CA Paris, 5e ch. B, 5 avril 2001, n° 1999-06849
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Compagnie Winterthur Suisse (Sté), Datwyler AG (SA)
Défendeur :
CIAM (Sté), Datwyler France (SARL), ITT Composants & Instruments (SA), ITT Automotive (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Briottet
Avoués :
Mes Bolling, Bodin-Casalis, Pamart, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau
Avocats :
Mes Senechal-l'Homme, Mettetal, Brault, Confino.
LA COUR statue sur l'appel interjeté par la Compagnie d'assurances Winterthur, société de droit suisse, et la société de droit suisse Datwyler AG contre le jugement rendu le 2 mars 1999 par le Tribunal de commerce de Paris, qui a :
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Datwyler AG,
- rejeté "l'exception" - en réalité la fin de non-recevoir- opposée par la société Winterthur,
- condamné la société d'assurance Caisse industrielle d'assurances mutuelles (CIAM) à payer à la société Datwyler France la somme de 853 885,93 F avec les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 1995 et application de l'anatocisme,
- condamné solidairement la société Datwyler AG et son assureur, la Compagnie Winterthur, celle-ci dans la limite de la police d'assurance, a garantir la société CIAM du montant de la condamnation ci-dessus,
- ordonné l'exécution provisoire moyennant fourniture par la compagnie CIAM d'une garantie bancaire,
- condamné, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société CIAM à payer 15 000 F à la société Datwyler France et 5 000 F à la société ITT Composants & Instruments, aux droits de la société ITT Automotive et les sociétés Datwyler AG et Winterthur à payer 10 000 F à la Compagnie CIAM,
- mis les dépens à la charge de la société CIAM.
La société ITT Automotive -aujourd'hui ITT Composants & Instruments- a, en septembre 1994, reçu livraison par la société Datwyler France de soupapes à disques, fabriquées par la société Datwyler AG et destinées a être intégrées dans les amplificateurs d'assistance au freinage de véhicules automobiles, qu'elle fabrique et commercialise. Il est apparu, après livraison et incorporation de nombre de soupapes livrées dans des amplificateurs, que les pièces des lots n° 14-94 et 15-94 -comprenant 68 123 soupapes au total- présentaient un défaut, à savoir la présence de fissures, coupures ou déchirures sur la face interne. La société ITT Automotive a mis au rebut 8 649 amplificateurs en attente de livraison dans la fabrication desquels étaient entrées des soupapes provenant des lots litigieux et, pour réparation de son préjudice, a adressé le 14 décembre 1994 à son fournisseur une note de débit de 854 955 F hors taxes, soit 1 013 976,63 F TTC, que la société Datwyler France n'a pas contestée et qu'elle a donc payée par compensation, son montant devant être imputé sur celui des factures à venir.
La société Datwyler France a déclaré le sinistre le 12 octobre 1994 à son assureur, la Compagnie CIAM, qui a fait procéder à une expertise technique et à une estimation du préjudice par Monsieur Karpp, lequel a remis son rapport le 17 mars 1995.
Les discussions entre les différentes parties concernées -Datwyler France, son assureur CIAM, Datwyler AG et son assureur Winterthur- n'ayant pas permis d'aboutir à un accord, la société Datwyler France a, le 12 janvier 1998, fait assigner en paiement d'une indemnité d'assurance de 880 985,30 F et de dommage intérêts pour résistance abusive la Compagnie CIAM, laquelle a appelé en garantie la société Datwyler AG et son assureur Winterthur et en déclaration de jugement commun la société ITT Automotive. C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.
La compagnie Winterthur et la société Datwyler AG, appelantes, invoquant la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 et la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales de vente de Datwyler AG, demandent à la cour, aux termes de leurs dernières conclusions du 10 janvier 2001
- à titre principal de dire le Tribunal d'Altdorf-Uri (Suisse) seul compétent pour connaître du litige, à titre subsidiaire
- dire la CIAM irrecevable en son action comme n'ayant pas préalablement indemnisé son assuré, conformément à l'article L. 121-12 du Code des assurances,
- constater la prescription de l'action de la société CIAM en vertu des dispositions de l'article 210 du Code des obligations suisse ou, subsidiairement, de l'article 1648 du Code civil, à titre plus subsidiaire encore,
- débouter la société CIAM de sa demande en ce qu'elle ne rapporte pas la preuve des dispositions du droit suisse, lequel doit être déclaré seul applicable au litige, à titre infiniment subsidiaire, sur le fond.
