CA Montpellier, 1re ch. D, 25 septembre 2002, n° 00-02338
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bouchons Gultig (SA), Axa Colonia Versicherung AG (Sté)
Défendeur :
Vaquer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Paris
Conseillers :
MM. Armingaud, Torregrosa
Avoués :
SCP Divisia-Senmartin, SCP Argellies Travier Watremet
Avocats :
Selarl Henn, Bentolila, SCP Malavialle
Exposé du litige
Bernard Vaquer, viticulteur à Tressere, a fait embouteiller sa récolte de l'année 1998 par la société Delving à Elne, qui a utilisé à cette occasion des bouchons livrés et facturés par la société "Bouchons Gultig" fin novembre 1988.
Se plaignant d'un goût de bouchon décelé début 1994, alors qu'il s'apprêtait à commercialiser le vin blanc, Bernard Vaquer, après une vaine tentative de transaction avec la société Bouchons Gultig, a fait assigner celle-ci en référé, par acte du 16 novembre 1994, et une expertise a été ordonnée le 1er décembre 1994.
Par ordonnance de référé du 10 juillet 1995, l'expertise a été déclarée commune à la société Colonia, assureur de la société Bouchons Gultig.
Au résultat de l'expertise, Bernard Vaquer a obtenu, par ordonnance de référé du 6 juin 1996, la condamnation de la société Bouchons Gultig à lui payer une indemnité provisionnelle de 250 000 F et la désignation d'un expert-comptable afin d'évaluer son préjudice.
Fin 1996, début 1997, Monsieur Vaquer s'apprêtant à commercialiser son vin rouge millésime 1988, a constaté un goût de bouchon et les tentatives de transaction avec la société Bouchons Gultig n'ayant pas abouti, il l'a fait assigner en référé ainsi que son assureur, par actes des 30 avril et 7 mai 1997; une expertise a été ordonnée le 12 juin 1997 et le rapport d'expertise a été déposé le 21 avril 1998.
Préalablement, par actes des 19 et 26 février 1998, Bernard Vaquer avait fait assigner devant ce tribunal la société Bouchons Gultig et son assureur, la société Colonia Versicherung pour obtenir, au titre de la récolte de vin blanc, leur condamnation solidaire au paiement des sommes de:
- 500 000 F en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de commercialiser les 12 500 bouteilles de récolte 1988, augmentés de la TVA à 20,60 %, somme dont elle demandait de déduire la provision de 250 000 F déjà versée;
- 50 000 F pour préjudice commercial;
- 50 000 F pour le préjudice dû à l'encaissement de la récolte 1988 dans le temps;
- 20 000 F pour frais de stockage.
Il a en outre demandé la condamnation des défendeurs sous la même solidarité:
- à enlever à leur charge exclusive et selon un acquit le lot de 12 500 bouteilles de la cave sise à Saint-Cyprien et ce, en vue de leur destruction sur le lieu de destination, lui-même étant au préalable prévenu et présent lors de ces opérations;
- à supporter tous droits directs et indirects, taxes afférentes à l'enlèvement et au produit lui-même.
Il a enfin réclamé l'exécution provisoire et la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les 12 et 14 mai 1998, Bernard Vaquer a fait délivrer de nouvelles assignations à la société Bouchons Gultig et à la société Colonia pour obtenir, au titre de la récolte de vin rouge, leur condamnation solidaire au paiement des sommes de:
- 480 000 F représentant le préjudice lié à la perte de 12 000 bouteilles;
- 50 000 F au titre du préjudice commercial;
- 20 000 F au titre du préjudice dû à l'encaissement dans le temps de la récolte 1988;
- 20 000 F au titre du préjudice pour frais de stockage.
Il a en outre demandé la condamnation sous la même solidarité de la société Bouchons Gultig et de la société Colonia:
- à procéder à l'enlèvement à leur charge exclusive et selon un acquit du lot de 12 000 bouteilles de la cave située à Saint-Cyprien et en vue de leur destruction sur le lieu de destination, lui-même étant au préalable prévenu et présent lors des opérations;
- à supporter tous droits directs et indirects, taxes afférentes à l'enlèvement et au produit lui-même.
Il a enfin réclamé l'exécution provisoire et le paiement solidairement par les défenderesses de la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les instances ont été jointes par ordonnance du 3 juin 1999.
