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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 25 janvier 1993, n° 2977-91

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société des Nouveaux Procédés pour la Mécanique et l'Industrie

Défendeur :

Onyx et Marbres Granules (Sté), Paglierani (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Foulon

Conseillers :

MM. Lebreuil, Milhet

Avoués :

SCP Rives, SCP Nidecker-Prieu, SCP Boyer-Lescat

Avocats :

SCP Petit Volringer Peron, Me Malesys, SCP Balazard-Ancely-Jauffret

T. com. Toulouse, du 18 avr. 1991

18 avril 1991

Après divers pourparlers, la société Onyx et Marbres des Pyrénées (dite OMG) a commandé, le 28 février 1985, à la société Nouveaux Procédés pour la Mécanique et l'Industrie (ci-après dénommée SNPMI) une chaîne d'ensachage de granulés de marbre.

La société de droit italien, Paglierani a fourni à la société SNPMI la plus grande partie du matériel nécessaire à cette chaîne qui a été livrée le 23 juillet 1985 et mis en route le 7 avril 1987.

Après de nombreux essais et modifications, la machine livrée n'a pu fonctionner normalement et la société OMG a sollicité, en référé, l'institution d'une expertise technique aux fins habituelles en la matière.

L'expert, commis par ordonnance du 4 mars 1988, a dressé rapport de ses opérations le 12 août suivant.

Suivant exploits des 8 Novembre, 15 novembre et 6 décembre 1988, la société OMG a fait assigner la société SNPMI et la société Paglierani et a sollicité la réparation de son préjudice en se fondant sur les dispositions des articles 1641, et au besoin 1147 du Code civil.

Le Tribunal de commerce de Toulouse, par jugement du 23 Novembre 1989, a ordonné une nouvelle expertise et l'expert commis a établi son rapport le 30 avril 1990.

Le Tribunal de commerce de Toulouse, statuant au fond par jugement du 18 avril 1991, a condamné la société SNPMI a reprendre certains matériels et à payer à la société OMG la somme de 58 050 F, avec les intérêts légaux à compter de l'assignation, outre celle de 300 000 F à titre de dommages-intérêts, et celle de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société SNPMI a régulièrement interjeté appel de cette décision en concluant, à titre principal, au rejet des demandes de la société OMG au motif que les conclusions de l'expert sont dubitatives quant à la responsabilité des parties et, à titre subsidiaire, à la garantie de la société Paglierani.

La société OMG demande à la cour de :

- constater l'impossibilité pour ses adversaires de satisfaire au cahier des charges accepté par la société SNPMI et que le contrat liant les parties se trouve résolu, et dire que ladite société et la société Paglierani sont solidairement responsables de l'entier préjudice subi et doivent reprendre la colonne télescopique et le conformateur contre le remboursement de la somme de 58 050 F ;

- constater qu'elle a "dépensé 1 082 285 F pour rien jusqu'à ce jour ;

- évaluer son préjudice au 7 octobre 1988 et fixer à 892,97 F le préjudice journalier à compter du 8 octobre 1990 ;

- condamner solidairement les sociétés adverses au paiement de la somme de 1 175 327 F outre 892,97 F par jour jusqu'à ce que le jugement à intervenir soit devenu définitif, avec les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 1990, et la somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles.

La société OMG estime que la société Paglierani n' est pas un tiers par rapport à elle et que son préjudice a été sous évalué.

Par écritures additionnelles la société OMG fait valoir que ses demandes sont fondées sur les dispositions relatives à la garantie des vices cachés et au besoin sur l'article 1147 du Code civil et que la société Paglierani a engagé sa responsabilité en tant que fabricant concepteur de la machine vendue.

La société Paglierani conclut à la confirmation de la décision déférée et à l'octroi de la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles.

La société intimée soutient qu'elle n'a pas contracté avec la société OMG, que le cahier des charges ne lui est pas opposable, qu'aucun vice caché n'est établi, que le bref délai de l'article 1648 du Code civil n'a pas été respecté, qu'elle n'est pas intervenue dans la conception de la machine et que le matériel qu'elle a livré fonctionne normalement.

A la suite du redressement judiciaire de la société SNPMI, la société OMG a régulièrement fait assigner, par actes des 21 et 22 décembre 1992, Me Coudray, et Me Bouteil, respectivement en qualités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire audit redressement, lesquels n'ont pas constitué avoué, et a déclaré sa créance.

