CA Paris, 7e ch. A, 27 mai 2003, n° 2001-18731
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Zandotti
Défendeur :
Eurofil (Sté), GA Vox (Sté), CGU Insurance LTD (Sté), General Accident (Sté), Gan Eurocourtage IARD (Sté), CGU Courtage (Sté), Aviva Assurances (Sté).
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aldige
Conseillers :
M. Renard-Payen, Mme Le Gars-Stone
Avoués :
SCP Bolling Durand Lallement, Mes Huyghe, Teytaud, SCP Roblin Chaix de Lavarenne, SCP Varin-Petit
Avocats :
Mes Atias, Meyer, Barthes, Parard, Vatier
Michel Zandotti, expert-conseil en automobile était régulièrement missionné par plusieurs compagnies d'assurance qui lui ont notifié au mois de mars 1999 qu'il ne figurait plus sur la liste de leurs experts-conseils.
Sur les assignations délivrées par M. Zandotti contre les sociétés Abeille Assurances, CGU Courtage, CGU Insurance PLC et Eurofil à fin de voir juger que ces assureurs ou courtiers en assurance ont mis fin de façon fautive à un mandat d'intérêt commun, et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de revenus et des avantages induits par la fonction d'expert-conseil, le Tribunal de grand instance de Paris par jugement du 5 juillet 2001 a mis hors de cause la société Eurofil, débouté M. Zandotti de l'ensemble de ses prétentions à l'encontre des autres sociétés, a rejeté leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et a condamné M. Zandotti à payer à chacune la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 26 octobre 2001, M. Zandotti a relevé appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de M. Zandotti du 4 avril 2003 tendant à:
- dire et juger que les sociétés Gan Eurocourtage IARD venant aux droits de CGU Courtage, Aviva anciennement dénommée Abeille Assurances, Eurofil venant aux droits de GA Vox et CGU Insurance PLC anciennement General Fire and life ne peuvent se prévaloir d'aucune cause d'irrecevabilité et les débouter de toutes leurs demandes.
- constater par application des articles 1134 et 1135 du Code civil que la convention-cadre unissant les parties caractérisée par leur collaboration stable et régulière constituait un mandat d'intérêt commun insusceptible comme tel de résiliation unilatérale,
- constater que les sociétés intimées ont méconnu leurs obligations conventionnelles et doivent être condamnées à réparer les conséquences de l'attitude par laquelle elles se sont au moins associées à l'action concertée menée à l'occasion de la restructuration,
- constater subsidiairement en application de l'article 1382 du Code civil que des relations stables, régulières et continues depuis vingt ans, constitutives d'un courant d'affaires établi, ont été abusivement et fautivement rompues brutalement et sans motifs légitimes,
- condamner in solidum les sociétés, en réparation de la perte de revenus résultant directement de la collaboration convenue et poursuivie pendant de nombreuses années, à lui payer la somme de 300 000 euro avec intérêts de droit à compter de la présente assignation,
- les condamner in solidum en réparation de la perte des avantages induits par la fonction d'expert-conseil qui attire une clientèle importante à lui payer la somme de 300 000 euro,
- subsidiairement,
- constater que les sociétés Aviva, Abeille Assurances, Eurofil, et CGU Insurance PLC ont méconnu leurs obligations conventionnelles, engagé leur responsabilité et doivent être condamnées en conséquence à réparer les conséquences de leur attitude sous déduction seulement des sommes mises à la charge de Gan Eurocourtage IARD venant aux droits de CGU Courtage,
- les condamner in solidum, en réparation de la perte de revenus résultant directement de la collaboration convenue et poursuivie pendant de nombreuses années, à lui payer la somme de 100 000 euro chacune avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
- les condamner in solidum en réparation de la perte des avantages induits par la fonction d'expert-conseil qui attire une clientèle importante à lui payer chacune la somme de 100 000 euro avec intérêts dans les mêmes conditions,
- condamner in solidum les sociétés Gan Eurocourtage IARD, Aviva Assurances, Eurofil et CGU Insurance PLC à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile mais aussi en tenant compte du temps pris sur son activité professionnelle et du travail accompli.