- dire que Datwyler France a manqué à ses obligations de contrôle et mettre en conséquence hors de cause les sociétés Datwyler AG et Winterthur,
- condamner en toute hypothèse la société CIAM au paiement de la somme de 35 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions du 21 décembre 2000, resignifiées le 28 décembre 2000, la Compagnie d'assurance CIAM, intimée et incidemment appelante, prie la Cour de
- déclarer la société Datwyler France irrecevable ou subsidiairement mal fondée en ses demandes,
- subsidiairement ordonner une expertise technique afin de déterminer si la nature des défauts constatés aurait dû être détectée par la société Datwyler France, par la société Datwyler AG ou par la société ITT Automotive et si les procédures de contrôle entre Datwyler AG et Datwyler France étaient adéquates au regard des engagements de Datwyler AG envers ITT Automotive, ainsi qu'une expertise financière sur le préjudice,
- très subsidiairement dire qu'une éventuelle condamnation à son encontre ne pourrait, s'agissant d'une décision constitutive de droit, être assortie d'intérêts qu'à compter de l'arrêt à intervenir,
- confirmer en tous les cas le jugement attaqué en ce qu'il a condamné les sociétés Datwyler AG et Winterthur à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ainsi qu'à lui payer 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner tout contestant à lui payer une somme complémentaire de 30 000 F en application de ce texte.
La société Datwyler France, autre intimée, aux termes de ses dernières écritures du 4 janvier 2001, demande à la cour de :
- dire les juridictions françaises incompétentes sur le seul appel en garantie formé par CIAM contre les sociétés Datwyler AG et Winterthur,
- déclarer les dites sociétés irrecevables, en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, à solliciter sa condamnation à les garantir de toutes éventuelles condamnations et les débouter de leur demande tendant à voir dire engagée sa seule responsabilité,
- rejeter les demandes de la société CIAM et confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné cette société à son profit,
- condamner la société CIAM à lui payer 50 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi que 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société ITT Composants & Instruments, également intimée, conclut, par ses dernières écritures signifiées le 20 décembre 1999, à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société CIAM de ses demandes contre elle, au rejet des prétentions de la société CIAM, et à la condamnation de celle-ci à lui payer 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Cela étant exposé
Sur la compétence
Considérant que seules les sociétés Datwyler AG et Winterthur ayant soulevé une exception d'incompétence, celle-ci ne vaut que pour le recours en garantie formé contre elles par la société CIAM, à l'exclusion de l'action principale de Datwyler France contre CIAM;
Considérant que les deux sociétés appelantes invoquent les dispositions de l'article 17 de la Convention de Lugano, selon lesquelles, si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, sont convenues d'un tribunal d'un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal est seul compétent, la convention attributive de juridiction pouvant être conclue soit par écrit ou verbalement avec confirmation écrite soit sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, soit encore sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et largement connu et observé dans le type de commerce international considéré ; que, selon les appelantes, les conditions générales de vente et de livraison de la société Datwyler AG, non seulement pour la vente litigieuse mais pour toutes les ventes antérieures à Datwyler France, comportaient une clause attributive de compétence ainsi rédigée "20. Lieu de tribunal. L'acheteur renonce à faire appel au tribunal compétent de son lieu d'origine et pour tous les différents compatibles avec ce contrat il sera fait appel au Tribunal d'Altdorf-Uri"
Mais considérant qu'une telle clause ne peut recevoir application qu'autant que les deux parties en sont convenues entre elles, ainsi que le spécifie l'article 17 précité de la Convention de Lugano ; que les sociétés Datwyler AG et Winterthur ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que la société Datwyler avait, à la date de la commande portant sur les produits litigieux, accepté, quelque forme que cette acceptation ait pu prendre, la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions de vente et de livraison dont elles invoquent l'application; qu'elles produisent seulement, en effet, d'une part une photocopie de "Conditions de vente et de livraison" rédigées en allemand et en français, sans aucune indication permettant de déterminer la date de rédaction de ce document ni celles à partir de laquelle et jusqu'à laquelle Datwyler AG l'aurait fait figurer sur ses confirmations