CA Reims, ch. civ. sect. 1, 23 juin 1999, n° 2483-96
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mestriaux (Epoux)
Défendeur :
Oriolo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Ciabrini
Conseillers :
M. Fau, Mme Rouviere
Avoués :
Mes Chalicarne Delvincourt Jacquemet, Genet & Braibant
Avocats :
SCP Delgenes-Vaucois, Me Boucher
Faits et procédure ;
Par acte notarié du 25 mars 1994 les époux Mestriaux vendaient à Monsieur Oriolo et à Madame Lucie Perol une maison d'habitation située à Charleville-Mézières, 11, allée des Hêtres pour le prix de 740 000 F.
Le 11 avril 1994, un constat d'huissier était établi contradictoirement, mentionnant la présence d'une mare d'eau en sous-sol.
Des travaux d'assainissement réglés par les époux Mestriaux étaient effectués par Janlin (SARL).
Le 9 juin 1994, Monsieur Oriolo et Madame Perol informaient les époux Mestriaux de l'inefficacité des travaux et les mettaient en demeure de réaliser un drainage derrière la maison, faisant état d'un engagement pris par eux en ce sens.
Les époux Mestriaux ne se manifestaient pas et un nouveau constat était dressé non contradictoirement le 5 juillet 1994.
Le 26 juillet 1994, Monsieur Oriolo obtenait en référé la désignation d'un expert, Monsieur Billaudelle, qui rédigeait un rapport le 3 novembre 1994, concluant que "seule la création d'un drainage extérieur pouvait de façon durable remédier aux infiltrations". Il en chiffrait le coût à 79 725 F HT.
Monsieur Oriolo assignait les époux Mestriaux en paiement de cette somme soit 94 553,85 F TTC, réclamant en outre 3 500 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Moyens des parties
Les époux Mestriaux critiquent le jugement qui a fait droit à cette demande considérant qu'il y avait eu aveu de leur part quant à l'obligation de garantie alors qu'aux termes du contrat de vente, les vendeurs ne peuvent être tenus, ni des vices apparents, ni des vices cachés dès lors qu'ils les ignoraient. Ils prétendent que Monsieur Oriolo ne démontre pas qu'ils avaient connaissance du vice caché qui n'existait pas lors de la vente, produisant des attestations en ce sens, et attribuant le phénomène à des travaux de rénovation exécutés par Monsieur Oriolo début avril 1994.
Ils contestent tout aveu de l'existence d'un vice caché, n'ayant accepté de prendre en charge les travaux réalisés par la société Janlin que par "courtoisie" pour régler le litige à l'amiable.
A titre subsidiaire, ils font valoir que Monsieur Oriolo ne prouve pas l'inefficacité des travaux réalisés consistant notamment en "pose de drains", prétendant que Monsieur Oriolo:
- aurait dû attendre l'expiration du délai de 3 mois fixé par la société Janlin pour disparition de l'humidité,
- a démonté les travaux qu'elle a réalisés et continué à aménager le sous-sol, en conséquence de quoi le constat établi, après passage des entreprises Perrin et Del Din ne démontre pas l'inefficacité de ces travaux,
- n'a pas demandé à la société Janlin de les reprendre et n'a pas fait dresser contradictoirement le deuxième constat.
ils contestent s'être engagés à faire effectuer un drainage derrière la maison si les travaux réalisés par cette société s'avéraient inefficaces, ainsi que l'attestation de Monsieur Jourdain et réclament 30 000 F de dommages et intérêts arguant de la mauvaise foi de Monsieur Oriolo.
A titre infiniment subsidiaire, ils contestent le rapport d'expertise fait sur des bases erronées puisque l'expert:
- n'a pu vérifier si le drainage effectué par la société Janlin étaient insuffisant puisqu'il avait été démonté par Monsieur Oriolo,
- a préconisé la création d'un drainage périphérique sans sondage préalable permettant de vérifier s'il existe ou non un drainage extérieur.
