CA Lyon, 1re ch., 30 mai 2002, n° 2000-06939
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Guyonnet
Défendeur :
Moran, Chaize
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacquet
Conseillers :
MM. Roux, Gourd
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud-Nouvellet
Avocats :
Mes Perol, Chantelot
Faits - procédure - prétentions des parties :
Alléguant l'existence de vices cachés affectant la maison qu'ils avaient achetée le 29 septembre 1999 et après exécution d'une expertise ordonnée en référé, Alexandre Chaize et Sandra Moran (les consorts Chaize) ont fait assigner leur vendeur, Evelyne Guyonnet, et son époux, Jean Frechard, en garantie et payement de sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 8 novembre 2000 le Tribunal de grande instance de Roanne a condamné Évelyne Guyonnet-Frechard à payer aux consorts Chaize les sommes de 64 401,01 euro, de 3 048,98 euro à titre de dommages-intérêts, et de 762,25 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Appelante de cette décision, Évelyne Guyonnet-Frechard soutient, dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 28 février 2002, qu'il n'est pas démontré que sont réunies les conditions d'application de l'article 1641 du Code civil dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les défauts de l'immeuble étaient apparents avant la vente même pour un non professionnel et que les consorts Chaize pouvaient s'en convaincre en visitant l'immeuble elle fait en outre valoir qu'il est stipulé dans l'acte de vente que les acquéreurs renoncent à tout recours contre l'ancien propriétaire pour quelque cause que ce soit notamment pour les vices de toute nature apparents ou cachés expressément vices ; elle conteste enfin l'évaluation des travaux de réfection, Elle conclut principalement au rejet des demandes adverses et sollicite subsidiairement la réduction à 136 007,63 francs TTC de la condamnation mise à sa charge; elle demande la condamnation des consorts Chaize à lui payer une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Les consorts Chaize demandent à la cour d'écarter des débats les conclusions averses notifiées le 28 février 2002 qu'ils considèrent tardives, de confirmer le jugement et de condamner Évelyne Guyonnet-Frechard à leur payer une indemnité complémentaire en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ils prétendent que non seulement les vices invoqués par eux étaient bien cachés mais qu'ils étaient connus d'Évelyne Guyonnet-Frechard qui ne les en a pas informés et leur a même affirmé que l'immeuble était en bon état et que la toiture était très saine.
Motifs de la décision :
Attendu que les conclusions récapitulatives qu'Évelyne Guyonnet-Frechard a notifiées le 28 février 2002 ne se différencient de ses précédentes écritures, notifiées le 22 octobre 2001, que par un développement de son argumentation, sans qu'aucun moyen ou important élément de fait y soit ajouté ; que les consorts Chaize auraient pu, s'ils l'avait estimé utile, y répondre avant le 8 mars 2002, date de l'ordonnance de clôture ; qu'il n'y a donc pas lieu de rejeter ces conclusions;
Attendu que l'expert judiciaire a constaté l'existence de désordres affectant d'une part la charpente (pourriture, due à des gouttières, d'un poinçon et de deux arbalétriers - importantes attaques d'insectes xylophages sur diverses pièces de bois, principalement sur la panne faîtière) d'autre part la couverture en tuiles de terre cuite qui sont gélives et délitées, certaines ayant même disparu, causant des fuites d'eau; qu'il affirme que ces désordres rendent la maison impropre à sa destination et existaient déjà lors de la vente de 1999, ce qu'Évelyne Guyonnet-Frechard ne nie pas;
Attendu qu'Évelyne Guyonnet-Frechard, qui ne conteste pas qu'elle avait connaissance de ces désordres, devait en informer les consorts Chaize, ce qu'elle ne prétend pas avoir fait; qu'en conséquence elle ne doit pas être considérée comme étant de bonne foi et ne peut pas se prévaloir de la clause contractuelle de non garantie;
Mais attendu que l'expert judiciaire a émis l'avis que les désordres de structure de charpente " pouvaient être remarqués par un non professionnel ou tout au moins susciter en lui des interrogations lui permettant de se rapprocher d'un professionnel pour en obtenir un avis autorise ... à condition de pénétrer dans les combles afin de se rendre compte de l'état des bois "; qu'il affirme même que "l'importance de l'attaque du bois de la panne du faîtage, de la panne nord ainsi que des bois de la tête de ferme devrait inévitablement attirer 1 'attention d'un profane";
Que, certes, Françoise Chaize atteste que lors de la visite de la maison qu'elle a faite avec son fils Alexandre Chaize ils n'ont eu aucun moment accès aux combles pour les visiter", qu'Évelyne Guyonnet-Frechard leur avait affirmé que la toiture était très saine et qu'ils avaient "fait confiance au vendeur" mais qu'il n'est pas du comportement normalement diligent de l'acquéreur d'un bien de cette nature de se fier aveuglément aux déclarations orales du vendeur; que l'expert relève d'ailleurs, à propos des désordres affectant la charpente, que des fuites d'eau devaient se manifester à l'intérieur du bâtiment "et de fait existait lors de l'acquisition par Alexandre Chaize, ils étaient visibles par un non professionnel" (sic); que ces manifestations visibles de désordres devaient amener les acquéreurs à ne pas procéder seulement à un examen superficiel de la maison;