Sur quoi - la cour ;

Attendu qu'il convient de distinguer les actions principales de l'action en garantie ;

1° Sur les actions principales dirigées par la société OMG à l'encontre de la société SNPMI assistée de Me Coudray et de Me Bouteil, ès-qualités, et de la société Paglierani :

Attendu, sur l'action dirigée contre la société SNPMI qu'il est constant que cette dernière a fourni et mis en place l'installation dont s'agit ;

Que les parties sont liées par un contrat de vente dès lors que la matière constitue la partie principale de leurs conventions et que le poids de la main d'œuvre n'y est pas prépondérant ;

Attendu qu'il appert des constatations des experts judiciaires, qui ont été faites avec zèle, soins et toutes connaissances désirables et qui ne font l'objet d'aucune critique pertinente, que la chaîne d'ensachage est affectée de vices au niveau des conformateurs associés à l'arraseur, qui ne présentait pas des sacs correctement conformés à la soudeuse, et ne peut, de ce fait, fonctionner normalement ;

Attendu, ainsi, qu'il est établi que le fonctionnement défectueux de l'installation vendue résulte d'un défaut de conception de certains des éléments qui la composent ce qui constitue un vice caché (antérieur à la vente et imputable à la chose) qui la rend impropre à l'usage auquel elle était destinée ou qui a eu pour effet de diminuer très sensiblement cet usage de telle manière que l'acheteur n'aurait pas acquis cette chose ou n en aurait donné qu'un moindre prix s'il l'avait connu ;

Qu'il convient, en conséquence, de dire que la garantie légale contre les vices cachés est due par la société SNPMI ;

Attendu, sur les demandes dirigées par la société OMG à l'encontre de la société Paglierani qui a fourni à la société SNPMI une grande partie du matériel nécessaire à la réalisation de la chaîne d'ensachage et en droit, qu'il est admis que le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur (fabricant) originaire dès lors que cette action se transmet avec la chose vendue ;

Attendu que la société OMG, qui a intenté son action dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil à compter du dépôt du rapport d'expertise lui permettant de connaître la nature exacte du vice ainsi que l'ampleur des dommages, soutient que la société Paglierani est le véritable concepteur de l'installation dont s'agit ;

Qu'il apparaît, à cet égard, que le plan de montage de la chaîne d'ensachage a été élaboré par la société Paglierani, au mois d'octobre 1984, après que le PDG de la société OMG se soit rendu au siège de la société italienne ;

Attendu qu'il n'est pas non plus contesté que des employés de la société Paglierani sont allés sur le site de la société OMG et que de nombreux essais préliminaires ont été effectués au siège de la société italienne, qui avait sollicité l'envoi d'échantillons de produits à conditionner;

Qu'il ne peut, donc, être sérieusement dénié que la société Paglierani a participé à la conception de l'installation dont s'agit et qu'elle doit, ainsi, répondre, dans le cadre de la garantie légale des vices cachés, des défauts de conception constatés par les experts judiciaires, étant précisé que ces défauts constituent des vices non apparents antérieurs à la vente ;

Attendu que la société SNPMI et la société Paglierani, ayant concouru, par leur fait respectif, à causer le même et entier dommage seront condamnées, chacune, in solidum avec l'autre à le réparer ;

Attendu, cependant, qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre la société SNPMI qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et que, seul, peut être fixé en ce qui la concerne, le montant à inscrire au passif de cette procédure, étant précisé que la société OMG a déclaré sa créance dans des conditions de régularité qui n'ont fait l'objet d'aucune critique avant la clôture des débats ;

Attendu que la société OMG a exercé l'action rédhibitoire en ce qui concerne la colonne télescopique et le conformateur dès lors qu'elle sollicite la restitution du prix de ces appareils qu'elle offre seuls de restituer, avec allocation de dommages-intérêts ;

Qu'il convient, en conséquence, de prononcer la résolution de la vente en tant qu'elle est relative aux équipements susmentionnés, les sociétés SNPMI et Paglierani étant condamnées à en restituer le prix (soit la somme de 58 050 F avec les intérêts de droit à compter, non de la date du paiement de cette somme, mais du 12 août 1988 conformément à la demande de la société OMG) contre restitution des appareils susvisés ;

