CA Paris, 5e ch. A, 26 janvier 2005, n° 03-01111
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bellevue Auto (SA), Petit (Consorts)
Défendeur :
Groupe Volkswagen France (Sté), Volkswagen AG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
MM. Picque, Roche
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Patrice Monin
Avocats :
Mes Bourgeon, Bricogne (SCP Vogel & Vogel)
Suivant contrats de concession exclusive renouvelés depuis 1977, la société Groupe Volkswagen France (société GVF) importateur et filiale à 99 % de la société de droit allemand Volkswagen AG (société VAG) constructeur automobile sous les marques Volkswagen, Audi, Skoda et Seat, a concédé à la société Garage Claude Petit puis aux sociétés Ardennes Sud Autos (ASA) et Poncelet appartenant au " groupe Petit " successivement dirigé par Claude Petit puis par son fils Raphaël, la distribution de véhicules de marque Volkswagen, Audi et Skoda pour le secteur de Charleville-Mézières et, à compter du début de l'année 1993, pour ceux de Sedan et Rethel, ces contrats de concession ayant été conclus en dernier lieu les 5 décembre 1996 et 17 février 1997 lors de leur mise en conformité avec le règlement d'exemption n° 1475-95 du 28 juin 1995 applicable au secteur automobile, pour la représentation des marques Volkswagen VP, Volkswagen VU, Audi et Skoda et pour une durée indéterminée, par la société GVF avec la seule société Garage Claude Petit ultérieurement devenue Bellevue Auto.
Par lettre recommandée avec AR en date du 19 janvier 1998, la société Groupe Volkswagen France a notifié à la société Garage Claude Petit la " résiliation ordinaire" des quatre contrats assortie d'un préavis de deux ans venant à échéance le 19 janvier 2000.
C'est dans ces conditions que la société Bellevue Auto, Claude et Raphaël Petit ont assigné les sociétés GVF et VAG devant le Tribunal de grande instance de Paris, reprochant au constructeur automobile et à sa filiale française de les avoir placés dans l'impossibilité de faire face à la concurrence des distributeurs belges en particulier de 1990 à 1993, d'avoir abusé de leur droit de résiliation et d'avoir enfreint leurs obligations contractuelles pendant la période de préavis et demandant 15 000 000 F en réparation de ces préjudices, et subsidiairement une mesure d'expertise assortie du versement d'une provision. Les sociétés Groupe Volkswagen France et Volkswagen AG ont conclu au débouté de ces demandes dans leur intégralité et demandé à être indemnisées de leurs frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 27 novembre 2002, le tribunal saisi a débouté la société Bellevue Auto, Claude et Raphaël Petit de toutes leurs demandes formées à l'encontre des sociétés GVF et VAG, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné in solidum la société Bellevue Auto, Claude et Raphaël Petit aux dépens.
Régulièrement appelants, la société Bellevue Auto, Claude et Raphaël Petit prient la cour, par conclusions déposées en dernier lieu le 12 octobre 2004, de :
- réformer le jugement entrepris,
* dire et juger que les sociétés GVF et VAG ont engagé leur responsabilité conjointe en plaçant la société Bellevue Auto dans l'impossibilité de respecter son obligation contractuelle d'assurer une présence compétitive des marques Volkswagen et Audi face à la concurrence belge, en particulier de 1990 à 1993,
- à titre principal, condamner les sociétés GVF et VAG à 7 000 000 F soit 1 067 143 euros,
- subsidiairement, les condamner à payer 533 572 euros à titre provisionnel, et ordonner une expertise aux frais avancés par les intimées aux fins de déterminer l'intégralité du préjudice subi par la société Bellevue Auto de ce chef,
* dire et juger que les sociétés GVF et VAG ont engagé leur responsabilité conjointe, la première par incitation, la seconde par action, en résiliant les trois contrats de concession Volkswagen, Audi et Skoda qui liaient la société GVF à la société Bellevue Auto, pour sanctionner l'activité d'exportation de véhicules neufs des marques du groupe Volkswagen vers l'Allemagne à laquelle se livrait la société Bellevue Auto, ainsi qu'en rétorsion à la diversification multimarque du groupe Echo, et en cessant d'exécuter loyalement les conventions dans le cadre des préavis de résiliation ouverts le 18 janvier 1998,
