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Décisions

Conseil Conc., 10 février 2005, n° 05-D-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'eau de javel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Oppelt-Reveneau, rapporteure, par Madame Aubert, vice-présidente, présidant la séance, Mme Béhar-Touchais ainsi que MM. Flichy, Gauron, Piot membres.

Conseil Conc. n° 05-D-03

10 février 2005

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 29 juin 2001 sous le n° F 1324, par laquelle le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par plusieurs sociétés dans le secteur de l'eau de javel ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret 2002-689 du 30 avril 2002, fixant ses conditions d'application ; Vu la décision en date du 14 septembre 2004 par laquelle le Président du Conseil de la concurrence a décidé de recourir à une procédure simplifiée au sens de l'article L. 463-3 du Code de commerce et les courriers adressés le même jour aux parties pour les en informer ; Vu les observations de la société Promer en date du 5 novembre 2004 et celles de la société Vitherm en date du 15 novembre 2004 ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Vitherm et la SA Yplon entendus lors de la séance du 11 janvier 2005, en présence des représentants des sociétés Promer, Oxena et Richet ; Adopte la décision suivante : Par courrier du 29 juin 2001, le ministre chargé de l'Economie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce, en ce qu'elles ont eu pour objet ou ont pu avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Ces pratiques, mises en œuvre de 1998 à 2000 par les sociétés Le Globe, Richet, Pieri, et Promer et en 1998 et 1999 par la société Vitherm, concernent le secteur de l'eau de javel.

I. Constatations

A. LE SECTEUR CONCERNÉ : LE MARCHÉ DE L'EAU DE JAVEL

1. LE PRODUIT

1. L'eau de javel est un mélange en solution aqueuse d'hypochlorite et de chlorure de sodium ou de potassium, utilisée comme détersif, décolorant et antiseptique. Le décret n° 2001-881 du 25 septembre 2001 sur l'application de l'article L. 214-1 du Code de la consommation, réserve les dénominations et mentions contenant le mot " javel ", les dérivés ou imitations de ce mot à des préparations destinées à être introduites dans l'eau pour obtenir des solutions aqueuses comportant un taux minimal de chlore actif.

2. Les principaux producteurs d'hypochlorite de sodium sont Elf Atochem, Solvay et Péchiney.

a) Les caractéristiques du produit

3. L'eau de javel est un produit peu rémunérateur mais cependant très demandé.

4. Il est peu rémunérateur pour plusieurs raisons :

* sa production est dangereuse et polluante ;

* c'est un produit pauvre, (0,30 euro/kg en moyenne), qui intègre peu de valeur ajoutée et présente des inconvénients : son efficacité est limitée à 3 mois ; il se stocke mal et se prête peu au transport, de sorte que le coût de ce dernier a une incidence importante sur le prix (jusqu'à 20 % selon les éléments recueillis (annexe 5, cotes 77 à 85).

5. L'eau de javel est cependant un produit très demandé, en raison des vertus de désinfectant généraliste qui lui sont prêtées. 41 % de la consommation mondiale, grand public, se fait en Europe (annexe 4, cote 11). Selon une étude sur l'évolution de l'eau de javel en France réalisée pour la société Colgate-Palmolive, " l'eau de javel est un produit incontournable utilisé dans 78 % des foyers français (id.) ; ce produit occupe le second marché des produits d'entretien en France après les lessives : 300 millions de litres convertis vendus en 1996, ce qui représente environ 700 millions de francs TTC " (annexe 4, cote 11). Cette consommation tend cependant à décroître à la faveur de l'utilisation croissante d'autres produits de désinfection (annexe 5, cotes 125 à 126).

b) La typologie des produits issus de l'eau de javel

6. L'eau de javel est commercialisée en dilution à 12° ou 48°. Les conditionnements les plus vendus sont les suivants.

En javel à 48°, elle existe sous quatre conditionnements

* Le cruchon de 250 ml qui est dans le circuit collectivités, selon un responsable d'achat (M. X... chez Adisco), le produit le plus vendu (annexe 5, cote 88) ;

* Le berlingot (ou la dose) de 250 ml ;

* Le bidon de 5 L ;

* Le jerrican de 20 L.

En javel à 12°, elle existe sous trois conditionnements

* La bouteille de 1 L ;

* La bouteille de 2 L ;

* La bouteille de 5 L.