Vu les dernières conclusions de la société Eurofil du 14 février 2003 tendant à :
- dire et juger irrecevable la procédure diligentée à son encontre, confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a mise hors de cause et débouter en conséquence M. Zandotti de toutes ses demandes,
- le condamner à lui payer les sommes de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Gan Eurocourtage IARD venant aux droits de la société CGU Courtage du 4 mars 2003 tendant à:
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. Zandotti à l'encontre de la société CGU Courtage et prononcer sa mise hors de cause,
- dire et juger que la société CGU Courtage ne vient nullement aux droits des sociétés Abeille Assurances, General Accident Fire and Life Assurance Corporation PLC et GA Vox et déclarer en conséquence totalement irrecevables les demandes de M. Zandotti à l'encontre de la société CGU Courtage en raison des relations contractuelles qu'il a pu entretenir avec ces sociétés,
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ne ferait pas droit à l'exception d'irrecevabilité qu'elle soulève, dire et juger M. Zandotti mal fondé en ses prétentions et l'en débouter,
- dire et juger que M. Zandotti a délibérément abusé du droit d'ester en justice et le condamner en conséquence à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive,
- le condamner en outre à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Aviva Assurances anciennement dénommée Abeille Assurances du 1er avril 2003 tendant à la confirmation du jugement entrepris, au débouté des demandes de M. Zandotti et à sa condamnation à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société CGU Insurance PLC du 1er avril 2003 tendant à :
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande formée par M. Zandotti à son encontre et prononcer sa mise hors de cause,
- subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à l'exception d'irrecevabilité qu'elle soulève, déclarer M. Zandotti mal fondé en ses prétentions et l'en débouter,
- la recevoir en sa demande reconventionnelle et condamner M. Zandotti à lui régler les sommes de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Sur ce, LA COUR;
Considérant, sur les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les sociétés Eurofil, CGU Insurances PLC et Gan Eurocourtage IARD venant aux droits de la société CGU Courtage, qu'il convient de rappeler que M. Zandotti, expert automobile, était régulièrement missionné depuis de longues années par les société Abeille Assurances, General Accident et GA Vox, que le fondement de ses demandes étant le préjudice que lui aurait causé la rupture unilatérale de la mission générale d'expert-conseil en automobile qu'il exerçait auprès de ces sociétés outre les missions d'expertise qui lui étaient confiées et qu'il qualifie de mandat d'intérêt commun, il importe de rechercher, comme le rappelle justement le premier juge et pour apprécier le mérite de ses exceptions, si à la suite de la fusion intervenue entre les sociétés de droit anglais et écossais Commercial Union PLC et General Accident Fire and Life Assurance Corporation PLC, et des transferts de portefeuilles d'assurances qui en a découlé, les trois sociétés qui soulèvent cette exception géraient ou se seraient vu transmettre des contrats d'assurances sur lesquels M. Zandotti auraient eu à pratiquer des expertises ou à exercer la mission qu'il invoque d'expert-conseil;
Considérant que la société Eurofil est cessionnaire d'une partie du portefeuille de la société GA Vox, filiale de la société General Accident Fire and Life Assurance Corporation, que la société GA Vox n'est pas une compagnie d'assurance mais un courtier apporteur d'affaires par une activité de vente directe par téléphone à sa société mère, que c'est uniquement cette activité qui a été transmise et que la société Eurofil n'est donc pas concernée par les relations contractuelles liées entre General Accident Fire and Life Assurance Corporation et M. Zandotti, qu'elle sera donc mise hors de cause;
Considérant par contre que la société CGU Insurance PLC, succursale française de la société General Accident Fire and Life Assurance Corporation PLC, a transmis au mois de décembre 1998, à la suite de la fusion de cette société avec la société Commercial Union Assurances PLC, une partie de son portefeuille d'assurances à la société CGU Courtage, filiale d'une filiale française de la société britannique Commercial Union PLC et devenue Gan Eurocourtage IARD ; que ce portefeuille comprenait notamment les contrats d'assurances automobile rentrant dans le cadre de la mission d'expert-conseil alléguée par M. Zandotti et qu'elle a donc participé à leur exploitation ainsi que le relève le premier juge et que l'action dirigée par M. Zandotti contre cette société est donc recevable;
Qu'il en est de même de la société CGU Courtage aux droits de laquelle vient la société Gan Eurocourtage IARD et qui s'est vu confier une partie du portefeuille d'assurance de la succursale française de la société General Accident Fire and Life Assurance Corporation PLC;
Considérant enfin que la société Aviva Assurances est la nouvelle dénomination de la société Abeille Assurances laquelle serait liée avec M. Zandotti par le mandat d'intérêt commun qu'il invoque, que les demandes qu'il formule contre cette société sont donc également recevables en la forme;
Considérant, sur le fond, que par courrier en date du 30 mars 1999 émanant du Groupe Commercial Union M. Zandotti était informé que par suite de la fusion GA-CU (General Accident et Commercial Union) et de l'harmonisation du réseau d'experts automobiles " nous avons le regret de vous informer qu'à compter du 1er juillet 1999 l'harmonisation de notre réseau d'expert automobiles conduit à ce que vous ne figuriez plus sur les listes d'experts agréés CGU Courtage-CGU Abeille.
