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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 18 janvier 2005, n° 03-03777

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dehedin, Lemaistre

Défendeur :

Etablissements Le Troadec (SA), Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pams-Tatu

Conseillers :

Mme Raynal-Bouche, M. Mouchard

Avocats :

Me Bricogne (SCP Vogel & Vogel), Simonneau.

CA Rouen n° 03-03777

18 janvier 2005

La société Groupe Volkswagen France, exerçant notamment l'activité d'importateur en France de véhicules de marque VW, Audi et Skoda les distribuait par le bais de concessionnaires, au nombre desquels figurait, au Havre, la société des Etablissements Le Troadec en vertu d'un contrat de ce concession à durée indéterminée.

Le 14 novembre 2000, la société Groupe Volkswagen France a notifié à la société Etablissements Le Troadec qu'elle résiliait le contrat, le préavis s'achevant le 14 novembre 2002.

La société Etablissements Le Troadec a fait aviser ses salariés et notamment Messieurs Dehedin et Lemaistre par courrier de son conseil adressé le 7 octobre 2002 qu'en application de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail la résiliation du contrat de concession emportait transfert de l'entité économique constituée par l'ensemble des activités découlant du contrat de concession et qu'à compter du 15 novembre 2002, leurs contrats de travail seraient transférés de plein droit soit au sein de la nouvelle entreprise désignée par la société Groupe Volkswagen France pour lui succéder, soit à la société Groupe Volkswagen France si elle n'en désignait pas.

Par divers courriers et démarches, la société Groupe Volkswagen France a fait connaître qu'elle ne désignait pas de nouveau concessionnaire et qu'elle ne se considérait pas comme l'employeur de messieurs Dehedin et Lemaistre tandis que la société Etablissements Le Troadec indiquait refuser de poursuivre leurs contrat de travail.

Plusieurs salariés dont Messieurs Dehedin et Lemaistre et la société Etablissements Le Troadec ont saisi le Conseil de prud'hommes du Havre, statuant en référés lui demandant de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la violation par la société Groupe Volkswagen France des dispositions d'ordre public de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail.

Cette formation a rejeté leurs demandes et la cour d'appel saisie à la suite de cette décision s'est déclarée incompétente en raison de l'existence d'une contestation sérieuse.

Par jugement du 10 septembre 2003, le Conseil de prud'hommes du Havre, saisi au fond a:

- mis hors de cause la société Groupe Volkswagen France,

- dit que l'employeur de messieurs Dehedin et Lemaistre était la société Etablissements Le Troadec,

- dit que les contrats de travail de Messieurs Dehedin et Lemaistre étaient toujours valides,

- débouté Messieurs Dehedin et Lemaistre de l'intégralité de leurs demandes,

- débouté les Etablissements Le Troadec de leurs demandes reconventionnelles, condamné Messieurs Dehedin et Lemaistre à payer chacun à la société Groupe Volkswagen France la somme de 100 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

Régulièrement appelants de cette décision, faisant développer à l'audience leurs conclusions auxquelles il est renvoyé pour exposé exhaustif, Messieurs Xavier Dehedin et Jacques Lemaistre demandent à la cour de:

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 septembre 2003 rendu par le Conseil de Prud'hommes du Havre;

- poser à la Cour de justice des Communautés européennes du Luxembourg les trois questions préjudicielles suivantes:

1) "La directive 2001-23-CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle est directement applicable au concédant lorsqu'une concession exclusive d'une marque automobile déterminée sur un territoire considéré prend fin du fait de la notification de la résiliation du contrat de concession à l'initiative du concédant, et que le concédant s'abstient de retransférer l'entité économique que constitue la concession reprise à un nouveau concessionnaire par la conclusion d'un nouveau contrat de concession tout en décidant de son propre chef de ne pas davantage en poursuivre lui-même l'exploitation directe ?

2) La directive 2001-23-CE du Conseil du 12 mars 2001 qui est d'ordre public, doit-elle être interprétée en ce sens que l'application de ses dispositions serait susceptible d'être tenue en échec dès lors que le concédant, après reprise de l'entité économique concédée, s'abstiendrait à la fois par simple convenance personnelle de ne pas en poursuivre l'exploitation directe tout en se refusant à désigner dans le même temps un nouveau distributeur en remplacement du précédent ?