2. LES CIRCUITS ET LES ENTREPRISES CONCERNÉS

7. Aucune étude officielle n'existe sur le marché de l'eau de javel et sur les parts de marché des entreprises opérant sur ce marché.

8. Un document (annexe 4, p : 12), saisi chez les établissements Pieri, intitulé " description générale du marché de Pieri Chimie " et les résultats de l'enquête démontrent qu'il existe deux marchés de l'eau de javel, le marché à destination des collectivités et le marché à destination du grand public.

a) Le circuit collectivités

9. Le circuit collectivités sert à l'approvisionnement des professionnels et des collectivités publiques et privées : préfectures, mairies, prisons, hôpitaux, écoles et lycées, restaurants, industries, bureaux, métiers de bouche (bouchers, charcutiers, traiteurs, ...), via des grossistes qui sont, soit, des groupements d'achats (Gadis Europe Hygiène (GEH), Adisco, Reso, Argos et Le Goff ...), soit, des revendeurs individuels (Reverdy, Coldis, ...), peu nombreux.

10. Il ressort de l'enquête que les fournisseurs de ce circuit, c'est-à-dire les conditionneurs, sont des entreprises de taille modeste, peu nombreuses, qui étaient, à l'époque des faits, les sociétés Promer, Le Globe, Richet , Pieri-Chimie et Lajot, puis, à partir de décembre 1998 la société Oxena qui a racheté la société Pieri et la société Le Globe en 2003. L'eau de javel, peu rémunératrice, ne constitue pas leur seule activité (annexe 5, cote 105).

11. En 1999, la société Pieri affiche un résultat d'exploitation déficitaire, ceux de Richet et de Le Globe sont tout juste bénéficiaires, tandis que celui de Promer est légèrement meilleur.

12. Le circuit collectivités distribue des produits javel à 48°, et en particulier, le cruchon qui n'est distribué que dans ce circuit.

b) Le circuit grand public

13. Le circuit grand public sert à l'approvisionnement des grandes surfaces. La demande, dans ce circuit, est essentiellement constituée par les enseignes de la grande distribution.

14. Les fournisseurs de ce circuit sont les sociétés Vitherm, Pintaud, Harbonnières, Chimie Plus, Yplon et Colgate-Palmolive. Elles sont de tailles diverses : les chiffres d'affaires des sociétés Vitherm, Pintaud, Harbonnières sont sensiblement plus importants que ceux des sociétés Le Globe, Richet et Promer ; celui de la société Chimie Plus est du même ordre que celui de la société Pieri ; les sociétés Yplon et Colgate-Palmolive réalisent des chiffres d'affaires importants, sans commune mesure avec ceux des quatre autres sociétés opérant dans le circuit grand public et a fortiori avec ceux des sociétés Le Globe, Richet, Promer et Pieri.

15. Leurs gammes de prix peuvent être différentes : ainsi Colgate-Palmolive, leader avec sa marque Lacroix a un positionnement en matière de prix plus élevé que ses concurrents qui sont surtout présents en marques distributeurs ou en 1er prix, comme c'est le cas pour la société Vitherm, perçue par ses concurrents comme étant commercialement la plus agressive (annexe 5, cote 69).

16. En 1999, les sociétés Vitherm et Harbonnières affichent un résultat d'exploitation déficitaire ; celui d'Yplon est tout juste bénéficiaire. Les résultats d'exploitation de Chimie-Plus, Colgate-Palmolive et Pintaud sont bénéficiaires.

17. Le circuit grand public distribue essentiellement de la javel diluée à 12° (c'est-à-dire prête à l'emploi) et des petits conditionnements (1 et 2 L) et pas de javel à 48°, à l'exception notable du berlingot de 250 ml.

18. De nombreuses différences existent donc entre les deux circuits qu'il s'agisse des acteurs, des produits et de la commercialisation.

19. Selon la description précitée, réalisée par Pieri-Chimie, " le marché est, [en outre] relativement bien cloisonné entre le marché grand public et le marché collectivités ". L'absence d'eau de javel en cruchon qui est le produit spécifique au circuit collectivités est, par exemple, un obstacle pour conquérir des parts du marché collectivités (annexe 5, p. 47 et p. 59). M. Y..., directeur commercial de la société Harbonnières/Chimie-Plus a expliqué (annexe 5, p 59) que sa société n'était pas bien équipée pour l'activité javel collectivités qui demeurait donc marginale. Quant à la société Pintaud, son dirigeant a indiqué aux enquêteurs qu'il ne souhaitait pas livrer loin de ses bases et qu'il ne démarchait pas les centrales nationales, principaux clients du circuit collectivités (annexe 5, p. 73 et 74).