Ils sollicitent 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Oriolo conclut à la confirmation du jugement demandant d'ajouter une condamnation à 30 000 F de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
Il fait valoir que:
* les éléments de la cause démontrent la connaissance par les époux Mestriaux du vice affectant l'immeuble qu'ils ont dissimulé par la pose d'une dalle de béton, critiquant les attestations produites,
* il y a bien eu aveu des époux Mestriaux par la prise en charge des travaux effectués par la société Janlin, la simple courtoisie ne le justifiant pas à l'égard de l'inconnu qu'il était pour les époux Mestriaux, ni le fait qu'ils aient pensé que les flaques étaient causées par les inondations locales exceptionnelles,
* le carreleur à qui les époux Mestriaux imputent les désordres, les a décelés avant de commencer les travaux,
* le fait qu'il a débarrassé la cave de son revêtement d'argile n'est pas la cause de l'humidité mais l'a mise en évidence.
Il soutient ne pas avoir démonté les travaux réalisés par la société Janlin qui ne comportaient pas la pose de drains et se sont révélés inefficaces ce pourquoi il mis en demeure les époux Mestriaux de réaliser le drainage derrière la maison auquel ils s'étaient engagés et, devant leur carence, a demandé un devis à l'entreprise Del Din,
Il oppose le coût important d'un sondage aux critiques des époux Mestriaux du rapport d'expertise.
En réplique ceux-ci font observer que :
- Monsieur Oriolo admet qu'ils entreposaient leurs bois dans le local prétendument humide ce qui est contraire à toute logique,
- il a cherché à obtenir par tous moyens de l'agent immobilier une attestation certifiant l'humidité de la cave,
- ils n'ont pas modifié le sous-sol contrairement à Monsieur Oriolo qui, par un décaissement abusif le 23 juin 1994, a provoqué l'apparition de nouvelles fuites.
Monsieur Oriolo souligne quant à lui que les époux Mestriaux ont bien modifié le local pour pouvoir y entreposer leur bois ayant ajouté notamment la dalle de béton, travaux sans doute à l'origine de l'humidité, réalisés postérieurement à l'occupation de l'immeuble par Monsieur Leclet et Madame Petel qui n'ont donc pas pu constater d'humidité qui préexistait cependant à l'acquisition faite par lui-même de l'immeuble.
Ils font valoir que prévenus de la persistance du désordre, il incombait aux époux Mestriaux de contacter l'entreprise Janlin.
Par conclusions complémentaires les époux Mestriaux contestent l'analyse faite par les premiers juges du constat du 11 avril 1994 soutenant que:
* la somme qu'ils proposaient de payer n'ayant jamais été déterminée, le principe de l'accord n'est pas parfait,
* ils n'ont jamais reconnu avoir eu connaissance du vice avant le vente et qu'en l'absence d'aveu sur ce fait, la reconnaissance de responsabilité est sans valeur, n'explicitant pas les faits qui la justifient.
SUR QUOI
Attendu que l'aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques;
Attendu en conséquence que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur un point de fait et non de droit;
Attendu qu'en l'espèce, les époux Mestriaux ont certes pris en charge les frais d'assainissement effectués par la société Janlin, ce qui est qualifié de reconnaissance de responsabilité;
Mais, attendu qu'aux termes du constat du 11 avril 1994 dans lequel Monsieur Mestriaux proposait de prendre en charge les travaux nécessaires "à hauteur d'une certaine somme qu'il conviendra de fixer", il précisait "qu'il ignorait la présence de cette mare à cet endroit";
Attendu qu'il n'y a donc eu aucun aveu portant sur le fait de l'existence d'humidité, niée au contraire, que dès lors, le tribunal ne pouvait valablement considérer que "l'attitude des défendeurs est constitutive d'un aveu quand à l'obligation juridique", point de droit qui n'en n'est pas susceptible sauf à expliciter les faits qui le justifient, qui sont au contraire niés en l'espèce, partie de la déclaration omise par le tribunal;
Attendu qu'en l'absence d'aveu sur les faits, il convient de s'en tenir aux termes de l'acte de vente selon lesquels tout recours contre le vendeur est exclu pour les "vices de toute nature
- soit apparents, et dont l'acquéreur a pu se convaincre lui-même,
- soit cachés, dès lors qu'ils étaient inconnus du vendeur";
Attendu que l'existence d'une humidité importante confirmée par l'expertise, est établie à la date du 11 avril 1994 soit moins de un mois après la vente;
Attendu qu'il incombe à Monsieur Oriolo de prouver que ce vice non décelé par un certain nombre de personnes comme l'établissent les attestations produites par les époux Mestriaux, donc susceptible de constituer le vice caché visé par l'acte de vente, préexistait à celle-ci et était connu des vendeurs;