Qu'Évelyne Guyonnet-Frechard fait pertinemment valoir que les consorts Chaize ont pu largement, librement et tout à loisir inspecter la maison lors de leurs deux autres visites reprises et surtout au cours des quinze jours ayant précédé la signature de l'acte authentique pendant lesquels les clefs de la maison leur ont été laissées;
Que l'expert a précisé que " pour vérifier la structure de la charpente il fallait une échelle pour accéder aux combles ... par une trappe située sur le palier de l'étage ... ce qui rendait la visite acrobatique " mais qu'il n'indique pas dans son rapport qu'il a lui-même rencontré de réelles difficultés pour accéder aux combles ; qu'il apparaît, dès lors, que cet accès n'excédait pas les capacités physiques qui devaient être celles d'Alexandre Chaize, Si l'on se réfère à son âge et à sa profession;
Qu'il ressort de ces éléments que les désordres affectant la charpente ne constituent pas des vices cachés et qu'Évelyne Guyonnet-Frechard ne doit pas garantie à ce titre;
Attendu, en revanche, s'agissant des désordres affectant les tuiles, que l'expert judiciaire indique que "les chéneaux en zinc à 1 'état neuf pouvaient passer comme un gage d'entretien de la toiture .... d'autant que vu de la cour le pan sud était flatteur", que "les ramifications de vigne vierge avaient envahi une grande partie du pan nord de la toiture" et que "dans tous les cas de figure, pour qu 'un professionnel puisse se rendre compte de 1 'état de conservation des tuiles de l'ensemble de la couverture il lui fallait se hisser sur la toiture ... a plus forte raison pour un non professionnel", l'accès se faisant " par la toiture d'un bâtiment annexe légèrement plus basse " que celle de la maison d'habitation;
Qu'Évelyne Guyonnet-Frechard, qui sur ce point ne procède que par affirmation, n'apporte rien qui contredise ces éléments de fait dont il résulte que les désordres affectant les tuiles n'étaient pas normalement visibles pour les consorts Chaize ; qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'en fait ces désordres étaient connus des acquéreurs lors de la signature de l'acte de vente ;
Qu'elle est tenue à garantie à ce titre et doit en conséquence supporter le coût de la réfection de la couverture en tuiles de la maison d'habitation;
Que c'est à tort que l'expert a retenu, dans son estimation des travaux de réparation, le coût de la réfection des plafonds alors qu'il n'est pas prétendu que ces éléments de la construction étaient atteints de vices cachés ou qu'ils ont subi après la vente des détériorations qui seraient la conséquence des vices affectant la couverture en tuiles ;
Attendu qu' Évelyne Guyonnet-Frechard reproche pertinemment à l'expert judiciaire de s'être borné, pour exécuter le chef de sa mission lui demandant de dresser un devis descriptif et estimatif précis des travaux propres à remédier efficacement aux désordres, à reprendre le devis établi le 16 octobre 1999 par François Chantelot - charpentier menuisier - alors que celui-ci a participé aux opérations d'expertise en qualité de conseil d'Alexandre Chaize, ainsi que cela a été expressément mentionné dans son rapport;
Qu'au surplus les consorts Chaize produisent un autre devis établi également le 16 octobre 1999 par François Chantelot où, pour la même superficie de tuiles, le prix unitaire est nettement inférieur (150 F/m2 au lieu de 180 Fm2); que pour ce poste il y a lieu de retenir le prix unitaire de 150 F/m2 HT ; que les montants des trois autres postes concernant la réfection de la couverture (arêtiers, faîtage ventilé et épis en zinc) sont identiques dans les deux devis et non contestés;
Qu'ainsi Évelyne Guyonnet-Frechard doit être condamnée à payer aux consorts Chaize la somme de 5 580,61 euro taxes comprises;
Attendu que les consorts Chaize, qui ne rapportent pas la preuve du trouble de jouissance qu'ils allèguent, doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts complémentaire ;
Attendu que leur demande étant rejetée en très grande part, les consorts Chaize doivent être condamnés aux dépens;
Que, toutefois, il n'y a pas lieu d'allouer à Évelyne Guyonnet-Frechard une indemnité pour ses frais non compris dans les dépens et exposés en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement; Et statuant à nouveau, Condamne Évelyne Guyonnet épouse Frechard à payer à Alexandre Chaize et Sandra Moran la somme de cinq mille cinq cent quatre-vingts euro soixante et un centimes (5 580,61 euro) outre intérêts au taux légal à compter de ce jour; Déboute Alexandre Chaize et Sandra Moran du surplus de leurs demandes; Déboute Évelyne Guyonnet épouse Frechard de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Alexandre Chaize et Sandra Moran aux dépens de première instance et d'appel et autorise l'avoué de leur adversaire à recouvrer directement contre eux les dépens d'appel dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.