Par jugement en date du 14 février 2000, le Tribunal de grande instance de Perpignan a rejeté l'ensemble des exceptions de procédure soulevées par les sociétés défenderesses. L'action de Bernard Vaquer a été déclarée recevable sur le fondement de l'article 1641 du Code civil. Au vu des rapports d'expertise, la société Bouchons Gultig et son assureur, Colonia Versicherung ont été solidairement condamnées à payer à Bernard Vaquer:
- 435 000 F pour la récolte de vin blanc 1988;
- 427 680 F pour la récolte de vin rouge 1988;
- 5 000 F au titre du coût de cession du stock de vin blanc 88;
- 6 500 F au titre du coût de la destruction du stock de vin rouge 88.
L'exécution provisoire a été ordonnée, outre le paiement de 25 000 F au titre des frais irrépétibles. Les autres prétentions ont été rejetées. La société Bouchons Gultig SA et Colonia Versicherung ont relevé appel.
Dans le dernier état de leurs conclusions (20.07.00), les sociétés appelantes soulèvent une exception d'incompétence territoriale au profit de la Cour d'appel de Colmar, dont dépend le Tribunal de grande instance de Saverne, ressort sur lequel la société Gultig a son siège social. L'article 42-2 du Code de procédure civile était seul applicable à l'espèce au vu de la pluralité des défendeurs.
Sont soulevées ensuite des exceptions d'irrecevabilité tirées des clauses contractuelles de limitation de garantie, et du bref délai imposé par les articles 1648 et 2244 du Code civil.
Par ailleurs, la nullité du rapport d'expertise de Monsieur Rousseau sera prononcée pour violation de la règle du contradictoire.
Enfin, les expertises n'ont relevé aucun vice caché des bouchons antérieurs aux ventes du 23.11.1988 et du 23.12.1988. Le demandeur à l'action n'établit pas le vice caché des bouchons qui serait la cause des désordres affectant les vins de Monsieur Vaquer.
Ces ventes concernent deux professionnels et il n'a jamais été établi que Bouchons Gultig connaissait le vice invoqué, d'ailleurs non établi. La société venderesse ne sera donc pas tenue aux dommages et intérêts (article 1645 du Code civil). La recherche d'un vice caché exclut qu'il puisse être retenu une non-conformité de la chose vendue.
Le jugement de premier ressort sera par conséquent réformé, avec restitution de la provision allouée en référé, des frais irrépétibles, et de tous les frais afférents. Une somme de 100 000 F est réclamée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Si la responsabilité des bouchons Gultig était retenue, les condamnations afférentes au vin blanc seront confirmées, mais l'indemnisation relative au vin rouge sera limitée à 406 200 F.
Subsidiairement sur ce dernier volet, le jugement sera confirmé mais la demande d'enlèvement des deux lots de bouteilles en cause sera déclarée irrecevable. Toute demande de frais irrépétibles sera rejetée.
Madame Simon-Lerat veuve Vaquer, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administratrice légale des héritiers mineurs de Bernard Vaquer (décédé le 16.10.2001) est intervenue volontairement. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions soulevées et condamné Bouchons Gultig et AXA Colonia à réparer l'entier préjudice subi.
Il est formé un appel incident quant au quantum des condamnations prononcées, à savoir pour le vin banc:
- un solde de 38 112,25 euro au titre de l'impossibilité de commercialisation
- une somme de 7 622,45 euro pour préjudice commercial;
- une somme de 7 622,45 euro pour préjudice dû à l'encaissement dans le temps de la récolte 1988
- une somme de 3 048,98 euro au titre du préjudice des frais de stockage
- condamnation à enlever et détruire le lot de 12 500 bouteilles entreposé à la cave de Saint-Cyprien, avec prise en charge des frais et taxes de cette opération.
Pour le vin rouge, il est demandé :
- une somme de 73 175,53 euro au titre du préjudice lié à la perte de 12 000 bouteilles,
- la somme de 7 622,45 euro au titre du préjudice commercial,
- la somme de 3 048,98 euro au titre du différé d'encaissement de la récolte 1988;
- la somme de 3 048,98 euro au titre des frais de stockage;
- la condamnation à enlever et détruire le lot de 12 000 bouteilles entreposées à Saint-Cyprien avec prise en charge des frais, droits et taxes afférents.
