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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 22 mai 2001, n° 99-03197

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Flourie

Défendeur :

Castel Agri (SA), Gaec Pal Highland (ès qual.), Gay (SARL), Renault Agriculture (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

MM. Derdeyn, Chassery

Avoués :

SCP Touzery-Cottalorda, SCP Capdevila, Vedel-Salles, Me Rouquette, SCP Argellies Travier Watremet, SCP Salvignol Guilhem Delsol

Avocats :

Mes Biver, Labertrande, Douchez, Bouissinet

CA Montpellier n° 99-03197

22 mai 2001

Faits, procédure, prétention des parties :

Le tracteur litigieux fait partie d'une pré-série fabriquée par la SA Renault Agriculture qui l'a vendu le 30 mai 1991 à la SARL Gay au prix HT de 195 000 F sans précision du nombre d'heures déjà effectuées selon la SARL Gay, pour 2 100 heures d'utilisation selon la SA Renault Agriculture;

La SARL Gay l'a alors mis à la disposition du Gaec Pal Highland, puis le lui a vendu le 10 octobre 1991 au prix HT de 258 500 F;

Le 30 avril 1992, à la suite d'une panne, la SARL Gay a procédé gratuitement au remplacement de l'ordinateur de bord dans le cadre de la garantie OR d'un an, pièces et main d'œuvre;

Le nombre d'heures de travail alors effectuées n'est pas connu dans la mesure où le réparateur n'a pas mentionné sur sa facture le nombre de l'ancien compteur de sorte que le nombre d'heures de travail figurant actuellement sur le nouveau compteur ne correspond pas au nombre d'heures total effectuées par le tracteur litigieux.

Le Gaec Pal Highland l'a revendu le 31 décembre 1993 à la SA Castel Agri au prix HT de 200 000 F en indiquant dans le contrat de vente 1 500 heures de travail mais en ne mentionnant pas le changement d'ordinateur

la SA Castel Agri l'a cédé à son tour à Monsieur Flourie au prix TTC de 207 550 F pour 1 700 heures de travail. A la suite d'une panne d'embrayage survenue au mois d'octobre 1996, le tracteur a été confié à la SA Limongi Agriculture de Castelnaudary qui a constaté que les mentions relatives au type et au numéro de série figurant sur la carte grise et le capot ne correspondaient pas à celles figurant sur la plaque constructeur.

Le 29 novembre 1996, Monsieur Flourie a donc assigné la SA Castel Agri en résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 et 1644 du Code civil;

Une série d'appels en cause a alors été exercée à l'encontre du Gaec Pal Highland, de la SARL Gay et de la SA Renault Agriculture ;

Le Tribunal de Commerce de Castelnaudary a ordonné une expertise confiée à Monsieur Cervera (jugement du 8 juillet 1997) puis, statuant en lecture du rapport le 13 avril 1999, a condamné la SA Castel Agriet le Gaec Pal Highland à payer chacun à Monsieur Flourie la somme de 15 500 F HT pour la moins value, la somme de 15 000 F pour le préjudice résultant de l'immobilisation du tracteur lors de la réparation, a condamné la SA Renault Agriculture à "replaquer" le tracteur et à verser 5 000 F pour l'immobilisation du tracteur et a condamné la SARL Gay, la SA Renault Agriculture et le Gaec Pal Highland à verser chacun 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Thierry Flourie a relevé appel de cette décision et demande à la cour (24 août 1999) de réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas admis l'action rédhibitoire pour vices cachés, d'ordonner la résolution de la vente, de condamner la SA Castel Agri à lui payer la somme de 207 550 F en restitution du prix de vente, celle de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civileet à supporter les entiers dépens.