de commande, ou ses factures ou autres documents commerciaux, d'autre part des photocopies du recto de confirmations de commande de 1977, 1991 et 1993, portant la mention: "Nous vous remercions de votre commande qui sera effectuée selon nos conditions de vente et de livraison indiquées au verso", les documents de 1991 et 1993 comportant en outre et à la suite votre indication:" tout en déclinant des conditions éventuelles de votre part s 'opposant aux nôtres" ; que la cour n'est pas à même de s'assurer que les conditions de vente invoquées sont bien celles qui figuraient au verso des confirmations de commande adressées antérieurement à Datwyler France, moins encore qu'elles figuraient au verso des confirmations relatives aux commandes ayant porté sur les soupapes défectueuses objet du litige; qu'aucun élément n'est produit qui serait de nature à établir l'application de la clause attributive de juridiction contestée dans les rapports entre Datwyler AG et sa filiale Datwyler France, antérieurement à la commande ou aux commandes litigieuses; que, d'autre part, les appelantes ne contestent pas qu'une clause attributive de juridiction au "Tribunal de Saint-Quentin" figurait sur des formulaires de commande adressés à Datwyler AG par Datwyler France ; que, même si c'est par erreur que celle-ci avait utilisé ces formulaires, non pour des commandes mais pour des retours de marchandises défectueuses, il n'en résulte pas moins que les bons de commande de Datwyler France comportaient, à l'époque considérée, une clause attributive de juridiction différente de celle invoquée par les appelantes ;
Que l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés appelantes ne peut donc être accueillie ;
Sur l'action de la société Datwyler France contre la Compagnie d'assurances CIAM
Considérant que, si la société CIAM conclut à l'irrecevabilité ou subsidiairement au rejet des prétentions de son assuré, Datwyler France, elle n'indique pas la fin de non-recevoir dont elle entend se prévaloir et ne précise pas les moyens opposés à la demande, se bornant à solliciter subsidiairement une expertise technique et une expertise financière et à évoquer de manière vague le partage de responsabilité auquel devrait conduire la constatation d'un défaut de contrôle par ITT Automotive à réception des marchandises ;
Considérant que la société CIAM ne conteste pas, dans le principe, que le sinistre déclaré par Datwyler France entrait dans le champ de sa garantie; qu'en effet, selon le contrat souscrit par Datwyler France le 1er février 1994, a effet du 27 janvier 1994, tel que modifié par l'avenant numéro 1 en date du 1er janvier 1995, à effet rétroactif du 27 janvier 1994, l'assureur s'obligeait à garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile délictuelle, quasi-délictuelle ou contractuelle que l'assuré peut encourir du fait des activités déclarées, - en l'espèce la "fabrication et commercialisation de pièces en caoutchouc destinées à l'automobile principalement" et le "contrôle, à laide d'appareils de mesure, de pièces fabriquées par la maison mère Datwyler Suisse, notamment soupapes à disque, joints thoriques, soufflets, douilles d'amortisseurs" -en raison des dommages corporels, des dommages matériels et des dommages immatériels consécutifs ou non consécutifs causés à autrui et ayant pour origine notamment "ses produits, matériels ou travaux après leur livraison ou leur achèvement, notamment en cas de vice caché", étant exclus de la garantie les frais de réparation, amélioration, remplacement ou réfection des produits réalisés et/ou facturés par l'assuré dans le cadre du marché concerné par le sinistre ;
Considérant que, si la société CIAM demande subsidiairement une expertise technique sur le point de savoir qui, du fabricant , du distributeur ou de l'acheteur, aurait dû déceler les défauts dont étaient atteintes les soupapes appartenant aux lots 14-94 et 15-94 livrés à la société ITT Automotive, elle ne conteste pas que ces soupapes comportaient des fissures ou déchirures sur leur face interne, indécelables par le contrôle visuel auquel Datwyler France devait procéder selon le protocole établi par Datwyler AG pour assurer le contrôle qualité délégué par ITT Automotive, défauts cachés rendant manifestement impropres à leur destination normale des éléments entrant dans la fabrication de pièces contribuant à l'assistance au freinage de véhicule automobiles et considérés comme pièces de sécurité ; que l'existence de ce vice caché résulte du rapport de Monsieur Karpp, expert mandaté par la société CIAM elle-même, qui n'a jamais remis en cause ses conclusions sur ce point, les ayant au contraire invoquées pour soutenir que le responsable final du sinistre était la société Datwyler AG, contre laquelle Datwyler France devait se retourner;