Attendu qu'il résulte des constations de l'expert que:
- le pavillon comporte "deux parties bien distinctes:
* première partie arrière édifiée sur vide sanitaire,
* deuxième partie avant édifiée sur sous-sol",
- le problème d'humidité se situe essentiellement à la base du mur arrière et est lié au fait que les fondations sont descendues à des hauteurs différentes avec murs extérieurs en agglomérés adossés à la terre;
Attendu qu'il est établi que les bas de murs étaient revêtus à l'intérieur d'argile dont la propriété d'imperméabilité n'est pas à démontrer;
Attendu que les époux Mestriaux reprochent à Monsieur Oriolo d'avoir enlevé cette couche imperméable, destinée donc, de fait, à éviter l'infiltration d'eau qui n'en n'avait pas moins imprégné les murs derrière;
Attendu que cet élément ajouté au fait que les époux Mestriaux ont créé une dalle de béton exactement à l'endroit de la flaque la plus importante, pour entreposer leur bois au sec, ce qui pouvait remédier à l'effet de l'humidité, mais non à sa cause, établit que le vice préexistait bien à la vente et que les époux Mestriaux le connaissaient;
Attendu que les attestations produites par les époux Mestriaux ne contredisent pas valablement ces données objectives dans le mesure où:
- Madame Petel et Monsieur J.F. Leclet, ce dernier ayant vendu l'immeuble qu'ils ont habité ensemble de 1985 à 1989, aux époux Mestriaux, ne font état que du sous-sol et non du vide-sanitaire,
- Messieurs Prevost, Camus, Chilla, Carminatti et Madame Leonard ont fait leurs constations postérieurement à la pose de la dalle dissimulant la présence d'humidité ainsi que l'argile,
- Monsieur Caunois relate par ailleurs des propos qu'aurait tenu Monsieur Denis qui, lui n'a fait aucune attestation à ce sujet.
Attendu que l'humidité préexistant à la vente et étant connue des vendeurs, en application de l'acte de vente, le jugement sera confirmé par substitution de motifs sur la garantie due par les époux Mestriaux;
Attendu que contrairement à ce qu'ils affirment, les travaux réalisés par l'entreprise Janlin ne consistaient pas en la pose de drains mais en un simple entretien des ventilations, nettoyage du vide-sanitaire, création d'un puits perdu, reprise des joints... alors que l'expert comme l'entreprise Del Din préconisent la création d'un drainage extérieur dans les règles de l'art pour remédier de façon durable aux infiltrations, l'expert doutant soit de sa réalisation, soit de son exécution conformément à ces règles, mais ses conclusions justifiant en tout état de cause la réalisation des travaux préconisés sans qu'il puisse être valablement objecté l'absence de sondage pour vérifier l'existence d'un drain ou sa conformité aux règles de l'art, étant observé, en l'état que s'il existe, il peut être douté de sa conformité au regard de l'absence d'efficacité;
Attendu que l'entreprise Janlin n'ayant donc pas posé de drain, les époux Mestriaux ne peuvent prétendre que ce travail seul efficace, a été détruit, ni reprocher à Monsieur Oriolo de ne pas avoir rappelé cette entreprise alors que ce sont eux qui avaient commandé et payé les travaux et devaient en conséquence lui demander de les reprendre, ayant été avertis le 9 juin 1994 de leur inefficacité par un courrier auquel ils n'ont pas répondu, cette inefficacité ayant été constatée par l'expertise, bien plus de trois mois après;
Attendu que le jugement sera donc confirmé sur la condamnation au paiement des travaux nécessaires selon rapport d'expertise et les époux Mestriaux déboutés de leurs demandes en dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que Monsieur Oriolo ne précise pas quel préjudice il a subi du fait de la résistance au paiement des époux Mestriaux, distinct de celui réparé par les intérêts moratoires et l'octroi de l'indemnité pour frais irrépétibles demandée;
Attendu que sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, et contradictoirement, Déclare recevable et mal fondé l'appel des époux Mestriaux, Par substitution de motifs, confirme le jugement rendu le 12 juillet 1996 par le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières compris sur les dépens, Condamne les époux Mestriaux à payer dix mille francs (10 000 F) supplémentaires à Monsieur Oriolo, Rejette la demande de dommages et intérêts de ce dernier et les demandes des époux Mestriaux, Les condamne aux dépens d'appel avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP Genet Braibant conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.