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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 13 février 2003, n° 00-01784

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Pfalzgraf

Défendeur :

Immopro (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Samson

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Rosenbliech, Welschinger, Wiesel & Dubois, Heichelbech, Richard-Frick & Chevallier-Gaschy.

TGI Strasbourg, du 13 mars 2000

13 mars 2000

Par jugement du 13 mars 2000, le Tribunal de grande instance de Strasbourg qui avait été saisi par la société Immopro d'une action en paiement dirigée contre un ancien agent commercial, Mme Pfalzgraf, a:

- condamné Mme Pfalzgraf à payer à la société Immopro les sommes suivantes:

39 556,84 euro au titre des commissions indûment perçues

12 195,68 euro à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale

762,23 euro au titre du [non-]respect du préavis;

- constaté que la somme due au titre du non-respect du préavis avait d'ores et déjà été payée en exécution d'une ordonnance de référé du 6 novembre 1997,

- condamné la société Immopro à payer à Mme Pfalzgraf la somme de 20 424,87 euro au titre des commissions payées au 31 juillet 1997,

- ordonné la compensation entre les créances respectives des parties,

- débouté les parties pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Mme Pfalzgraf à payer à la société Immopro la somme de 1 219,57 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné Mme Pfalzgraf aux dépens.

Par déclaration faite le 6 avril 2000, Mme Pfalzgraf a interjeté appel de cette décision. La société Immopro a formé appel incident.

Suivant conclusions récapitulatives remises au greffe le 24 mai 2002, Mme Pfalzgraf fait valoir:

- que la société Immopro doit être déboutée de sa demande en remboursement des honoraires calculés sur les commissions TTC de 1995 dès lors qu'il existait un accord tacite entre les parties sur le mode de calcul de la rémunération de la concluante et que les conditions de l'action en répétition de l'indu ne sont pas réunies; que le montant de la répétition sollicitée ne peut être vérifiée;

- que la concluante ne devait aucun préavis à la date du 13 juin 1997 dans la mesure où le contrat avait été valablement résilié avec effet au 6 janvier 1997 et où l'article 6 alinéa 2 de la convention l'autorisait à cesser ses relations avec l'intimée, en dehors de tout préavis, du fait du défaut de paiement de ses commissions;

- qu'aucune rupture abusive du contrat ne peut lui être reprochée, la société Immopro ne démontrant d'ailleurs pas avoir subi un quelconque préjudice du fait de cette rupture;

- que la concluante n'a commis aucun acte de concurrence déloyale durant son mandat et que la société Immopro ne justifie pas du préjudice causé par les prétendus actes de concurrence déloyale;

- que la demande de son adversaire tendant au déblocage de fonds prétendument immobilisés est irrecevable en application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile et non fondée;

- que la société Immopro lui doit toujours des commissions.

En conséquence, Mme Pfalzgraf demande à la cour de:

- déclarer l'appel principal recevable et bien fondé;

- y faisant droit, infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Strasbourg;

- statuant à nouveau, condamner la société Immopro à lui payer la somme de 47 661,81 euro TTC avec intérêts de droit à compter du 22 septembre 1997;

- dire que les intérêts seront capitalisés année par année et pour la première fois le 22 septembre 1998 et ainsi de suite et porteront intérêts au même taux;

- constater qu'il n'existe aucune contre-créance de la société Immopro à l'encontre de la concluante;

- juger que Mme Pfalzgraf a vocation à percevoir la somme de 3 811,23 euro retenue entre les mains de Me Raabe;

- déclarer l'appel incident recevable mais non fondé;

- en conséquence, débouter la société Immopro de l'intégralité de ses demandes;

- en tout état de cause, condamner la société Immopro au paiement d'une somme de 3 048,98 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- constater le caractère exécutoire par provision de l'arrêt à intervenir.

Suivant conclusions récapitulatives remises au greffe le 24 mai 2002, la société Immopro rétorque:

- que sa demande en répétition des commissions indûment perçues par son ancien agent commercial, fondée sur les articles 1235 et 1376 du Code civil, s'appuie sur les termes clairs du contrat ; que Mme Pfalzgraf ne peut se prévaloir de la moindre contre-lettre, ni d'un quelconque accord tacite de la concluante sur le mode de calcul des commissions revenant à l'agent;

- que Mme Pfalzgraf a violé son obligation contractuelle de non-concurrence;

- que Mme Pfalzgraf réclame le paiement de commissions qui ne lui sont contractuellement pas dues;

- que le comportement déloyal de l'appelante a porté atteinte à l'image de marque de la concluante et a perturbé le fonctionnement de son agence;

- que Mme Pfalzgraf lui devait un préavis de deux mois en application de la loi du 25 juin 1991;

- que de façon indue, Mme Pfalzgraf a bloqué la commission revenant à la concluante à la suite d'une vente Brucker/Giannone.