3) La directive du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, 77-187 CE abrogée et remplacée par la directive précitée du 12 mars 2001 telle qu'interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt du 10 février 1988 (Fédération Danoise des Contremaîtres et similaires agissant en tant que mandataire de M. Kim Erik Tellurep et Daddy's Dance Hall NS), prévoyant qu'en cas de succession de deux concessionnaires ou locataires-gérants, un double transfert de l'entité économique s'opère en ce sens que dans un premier temps l'entité économique est transférée du concessionnaire ou locataire-gérant résilié au propriétaire qui la retransfère à son tour par un nouveau contrat au nouveau concessionnaire ou locataire-gérant, les dispositions réglementaires en cause doivent-elles être interprétées en ce sens que ce double transfert est purement théorique ou qu'au contraire dans l'hypothèse où l'activité n'est pas immédiatement poursuivie, il entraîne de plein droit le transfert des contrats de travail des salariés affectés à l'entité économique au propriétaire durant le laps de temps séparant la résiliation du premier opérateur et la désignation de son successeur ?"

- dire et juger que les contrats de travail des requérants ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail à compter du 15 novembre 2002;

- constater que la société Groupe Volkswagen France a refusé de poursuivre les contrats de travail des requérants et de procéder à leur licenciement;

- constater que la société Groupe Volkswagen France a rompu abusivement le 15 novembre 2002 les contrats de travail des salariés requérants en violation des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail;

- condamner, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France à remettre à chacun des salariés une lettre de licenciement, une attestation ASSEDIC, un solde de tout compte et les bulletins de salaire afférents à leur préavis sous astreinte de 72,25 euro par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir;

- se réserver de liquider l'astreinte;

- débouter la société Volkswagen de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- condamner la société Groupe Volkswagen France à payer à :

- M. Xavier Dehedin : cadre, vendeur, niveau II - 130, 2 ans et 10 mois d'ancienneté, salaire moyen : 6 812,05 euro

préavis (3 mois) : 20 436,15 euro

congés payés : 2 043,61 euro

indemnité légale de licenciement (2/10e) : 2 724,82 euro

indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (1 mois) : 6 812,05 euro

dommages-intérêts pour rupture vexatoire (6 mois) : 40 872,30 euro

dommages-intérêts pour licenciement abusif (7 mois) : 47 684,35 euro

article 700 : 763 euro

- M. Jacques Lemaistre : cadre, chef d'atelier, 16 ans et 6 mois d'ancienneté, salaire de référence : 2 565,41 euro

préavis (3 mois) : 7 696,23 euro

congés payés : 769,62 euro

indemnité légale de licenciement (2/10e) : 5 130,82 euro

(3/10e) de la 15e à 22e année) : 4 617,74 euro

indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (1 mois) : 2 565,41 euro

dommages-intérêts pour rupture vexatoire (6 mois) : 15 392,46 euro

dommages-intérêts pour licenciement abusif (24 mois) : 61 569,84 euro

article 700 : 763 euro;

A titre subsidiaire:

- condamner la société Le Troadec à reprendre l'ancienneté de M. Dehedin et M. Lemaistre telle que fixée dans les feuilles de paie au 14 novembre 2002 sous astreinte de 75,25 euro par jour de retard à compter de la date de l'arrêt;

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte;

Ils font essentiellement valoir que:

Les dispositions de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail sont applicables même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs;

Leur application est d'ordre public et les contrats de travail sont transmis de plein droit du cédant au cessionnaire, nonobstant le refus de celui-ci d'exécuter ses obligations.

Elles sont pleinement applicables au secteur de l'automobile et, la fixation de la date de transfert de l'activité économique est la [date] de résiliation du contrat de concession.

La société Groupe Volkswagen France a seule le pouvoir d'organiser la commercialisation de ses biens et services, soit directement soit indirectement en choisissant des intermédiaires, elle est titulaire de l'entité économique locale que constitue l'importation et la vente de produits et services de ses marques sur le territoire français, elle a seule qualité pour concéder les droits d'exploitation qu'elle détient, et pour les retirer en résiliant.

Elle a en l'espèce décidé de résilier la concession aux Etablissements Le Troadec et de ne pas la réattribuer, tout en empêchant que cette entreprise poursuive ses anciennes activités.

Dans le cas des concessions de Vernon, Dieppe et Le Havre la société Groupe Volkswagen France a écrit aux concessionnaires limitrophes pour organiser et administrer la poursuite d'activité des trois sites et a écrit aux clients des trois concessionnaires concernés pour les inviter à consulter son site ou la contacter par un numéro vert.