20. Pour autant, il ressort de l'enquête qu'il existe des points communs entre les deux circuits : la dose est distribuée dans les deux circuits et les sociétés du circuit grand public opèrent, de manière marginale, sur le circuit collectivités.

21. La dose, appelée également berlingot, est distribuée dans les deux circuits. Elle est, en outre, de même contenance et de même concentration que le cruchon, de sorte qu'il existe une certaine substituabilité entre ces deux produits. Or, le cruchon est vendu plus cher que la dose.

22. Les opérateurs du marché grand public exercent également une activité marginale sur le marché collectivités. Pour la société Colgate-Palmolive, ce marché représenterait un peu moins de 1 % de son chiffre d'affaires (annexe 5, p. 52), pour la société Pintaud, environ 10 % de son chiffre d'affaires (annexe 5, p. 73 et s), pour la société Yplon, environ 300 000 F en 1999 pour un chiffre d'affaires de 45 MF et de 1,1 milliard de francs relatif à l'ensemble de son activité collectivités (annexe 5, p. 65). Pour la société Vitherm, ce marché représenterait 2 % de son chiffre d'affaires (annexe 5, p. 35).

23. Cette porosité entre les deux marchés a fait dire aux opérateurs du circuit collectivités " qu'en 1998, nous dépendions du grand public psychologiquement car il y avait un effet d'entraînement (...) L'augmentation des prix sur le marché grand public aurait servi d'alibi pour une hausse en collectivités " (annexe 5, cotes 33 à 49).

24. Elle a conduit les enquêteurs à une approche globale des comportements adoptés tant sur le marché collectivités que sur le marché grand public, une entente sur les prix étant soupçonnée sur l'ensemble du marché de l'eau de javel. Les éléments recueillis n'ont cependant pas permis d'établir la justesse de cette approche.

25. Sont donc en cause, dans la présente procédure, le marché collectivités et les principales sociétés opérant sur ce marché : les sociétés Promer, Richet, Le Globe et Pieri. Les sociétés opérant sur le marché grand public sont, en revanche, hors de cause, à l'exception notable de la société Vitherm.

26. Dans les développements qui suivent, les dirigeants concernés sont ceux des sociétés en cause à l'époque des faits : M. Z... pour la société Promer, M. A... pour la société Le Globe, M. B... et MM. C..., respectivement pour les deux sociétés Richet et Pieri. Sera également cité M. D... qui a racheté la SA Pieri-Chimie, le 14 décembre 1998, et dirige actuellement la société Oxena, laquelle a, par la suite, absorbé les deux sociétés Le Globe et Pieri Chimie.

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

27. Elles ont trouvé leur origine dans la volonté des dirigeants des sociétés du secteur collectivités, de lutter contre la puissance des groupements d'achats qui, selon leurs déclarations unanimes, a entraîné, à leurs dépens, une chute continue des prix des produits javel et la mise en péril de leurs sociétés. Elles ont succédé à l'échec d'un projet de regroupement envisagé par ces sociétés pour faire contrepoids à cette puissance d'achat.

28. Ces pratiques sont de deux types : elles concernent des informations échangées entre les sociétés en cause sur les prix pratiqués et une entente sur un prix commun plancher.

29. L'enquête montre que ces pratiques ont été initiées par les entreprises du marché "collectivités", les sociétés Promer, Richet, Pieri-Chimie, et Le Globe. Des indices graves, précis et concordants réunis à l'encontre de la société Vitherm, tendent à démontrer que celle-ci s'est ralliée à ces pratiques, au moins pour l'année 1999.

30. Il convient donc d'examiner, en premier lieu, le comportement des quatre sociétés présentes sur le marché des collectivités, puis celui de la société Vitherm.