Une somme de 7 622,45 euro est réclamée à titre de dommages et intérêts, outre 10 671,43 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (conclusions du 05/04/02).
Sur ce:
Sur l'incompétence territoriale ;
Cette exception est recevable en la forme car soulevée in limine litis dans l'instance engagée au fond.
L'historique non contesté des relations entre Gultig et le père de Bernard Vaquer, l'attestation Pelletier qui engage Gultig puisque ce dernier était son agent régional exclusif, l'attestation Paillisse, les mentions de l'expertise Billy en page sept établissent sans l'ombre d'un doute qu'une vente de bouchons est intervenue entre Bernard Vaquer et les bouchons Gultig, les modalités de livraison et de facturation à l'embouteilleur n'étant pas de nature à contrebalancer l'accord sur la chose et sur le prix qui scelle le contrat de vente;
Dans ce contexte de fait, et dès lors qu'il n'est pas contestable que la livraison des bouchons a eu lieu dans le ressort du Tribunal de grande instance de Perpignan, l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile s'applique qui attribue compétence à ce tribunal;
Sur la tardiveté de l'action ;
- Sur la limitation contractuelle de garantie:
Gultig, qui ne conteste pas avoir vendu des bouchons destinés à du vin de garde de dix ans, invoque une limitation contractuelle de garantie qui est certes opposable à l'acheteur, mais qui n'a strictement aucun sens dans le contexte décrit ci-dessus puisqu'elle serait limitée à un délai de quinze jours postérieur à la livraison.
A l'évidence, cette limitation contractuelle de garantie ne peut concerner que les non-conformités par rapport à la commande, ou les vices apparents. En toute hypothèse, la clause invoquée ne concerne pas expressément les vices cachés et ne saurait être interprétée de façon extensive : en l'espèce, et dès lors que le vin est débouché au bout de dix ans, cette garantie serait en réalité strictement inopérante;
- Sur le bref délai de l'article 1648 du Code civil ;
Lorsque dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, l'acquéreur qui invoque la garantie des vices cachés a assigné son vendeur en référé pour voir ordonner une expertise, il a été satisfait aux exigences de ce texte et c'est la prescription de droit commun qui court à compter de la conclusion de la vente.
Bernard Vaquer est donc en droit d'opposer à cette exception les dates auxquelles il a saisi le juge des référés et qui font courir le délai décennal de droit commun depuis la conclusion de la vente.
Pour le vin blanc, la première alerte d'avril 1994 a été suivie d'une instance en référé le 16.11.94, le délai intermédiaire étant consacré à des analyses et pourparlers où Gultig a été appelé et a participé.
Pour le vin rouge, la première alerte est de début 97, tandis que le référé a été introduit trois mois plus tard.
La cour estime dans ce contexte reprécisé que le bref délai pour intenter l'action résultant des vices rédhibitoires (article 1648 du Code civil) a été parfaitement respecté, Gultig n'excipant que de délais très raisonnables qui ont été consacrés à la recherche des causes et à celle d'un accord, ce qui s'explique parfaitement eu égard à l'ancienneté des relations commerciales et à la confiance qui régnait entre les parties.
Sur les rapports d'expertise ;
Bouchons Gultig soulève, assez curieusement après des critiques de fond, la nullité des opérations d'expertise de Monsieur Rousseau au motif qu'un rapport d'analyse effectué par le laboratoire d'oenologie de la faculté de Reims n'a pas été communiqué. Ce motif est erroné puisque ledit rapport est acquis aux débats de l'expertise depuis le 9 mars 1995, date à laquelle il a été évoqué au cours d'une réunion contradictoire où était présent un représentant de Gultig.
Au surplus, ce rapport d'analyse a été annexé au rapport de Monsieur Rousseau.
Sur les conclusions au fond de l'expertise Rousseau relative au vin blanc:
Gultig conteste de façon circonstanciée que les bouchons puissent être à l'origine du goût bouchonné, l'expertise ayant selon cette société démontré uniquement "le vice du vin et non du bouchon" et non pas une relation causale entre la structure ou le comportement des bouchons et le goût bouchonné;
Mais le raisonnement de Gultig est vicié à la racine, puisqu'il postule un vice du vin alors que tel n'est précisément pas le cas au plan statistique puisque 89 % des bouteilles se sont révélées bonnes (même si le taux de 11 % de bouteilles bouchonnées rend impossible la commercialisation de tout le lot)
Il n'est en effet pas contestable qu'au terme de dégustations à l'aveugle effectuées contradictoirement par des jurys avertis sur un nombre statistiquement significatif de bouteilles, c'est un pourcentage de 11 % qui est affecté par un goût bouchonné caractéristique.