Elle demande à la cour de:

- déclarer l'appel principal recevable mais mal fondé;

- en conséquence, débouter Mme Pfalzgraf de l'intégralité de ses demandes;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

* constaté que la rémunération de l'appelante était due sur une base de commission d'agence hors taxes et condamné Mme Pfalzgraf à lui payer au moins 259 481 F au titre des commissions indûment perçues,

* constaté que le contrat s'est poursuivi après la prétendue résiliation de janvier 1997,

* constaté la violation de la clause de non-concurrence et condamné l'appelante à une somme de 80 000 F,

* constaté le caractère indu des prétendues commissions impayées,

* ordonné la compensation réciproque des parties;

- infirmer pour le surplus le jugement entrepris et, en conséquence:

* juger que l'appelante n'était pas en droit de percevoir la commission Arical,

* juger que les sommes dues à l'appelante s'élevaient tout au plus à 21 362,83 euro,

* constater que le contrat n'a pas été rompu pour non-paiement de commissions,

* condamner Mme Pfalzgraf à lui payer la somme de 11 433,67 euro au titre du non-respect du préavis,

* condamner Mme Pfalzgraf à lui payer une somme de 27 440,82 euro en raison du caractère abusif de la rupture et du gain manqué,

* condamner Mme Pfalzgraf à lui payer une somme de 3 048,98 euro en réparation de l'atteinte à son image de marque et de la désorganisation de son entreprise;

- laisser à la charge de Mme Pfalzgraf les frais de la procédure de première instance et d'appel et la condamner aux frais taxables et dépens de la procédure de référé;

- condamner Mme Pfalzgraf à lui payer la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- à défaut de versement de la commission abusivement bloquée entre les mains de Me Raabe, condamner Mme Pfalzgraf à lui payer la somme de 3 811,23 euro;

- constater le caractère exécutoire de l'arrêt à intervenir.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2002.

Sur quoi LA COUR,

Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,

Attendu que l'appel principal, interjeté suivant les formalités légales dans le mois du prononcé du jugement entrepris, est régulier et recevable en la forme;

Attendu que suivant "contrat d'agent commercial" daté du 6 janvier 1995, la société Immopro-Schiltigheim, qui exerce une activité d'agent immobilier, a chargé Mme Noto épouse Pfalzgraf de procéder "à la recherche de vendeurs, d'acheteurs, de propriétaires et de locataires pour le compte du mandant", "pour une durée de un an" renouvelable par tacite reconduction ; que Mme Pfalzgraf a cessé toute activité pour le compte de la société Immopro à compter du 13 juin 1997;

Sur la demande de remboursement des commissions indûment perçues par l'agent commercial :

Attendu qu'il résulte de l'examen des notes d'honoraires établies par Mme Pfalzgraf et du décompte peu explicite établi par la société Immopro, qu'elle a baptisé "différentiel des commissions payées et réellement dues" (sa pièce n° 5), que le litige porte précisément sur la vocation de l'appelante à obtenir du mandant, pour l'année 1995, en sus d'une rémunération correspondant à 85 % des commissions d'agence HT, le paiement de la TVA afférente à ses prestations;

Attendu que la rémunération due à l'agent commercial a été arrêtée par l'article 7 du contrat dans les termes suivants:

"Honoraires

En rémunération de ses services, le mandataire percevra des honoraires dont le taux de base est fixé à 85 % pour la première année et 90 % pour les années suivantes de la commission d'agence (hors taxe et nette de toute remise, rétrocession, commission, droit, éventuellement dus à des tiers). Les honoraires du mandataire ne sont acquis qu'après conclusion définitive de l'affaire, c'est-à-dire après la levée des éventuelles conditions suspensives prévues au contrat, et lorsque le mandat aura perçu sa propre rémunération. Le règlement des honoraires s'effectuera après chaque affaire réalisée par le mandataire, sur présentation de sa facture, qui devra faire apparaître le montant de la TVA. Ces honoraires englobent les avances et frais que le mandataire a pu engager pour sa prospection par dérogation à l'article 2000 du Code civil."