Attendu, en outre, qu'en application de l'article 1645 du Code civil le vendeur qui connaissait les vices (ce qui est le cas de la société appelante et de la société Paglierani en leurs qualité de vendeurs professionnels) est tenu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ;

Attendu que le montant de ces dommages-intérêts a été, en de juste motifs qu'il convient d'adopter, correctement apprécié par les premiers juges en considération des constatations faites par les experts judiciaires (lesquelles ne sont pas sérieusement contredites par la société OMG qui s'abstient de produire le moindre élément probant à l'appui de ses dires) et des circonstances de la cause ;

Que la cour estime équitable d'allouer à la société OMG la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

2° Sur l'action en garantie diligentée par la société SNPMI contre la société Paglierani :

Attendu que la société Paglierani, fournisseur de la société appelante, répond, en sa qualité de vendeur, des vices cachés de la chose envers son propre acquéreur ;

Qu'il est constant que ladite société a participé à la conception défectueuse de l'instance dont s'agit et a contribué, ainsi, à l'apparition des vices constatés, et qui consistent en des défauts de conception ;

Que compte-tenu du rôle causal joué par la société Paglierani, celle-ci sera condamnée à garantir la société SNPMI (qui a également contribué à la conception de la chaîne d'ensachage) à hauteur de 50 % du montant des sommes mises à sa charge ;

Que les dépens de première instance et d'appel seront supportés in solidum par la société SNPMI et par la société Paglierani, étant précisé qu'en ce qui concerne la société SNPMI les dépens seront réglés comme frais privilégiés de redressement judiciaire ;

Que la société Paglierani sera condamnée à garantir la Société SNPMI, au titre des dépens à hauteur de 50 % ;

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit en la forme1 l'appel jugé régulier ; Constate l'état de redressement judiciaire de la société SNPMI , les assignations en reprise d'instance délivrées à Me Coudray et à Me Bouteil, respectivement es-qualités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire, et la déclaration de créance régularisée par la Sté OMG ; Infirme la décision déférée et statuant à nouveau ; Prononce la résolution de la vente en tant qu'elle est relative à la colonne télescopique et au conformateur ; Fixe à la somme de 58 050 F,(cinquante huit mille cinquante F) avec les intérêts au taux légal à compter du 12 août 1988, le montant de la créance de la société OMG, consécutive à la résolution de la vente, dans le redressement judiciaire de la société SNPMI et dit que Me Coudray, ès- qualités, devra le cas échéant, verser à titre de consignation le dividende de distribution correspondant à cette créance ; Condamne la société Paglierani à payer à la société OMG la somme de 58 050 F, (cinquante huit mille cinquante F) avec les intérêts au taux légal à compter du 12 août 1988 ; Ordonne la restitution, par la société OMG, à la société SNPMI des appareils susmentionnés ; Fixe à la somme de 300 000 F .{trois cent mille F) le montant de la créance indemnitaire de la société OMG dans le redressement judiciaire de la société SNPMI et dit que Me Coudray, es-qualité, devra, le cas échéant, verser à titre de consignation le dividende de distribution correspondant à cette créance ; Condamne la société Paglierani à payer à la société OMG la somme de 300 000 F (trois cent mille F), à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudices confondues ; Fixe à la somme de 10 000 F (dix mille F) le montant de la créance de la société OMG dans le redressement judiciaire de la société SNPMI au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et dit que Me Coudray devra, le cas échéant, verser à titre de consignation le dividende de distribution correspondant à cette créance; Condamne la Société Paglierani à payer à la société OMG la somme de 10 000 F (dix mille F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Paglierani à garantir le redressement judiciaire de la société SNPMI à hauteur de 50 % des sommes, telles que fixées ci-dessus, mises à sa charge ; Rejette comme injustifiée ou mal fondées toutes condamnations contraires ou plus amples des parties et les déboute du surplus de leurs demandes ; Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés in solidum par le redressement judiciaire de la société SNPMI et par la société Paglierani ; Condamne, pour ce faire, la société Paglierani aux dépens et dit que ceux-ci seront réglés en ce qui concerne la société SNPMI comme frais privilégiés de redressement judiciaire ; Condamne la société Paglierani à garantir la société SNPMI, à hauteur de 50 %, au titre des dépens ; Ordonne la distraction des dépens d'appel au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande conformément à l'Article 699 du nouveau Code de procédure civile.