Considérant que, si en effet la responsabilité du fabricant peut être recherchée sur la base des constatations ci-dessus rappelées, il n'en est pas moins certain que la société Datwyler France, qui a vendu les produits défectueux à la société ITT Automotive, est tenue envers celle-ci à la garantie des vices cachés et qu'elle est fondée à demander à son assureur de la garantir des conséquences de cette responsabilité, dans la double limite du préjudice réellement causé à ITT Automotive et du contrat d'assurance, même s' il n'est pas discutable qu'elle ne peut opposer à l'assureur l'évaluation du préjudice, par elle acceptée, que la société ITT Automotive a fait elle-même;
Considérant qu'il ne saurait y avoir partage de responsabilité entre le vendeur Datwyler France et l'acheteur ITT Automotive, au motif que celui-ci n'aurait pas suffisamment contrôlé la marchandise à réception, alors que la société ITT Automotive ne s'était pas engagée à effectuer un tel contrôle, étant observé au demeurant qu'elle avait délégué le contrôle qualité à Datwyler AG, qui l'avait en partie sous traité à Datwyler France elle-même;
Que la nouvelle expertise technique sollicitée par CIAM est dès lors inutile, alors au surplus qu'avec son accord, donné le 20 octobre 1995, et celui de la Compagnie Winterthur, assureur de Datwyler AG, les pièces litigieuses ont été détruites
Considérant, sur le préjudice entrant dans le champ de la garantie de CIAM, que le tribunal en a fait une exacte appréciation, conforme à l'estimation du propre expert de l'assureur, qui a obtenu communication par les parties, spécialement ITT Automotive, de toutes les pièces justificatives qui lui paraissaient nécessaires ; que le rapport établi tardivement, deux ans et demi après celui de Monsieur Karpp, par Monsieur Meralli Ballou, expert comptable, à la demande de la Compagnie CIAM, n'apporte pas d'éléments convaincants de nature à remettre en cause les conclusions du rapport Karpp, se bornant pour l'essentiel à estimer que le préjudice invoqué par ITT Automotive n'est pas suffisamment étayé par des pièces justificatives, alors que Monsieur Karpp a pu réclamer et avoir accès, en son temps, à des pièces qui lui ont paru, à lui et à sa suite à l'assureur pendant deux ans et demi, suffisantes pour justifier le préjudice invoqué, à concurrence de sa propre estimation; qu'il n'y a donc pas lieu, alors de surcroît que plus de six années se sont écoulées depuis la survenance du sinistre, d'ordonner l'expertise financière sollicitée à titre subsidiaire ;
Considérant sur les intérêts, que la fixation par le juge de l'indemnité d'assurance, s'agissant de l'assurance de responsabilité, suppose celle du dommage qu'elle a pour objet de garantir ; qu'en l'espèce l'évaluation du préjudice d'ITT Automotive , en fonction de laquelle a été fixée l'indemnité due par la CIAM a son assuré Datwyler France, a été faite par le jugement déféré ; que l'indemnité d'assurance allouée à la société Datwyler France ne peut donc produire des intérêts moratoires qu'à compter de ladite décision, confirmée de ce chef, quant au principal de la condamnation, conformément aux articles 1153 et 1153-1 du Code civil;
Considérant que la société Datwyler France, qui réclame des intérêts à compter d'une mise en demeure qu'elle aurait faite le 6 juillet 1995- mise en demeure de "faire le nécessaire" qui ne pourrait en toute hypothèse être regardée comme une sommation de payer- en invoquant le caractère contractuel de sa créance sur l'assureur, ne soutient pas, par ailleurs, que le point de départ de ces intérêts devrait être fixé à une date antérieure à celle du jugement à titre de réparation;
Que la capitalisation sera cependant ordonnée pour l'avenir, dès lors que les conditions de l'article 1154 du Code civil seront remplies ;
Considérant qu'alors qu'elle ne déniait pas sa garantie, connaissait dès mars 1995, par le rapport de son expert, la nature, les causes et l'étendue du sinistre et le montant du dommage, savait que son assuré avait indemnisé amiablement le tiers lésé, n'avait aucun moyen sérieux à opposer à la demande d' indemnité, l'existence d'un recours possible contre le fabricant et son assureur ne pouvant la décharger de sa propre obligation, la société CIAM a de manière abusive résisté à la demande légitime, du moins dans son principe, de la société Datwyler France, refusant de payer à celle-ci, depuis six ans, quelque somme que ce soit au titre de l'indemnité d'assurance et n'a pas même fait une offre d'indemnité, fut-elle d'un montant inférieur à ce qui était demandé, renvoyant l'assuré à rechercher la responsabilité de son propre vendeur, fabricant du produit défectueux; qu'elle a ainsi causé à la société Datwyler France un préjudice, tenant aux tracas divers engendrés par des démarches réitérées dont l'échec avéré l'a contrainte à une action en justice ; que ce préjudice sera intégralement réparé par l'allocation d'une indemnité de 40 000 F;
Sur le recours en garantie de la société CIAM contre les sociétés Datwyler AG et Winterthur