Attendu que le 1er janvier 1996, cet article a été modifié en faveur de Mme Pfalzgraf par "l'additif" suivant:

"A compter du 10 janvier 1996, il convient de lire:

7. Honoraires

En rémunération de ses services, le mandataire recevra des honoraires dont le taux de base est fixé à 85 ... % de la commission d'agence toutes taxes comprises, toutes remises, rétrocession, commission, droit, éventuellement dus à des tiers étant à la charge du mandataire. Le présent paragraphe annule et remplace le précédent."

Attendu que ces dispositions contractuelles fixent une rémunération toutes taxes comprises, qui inclut la TVA due par Mme Pfalzgraf au Trésor, celle-ci ne pouvant réclamer aucune somme complémentaire à la société Immopro ; que l'interprétation contraire selon ces règles définiraient une rémunération hors taxe à laquelle Mme Pfalzgraf aurait vocation à ajouter la TVA, conduirait à admettre que la société Immopro devait rétrocéder à partir du 1er janvier 1996 des sommes supérieures à ses propres encaissements;

Attendu que la convention étant commerciale à l'égard de la société Immopro, société commerciale en raison de sa forme, Mme Pfalzgraf peut rapporter par tous moyens la preuve que les modalités de sa rémunération avaient l'objet d'une modification verbale et que les parties s'étaient accordées à appliquer dès 1995 le mode de calcul défini par l'avenant du 1er janvier 1996;

Mais attendu que la circonstance que les parties aient pris soin d'indiquer que l'additif entrait en vigueur le 1er janvier 1996 contredit la thèse défendue par l'appelante qui ne peut, en l'absence de tout autre élément, être admise par la cour, sauf à admettre que la preuve de l'accord s'induirait du seul paiement;

Attendu qu'en conséquence, la société Immopro n'avait pas à régler, au titre de l'activité déployée par Mme Pfalzgraf au cours de l'année 1995, de sommes supérieures à 85 % des commissions d'agence HT ; qu'en raison de l'inexistence de la dette et en l'absence d'intention libérale du mandant, la société Immopro est fondée à obtenir le remboursement de la TVA additionnelle qu'elle a pu verser à Mme Pfalzgraf, sans qu'elle soit tenue de démontrer une erreur de sa part;

Attendu que la société Immopro ne démontrant pas que les factures n° 96/0102, 96/0203, 96/0204, 96/0305, 96/0512 et 96/0513, émises en 1996, concernent des transactions ouvrant droit à rémunération selon les modalités applicables pour l'année 1995, l'indu s'établit comme suit:

<EMPLACEMENT TABLEAU>

soit globalement à 196 597,45 F ou 29 971,09 euro;

Sur la demande en paiement des commissions restant dues à Mme Pfalzgraf:

Attendu que Mme Pfalzgraf chiffre à 581 010 F le montant des commissions dues au jour de la cessation de son activité ou devenues exigibles depuis cette date; qu'elle ventile sa créance comme suit:

- facture n° 97/0612 du 17 juin 1997 d'un montant de 51 000 F TTC (aff. Willmann)

- facture n° 97/0613 du 24 juin 1997 d'un montant de 59 500 F TTC (aff. Mandery)

- facture n° 97/0614 du 24 juin 1997 d'un montant de 76 500 F TTC (aff. Vierling)

- facture n° 97/0615 du 24 juin 1997 d'un montant de 42 500 F TTC (aff. Stutz)

- facture n° 97/0616 du 30 juin 1997 d'un montant de 29 750 F TTC (aff. Daul)

- facture n° 97/0617 du 30 juin 1997 d'un montant de 21 250 F TTC (aff. Brucker)

- facture n° 97/0618 du 30 juin 1997 d'un montant de 51 000 F TTC (aff. Diebold)

- facture n° 97/0619 du 30 juin 1997 d'un montant de 102 000 F TTC (aff. Lechten)

- facture n° 97/0620 du 30 juin 1997 d'un montant de 17 000 F TTC (aff. Roux)

- facture n° 97/0621 du 30 juin 1997 d'un montant de 102 510 F TTC (aff. Farrugia)

- complément de sa facture n° 95/1220 du 3 décembre 1995 d'un montant de 28 000 F TTC;

Attendu que dans ses écritures, la société Immopro conteste les prétentions émises au titre des factures 97/0617, 97/0620, 97/0621 et 95/1220 mais ne consacre aucun développement aux autres factures;