1. LES PRATIQUES DES SOCIÉTÉS DU MARCHÉ COLLECTIVITÉS

31. L'enquête a établi qu'au premier semestre 1998 se sont déroulées des réunions au cours desquelles les sociétés Pieri, Promer, Le Globe et Richet ont échangé des informations sur les prix et élaboré, pour 1999, un tarif plancher commun, dit tarif " Dalton " du nom des célèbres hors-la-loi, au nombre de quatre, comme les sociétés concernées. Ces réunions se sont poursuivies jusqu'à la finalisation de ce tarif, sa diffusion, sa mise en œuvre et le suivi de sa mise en œuvre. Ces pratiques ont été réitérées en 1999 et en 2000 pour donner lieu à l'établissement du " tarif Dalton 2000 ".

a) Le tarif Dalton 1999

32. Il ressort de l'audition de M. A... que " Le tarif Dalton consistait en une grille de prix précise, en fonction de quantités de palettes, applicable à tout le monde. C'était théoriquement des prix planchers : on a pu avoir des prix de 1 ou 2 centimes de moins, au cas par cas, pour certains clients et sur certains conditionnements. Pour ce qui est des RFA (remise de fonctionnement calculée sur le chiffre d'affaires HT), chacun faisait ce qu'il voulait, mais dans le cadre de l'accord, elles devaient se situer dans la limite de 3 % ... Avant cela, il n'y avait jamais eu d'augmentation, que des baisses " (annexe 5, cote 18).

33. L'établissement, en 1999, d'un tarif plancher commun a été reconnu par les représentants des quatre sociétés mises en cause, même si le document établissant le tarif Dalton 1999 a disparu, comme l'a expliqué M. Z.... Selon celui-ci, il aurait pu être détruit par l'un d'entre eux (annexe 5, cotes 27 et 28), ce qui explique qu'il n'ait pu être retrouvé par les enquêteurs.

34. L'enquête a permis d'identifier toutes les étapes de l'élaboration et de la mise en œuvre du tarif plancher commun.

L'élaboration du tarif "Dalton" 1999

35. Pour l'élaboration du prix Dalton, des réunions ont été tenues les 20 janvier, 18 février, 18 mars et 15 mai 1998.

36. C'est ainsi que, pour ne prendre que sa déclaration, M. Z... a expliqué : " Les participants toujours présents étaient nous quatre : moi pour Promer, M. A... pour Le Globe, M. B... pour Richet et Pieri pour Pieri ... La plupart des réunions se sont tenues au Mercure ou au Novotel de Paris Bercy "... (annexe 5, cotes 26 à 28).

37. M. Z... a confirmé d'ailleurs : "Lors des réunions que nous avons eues, nous avons échangé des informations sur les prix pratiqués ...Tous ces échanges et explications ont toutefois duré de la fin janvier jusqu'à l'été"...(annexe 5, cotes 26 à 28).

38. A l'issue de ces réunions et de son propre chef, ainsi que cela résulte de son audition, M. Z... a défini le prix "Dalton" puis l'a transmis aux représentants des sociétés Pieri, Richet et Le Globe, qu'il désigne comme étant " ses confrères " (annexe 5, cote 27 ; annexe 5, cote 34). Ce tarif a été distribué aux clients entre juillet et septembre 1998 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 1999 (déclaration M. A..., annexe 5, cote 18).

39. Ces faits sont établis par un nombre important d'éléments matériels.

40. Les éléments matériels qui attestent la réalité des réunions recensées par les services enquêteurs sont les suivants : l'agenda 1998 de M. Z..., des notes manuscrites de M. A..., des réservations retrouvées par les enquêteurs ainsi que des fax adressés par l'un des protagonistes aux autres confirment ces rencontres, le plus souvent organisées au Relais Mercure de Paris-Bercy (annexe 6, cotes 151 à 177).

41. Les comptes-rendus de réunion, saisis par les enquêteurs, certes rédigés en style télégraphique, sont cependant suffisamment explicites pour permettre d'en déduire que des échanges sur les prix effectués lors de ces réunions préparaient l'élaboration d'un tarif plancher commun, à la hausse, comportant certaines caractéristiques (annexe 6, cotes 161 à 163) : " il faudrait + de 5 c avec un prix plancher ; un écart doit être maintenu entre le cruchon et le berlingot " (réunion de janvier). La présentation du jerrican doit être différente selon les fabricants : " on met 20 L et pas 25 kg sauf Richet ", lit-on sur les notes manuscrites des réunions des mois de janvier (annexe 6, cotes 161 à 163) et de février 1998 (annexe 6, cote 157).

