Cass. com., 2 mars 1999, n° 96-12.071
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Guyanaise A. Simon (Sté), Lavergne (ès qual.)
Défendeur :
Feraud-Prax (ès qual.), Sud-Est matériel TP Sosem (Sté), Fiat Allis France (Sté), Fiat Geotech France (Sté), New Holland France (Sté), Fiatallis France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Mes Capron, Blondel, SCP Defrenois, Levis
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 19 décembre 1995), que la société Guyanaise A. Simon (société Simon) a acquis, par l'intermédiaire de la société Sud-Est matériel TP Sosem (société Sosem), concessionnaire Fiat, divers matériels de travaux publics ; qu'alléguant l'existence de vices cachés et d'un défaut de conformité du matériel ainsi que l'inexécution des obligations contractuelles, la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire, M. Lavergne, et le représentant de ses créanciers, M. Bès, ont assigné les sociétés Fiat-France et Sosem et demandé la résolution des contrats de vente, le remboursement du prix des matériels et le paiement de dommages-intérêts ; qu'en cours d'instance, la société Sosem a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. Feraud-Prax, auquel a succédé depuis Mme Rafoni, étant désigné liquidateur judiciaire ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire et le représentant de ses créanciers reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande à l'égard de la société Fiat France alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fabricant qui distribue ses produits par un réseau de concessionnaires doit, dans ses relations avec les clients de son concessionnaire, agir avec bonne foi et dans le respect de la loyauté commerciale ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société Fiat France n'a pas manqué à la bonne foi et à la loyauté commerciale, quand elle s'est abstenue, lors de la livraison en particulier, de révéler, comme elle le savait, puisqu'elle l'avait "marqué" à son concessionnaire, que les engins vendus à la société Simon étaient impropres au travail dans les rizières de la Guyane, la cour d'appel a privé sa décision de base légale sous le rapport de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire et le représentant de ses créanciers faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que la société Fiat France était, dès le départ, au courant de l'emploi auquel la société Simon destinait les engins qu'elle avait achetés à la société Sosem ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, lequel était propre à établir que la société Fiat France avait manqué à la bonne foi et à la loyauté commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
Mais attendu, d'une part, qu'à l'égard du sous-acquéreur, la responsabilité encourue par le concédant, fabriquant des matériels qu'il a vendus au concessionnaire, est de nature contractuelle ; que dès lors, la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire et le représentant de ses créanciers ne sont pas fondés à invoquer, dans les rapports avec le concédant du fait de ces ventes, la violation de l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que la preuve de l'intervention de la société Fiat France, en qualité de concédante, dans les négociations entre la société Sosem et la société Simon n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises, n'a pas encouru le grief de la seconde branche ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen : - Met, sur sa demande, hors de cause la société New Holland France qui n'est pas concernée par les dispositions attaquées par ce moyen ; - Vu l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ; - Attendu qu'après avoir relevé que la société Sosem avait été mise en redressement judiciaire le 22 décembre 1989 et qu'elle avait été assignée le 26 septembre 1990 en résolution des contrats de ventes conclus avant le jugement d'ouverture, en remboursement du prix des matériels livrés et en paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel énonce qu'en application de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, dont les prévisions sont réunies en l'espèce, la demande dirigée par la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire et le représentant de ses créanciers contre la société Sosem est irrecevable ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que, si le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Sosem emportait à l'égard de la société Simon, de l'administrateur de son redressement judiciaire et du représentant de ses créanciers interdiction d'introduire, pour une créance ayant une origine antérieure à ce jugement, une action tendant au paiement d'une somme d'argent, de sorte que la juridiction saisie de cette action ne pouvait, ni constater une telle créance, ni en fixer le montant, l'action en résolution des contrats de vente fondée sur une cause autre que le défaut de paiement d'une somme d'argent n'entrait pas dans les prévisions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en interdisant une telle action à la société Simon, à l'administrateur de son redressement judiciaire et au représentant de ses créanciers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en résolution des contrats de vente dirigée par la société Simon, l'administrateur de son redressement judiciaire et le représentant des créanciers contre la société Sosem représentée par son liquidateur judiciaire, l'arrêt rendu le 19 décembre 1995, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Montpellier.