Considérant que les dispositions de l'article L. 121-12 du Code des assurances ne rendent pas irrecevable le recours en garantie de l'assureur auquel l'assuré demande en justice paiement de l'indemnité d'assurance, l'éventuelle condamnation du tiers responsable à garantir l'assureur ne pouvant recevoir exécution qu'autant que celui-ci justifie être subrogé dans les droits de son assuré pour avoir versé l'indemnité d'assurance mise à sa charge par la décision judiciaire ;
Considérant que les appelantes, qui invoquent au demeurant certaines dispositions du droit français, telle celle ci-dessus visée, ne sont pas fondées à soutenir que le droit suisse serait seul applicable au litige, au motif qu'une clause des conditions de vente de Datwyler AG le prévoit, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit plus haut à propos de la clause attributive de juridiction, il n'est pas établi que la société Datwyler France a eu connaissance des conditions de vente dont le texte est versé aux débats et les avait acceptées ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société CIAM, la fin de non-recevoir tirée de ce que son action, fondée sur l'existence de vices cachés, aurait été introduite tardivement, en méconnaissance des dispositions de l'article 1648 du Code civil, pouvait être proposée en tout état de l'instance, conformément à ce qui est dit à l'article 123 du nouveau Code de procédure civile; que les sociétés Datwyler AG et Winterthur sont donc recevables à l'invoquer ;
Considérant que, selon l'article 1648 du Code Civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai; que la Compagnie CIAM exerçant en l'espèce l'action appartenant à son assuré, ces dispositions sont applicables à son recours en garantie contre le fabricant des soupapes atteintes de défauts cachés, qu'il a vendues à Datwyler France, et contre l'assureur du dit fabricant ;
Considérant que la société Datwyler France a eu connaissance du vice des soupapes dès le 3 octobre 1994, sommairement, par son client ITT Automotive, qui l'avait découvert le 29 septembre 1994, et, de façon certaine et précise au plus tard le 17 mars 1995 par le rapport de Monsieur Karpp, chargé de l'expertise diligentée par la Compagnie d'assurances CIAM, à laquelle le sinistre avait été déclaré le 12 octobre 1994 ; que dès lors, en appelant en garantie, sur le fondement du vice caché, la société Datwyler AG et son assureur la Compagnie Winterthur par actes des 17 et 18 mars 1998, trois ans après la découverte certaine du vice par l'acheteur, la société CIAM n'a pas agi dans le bref délai imposé par l'article 1648 du Code civil; que son action sera donc déclarée irrecevable; Considérant que le jugement attaqué mérite d'être confirmé quant aux dépens et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sauf en ce qu'il a condamné de ce chef les sociétés Datwyler AG et Winterthur au profit de la société CIAM;
Considérant que la société CIAM, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel, ce qui entraîne le rejet de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable, en application de ce texte, de la condamner à payer à la société Datwyler France 15 000 F et à la société ITT Composants & Instruments 10 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel ; que l'équité ne commande pas d'allouer une somme à ce titre aux sociétés Datwyler AG et Winterthur;
Par ces motifs - Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a fixé au 6 juillet 1995 le point de départ des intérêts assortissant la condamnation prononcée au profit de la société Datwyler France, rejeté la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive formée par celle-ci et condamné les sociétés Datwyler AG et Winterthur à garantir la Compagnie d'assurances CIAM ainsi qu'à lui payer une somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Réformant et statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, - Dit que la somme de 853 885,93 F , qua la société CIAM est condamnée à payer à la société Datwyler France, portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement déféré et que les dits intérêts seront capitalisés, s'il y a lieu, dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, - Condamne la société CIAM à payer à la société Datwyler France la somme de 40 000 F à titre de dommages-intérêts, - Déclare irrecevable la demande en garantie formée par la société CIAM contre les sociétés Datwyler AG et Winterthur, - Déboute la société CIAM de ses demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que de toutes autres demandes, - La condamne, au titre des frais irrépétibles d'appel, à payer 15 000 F à la société Datwyler France et 10 000 F à la société ITT Composants & Instruments, - Déboute les sociétés Datwyler AG et Winterthur de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Condamne la société CIAM aux dépens d'appel et admet la SCP Gibou Pignot Grappotte Benetreau, Maître Bolling et Maître Pamart, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.