CA Caen, 1re ch. sect. civ., 28 janvier 1997, n° 9502407
CAEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Buquet (Epoux), Armoni (SCI)
Défendeur :
Boulard (époux), Lemee, Rossi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calle
Conseillers :
Mmes Beuve, Castoldi
Avoués :
SCP Duhaze-Mosquet-Mialon, Me Sebire
Avocat :
Me Lefevre
Selon acte sous seing privé en date du 20 Février 1993, les époux Joël et Christiane Boulard ont cédé aux époux Buquet les parts sociales qu'ils possédaient dans le capital de la SCI Armoni, laquelle a pour objet l'administration et la gestion par voie de location ou autrement d'un bien immobilier sis au Theil sur Huisne, 8 rue de la Vallée, cadastré section F N° 221, dont elle est propriétaire.
Les époux Buquet et la SCI Armoni, se fondant sur un procès-verbal de constat établi le 7 avril 1993 par Maître Lebrun huissier de justice à Mortagne, révélant la présence d'insectes dans les planchers du grenier de l'immeuble ci-dessus désigné, ont sollicite et obtenu du Président du Tribunal de grande instance d'Alençon, aux termes d'une ordonnance de référé rendue le 10 février 1994, la désignation à leurs frais avancés d'un expert.
Ce dernier ayant déposé son rapport le 23 mai 1994, les époux Buquet et la SCI Armoni ont assigné les époux Boulard devant le Tribunal de grande instance d'Alençon sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, en paiement des sommes de 108 526 F et 11.316 F représentant le coût des réparations chiffrées par l'expert ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices de jouissance.
Par jugement rendu le 13 juin 1995, les époux Buquet et la SCI Armoni ont été déboutés de leurs prétentions et condamnés à payer aux époux Boulard une somme de 6 000 F, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Appelants de cette décision, ils reprochent aux premiers juges d'avoir estimé que le vice était apparent au moment de la vente, alors qu'ils avaient par ailleurs considéré que les dégâts causés parle capricorne des maisons ne pouvaient être détectés par un non initié.
Ils rappellent à cet effet qu'ils ont volontairement limité leur demande au coût des réparations du plancher du premier étage, ainsi qu'à l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ; Que l'expert, s'il a effectivement indiqué que la visite de l'immeuble aurait permis de se rendre compte de l'état de dégradation du plancher du grenier, à néanmoins tempéré son propos en précisant qu'un profane ne pouvait ni connaître la nature exacte de l'attaque, ni apprécier son étendue et sa gravité ; Qu'il a en outre expressément spécifié qu'il était impossible, lors de la vente, de se rendre compte des dégâts affectant le plancher du premier étage.
Ils demandent en conséquence à la cour de réformer le jugement entrepris, et de condamner solidairement les époux Boulard-Demontis à leur payer les sommes suivantes :
- 108 226,00 F correspondant au coût des travaux de réfection préconisés par l'expert,
- 7 116 F représentant le coût des travaux de protection (passage couvert) destinés à permettre, durant les travaux, la poursuite de l'exploitation commerciale du fonds,
- 4 200 F au titre de leur manque à gagner,
- 12 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les époux Boulard-Demontis soutiennent tout d'abord que les articles 1641 et suivants du Code civil ne sont pas applicables, s'agissant d'une cession de parts sociales.
Ils estiment en conséquence que l'action introduite à leur encontre est irrecevable.
Ils concluent, à titre subsidiaire, à la confirmation de la décision entreprise.
Ils sollicitent, en tout état de cause, l'allocation d'une indemnité de 6 000 F au titre de leurs frais irrépétibles.
Maître Rossi et Maître Lemee, agissant respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers des époux Boulard, tous deux désignés à ces fonctions aux termes d'un jugement rendu le 26 février 1996 par le Tribunal de Commerce d'Alençon, sont intervenus à l'instance et ont donné adjonction aux conclusions déposées par les intimes.
La procédure a été clôturée le 14 octobre 1996.