La mise en œuvre du " tarif Dalton "

42. La mise en œuvre du tarif Dalton, dénoncée par un acheteur, M. E..., est par ailleurs établie par les relevés de prix auxquels ont procédé les enquêteurs, sur la base des informations fournies par les groupements d'achat GEH, Adisco, Reso, Le Goff, Coldis et Argos et annexées à la notification de griefs [annexe 7 (cotes 383 à 386, 387 à 391, 367 à 376, 377 à 382 ; annexe 7 (cotes 350, 351 à 355, 356 à 363) ; annexe 7 (cotes 349, 347) ; annexe 7 (cotes 392 à 396) ; annexe 8 (cote 407) ; annexe 7 (cotes 364 à 366) ; annexe 7 (cotes 346, 348, 329 et 330, 343, 331 à 340 et 345)].

43. Ces données ont été consignées dans les tableaux figurant en pages 15 à 18 de ce document.

44. Elles concernent les sept produits suivants (pour 5 à 9 palettes) : en javel 48°, le cruchon, le berlingot, le bidon de 5 litres et le jerrican de 20 litres, et en javel 12°, le litre, les bidons de 2 litres et 5 litres.

Évolution des prix de vente unitaires hors taxes du cruchon de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du bidon 5 L 48° de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Évolution des prix de vente unitaires hors taxes de la javel 12° 2L de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Évolution des prix de vente unitaires hors taxes de la javel 12° 1L de Pieri, Promer, Le Globe et Richet de 1998 à 1999 à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du jerrican 20L 48° de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du berlingot de Pieri, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso et Le Goff de 1998 à 1999

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires franco hors taxes de la javel 12° 5L de Pieri, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff, Prodirest et Aldis/PHS de 1998 à 1999 (pour 5 à 9 pal)

<emplacement tableau>

45. Ces tableaux mettent en évidence, une hausse des prix générale, pouvant atteindre 34 % par rapport aux prix de 1998. Surtout, toutes ces augmentations font que les prix pratiqués en 1999 sont dans la fourchette des prix Dalton, voire au-delà (le cruchon de Promer).

46. Reconnaissant tant les faits que d'avoir appliqué le tarif Dalton à compter du 1er janvier 1999 (annexe 5, cotes 27 et 2 ; annexe 5, cotes 34 et 37 ; annexe 5, cote 18), MM. Z..., A... et B... ont expliqué aux enquêteurs pour justifier cette hausse : "ça faisait 15 ans que les prix baissaient ...la survie de nos entreprises passait par la mise en œuvre de ces pratiques". "... pour nous le tarif Dalton était souhaité. Nous avons accepté ces prix comme étant des prix minimum" (annexe 5, cotes 26 à 28).

b) Le tarif "Dalton" 2000

47. Il répond à la même définition que le " tarif Dalton 1999 ".

48. Pour l'année 2000, la pratique a été dénoncée par M. F..., chargé des achats du groupement "Reso".

49. L'enquête montre que l'élaboration d'un tarif plancher commun enclenchée en 1998-1999 s'est poursuivie en 1999-2000, selon le même mode opératoire :

* Des réunions ont eu lieu, notamment les 8 juin, 28 juillet, 8 septembre, 13 octobre, 24 novembre 1999 et le 9 février 2000 entre les représentants des sociétés Promer, Pieri, Le Globe et Richet. Cela ressort des agendas 1999 et des notes manuscrites saisis (annexe 6, cotes 179 à 181 ; cotes 182-184 ; cotes 254-255 et 212). Ces réunions ont concerné des échanges d'informations sur les prix.

* Une télécopie transmise par la SA Pieri Chimie, le 24 novembre 1999, à M. B... l'informe des prix qui seront pratiqués en 2000 par la société Pieri. Ce même document est revêtu de la mention " envoyé CA 99 M. A... " (annexe 7, cote 257).

* Des documents ont été saisis dans les locaux de Richet intitulés " Etude 2000 ", l'un daté de juillet 1999, l'autre, daté du 9/09/99 ; ce document correspond au " tarif Dalton 2000 " selon la déclaration de M. Z... (annexe 7, cotes 231 et 255).