L'ensemble du vin n'était donc nullement vicié, et d'ailleurs aucune explication technique critique des opérations de vinification n'a été véritablement proposée à titre alternatif, ce qui se conçoit d'autant plus que l'expert a pris soin de vérifier l'ensemble de la chaîne de production depuis la vigne jusqu'au stockage, sans émettre de critique (et étant précisé que les récoltes antérieures et postérieures n'ont pas, en l'état du dossier, produit pareille cuvée);
Enfin, l'expert a pris soin de vérifier et d'établir que les bouteilles étaient sans défaut (notamment d'ovalité du col), que la qualité du bouchage n'avait pas d'incidence fâcheuse, que le niveau du vin n'avait pu intervenir dans le désordre;
C'est donc par un processus d'élimination que l'expert a pu se prononcer, au terme d'investigations impartiales, complètes, techniquement adaptées et statistiquement significatives.
Sur les conclusions au fond de l'expertise Billy relative au vin rouge ;
Il est tout d'abord remarquable que deux experts ayant travaillé de façon distincte en arrivent à des conclusions similaires.
La cour ne fait pas la même lecture de l'expertise que la société Bouchons Gultig, qui occulte la logique des opérations qui ont été menées, et le caractère dénué d'ambiguïté des conclusions qui ont procédé là aussi par élimination des autres causes possibles.
S'il est toujours possible d'émettre des doutes sur tout ce qui a pu se passer au cours des années de stockage, il n'en demeure pas moins que la cave Vaquer avait mené à bien jusque là de très nombreuses cuvées, dans des conditions similaires de culture, vinification, embouteillage et stockage;
Enfin, l'expert Billy s'est livré à une analyse chimique qui a mis à jour un phénomène de livixation, à savoir un transfert des molécules responsables du goût de moisi liège du bouchon dans le vin, et un phénomène d'humidification totale du liège par le vin.
De façon corollaire, l'expert Billy a constaté des défauts de structure des bouchons (fentes, cavernes, veines de liège) qui ont permis le passage et la remontée du vin dans le liège, alors que les bouchons qualifiés "Extra n° 1" ne peuvent comporter de tels défauts, incompatibles avec des vins de garde de dix ans dont Gultig ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de l'une des caractéristiques essentielles des cuvées Vaquer;
En réalité et au terme des deux expertises, la question se pose tout simplement d'une inadaptation du bouchon livré à ce type de produit de longue garde, alors que Vaquer avait pris soin de commander de l'extra n° 1.
Seule précisément la garde du vin a pu faire apparaître les phénomènes constatés, l'odeur de moisi liège affectant au fil du temps le vin contenu dans les bouteilles obturées par les bouchons ne correspondant pas à la qualité extra n° 1, dans des proportions telles que l'ensemble du lot est devenu commercialement invendable et techniquement voué à la cession ou destruction (les deux experts se rejoignent sur ce volet).