Attendu que le Tribunal de grande instance de Strasbourg a refusé de prendre en considération les factures n° 97/0612 et 97/0615 aux motifs qu'il "résulte de l'examen du registre des mandats de la société Immopro que le mandat concernant la facture 97/0612 a été résilié, que la vente ne s'est pas réalisée, que la vente concernant la facture 97/615 n'a pas été réalisée dans le délai, que dès lors les conditions prévues à l'article 9 du contrat du 6 janvier 1995 ne sont pas réunies pour que Mme Pfalzgraf puisse percevoir une rémunération à la suite de la rupture des relations entre les parties";

Mais attendu que la lecture du registre des transactions (pièce n° 56) démontre au contraire que le compromis de vente signé entre Mme Willmann et les époux Hembold a été suivi par la signature d'un acte authentique reçu le 16 juin 1997 par Me Diener à Strasbourg (affaire n° 275/mandat n° 941) ; que sous la rubrique "relation de l'enregistrement", le responsable de l'agence immobilière a porté les mentions "Redacteur NP", "Retro NP", "51 000" et "Carpa"; que ces mentions attestent de la vocation de Mme Pfalzgraf, dont le prénom est Nadia, à obtenir paiement de sa facture n° 97/0612 d'un montant de 51 000 F TTC;

Attendu que l'examen de ce même registre (affaire n° 287/mandat n° 989) montre que le compromis de vente signé entre les consorts Stutz et Mlle Guenot a donné lieu à la signature d'un acte authentique en date du 8 août 1997, reçu par Me Reuther à St-Menehould et Me Krantz à La Wantzenau; que l'acte authentique ayant été signé "dans le délai de six mois suivant cette rupture", Mme Pfalzgraf a, en vertu de l'article 9 de la convention, droit aux honoraires afférents à son intervention ; que le responsable de la société Immopro n'a d'ailleurs pas contesté ce droit puisqu'il a porté les mentions "Redacteur NP", "Retro NP", "42 500" et "Carpa" sur le registre; que la facture n° 97/0615 est due;

Attendu que le jugement entrepris doit être sur ces points infirmé;

Attendu qu'il résulte d'une attestation de Me Schilling, notaire salarié en l'étude de Me Fritscb, que le compromis de vente signé le 27 novembre 1996 entre les consorts Roux et les époux Marques-Bras n'a pas abouti à la signature d'un acte authentique "par suite du défaut de réalisation de l'une des conditions suspensives prévue au compromis de vente" (pièce n° 46) ; que Mme Pfalzgraf ne peut prétendre au paiement de sa facture n° 97/0620;

Attendu que dans un courrier du 29 novembre 2001, Me Lotz, notaire associé à Pfaffenhoffen, affirme avoir reçu le 4 juillet 1998 l'acte afférent à la vente intervenue entre les consorts Farrugia-Kruger et la société Nouvel Espace Arical ; que l'affaire ayant été "définitivement conclue" plus de six mois après la rupture du contrat, Mme Pfalzgraf ne peut, en application de l'article 9 de ce contrat, prétendre à la moindre commission, même si le compromis de vente a été signé sous son égide ; que sa demande en paiement de la facture n° 97/0621 sera rejetée;

Attendu que l'appelante a reconnu dans un courrier du 27 octobre 1998 avoir reçu de la société Arical le règlement de "la commission due au titre de l'immeuble et du terrain Farrugia-Kruger" d'un montant de 120 600 F (pièce n° 27) ; que pour les motifs précédemment exposés, elle doit être condamnée à rembourser cette somme à son ancien mandant;

Attendu qu'il ressort de la note d'honoraires de l'intimée en date du 28 novembre 1995 que sa commission relative à la négociation de la vente de la maison d'habitation de Mme Viger s'est élevée à 66 335 F HT soit 80 000 F TTC ; que Mme Pfalzgraf a obtenu, au titre de cette opération, paiement de sa facture n° 95/1220 d'un montant de 33 167,50F HT soit 40 000 F TTC, c'est-à-dire d'une rémunération exactement égale à la moitié de la commission d'agence (facture n° 95/1220) ; que l'intimée explique, sans être démentie par son adversaire, que les honoraires ont été partagés par moitié "car le vendeur était un client de Mme Pfalzgraf tandis que l'acquéreur était un client de la société Immopro";

Attendu que Mme Pfalzgraf, dont la facturation était conforme à cet accord, ne peut prétendre à aucune somme complémentaire;