- condamner en conséquence solidairement les sociétés GVF et VAG à payer à la société Bellevue Auto à titre de dommages-intérêts pour les causes sus énoncées, les sommes de : au titre de la mauvaise exécution du préavis de résiliation, 257 543 euros pour le manque à gagner 1998, 46 386 euros pour le manque à gagner 1999, 37 171 euros pour les pertes de l'exercice 1999, au titre de la résiliation abusive et de la dévalorisation du fonds de commerce de la société Bellevue Auto, 503 082 euros,
* dire et juger que les sociétés GVF et VAG doivent répondre, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, des préjudices personnels qu'elles ont causés à MM. Claude et Raphaël Petit, et les condamner en conséquence solidairement à leur payer :
à M. Claude Petit, 76 225 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel,
à MM. Claude et Raphaël Petit, 1 euro de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
* condamner solidairement les sociétés GVF et VAG sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au paiement de :
12 195 euros,
1 525 euros à M. Claude Petit, d'une part, M. Raphaël Petit d'autre part,
Intimées, les sociétés Groupe Volkswagen France et Volkswagen AG demandent à la cour, par conclusions déposées le 9 novembre 2004, de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il les a déboutées de leur demande en condamnation solidaire des appelants au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouter les appelants de leurs demandes tant principales que subsidiaires à leur égard,
- subsidiairement, si la cour considérait que la société GVF ou la société VAG a engagé sa responsabilité, dire et juger le préjudice invoqué par les appelants surévalué et injustifié, et en conséquence les en débouter,
- condamner solidairement les appelants à leur payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur ce,
Sur les manquements imputés aux sociétés GVF et VAG face à la " concurrence belge "
Considérant que les appelants reprochent à la société GVF d'avoir manqué à ses obligations de concédant, en s'abstenant de prendre les " mesures concrètes " qu'imposait la concurrence faite aux concessionnaires frontaliers français installés dans les Ardennes tels la société Garage Claude Petit par le développement d'importations parallèles en provenance de Belgique notamment entre 1990 et 1993, et soutiennent que cette concurrence était manifestement faussée par la politique de prix menée en Europe par la société VAG, qui a engagé sa responsabilité délictuelle envers la société Petit par son choix délibéré d'avantager les concessionnaires belges ; qu'ils observent que selon le rapport établi en novembre 1991 par la société GVF qu'ils versent aux débats, non contesté en tant que tel, le chiffre des immatriculations dans le département des Ardennes de véhicules provenant de Belgique " pour le premier semestre 1991 " s'élevait à " 39 véhicules de marque Volkswagen et Audi ", et extrapolent cette donnée pour conclure à " un rythme annuel de 80 véhicules neufs " correspondant " à lui seul aux 2/3 de la chute du volume annuel moyen de ses ventes de véhicules neufs " enregistrée par la SA Petit entre les années 1987 à 1989 précédant le développement de la concurrence belge, et les quatre années suivantes (1990-1993);
Mais considérant que ces griefs ne peuvent être accueillis dès lors, en premier lieu, qu'il est constant que la société GVF, importateur exclusif pour la France des véhicules Volkswagen, Audi et Skoda n'exerce cette activité d'importation et de distribution que sur le territoire français;que si les mesures d'aide ou d'accompagnement consenties par un fournisseur aux membres de son réseau ne constituent pas en elles-mêmes une pratique illicite au sens de l'article 81 du traité les interdisant lorsqu'elles ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, dès lors que leurs conditions d'octroi ne sont pas en elles-mêmes critiquables, il n'apparaît pas que la société GVF était tenue de compenser, à les supposer établis, les écarts pouvant apparaître entre les prix pratiqués par son propre réseau et ceux de distributeurs implantés dans d'autres Etats membres et sans lien avec elle,une telle obligation étant étrangère aux clauses convenues entre les parties comme à l'obligation générale d'exécution de bonne foi des conventions inscrite à l'article 1134 du Code civil, étant