Aussi nous vous remercions de prendre note que vous ne recevrez plus de missions de notre part à compter de cette date.
Cette décision n'est aucunement liée à une question de compétence mais seulement à une concentration de nos missions sur un nombre plus restreint d'experts automobiles commun avec CGU Abeille. Vous remerciant de votre collaboration passée et vous exprimant à nouveau nos regrets, nous vous prions d'agréer... "
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. Zandotti était chargé, indépendamment des missions d'expertise qui lui étaient confiées, d'une mission d'expert-conseil, que par une note en date du 7 janvier 1986 de General Accident, les experts automobiles étaient avisés de ce que "à compter du 1er janvier 1986 nous avons décidé de réorganiser notre réseau d'experts en automobile et avons désigné M. Michel Zandotti en qualité d'Expert-Conseil Régional dans le cadre de nouvelles mesures de précautions expertales...", que les différents relevés d'honoraires produits par l'appelant font apparaître une distinction entre "expertise de terrain" et "expertise-conseil", que selon une note en date du 1er janvier 1987 à l'en-tête de General Accident la mission de l'expert-conseil est "de concourir à la qualité de l'expertise et de la réparation automobile", qu'il "est consulté pour avis technique, à l'initiative du centre de gestion ou de l'expert de terrain ";
Considérant que dans le cadre des missions d'expertise ponctuelles confiées à un expert, celui-ci exerce sa mission en toute indépendance ainsi que le prévoit la loi du 11 décembre 1972 relative à la profession d'expert automobile qui prohibe en son article 5 la détention pour un expert automobile d'une charge d'officier public ou ministériel ou de toutes activités touchant à l'automobile;
Considérant que M. Zandotti était également chargé, ainsi qu'il résulte de la note susvisée du 7 janvier 1987, d'une mission qui peut s'analyser en une mission d'assistance technique dans le cadre de l'expertise automobile,que cette assistance purement technique n'avait pas pour finalité de concourir à l'accroissement d'une clientèle qui constituerait un bien commun par une activité complémentaire de celle des compagnies d'assurances,qu'il n'est donc pas fondé à invoquer l'existence d'un mandat d'intérêt commun dont il ne pourrait être mis fin unilatéralement;
Considérant qu'en l'absence de tout engagement écrit précisant la durée de cette collaboration et les modalités d'une rupture, chaque partie conservait donc la faculté d'y mettre fin à tout moment sous réserve d'un délai de préavis raisonnable, qu'en l'espèce M. Zandotti a été avisé par courrier du 30 mars 1999 avec effet au 1er juillet 1999 qu'il était mis fin à sa mission d'expert-conseil et d'expert automobile, qu'il ne peut donc invoquer une rupture brutale et inopinée susceptible de constituer un abus de ce droit de résiliation unilatérale prise dans le cadre d'une réorganisation du réseau d'expertise et qu'il ne justifie pas de manœuvres concertées et malveillantes dans le but de l'évincer, que le jugement entrepris sera donc confirmé;
Considérant que M. Zandotti ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, la présente procédure n'apparaît pas manifestement abusive, que les sociétés Eurofil, Eurocourtage et CGU Insurance PLC seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts;
Considérant qu'en équité il sera alloué à chacune de ces trois sociétés la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, que M. Zandotti qui succombe en son appel ne peut prétendre à l'application de cet article.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit M. Zandotti en son appel: Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris; Y ajoutant, déboute les sociétés Eurofil, Gan Eurocourtage et CGU Insurance de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et M. Zandotti de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le condamne aux dépens d'appel et à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Admet leurs avoués au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.