50. Sur ce tarif, cependant, les explications des sociétés mises en cause divergent :

* Les sociétés Promer et Richet ont reconnu les faits. M. Z... a expliqué : "j'ai fait la même chose courant 99 pour le tarif applicable en 2000" (annexe 5, cote 28,). M. B... a également reconnu l'un des documents saisis dans ses locaux comme étant " le tarif Dalton " établi par Z... applicable au 1er janvier 2000 (annexe 5, cotes 34 et 35). Dans son audition du 27 avril 2004, M. D..., après avoir contesté toute participation de la société Pieri à l'élaboration du tarif Dalton 2000, l'a reconnue en déclarant " il est évident qu'en 1999 et 2000, les tarifs Dalton 1999 et 2000 ont influencé la politique tarifaire des quatre sociétés en cause ... A partir de 2001, chacun a mené sa politique commerciale dans son coin ". (audition du 27 avril 2004).

* En revanche, pour la société Le Globe, M. A... a contesté toute nouvelle entente sur les prix en 2000.

* Enfin, les nombreuses informations sur les prix, recueillies par les enquêteurs auprès des groupements dont les sociétés Le Globe, Promer, Richet et Pieri sont les fournisseurs, attestent la mise en œuvre du tarif Dalton 2000, par les quatre protagonistes de l'entente.

51. L'ensemble de ces éléments a permis l'établissement de tableaux des prix pratiqués par ces sociétés en 2000 concernant les 7 mêmes produits que ceux retenus, pour 1999 pour 5 à 9 palettes (bidon 48°, 5 L et 20 L, cruchon, berlingot, javel 12° 1 L, 2 L et 5 L). Ces tableaux figurent en pages 21 à 24 de la notification de griefs et reposent sur la base des mêmes annexes que les tableaux élaborés pour l'année 1999.

Évolution des prix de vente unitaires hors taxes du jerrican 20L 48° de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du cruchon de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du bidon 5L 48° de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes de la javel 12° 2L de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes de la javel 12° 1L de Pieri, Promer, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff et Argos de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires hors taxes du berlingot de Pieri, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso et Le Goff de 1999 à 2000

<emplacement tableau>

Evolution des prix de vente unitaires franco hors taxes de la javel 12° 5L de Pieri, Le Globe et Richet à GEH, Adisco, Reso, Le Goff, Prodirest et Aldis/PHS de 1999 à 2000 (pour 5 à 9 pal)

<emplacement tableau>

52. Ces tableaux montrent que les augmentations pratiquées ont été beaucoup plus faibles que l'année précédente (de 1 % à 6,8 %). Certains produits sont à la baisse, parfois de manière très nette.

53. Quelques prix, peu nombreux, n'atteignent pas le tarif " Dalton 2000 " (annexe 7, cotes 332 à 338 et 342 à 345). En revanche, tous les autres prix, même lorsqu'ils enregistrent une baisse ou demeurent stables, se situent dans la fourchette du tarif Dalton 2000.

54. Il résulte ainsi de l'enquête que les prix pratiqués en 2000 par les quatre sociétés en cause, à de rares exceptions près, sont une application conforme au tarif Dalton 2000 qui poursuit, quoique de manière plus modérée, le mouvement de hausse amorcé en 1999.

55. L'intervention des services d'enquête a provoqué l'arrêt de ces pratiques, puisqu'aucun élément probant n'a été recueilli établissant l'élaboration d'un " Tarif Dalton 2001 ". A cet égard, M. Z... a déclaré aux enquêteurs: " Je n'ai pas établi de tarif Dalton à la hausse pour 2001. Je l'aurais fait si vous n'étiez pas intervenu " (annexe 5, cote 28).

2. L'IMPLICATION DE LA SOCIÉTÉ VITHERM

56. L'enquête a montré que la société Vitherm vendait ses doses à un prix discount, ce qui n'était pas le cas, par exemple, de la société Colgate, dont l'eau de javel de la marque Lacroix se situe dans une gamme de prix relativement élevée.