en outre observé que la société Bellevue Auto admet elle-même avoir bénéficié en réalité d'une aide financière de la société GVF à hauteur de 220 000 F en novembre 1993, précisément pour l' " aider à faire face à [cette] concurrence particulière qui se développe sur votre territoire " ; qu'en second lieu, les appelants ne justifient pas des griefs qu'ils forment à l'encontre de la société VAG sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les premiers juges ayant justement relevé que les écarts des prix de vente à la clientèle pouvant être constatés en particulier dans les pays membres de l'Union européenne sont la résultante de nombreux facteurs, notamment techniques, sociaux, fiscaux ou commerciaux dont ni le constructeur ni ses distributeurs n'ont la totale maîtrise et qui sont liés aux spécificités des marchés nationaux;< /qu'à cet égard, la mesure d'instruction sollicitée par les appelants pour que soit ordonnée la production des conditions tarifaires pratiquées par le constructeur avec sa filiale belge et sa filiale française apparaît sans pertinence pour apprécier la faute délictuelle reprochée à la société VAG et ne peut qu'être rejetée;
Sur la résiliation des contrats de concession
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 1134 du Code civil que dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n'a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l'alinéa 3 de ce même article, offerte aux deux parties;
Considérant que les appelants soutiennent tout d'abord que les motifs de la rupture des contrats de concession tels que mentionnés dans le courrier du 19 janvier 1998 ne sont pas établis, cette seule circonstance suffisant à démontrer le caractère abusif de cette résiliation;
Mais considérant que les premiers juges ont rappelé à bon droit que selon les dispositions des articles 18 des contrats de concession, conclus pour une durée indéterminée, il était loisible au concédant comme au concessionnaire d'en décider la résiliation " ordinaire " sans avoir à justifier d'un motif; par lettre recommandée avec AR adressée à l'autre partie et sous réserve d'un préavis de 24 mois, et que tel a été le cas en l'espèce; qu'il sera seulement ajouté que les dispositions contractuelles convenues entre les parties sont conformes à celles de l'article 5.2 du règlement européen CE n° 1475-95 du 28 juin 1995 concernant l'application de l'article 81 § 3 du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, alors en vigueur; qu'il s'ensuit qu'est sans portée le fait que le courrier notifiant cette résiliation mentionne certains griefs faits au concessionnaire et notamment le fait d'avoir obtenu ou tenté d'obtenir indûment des subventions " loueur " ou " ventes sociétés " à l'occasion de l'exportation de véhicules neufs, dès lors comme en l'espèce qu'ont été respectées les conditions formelles de résiliation des contrats et que cette résiliation a été assortie du préavis prévu par les dispositions contractuelles et réglementaires applicables à la résiliation " ordinaire " des contrats;
Considérant que les appelants font valoir, ensuite, que cette résiliation a revêtu un caractère abusif en raison des circonstances qui l'ont accompagnée ; qu'ils incriminent à ce titre le non-respect de lourds investissements engagés entre 1993 et 1997 par la société Bellevue Auto "en plein accord avec la société GVF" pour assurer le développement de son activité lors de la reprise des concessions de Sedan et Rethel, notamment la construction en 1997 d'un hall d'exposition de 250 m2 pour représenter la marque Skoda à Charleville, un tel investissement étant l'évidence incompatible avec la décision de résiliation notifiée quelques mois plus tard;
Mais considérant qu'il n'est pas justifié par les appelants d'importants investissements imposés par le concédant à l'occasion de ces reprises et dont la décision de résiliation des contrats aurait compromis l'amortissement, seul le montant global de diverses dépenses réalisées par chacune des sociétés pour les années 1993 à 1997 étant fourni dans l'attestation de leur commissaire aux comptes sans que soit détaillée la nature de ces dépenses qui englobent " agencements (...) aménagements divers (...) matériel de bureau et informatique ", ainsi que l'ont constaté les premiers juges par de justes motifs que la cour adopte ; que l'intervention du concédant dans les travaux réalisés en 1997 à Charleville, formellement contestée par les intimées qui répliquent n'avoir jamais exigé ces investissements décidés par leur seul concessionnaire, n'est étayée d'aucune preuve, le courrier mentionnant ce grief, établi par la société Bellevue Auto le 19 février 1998 postérieurement à la notification de la résiliation du contrat et versé aux débats par les appelants ne pouvant en tenir lieu, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même;