Le Groupe Volkswagen France a ainsi repris une entité économique dont l'activité était susceptible d'être poursuivie, tout en étant totalement libre de décider ou non d'en reprendre soit immédiatement soit quelques mois plus tard l'exploitation directe ou indirecte ; il ne peut ainsi contester le principe du transfert direct à lui même de l'entité économique avec les conséquences de droit qui y sont attachées.

Il est de jurisprudence constante qu'une activité de concession exclusive d'une marque automobile sur un secteur considéré constitue une entité économique autonome dont le transfert entraîne l'application de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail et que le changement de concessionnaire exclusif entraîne le transfert des contrats de travail, même si la "société sortante" poursuit une activité. De même,il existe un double transfert, l'entité économique étant dans un premier temps transférée au concédant,dans un second temps au nouveau concessionnaire qu'il désigne et, l'article L. 122-12 alinéa 2 s'applique au propriétaire de l'entité économique lorsqu'il en reprend l'exploitation directe.

Il en va de même lorsqu'il la reprend et s'abstient d'en poursuivre l'exploitation, l'allégation de ce qu'il est dans l'impossibilité de poursuivre étant inopérante si la situation résulte de sa volonté propre, comme c'est le cas en l'espèce du Groupe Volkswagen France.

Par deux arrêts du 28 mai 2003, la Cour de cassation a estimé que la société Groupe Volkswagen France ne devait pas se voir appliquer les dispositions de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail au motif qu'elle "n'avait pas effectivement poursuivi ou repris l'activité antérieurement concédée".

Ces arrêts ne peuvent trancher définitivement le litige puisque, dans ces affaires le Groupe Volkswagen France s'était totalement abstenu d'accomplir un quelconque acte positif de poursuite de l'activité de son ancien concessionnaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et qu'ils contreviennent expressément au principe du double transfert de l'entité économique et ajoutent aux conditions prévues par la directive 2001-23-CE du Conseil du 12 mars 2001 "en vue de la poursuite d'une activité économique" une condition tenant à la poursuive "effective " de l'activité qui soumet l'applicabilité du texte au bon vouloir du repreneur.

Ils rendent ainsi obligatoire que soient posées les questions préjudicielles qu'ils ont proposées.

Selon les termes de l'article 21 des contrats de concession les Etablissements Le Troadec devaient lors de la dissolution cesser de vendre les produits, enlever les panneaux et enseignes des marques concernées, transférer les commandes au Groupe Volkswagen France et lui restituer les documents techniques. Par lettres des 8 octobre 2002 et 6 février 2003, il a écrit à ses anciens concessionnaires pour qu'ils indiquent aux clients les noms des concessionnaires réciproques ainsi qu'aux clients, ce qui établit qu'il exploitait les droits attachés à l'exploitation de l'entité économique après la résiliation du contrat.

Si la société Etablissements Le Troadec a embauché certains salariés, qui lorsqu'elle était encore concessionnaire du Groupe Volkswagen France, travaillaient dans cette activité, c'est dans le cadre d'une activité nouvelle, sans reprise d'ancienneté, avec des salaires différents, une période d'essai et pour des durées mensuelles différentes.

Ils n'ont jamais refusé de travailler pour le Groupe Volkswagen France et, au contraire se sont présentés dès le 15 novembre 2002 à son siège, ils ne pouvaient d'ailleurs refuser le transfert qui est d'ordre public.

Ils n'ont commis aucun abus de procédure en saisissant le conseil de prud'hommes d'une demande tendant à voir appliquer un droit reconnu d'ordre public.

A titre subsidiaire, s'il n'était pas jugé que les contrats ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France, il conviendrait que la société Le Troadec soit condamnée sous astreinte à reprendre leur ancienneté.

Faisant soutenir à l'audience ses conclusions auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société Groupe Volkswagen France demande à la cour de:

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a mis hors de cause le Groupe Volkswagen France et a condamné les demandeurs à payer au Groupe Volkswagen France 100 euro chacun au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- mettre hors de cause la société Groupe Volkswagen France;

- débouter Messieurs Dehedin et Lemaistre et la société Etablissements Le Troadec de leur demande de questions préjudicielles;

- dire et juger que le Groupe Volkswagen France n'est pas l'employeur de MM. Dehedin et Lemaistre;

- dire et juger qu'il ne s'est opéré aucun transfert d'entité économique autonome conservant son identité propre d'Etablissements Le Troadec à Groupe Volkswagen France. En conséquence, dire et juger qu'il ne peut y avoir transfert des contrats de travail des salariés demandeurs. En conséquence, débouter MM. Dehedin et Lemaistre et la société Etablissements Le Troadec de toutes leurs demandes à l'égard de Groupe Volkswagen France;