Attendu qu'à la suite de la vente d'un terrain appartenant aux époux Brucker, une commission de négociation d'un montant de 25 000 F TTC a été versée par l'acquéreur entre les mains de Me Raabe, notaire à Strasbourg, qui les détient toujours ; que Mme Pfalzgraf a émis une note d'honoraires d'un montant de 21 250 F TTC (facture n° 97/0617 du 30 juin 1997); que la société Immopro qui admet dans ses écritures que son ancien agent a vocation à percevoir cette somme, doit être condamnée à la payer à Mme Pfalzgraf, à charge pour la débitrice de se faire remettre les fonds par le notaire;

Attendu que le Juge des référés ayant par ordonnance du 6 novembre 1997 alloué à l'intéressée une provision de 147 769 F, Mme Pfalzgraf obtiendra paiement d'une somme complémentaire de (51 000 + 59 500 + 76 500 + 42 500 + 29 750 + 21 250 + 51 000 + 102 000) - (120 600 + 147 769) = 165 131 F soit 25 174,06 euro;

Sur la rupture du contrat d'agent commercial:

Attendu que l'article 6 du contrat d'agent commercial dispose: "Le présent contrat est conclu pour une durée déterminée de un an. Il se renouvellera ensuite par tacite reconduction, chacune des parties pouvant résilier moyennant un préavis de un mois. Toutefois, il pourra être rompu à tout moment en cas d'inexécution des obligations décrites dans le présent contrat par le mandataire ou le mandant,"

Attendu que ce contrat à durée déterminée qui a continué à être exécuté après son terme est devenu un contrat à durée indéterminée en application de l'article 11 de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991, devenu l'article L. 134-11 du Code de commerce; que Mme Pfalzgraf était libre, à compter du 6 janvier 1996, de mettre fin au contrat à tout moment en respectant un délai de préavis;

Attendu que par un courrier dont la date n'est pas déterminable, Mme Pfalzgraf a informé son mandant de la résiliation du contrat "avec effet du 6 janvier 1997" ; que l'agent commercial a continué à travailler pour le compte de la société Immopro et a, par courrier daté du 13 juin 1997, notifié à sa partenaire "l'arrêt de (sa) collaboration à compter du 13 juin 1997";

Attendu que la poursuite de l'activité d'agent commercial selon les modalités définies par le contrat du 6 janvier 1995, bien au-delà de la durée contractuelle de préavis et même de la durée légale fixée par l'article 11 précité, atteste de la caducité de la première renonciation au mandat;

Attendu que Mme Pfalzgraf ne démontre pas que sa décision de rompre le contrat aurait été motivée par des manquements de la société Immopro ; que d'ailleurs, toutes les factures encore dues par la société Immopro ont été établies postérieurement au 13 juin 1997; que l'intimée devait respecter un préavis;

Attendu que les alinéas 3 et 4 de l'article 11 de la loi du 25 juin 1991 disposent:

"La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil. Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts."

Attendu que l'article 16 de la loi du 25 juin 1991 (actuel article L. 134-16 du Code de commerce) répute non écrite toute clause contraire aux dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 11;

Attendu que ces textes imposaient l'exécution d'un préavis de trois mois qui expirait le 30 septembre 1997;

Mais attendu que dans ses conclusions, la société Immopro se contente de solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice d'un préavis de deux mois, qu'elle évalue à 11 433,67 euro;

Attendu qu'elle réclame également une indemnité de 27 440,82 euro en réparation du préjudice qu'aurait causé la brusque rupture des relations contractuelles;

Attendu qu'en n'accomplissant aucun préavis, Mme Pfalzgraf a causé à son ancien mandant un préjudice équivalent au chiffre d'affaires que celle-ci lui aurait procuré jusqu'au 31 août 1997, après déduction des commissions rétrocédées ; qu'il résulte de registre des transactions précédemment évoqué que, pour la période du 4 juin 1996 au 13 juin 1997, la société Immopro a perçu, du fait de l'activité de l'appelante, des commissions d'agence pour un montant de 2 324 400 F TTC ; que dès lors, l'indemnité compensatrice de préavis sera évaluée à 2 324 400 x 15 % x 2,5/12 = 72 637,50 F, somme arrondie à 11 080 euro;

Attendu que la société Immopro qui sollicite par ailleurs la réparation de "l'atteinte à l'image de marque" et de "désorganisation" occasionnées par le comportement professionnel grossier et déloyal de Mme Pfalzgraf, ne caractérise pas le préjudice distinct du défaut d'exécution du préavis, qu'entraînerait le départ, même brusque, d'un si fâcheux agent commercial ; que l'intimée sera déboutée de sa demande d'indemnité pour brusque rupture du contrat;