Que ce grief ne peut qu'être rejeté;
Sur les fautes reprochées aux sociétés GVF et VAG pendant l'exécution du préavis
Considérant que les appelants reprochent aux intimées de s'être employées, au travers de la société GVF, à retirer toute portée utile au préavis de résiliation ordinaire de deux ans notifié à la société Bellevue Auto le 19 janvier 1998, tout d'abord en divulguant dès le printemps 1998 la décision de résiliation aussi bien aux professionnels locaux qu'au grand public, alors que l'article 21 du contrat résilié n'ouvre une telle faculté que dans les dentiers 6 mois du préavis, ces pratiques ayant ou pour effet de déstabiliser commercialement le concessionnaire;
Qu'il n'est pas justifié toutefois d'une divulgation auprès des professionnels et du public de la résiliation des contrats dès le printemps 1998, dans des conditions ayant pu lui porter grief, les intimées observant sans être utilement contredites que les contacts ponctuels pris avec d'éventuels repreneurs pendant cette période l'avaient été dans l'intérêt du concessionnaire et pour faciliter urne cession éventuelle;
Considérant que les appelantes reprochent, ensuite, à la société GVF et au constructeur VAG :
- d'avoir fixé des objectifs de vente " réalistes " (sic), tout en refusant jusqu'en novembre 1998 d'en communiquer les modalités de calcul,
- d'avoir refusé à la société Bellevue Auto, pendant l'exécution de ce préavis soit en 1998 et 1999, le bénéfice des conditions qui lui étaient habituellement accordées pour les ventes de véhicules neufs à des sociétés de location ou à des sociétés commerciales, la privant ainsi d'environ 15 % de son chiffre d'affaires;
Considérant que ces griefs sont fondés : qu'il résulte en effet de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 3 mai 1999 auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Charleville-Mézières par la société GVF, qu'elle verse aux débats, qu'elle-même avait passé avec les membres de son réseau en 1997 des protocoles par lesquels elle s'engageait à leur verser des aides concernant notamment les ventes de véhicules neufs à des sociétés de location assorties d'un engagement de rachat des concessionnaires au terme d'une certaine période stipulée dans les accords de vente, les concessionnaires s'engageant aux termes de ces protocoles à ne pas reprendre les véhicules avant un délai de quatre mois et s'interdisant toute revente de ces véhicules dans cette même période ; qu'il est constant que ces primes payées à la société Bellevue Auto pour les années 1996 et 1997, ont été versées par l'importateur aux membres de son réseau au cours des exercices suivants; que la société VAG reprochait notamment à son concessionnaire, dans cette plainte pénale et dans son courrier de résiliation du 19 janvier 1998, de n'avoir pas respecté les conditions définies par ces accords, pour obtenir ou tenter d'obtenir indûment des aides financières et faisait état d'une vérification effectuée par ses services au 30 septembre 1997 ayant fait apparaître, notamment, que sur 65 véhicules livrés respectivement aux sociétés de location Arloc franchisée Avis et Roumy Auto Location, 61 "auraient" été revendus et/ou exportés avant l'expiration de la période de quatre mois en violation des règles fixées par ces protocoles;