- dire et juger qu'il ne s'est opéré aucune reprise ou poursuite d'activité de Etablissements Le Troadec par la société Groupe Volkswagen France. En conséquence, débouter MM. Dehedin et Lemaistre de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer;

- dire et juger que les salariés demandeurs n'étaient pas exclusivement affectés à l'exécution du contrat de concession. En conséquence, débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer;

- surabondamment, constater que les salariés demandeurs avaient déjà fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas travailler en lien avec Groupe Volkswagen France. En conséquence, débouter MM. Dehedin et Lemaistre de l'ensemble de leurs demandes;

- subsidiairement, dire et juger que les demandes de MM. Dehedin et Lemaistre sont totalement dépourvues de justifications et surévaluées. En conséquence, les en débouter.

- infiniment subsidiairement, si par extraordinaire il était considéré que la société Groupe Volkswagen France est devenu employeur de MM. Dehedin et Lemaistre, salariés de la société Etablissements Le Troadec, dire et juger que les demandes de MM. Dehedin et Lemaistre sont injustifiees et surévaluées. En conséquence, débouter MM. Dehedin et Lemaistre de leurs demandes ou plus subsidiairement, limiter les condamnations aux seuls préjudices effectivement subis et démontrés;

- en tout état de cause,

- débouter MM. Dehedin et Lemaistre et la société Etablissements Le Troadec de toutes leurs demandes;

- condamner MM. Dehedin et Lemaistre et la société Etablissements Le Troadec à payer chacun à la société Groupe Volkswagen France la somme de 1 000 euro d'indemnités au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- condamner MM. Dehedin et Lemaistre aux dépens;

Elle fait essentiellement valoir que:

- La société Etablissements Le Troadec est le seul employeur de Messieurs Dehedin et Lemaistre, ils n'ont, que se soit avant ou après novembre 2002 jamais été rémunérés par cette société qu'elle soit ou ne soit plus signataire des contrats de concession, elle avait seule autorité sur eux.

- Elle n'a quant elle jamais été leur employeur, ni en fait ni en droit puisque, en l'absence de lien de droit entre les employeurs successifs, il faut qu'il y ait transfert d'une entité économique conservant son identité propre, l'activité devant être poursuivie ou reprise.

- La condition selon laquelle l'activité doit être poursuivie ou reprise est systématiquement rappelée par la jurisprudence.

- Il résulte du principe même du statut de concessionnaire que la société Etablissements Le Troadec est un commerçant indépendant, c'est d'ailleurs ce qui la distingue de l'agent commercial et du locataire-gérant, elle était propriétaire du fonds avant la signature du contrat de concession et l'est restée après la résiliation.

- Le concessionnaire est ainsi propriétaire de sa clientèle et le reste après la résiliation, le nier reviendrait à nier qu'il est propriétaire du fonds.

- Propriétaire, le concessionnaire a le droit de céder sa société ou son fonds ou une partie de celui-ci.

- Pendant les deux années de préavis, elle a à plusieurs reprises indiqué au concessionnaire et à l'administrateur judiciaire qu'elle était prête à étudier tout projet de fusion et à donner son accord pour designer un repreneur concessionnaire un repreneur s'est d'ailleurs présenté mais, le concessionnaire et ses salariés se sont opposés à la cession.

Par ailleurs, elle n'a nullement, comme cela est soutenu par les appelants le monopole de la distribution et de l'importation des véhicules de marque Volskwagen ou Audi. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance des circulaires publiées par les Etablissements Le Troadec dans lesquelles ils indiquent qu'ils continuent à en vendre et, la société Etablissements Le Troadec a de multiples autres activités, c'est d'ailleurs ce qui a permis la poursuite d'activité.

Tant la Cour de cassation que la Cour de justice des Communautés européennes que la loi exigent un transfert, notamment d'activité.

Il n'y a en l'espèce pas eu transfert des éléments corporels du fonds, qu'il s'agisse de ses locaux ou installations, il n'y a pas eu non plus transfert de marque ou de clientèle, le fait qu'elle connaisse les noms des acquéreurs de véhicules neufs est sans influence alors que le fichier informatisé des véhicules tenu par l'Administration est accessible à l'ensemble des professionnels de l'automobile et cette connaissance il est nécessaire en tant que débiteur de la garantie et des actions éventuelles de rappel (sic).