Sur le comportement déloyal de Mme Pfalzgraf:

Attendu que Mme Pfalzgraf avait souscrit la clause de non-concurrence suivante (article 10 du contrat d'agent commercial): "Pendant la durée du mandat, le mandataire a le droit d'accepter la représentation de nouveaux mandats sans avoir à en référer, Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise directement concurrente, à savoir une entreprise "Transactions sur immeubles et fonds de commerce", sans l'accord écrit du mandant. Le mandataire a le droit d'effectuer des opérations commerciales pour son propre compte sans nuire à son mandant, et en évitant tout acte de concurrence par lui-même, ou par l'un quelconque de ses sous-agents ou préposés éventuels,"

Attendu qu'il résulte du dossier que Mme Pfalzgraf a commencé à démarcher, à compter du 4 juin 1997 (date du premier mandat sur le registre des mandats de la société Excel Immo), c'est à dire avant même de dénoncer le contrat du 6 janvier 1995, pour le compte d'un concurrent direct de l'intimée, la société Excel Immo;

Attendu que l'obligation de loyauté qui pesait sur Mme Pfalzgraf en vertu de l'article 4 de la loi du 25 juin 1991, dont la clause de non-concurrence n'était que la traduction, lui interdisait d'exercer une activité concurrentielle, pour son propre compte ou pour le compte de la société Excel Immo, jusqu'à l'expiration du délai de préavis ;que pour l'activité déployée jusqu'au 30 septembre 1997 au profit de la société Excel Immo, Mme Pfalzgraf a engagé sa responsabilité contractuelle envers son ancien partenaire;

Attendu que cette activité prohibée s'est accompagnée d'un détournement de la clientèle de la société Immopro aux conséquences financières sans doute modiques (affaires Valentin, Warter et Dufour), caractéristique cependant d'une concurrence déloyale;

Attendu que la société Immopro ne justifiant d'aucune baisse de son chiffre d'affaires, le seul préjudice dont elle peut obtenir réparation, réside dans la perte de chance de mener à bonne fin la vente des biens de MM. et Mmes Valentin, Warter et Dufour (ferme, appartements situés à Schiltigheim et Strasbourg) et de toucher les commissions de négociations afférentes ; que ce préjudice peut être évalué à 12 000 euro;

Attendu que le dossier fait également apparaître que Mme Pfalzgraf mettait en œuvre des procédés commerciaux agressifs et peu orthodoxes, qui irritaient voire effrayaient la clientèle potentielle de l'intimée; qu'un manquement à son obligation d'exécuter son mandat en bon professionnel (article 4 de la loi du 25 juin 1991), qui a nui à l'image de l'agence, est ainsi caractérisé; que la cour dispose des éléments pour évaluer ce préjudice à 1 500 euro;

Attendu que les dépens seront supportés par Mme Pfalzgraf, partie qui succombe;

Attendu que dans son ordonnance du 6 novembre 1997, le Juge des référés de Strasbourg a condamné la société Immopro aux dépens; qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, à laquelle cette ordonnance n'est pas déférée, de remettre en cause cette disposition ; que la société Immopro sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Mme Pfalzgraf "en tous les frais taxables et dépens de la procédure de référé";

Attendu qu'il sera alloué à la société Immopro une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, Déclare l'appel régulier en la forme et recevable; Infirme le jugement entrepris; Statuant à nouveau, Condamne la société Immopro à payer à Mme Pfalzgraf une somme de vingt cinq mille cent soixante quatorze euro six centimes (25 174,06 euro) au titre des commissions impayées; Condamne Mme Pfalzgraf à payer à la société Immopro les sommes suivantes: - vingt neuf mille neuf cent soixante et onze euro neuf centimes (29 971,09 euro) au titre de commissions indûment payées pour l'activité déployée en 1995, - onze mille quatre vingts euro (11 080 euro) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - douze mille euro (12 000 euro) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par la violation de l'obligation de loyauté, - mille cinq cents euro (1 500 euro) à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'image de la société Immopro; Constate la compensation des créances respectives des parties; Dit qu'il appartient à la société Immopro de se faire remettre par Me Raabe, notaire, les commissions d'agence qu'il détient; Condamne Mme Pfalzgraf à payer à la société Immopro la somme de deux mille euro (2 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Mme Pfalzgraf aux dépens de première instance et d'appel.