A l'appui, Monsieur Flourie fait valoir que les discordances des mentions portées sur la carte grise et sur le moteur ainsi que la minoration du nombre d'heures de travail constituent des vices cachés, qu'il a agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil et qu'il a subi un préjudice financier à la suite de l'immobilisation de son tracteur.

la SA Castel Agrirépond qu'en demandant la résolution du contrat plus de trois ans et demi après sa conclusion, Monsieur Flourie n'a pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, qu'elle n'est à l'origine ni de la discordance des mentions ni de l'inexactitude du nombre d'heures de travail qui sont, de toute façon, insuffisants pour conduire à la résolution du contrat

Elle demande donc à la cour le 9 juin 2000, à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que Monsieur Flourie n avait pas agi à bref délai, de le débouter en conséquence de toutes ses demandes, à titre subsidiaire, de constater que les vices allégués sont insuffisants pour entraîner la résolution de la vente, de dire et juger que Monsieur Flourie ne peut prétendre au mieux qu'à la somme de 31 100 F de dommages et intérêts, à titre infiniment subsidiaire et si la vente était résolue et la somme de 200 000 F était restituée à Monsieur Flourie, de condamner le Gaec Pal Highland à la lui rembourser et, en tout état de cause, de dire et juger que le Gaec Pal Highland sera condamné à relever et garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge ainsi que de condamner le succombant à lui verser la somme HT de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Gaec Pal Highland, anciennement dénommée Gaec De La Providence, relève lui aussi que Monsieur Flourie n'a pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, qu'il n'est pas responsable de la discordance des mentions, que l'inexactitude du nombre d'heures ne rendait pas le tracteur impropre à sa destination, que Monsieur Flourie ne justifie ni de l'existence du préjudice dont il réclame réparation ni de son lien de causalité avec les vices allégués.

Il demande donc à la cour (conclusions du 22 septembre 2000), à titre principal, de confirmer le jugement du 13 avril 1999 en ce qu'il a retenu que Monsieur Flourie n'avait pas agi à bref délai, de le débouter en conséquence de ses demandes, à titre subsidiaire, de dire qu'il n'y a pas en l'espèce de vice caché devant conduire à la résolution de la vente, de dire que Monsieur Flourie ne peut qu'obtenir des dommages et intérêts à hauteur de 31 100 F, de dire que la SARL Gay le relèvera de toute somme mise à sa charge, à titre très subsidiaire et si la résolution était prononcée, de dire que la SARL Gay le garantirait de toutes sommes mises à sa charge dans le cadre de cette résolution et en tous cas de condamner les demandeurs à lui verser 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Gay fait valoir que c'est le Gaec Pal Highland et non elle qui a dissimulé le nombre d'heures réel lors de la vente du tracteur à la SA Castel Agri, que Monsieur Flourie n'a pas agi à bref délai, qu'il n'y a aucun vice rendant la chose impropre à l'usage auquel elle était destinée et qu'il n'en est résulté aucun préjudice pour Monsieur Flourie.

Elle demande à la cour (17 décembre 1999), à titre principal, de réformer la décision attaquée, de rejeter l'ensemble des prétentions de Monsieur Flourie, de la mettre hors de cause et de déclarer le Gaec Pal Highland et la SA Renault Agriculture solidairement responsables de toute indemnisation qui serait accordée à Monsieur Flourie, à titre subsidiaire, si la résolution était prononcée, de la mettre hors de cause, à titre très subsidiaire, de condamner solidairement la SA Renault Agriculture et le Gaec Pal Highland à la relever et garantir de toute somme qui serait mise à sa charge et de condamner les succombants à lui payer les sommes HT de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Renault Agriculture relève elle aussi que Monsieur Flourie n'a pas agi à bref délai, qu'il n'y a pas de vice caché rendant le tracteur impropre à sa destination et que la discordance entre les mentions provient simplement d'une erreur qui a été réparée.