Que toutefois ces griefs ont été formellement contestés par la société Bellevue Auto dès son courrier du 19 février 1998; que l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 18 avril 2002 confirmant la condamnation de Raphaël Petit des chefs de faux et usage de documents administratifs ne porte pas sur ces faits mais sur la falsification de cartes grises aux fins d'obtenir le versement des primes dites "qualité automobile " prévues par le décret du 19 octobre 1995 ; que la société VAG n'a plus fait état dans ses courriers ultérieurs des "primes indues" dont elle exigeait le 19 janvier 1998 le remboursement sous trois mois pour un montant de 293 935 F et que plus encore, les primes " loueur " et " sociétés " réclamées par la société Bellevue Auto pour l'année 1997 lui ont été finalement payées, la production par la société GVF d'une note de crédit du 29 novembre 1998 à la société Petit intitulée "rem. s/ vente loueur " d'un montant de 631 502 F sans qu'en soit fourni le détail, pouvant être rapprochée du courrier qui lui était adressé le 20 juillet 1998 par le conseil de la société Petit, maintenant le refus de cette dernière de restituer les primes déjà versées et réclamant notamment, " au titre des primes dites loueurs pour 1997", un versement supplémentaire de 330 348,71 F;
Que la décision de la société VAG de priver son concessionnaire du bénéfice de ces protocoles dès le début de l'année 1998 et pour toute la durée du préavis, dénoncée par le conseil de la société Bellevue Auto dans plusieurs courriers notamment du 20 juillet 1998 précité et du 31 décembre 1998, sans réponse ni contestation sur ce point de la société GVF dans ses courriers du 24 juillet 1998 puis du 22 janvier 1999, apparaît dès lors non justifiée, et a engagé la responsabilité contractuelle du concédant envers son concessionnaire, non seulement au regard des engagements pris et de la privation des primes correspondantes, mais aussi du fait de ses répercussions sur la compétitivité de la société Bellevue Auto, privée du soutien qui lui avait permis de réaliser une part substantielle de son chiffre d'affaires ; qu'à cet égard, le grief de la société Bellevue Auto, tiré du caractère irréaliste des objectifs fixés par le concédant pour l'année 1998 et de l'opacité de ses modalités de calcul apparaît également fondé, la société GVF n'étant pas fondée à lui opposer son "refus de signer le moindre objectif pour l'année 1999"; que la société VAG sera mise hors de cause, l'intervention du constructeur dans cette décision n'étant pas établie;
Considérant que la société Bellevue Auto fait valoir sans être utilement contredite que le montant global des primes perçues au titre de ses ventes de véhicules neufs qui s'élevait pour les années 1996 et 1997 à 4,8 % en moyenne du montant total de ses achats de véhicules neufs auprès du concédant, a été ramené à 1,1 % en 1998 et à 1,5 % en 1999, soit un manque à gagner global de 720 929 euros, les appelants faisant observer à juste raison que l'exclusion du bénéfice des protocoles " loueurs " les a placés dans l'impossibilité de réaliser les objectifs définis par le concédant et par suite de recevoir les primes d'objectifs correspondantes; qu'il n'y a pas lieu en revanche d'y ajouter le montant des pertes enregistrées pour l'exercice 1999, sauf à comptabiliser deux fois le même préjudice;
Sur les demandes formées à titre personnel par Claude et Raphaël Petit
Considérant qu'il y a lieu de rejeter les demandes indemnitaires de Claude et Raphaël Petit à titre personnel, le préjudice matériel allégué par Claude Petit pour l'assistance apportée à la restructuration du groupe Petit, et le préjudice moral invoqué par l'un et l'autre n'étant pas justifiés;
Considérant qu'il convient de confirmer partiellement la décision entreprise;
Qu'il est équitable que la société Bellevue Auto soit indemnisée de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, pour lesquels lui seront alloués 5 000 euros;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, Confirme partiellement la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Bellevue Auto au titre du préavis et statué sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que sur les dépens, Et statuant à nouveau, Dit que la société GVF a commis une faute en refusant à la société Bellevue Auto pendant l'exécution du préavis, le bénéfice des protocoles "loueurs " et " sociétés ", Condamne la société GVF à payer à la société Bellevue Auto 720 929 euros en réparation de son manque à gagner pendant la durée d'exécution du préavis en 1998 et 1999, Met la société VAG hors de cause, Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives, Condamne la société GVF à payer 3 000 euros à la société Bellevue Auto au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers droit de recouvrement direct pour la SCP Fisselier Chiloux Boulay.