Il s'agit donc bien en conclusion de bouchons dont il a été établi qu'ils sont à l'origine exclusive du goût bouchonné ou moisi liège, leur vice étant antérieur à la vente et caché dans la mesure où il s'agissait de bouchons ne correspondant pas à la qualité extra n° 1 adaptée aux vins de garde mais qui n'ont endommagé le vin qu'à l'occasion de phénomènes de remontée dans le liège et de livixation qui se sont déroulés au cours des années de stockage en cave;
La cour ne peut que reprendre à cet égard l'excellente motivation du premier juge le défaut de structure des bouchons, antérieur à la vente, les rendait impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, usage que Bouchons Gultig, fournisseur habituel, ne pouvait ignorer;
Il échet d'ajouter que Bouchons Gultig, professionnel reconnu du bouchon, ne saurait exciper d'une méconnaissance de ce vice pour tenter d'échapper à sa responsabilité en termes de dommages et intérêts (article 1645 du Code civil), alors que Vaquer est un viticulteur oenologue qui n'est pas un spécialiste du bouchon et qui, en toute hypothèse, avait commandé la première qualité
Sur l'appel incident de Bernard Vaquer:
En ce qui concerne le vin blanc:
La cour constate en liminaire que Monsieur Vaquer sollicite environ 60 % de plus que l'évaluation faite par l'expert, sans pour autant fournir le moindre élément justificatif probant (en terme notamment de comptabilité analytique);
Au surplus, et dès lors que Monsieur Vaquer fait état - à juste titre - de la qualité de sa production et de l'originalité de ses méthodes, la cour relève qu'il est arrivé par le passé que Monsieur Vaquer ne commercialise pas telle ou telle cuvée, pour ne pas porter atteinte à la qualité de son vin sur la durée;
Dans ce cas là, il supportait les coûts de stockage et les déficits de trésorerie, uniquement compensées par la vente en vrac ou la distillation, dans le but de maintenir son prix de vente pour les cuvées déjà vieillies ou à venir
Il n'est pas contestable que pour ces années qui ont déjà manqué, Vaquer satisfaisait ses clients avec d'autres millésimés;
Tel est le cas en l'espèce, la cuvée 1988 étant retirée de la vente pour un vice relevant de la responsabilité de Gultig, mais les conséquences étant les mêmes;
Qu'ainsi, et au-delà des motivations pertinentes du premier juge, la preuve d'un préjudice de stockage, commercial, ou de trésorerie, n'est nullement rapportée dès lors qu'au surplus Vaquer est remboursé du stock vicié sur la base d'un prix de vente qu'il ne conteste nullement dans son principe (43 F), et non pas au prix de distillation ou de vrac qu'il subissait lorsqu'il décidait de son propre chef de ne pas admettre telle cuvée pour défaut de qualité ;
Les deux derniers arguments (frais de commercialisation trop importants, absence de prise en compte de la valorisation du vin avec le vieillissement) ne peuvent qu'être rejetés : le premier parce que le pourcentage appliqué est raisonnable et qu'en toute hypothèse Vaquer supportait des coûts même lorsqu'il commercialisait lui-même, le second parce qu'il a un caractère éventuel puisque rien n'indique, si la cuvée litigieuse avait été bonne, qu'elle aurait atteint un niveau justifiant le prix revendiqué en vieillissant;
Il convient donc de confirmer le premier jugement, tant pour le vin blanc que pour le rouge auquel s'appliquent les mêmes motivations;
Il convient d'y ajouter que la question épineuse de la TVA a été correctement traitée par le premier juge qui a fait une exacte lecture du courrier des services fiscaux en date du 05.09.97, lecture non sérieusement contestée par voie de conclusions;
De façon plus générale, la preuve n'est pas rapportée que les indemnités ayant le caractère de dommages et intérêts soient soumises à TVA;
Ce même caractère de dommages et intérêts (article 1645 du Code civil) interdit à Vaquer de solliciter une obligation de faire enlever le stock aux frais de Gultig;
Attendu que sur ce volet, le premier juge a de façon pertinente condamné Gultig à payer le coût de la cession du stock de vin blanc en vue de distillerie, et le coût de la destruction du stock de vin rouge (seule envisageable pour ce dernier produit);
Sur les demandes annexes:
Attendu que la cour considère que l'exercice d'un recours est un principe légal qui ne peut être sanctionné que lorsqu'il dégénère en abus de droit, notamment pour retarder un paiement de condamnation inéluctable;
Attendu qu'en l'espèce, et dès lors qu'il n'est pas soutenu que les décisions de référé n'aient pas été suivies d'effet, la cour estime que la somme réclamée au titre du caractère dilatoire et de mauvaise foi du recours de Gultig n'est pas justifiée, même si le procès date de 1994, l'appelant n'ayant pas à supporter les effets du manque de moyens chronique de l'institution judiciaire française;
Attendu qu'en revanche, il est certain que le recours de Gultig a obligé l'intimé à engager de nouveaux frais irrépétibles qu'il est justifié et raisonnable de compenser par l'allocation d'une somme de 5 000 euro;
Par ces motifs ; LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit l'appel principal et celui incident. Au fond, déboute tant la société des Bouchons Gultig que les héritiers Vaquer de leurs appels, et confirme l'intégralité des dispositions du jugement de premier ressort. Condamne la société des Bouchons Gultig à supporter l'intégralité des dépens, dont ceux d'expertise, outre le paiement aux intimés d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et le bénéfice pour Maître Argellies, avoué, des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.