Aucune activité de la société Etablissements Le Troadec n'a été reprise ou poursuivie par elle et, l'activité du concessionnaire du Havre n'aurait pu être reprise en réalité que par un autre concessionnaire, la lettre du 8 octobre 2002 qui n'imposait rien à quiconque était seulement la réponse à une question posée par les Etablissements Le Troadec, s'il y a eu transfert partiel, il s'est fait en direction d'autres concessionnaires et le Groupe Volkswagen France n'a pu avoir retenu l'activité pour la retransmettre un jour à un concessionnaire.

Comme le rappelle la Cour de cassation, les dispositions de l'article L. 122-12 ne peuvent s'appliquer qu'en cas de changement de concessionnaire, s'il "entraîne un transfert d'entité économique" qui "conserve son identité" et dont l'activité est poursuivie", à défaut, le transfert serait un non-sens et signifierait que l'emploi et les salaires ne sont pas la contrepartie d'un travail.

Les demandes formulées par les appelants le sont de mauvaise foi, ils n'étaient pas spécialement affectés à l'exécution du contrat de concession et ont conservé leur emploi au sein de la société Etablissements Le Troadec alors qu'ils indiquaient au conseil de prud'hommes en être dépourvus et, leur venue au siège du Groupe Volkswagen France à Villers-Cotterêts le 15 novembre 2002 n'était qu'une mise en scène.

Ils ont de plus fait savoir en l'écrivant au tribunal de commerce qu'ils ne voulaient pas travailler pour le Groupe Volkswagen France et, à supposer que le transfert des contrats de travail devait se faire, les salariés ont parfaitement le droit de le refuser.

Les demandes de question préjudicielles intervenant seulement en cause d'appel sont dilatoires, la Cour de cassation a rendu les 28 mai 2003 deux arrêts extrêmement clairs et la situation de fait et de droit étant claire, il n'y a pas lieu de poser les questions demandées.

- Non seulement les demandes faites sont absurdes dans leur principe mais, elles sont grossièrement surévaluées dans leur quantum.

La société Etablissements Le Troadec bien que régulièrement convoquée n'est ni présente ni représentée.

DISCUSSION

Après que le contrat de concession qui liait la société Etablissements Le Troadec à la société Groupe Volkswagen France ait été résilié par cette dernière, Messieurs Dehedin et Lemaistre, salariés de la société Etablissements Le Troadec ont demandé au conseil de prud'hommes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail, de juger qu'ils étaient devenus les salariés du Groupe Volkswagen France qui n'avait pas conclu de nouveau contrat de concession sur le territoire du Havre.

Il résulte de ce texte que, s'il survient une modification de la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Les appelants demandent, ce texte constituant la transcription d'une directive, que soient posées trois questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes sur l'interprétation de la directive 2001-23 du Conseil du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissement.

En application de l'article 234 du traité, une juridiction nationale saisie d'une question préjudicielle "peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question".

La directive 2001-23 du 12 mars 2001 ne diffèrecependant de la directive 1998-50 du 29 juin 1998 que dans des dispositions sans influence sur le présent litige, et des décisions ont déjà été rendues au visa des dispositions de l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail interprété au regard de la directive 1998-50 du 29 juin 1998 de sorte qu'une décision sur le litige peut être rendue sans qu'il soit nécessaire de poser de question préjudicielle ;les appelants seront déboutés de ce chef.

Hors les cas de reprise ou de cession, les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Ces dispositions sont applicables au commerce automobile, et la concession exclusive d'une marque automobile sur un territoire déterminé constitue une entité économique autonome dont l'activité peut être poursuivie, reprise et donner lieu au transfert des contrats de travail des salariés employés par le concessionnaire sortant au profit du nouveau concessionnaire.

En l'espèce, la concession exclusive dans le secteur du Havre a été retirée à la société des Etablissements Le Troadec et il est constant qu'il n'a pas été conclu de nouveau contrat de concession entre la société Groupe Volkswagen France et une autre entreprise sur le même secteur.

Les appelants soutiennent que la société Groupe Volkswagen France ayant repris l'activité anciennement confiée à son concessionnaire, les contrats de travail dont ils étaient titulaires lui ont été transférés en application des règles d'ordre public posées par l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail auxquelles ils ne pouvaient pas décider eux-mêmes de déroger.

La société Etablissements Le Troadec, ancien concessionnaire, était propriétaire de son fonds, exerçait un commerce indépendant de son concédant et avait de nombreuses autres activités que la distribution des véhicules neufs de marque Volkswagen ou Audi, telles que la réparation, la vente de véhicules d'occasion, d'accessoires.