Elle demande à la cour (27 décembre 2000), au principal, de confirmer la décision attaquée, de dire qu'il n'y a pas de vice caché rendant la chose impropre à sa destination, de rejeter les demandes présentées par Monsieur Flourie, de déclarer l'appel en cause diligenté par la SARL Gay irrecevable, de constater qu'elle a procédé au replaquage, à titre subsidiaire, de déclarer l'appel en cause formé à son encontre irrecevable, de dire qu'elle n a commis aucune faute susceptible d'entraîner la résolution de la vente, de rejeter toute autre demande présentée à son encontre et de condamner Monsieur Flourie à lui verser 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce ;

Attendu que Monsieur Flourie, s'il a acquis le tracteur litigieux le 15 septembre 1994, n'a eu connaissance de la discordance entre les mentions figurant sur la carte grise et sur la plaque- constructeur qu'au mois d'octobre 1996 lors de la réparation effectuée par la Société Limongi;

Qu'il a assigné la SA Castel Agri en résolution de la vente sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil dès le 27 novembre 1996 soit moins de deux mois après la découverte de cette discordance;

Qu'il n'a appris la différence entre le nombre réel des heures de travail et le nombre d'heures figurant sur le compteur qu'à l'issue de l'expertise effectuée par Monsieur Cervera;

Que le bref délai de l'article 1648 du Code civil court à compter de la découverte du vice par l'acquéreur et non à partir du jour de la vente ;

Que Monsieur Flourie ayant agi à bref délai, son action est recevable;

Qu'il convient d'en examiner le bien fondé.

Attendu que Monsieur Flourie formule deux griefs à l'appui de sa demande en résolution de la vente;

Que le premier consiste en une divergence entre les mentions portées sur la plaque-constructeur et celles portées sur la carte grise;

Que le second consiste en une différence entre le nombre d'heures de travail réellement effectuées et celles mentionnées sur le compteur.

Attendu que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus (article 1641 du Code civil);

Qu'il convient de rechercher si la divergence de mentions ou la différence d'horaire rendait le tracteur impropre à l'usage auquel Monsieur Flourie le destinait ou diminuait tellement cet usage qu'il ne l'aurait pas acquis ou n en aurait donné qu'un prix moindre s'il les avait connues.

Attendu que la différence de mentions, si elle est réelle et si elle ne pouvait raisonnablement pas être découverte par un non professionnel du machinisme agricole tel Monsieur Flourie, ne rendait pas le tracteur litigieux impropre à sa destination de machine agricole et pouvait être facilement et rapidement réparée en "replaquant", comme le suggère l'expert, le tracteur avec les nouveaux numéros de type et de série correspondant et en délivrant une attestation signalant le problème rencontré et expliquant clairement le pourquoi de cette discordance (pages 3 et 4 du rapport Cervera);

Que ce premier défaut ne présente donc pas un caractère de gravité suffisant pour entraîner la résolution prévue par l'article 1641 du Code civil.

Attendu que l'expert estime que le nombre d'heures de travail effectuées au jour de l'achat du tracteur par Monsieur Flourie s'établissait en réalité à 4 050 heures et non à 1 700 heures comme mentionné au compteur et sur les documents contractuels;

Que cette différence ne rendait pas la chose impropre à sa destination puisque:

- Monsieur Flourie a utilisé son tracteur sans problème particulier pendant plus de deux ans ou du moins n'allègue ni ne prouve l'existence d'aucun problème spécifique lié à cette différence;

- l'expert note à la page 5 de son rapport:

"la panne survenue en octobre 1996 est normale et fonction de l'utilisation du tracteur ;

En effet l'embrayage est une pièce à usure et fait partie de l'entretien normal et logique du tracteur;

L'autre anomalie découverte lors de la vidange, à savoir la cassure d'une dent du couple conique est une panne fortuite qui peut avoir plusieurs origines (chocs et à-coups, blocage du différentiel non adapté, etc.)";

Que ce deuxième défaut ne présente donc pas un caractère de gravité suffisant pour entraîner la résolution prévue par l'article 1641 du Code civil;

Attendu que la demande en résolution de la vente présentée par Monsieur Flourie sera donc rejetée;

Qu'une juridiction saisie d'une demande en résolution de la vente ne saurait en cas de rejet de cette demande procéder à une réfection du prix de vente si elle n'a pas été réclamée par le demandeur principal.

Attendu que le rejet de la demande en résolution de la vente présentée par Monsieur Flourie conduit à débouter ce dernier de sa demande en restitution du prix de vente du tracteur litigieux et de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour les frais financiers liés à l'acquisition d'un nouveau tracteur au mois de mars 1997 et à l'immobilisation du tracteur litigieux.