Motifs :
Attendu que l'immeuble sis au Theil sur Huisne 8 rue de la Vallée constitue l'élément principal de l'actif social de la SCI Armoni; Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que les époux Boulard, vendeurs de la totalité des parts sociales de ladite société, devaient garantir les époux Buquet des vices cachés affectant l'immeuble ci-dessus désigné ;
Attendu au fond qu'il ressort des constatations de l'expert que les parties de cet immeuble réalisées en bois de sapin (certains des chevrons de la charpente - les sols du grenier à l'exception de ceux constitués de torchis - le plancher du premier étage situé au dessus de la salle à manger) sont attaqués par le capricorne des maisons, attaque imputable à l'utilisation de résineux non traités et comportant une part d'aubier importante Attendu que les appelants ont fait procéder à leurs frais par les soins de l'entreprise D.I.R.E. à la réfection totale ainsi qu'au nettoyage du sol du grenier (facture N° 595 du 21 avril 1993) ; Qu'ils ne sollicitent pas, dans le cadre de la présente instance, le remboursement de la somme de 20 853,61 F réglée par leurs soins, mais se contentent de réclamer le paiement des travaux nécessaires à la remise en état du plancher du premier étage et des menues interventions (remplacement de 8 chevrons - nettoyage et traitement des solives) qui doivent être effectuées sur la partie du toit située côté cour ainsi que dans le grenier portant le N° 2 ;
Attendu que l'expert, s'il a effectivement estimé que les dégâts affectant le sol du grenier N° 1 étaient visibles même par un non initié, a en revanche précisé qu'un profane ne pouvait lors de la vente s'être rendu compte de l'attaque des solives et du plancher ancien du premier étage, ces éléments se trouvant recouverts sur le dessus d'un panneau de particules, et sur le dessous d'un faux plafond, matériaux eux mêmes inattaquables par les capricornes ;
Attendu, le caractère caché du vice étant ainsi établi, que la décision déférée mérite réformation;
Attendu, pour le surplus, que Monsieur More Chevalier a chiffré à 108 526 F le coût des travaux de remise en état, étant observé que cette somme comprend notamment le démontage, la vérification et le remplacement du plancher sur. la surface incriminée, mais aussi le démontage et remontage des doublages posés sur rails mécaniques ainsi que des appareils sanitaires, et la réfection des peintures et tapisseries des murs et cloisons de la salle à manger du rez de chaussée, de la chambre de la salle de bains et du WC du premier étage ;
Attendu dès lors que la demande formulée par les époux Buquet est bien fondée à concurrence de ladite somme;
Attendu que les frais de construction du passage de protection entre la cuisine et la salle provisoire de restaurant, s'ils ont effectivement été admis par l'expert, ne peuvent cependant faire l'objet d'une réclamation spécifique, puisqu'ils ont été inclus par Monsieur More Chevalier dans le coût global des travaux de remise en état ;
Attendu de même que l'impossibilité pour l'enfant des époux Buquet d'utiliser sa chambre pendant la durée des travaux n'est pas génératrice d'un manque à gagner, un lit provisoire pouvant être installé pour ce dernier dans l'une des pièces du premier étage, sans qu'il soit nécessaire pour autant de lui affecter l'une des chambres destinées aux clients de l'hôtel Attendu, dans ces conditions que la créance des époux Buquet et de la SCI Armoni à l'encontre des époux Boulard doit être fixée à la somme de 108 526 F
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Buquet la totalité de leurs frais irrépétibles.
Par ces motifs : - Reçoit Monsieur et Madame Buquet et la SCI Armoni en leur appel ; - Infirme le jugement rendu le 13 juin 1995 par le Tribunal de grande instance d'Alençon ; Vu l'article 47 de la Loi du 25 janvier 1985, - Fixe à 108 526 F le montant de la créance des époux Buquet et de la SCI Armoni à l'encontre des époux Boulard-Demontis ; - Condamne Maître Lemee et Maître Rossi en leurs qualités respectives de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire de Monsieur et Madame Boulard Demontis à payer aux époux Buquet et à la SCI Armoni une indemnité de 5 000 F au titre des frais irrépétibles exposés par ces derniers, tant en première instance que devant la Cour ; - Condamne les mêmes pris en les mêmes qualités aux dépens de première instance et d'appel, et fait application à la SCP Duhaze-Mosquet-Mialon, avoués, des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.