La résiliation du contrat de concession n'entraînait le transfert vers la société Groupe Volkswagen France d'aucun élément corporel du fonds de commerce, ni des marques, que cette société avait, au cours de l'exécution du contrat, déjà le droit d'utiliser.

Elle n'entraînait pas non plus le transfert de la clientèle, que ne pouvait constituer le fait qu'elle connaisse les noms des clients alors que comme tout professionnel de l'automobile elle avait accès au fichier informatisé des véhicules immatriculés tenu par l'Administration et était en rapport avec eux puisque débitrice de la garantie ; il est ainsi indifférent qu'elle leur ait indiqué ou fait indiquer un numéro de téléphone et un site internet où ils pouvaient la joindre ou soit entrée en contact avec eux.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que la société Groupe Volkswagen France ne pratique des ventes directes que dans des domaines extrêmement restreints, au profit d'une clientèle très limitée telles les loueurs de véhicule, ce qui n'implique pas qu'elle ait repris et exercé l'activité anciennement concédée sur le territoire considéré.

La lettre datée du 8 octobre, qu'elle a adressée aux Etablissements Le Troadec à la suite d'une demande formée par eux-mêmes et dans laquelle elle indique que les clients pouvaient entrer en contact avec des concessions en activité sur des territoires voisins n'implique pas non plus que la société Groupe Volkswagen France aurait poursuivi ou repris l'activité de l'entité économique constituée par la concession sur le territoire du Havre.

Au contraire, les listes d'achats réalisés après résiliation de la concession, par les acheteurs résidant sur le territoire anciennement concédé, auprès de diverses entreprises vendant des véhicules Audi et Volkswagen situées dans une plus ou moins grande proximité du Havre, démontrent que l'entité économique constituée par la concession de vente de ces marques sur le territoire du Havre n'avait pas conservé son identité.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Groupe Volkswagen France n'a accompli aucun acte positif de poursuite de l'activité de son ancien concessionnaire, les Etablissements Le Troadec, et qu'elle n'a ainsi ni repris ni poursuivi effectivement son activité,que, par ailleurs, le contenu de l'entité économique anciennement concédée a été exercé par un grand nombre d'entreprises déterminées par le seul choix des clients, et qu'ainsi, elle n'a pas conservé son identité, "entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire"au sens de l'article 1 du chapitre 1er de la directive 2001-23-CE du 12 mars 2001.

Le jugement entrepris devra en conséquence être confirmé en ce qu'il a mis la société Groupe Volkswagen France hors de causeet a condamné chacun des demandeurs succombant à lui payer la somme de 100 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Etablissements Le Troadec qui ne comparaît pas ne discute pas le dispositif de cette décision jugeant que l'employeur de ces deux salariés est la société Etablissements Le Troadec et que les contrats de travail de Messieurs Dehedin et Lemaistre avec la société Etablissements Le Troadec sont toujours valides.

Alors que Messieurs Dehedin et Lemaistre demandent subsidiairement à ce que la société Etablissements Le Troadec soit condamnée à reprendre leur ancienneté telle que fixée dans les feuilles de paie au 14 novembre 2002, ce dispositif doit être confirmé.

Il ressort de la décision entreprise et non contestée sur ce point que le même contrat de travail, qui est resté valide, s'applique aux relations de Messieurs Dehedin et Lemaistre depuis le début de leur emploi dans cette société, leur demande de condamnation de cette société à tenir compte de l'ancienneté mentionnée dans les bulletins de salaire au 14 novembre 2002 sera satisfaite.

Il n'y a cependant pas lieu de décider d'une astreinte.

Il n'existe en l'espèce aucun élément de nature à faire exception aux dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Messieurs Dehedin et Lemaistre qui succombent seront de ce chef, au titre des frais engagés par elle en cause d'appel condamnés chacun à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 800 euro.

Par ces motifs : LA COUR, Dit n'y avoir pas lieu à poser de question préjudicielle, Confirme la décision entreprise, Y ajoutant, rappelle que les contrats de travail régissant les rapports de Messieurs Dehedin et Lemaistre et de la société des Etablissements Le Troadec étant restés valides, et condamne la société des Etablissements Le Troadec à prendre en compte leur ancienneté telle qu'elle existait au 14 novembre 2001, Condamne M. Dehedin et M. Lemaistre à payer chacun à la société Groupe Volkswagen Franceau titre des frais engagés par elle en cause d'appel la somme de 800 euro, Les condamne aux dépens.