de l'article L. 122-12, les avances effectuées en faveur du salarié au titre des indemnités légales de rupture devront leur être restituées et en conséquence condamner la société SNIA à leur restituer les sommes avancées;
- dire que la décision sera opposable à la société Fiat Auto France;
- subsidiairement, en ce qui concerne les condamnations pouvant intervenir, dire que l'arrêt ne pourra leur être opposable que dans les limites prévues aux articles L. 143-11-1 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus aux articles L. 143-11-8 et D. 143-2 du Code du travail;
- constater qu'ils interviennent dans le cadre des dispositions précitées et qu'il n'y a pas lieu de prononcer contre eux de condamnation, ni de mettre à leur charge les indemnités allouées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ni les dépens;
DECISION
Attendu que la société Fiat Auto France a conclu, le 1er octobre 1987, avec la société Albion Auto et, le 4 mai 1993, avec la société Juventus Auto un contrat de concession exclusive afin d'assurer la distribution de véhicules de la marque Fiat; que le 7 août 1996, la société Fiat Auto France a notifié à ces sociétés que leurs contrats prendraient fin le 8 août 1997 ; que la société SNIA est devenue concessionnaire de la marque Fiat le 5 octobre 1997;
Attendu que l'appelant qui était salarié de la société Univers Auto, déclarée en redressement judiciaire le 1er août 1997, soutient que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail lui étaient applicables et que son contrat de travail aurait dû être repris par la société SNIA;
Mais attendu que la société Univers Auto, créée en 1994, avait pour activité la vente de véhicules neufs et d'occasion à l'exclusion de véhicules neufs Fiat, la location de véhicules de tourisme et utilitaires légers, la réparation et la remise en état de véhicules, le négoce de véhicules d'occasion, réparation, carrosserie ;qu'elle a actuellement une activité de réparation, remise en état de véhicules et carrosserie qui est celle d'un garagiste;qu'ainsi le contrat de concession ne pouvait porter sur la vente de véhicules d'occasion ;que la société Univers Auto a d'ailleurs poursuivi son activité après sa mise en redressement judiciaire puisqu'elle a bénéficié d'un plan de continuation qui est toujours en cours ;que les dispositions de l'article L. 122-12 ne sont donc pas applicables;
Que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ; que le CGEA sera également débouté de ses demandes;
Attendu que les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement déféré; Déboute les parties de toutes leurs demandes; Condamne M. Drouet aux dépens.