57. A l'époque des faits, les clients du marché collectivités pouvaient se procurer, dans les centrales d'achat du circuit grand public, des petites quantités de berlingots à des prix moins élevés que ceux pratiqués pour des grandes quantités (33 palettes) par les opérateurs du marché des collectivités (annexe 5, p. 36). Cette situation faisait craindre aux opérateurs du marché collectivités une désaffection du cruchon de la part de leur clientèle, portée à lui préférer le berlingot. Ces craintes étaient d'ailleurs justifiées, puisqu'il est établi que la société Vitherm avait déjà gagné des clients sur ses concurrents, tels Coldis, ancien client de la société Richet (annexe 5, cote 17 ; annexe 5, cotes 28 et 29 ; annexe 5, cotes 34, 36). Or, le cruchon est " spécifique de la collectivité " (M. Z... de la société Promer) et en " est la raison d'être " (M. A... de la société Le Globe, annexe 5, cote 17).

58. Outre l'importance stratégique du prix de la dose, l'enquête montre ainsi que si la situation était préoccupante pour les quatre sociétés du marché collectivités, elle l'était davantage pour la société Richet, du fait que les sociétés Vitherm et Richet opéraient dans la même zone géographique et produisaient toutes deux la dose pour une clientèle voisine (annexe 5, cote 29).

59. Il ressort des auditions de MM. Z... (société Promer) et Richet que leur vulnérabilité était telle que l'entente sur un tarif minimum, envisagée par les sociétés du marché collectivités, ne pouvait se faire sans l'adhésion de la société Vitherm à cette entente.

60. Par ailleurs l'enquête a permis de rassembler des éléments relatifs à l'implication de la société Vitherm dans l'entente reprochée.

a) La présence de la société Vitherm sur le marché collectivité

61. La société Vitherm a admis sa présence sur le marché collectivités (annexe 5, cotes 42 à 49), où son activité était significative mais marginale.

62. Son implication dans l'entente s'est traduite de deux façons : d'une part, elle s'est engagée à ne pas démarcher les clients des sociétés du circuit collectivités, d'autre part, elle a échangé des informations sur les prix et adhéré au tarif Dalton 1999.

b) L'engagement de ne pas démarcher les clients des sociétés du circuit collectivités

63. M. G... de la société Vitherm et M. B... se sont rencontrés par l'intermédiaire de M. Z..., à la mi-décembre 1997, puis avec les représentants des autres sociétés du marché collectivités, le 20 janvier 1998. Selon M. Z..., la discussion avec le représentant de la société Vitherm a eu pour effet de rassurer la société Richet. Celui-ci le confirme dans son audition (annexe 5, cotes 33 à 41) aux termes de laquelle il expose que la société Vitherm et lui-même sont tombés d'accord pour en finir avec la guerre des prix qui les opposait jusqu'alors, sans que cet accord prenne la forme d'un engagement formel.

64. La société Vitherm n'a pas démenti ces affirmations concordantes lorsque, par la voix de M. G..., elle a déclaré aux enquêteurs : " j'ai peut-être dit que j'allais arrêter d'aller démarcher sur leurs marchés et chercher des opportunités intéressantes " (annexe 5, cotes 42 à 49).

c) Les comportements en matière de prix (échanges d'informations sur les prix et adhésion au tarif Dalton)

65. L'enquête a révélé que le consentement de la société Vitherm était nécessaire au fonctionnement de l'entente. En outre, elle a mis en évidence des indices tendant à montrer que la société Vitherm y a, en outre, adhéré en échangeant des informations avec les autres protagonistes de l'entente et en appliquant le " tarif Dalton ".

Echanges d'informations sur les prix en vue de l'élaboration du tarif Dalton

66. Les comptes-rendus et les autres documents saisis, ainsi que les auditions menées établissent que des réunions ont eu lieu entre les quatre sociétés, associant la société Vitherm, le 20 janvier 1998 (annexe 6, cotes 147 et 161), le 25 août 1998 (annexe 6, p. 194 et 226), le 23 septembre 1998 (annexe 6, cote 187) et le 8 juin 1999 (annexe 6, cote 182). Pendant ces réunions, des informations sur les prix pratiqués ont été échangées, concernant le marché grand public mais aussi le marché des collectivités.

67. Dans son audition, M. G... a reconnu sa présence à trois réunions au cours desquelles des échanges ont eu lieu sur les prix pratiqués dans le but d'étudier la faisabilité du projet de regroupement avec les sociétés Richet, Promer, Le Globe et Pieri qui l'avaient contacté à cette fin, alors qu'elles étaient, selon lui, " en état de quasi faillite "

68. M. G... a donc admis les échanges d'informations reprochés en leur attribuant une finalité autre que l'entente.

69. Les auditions des représentants des autres sociétés ont pourtant donné une interprétation différente de la situation. M. Z... (société Promer) et M. B..., ont expliqué tous deux dans leurs déclarations respectives, que la réalisation de leur projet d'augmentation des prix des produits de javel était subordonnée au relèvement par la société Vitherm de ses prix, notamment de sa dose (annexe 5, cotes 15 à 41). M. Z... rapporte ainsi " qu'au moment d'augmenter les prix, B... a dit qu'il fallait voir Vitherm pour remonter ses prix ; B... ne pouvait en effet pas remonter ses prix sans que Vitherm adhère à ce mouvement de hausse " ...." Autrement il n'y avait pas de raison de s'entendre sur les prix avec Vitherm ". (annexe 5, cote 29). M. B... a déclaré : " Vitherm était tellement bas sur la dose qu'il provoquait l'intérêt économique pour le client, d'opter pour la dose plutôt que pour le cruchon. C'est pourquoi, nous avons demandé à Vitherm de relever le prix de sa dose. " (annexe 5, p. 34).

Adhésion de la société Vitherm au tarif Dalton

70. Il n'est pas contesté que le " tarif Dalton " 1999 a été communiqué à la société Vitherm au mois d'octobre 1998, ainsi que cela peut également se déduire des notes manuscrites de M. B... datées du 13 octobre 1998 (annexe 6, cote 213) et des auditions concordantes des représentants des sociétés Richet et Vitherm (annexe 5, cotes 34 et 46).

71. M. G... conteste, en revanche, que la société Vitherm ait appliqué le tarif Dalton ; il explique que ce tarif lui a été adressé et qu'il ne lui " avait servi à rien " (annexe 5, cotes 42 à 49) ; il expose : " mettre un prix plancher, c'était leur problème. Moi, j'étais déjà moins cher qu'eux " (annexe 5, cotes 43 à 46).

72. Certains éléments recueillis par les enquêteurs tendent à confirmer les dénégations de M. G... : ainsi, selon M. A... entendu le 6 juillet 2000, " Vitherm n'a pas bougé ses prix. Ils ont peut-être augmenté de 2 ou 3 centimes sur le berlingot plus de 6 mois après ( ...) ". M. B... a expliqué que la mention " G... Tarif Dalton ok " signifiait que le tarif lui avait été remis et non que celui-ci avait adhéré, " puisque dans les faits, il ne l'a pas fait ". Ces explications concordantes sont à rapprocher des éléments recueillis par les enquêteurs, tels que les notes de M. A... datées du 16 septembre 1998 spécifiant " Vitherm n'a rien fait. Le fera cette semaine " (annexe 6, cote 195) ou de la mention suivante, figurant dans l'agenda 1999 de M. Z..., à la date du 8 juin " (...) M. H... : Vitherm a bien augmenté, mais est extrêmement loin de 0,67 " (annexe 6, cote 182).

73. Mais à l'inverse, les tableaux élaborés à partir des prix (en francs) pratiqués par la société Vitherm, sur la base d'informations dont certaines ont été communiquées par la société elle-même aux enquêteurs, montrent que deux produits, la dose et le jerrican, commercialisés par la société Vitherm, ont atteint, en 1999, le tarif Dalton.

74. Ces prix grand public et collectivités ont été consignés dans des tableaux figurant aux pages 32 à 34 de la notification de griefs.

Concernant les ventes grand public de Vitherm

75. La société Vitherm a communiqué à l'administration l'évolution de ses prix de vente moyens. M. G... a expliqué que ces prix étaient calculés en divisant le chiffre d'affaires par le nombre de produits vendus de 1994 à 2000 (annexe 5, cote 48).

76. Ces informations figurent en annexe 7, cote 242, pour ce qui est de 1998 et 1999. Elles font apparaître l'évolution suivante entre janvier 1998 et janvier 1999 :

<emplacement tableau>

77. Un prix est à la baisse, un prix est stable (celui de la dose), les trois autres prix sont en hausse. La plus forte augmentation est de 4 %, sur le tripack (3 doses de 250 ml).

Concernant les ventes collectivités de Vitherm

78. Le tarif de vente négocié pour 1998 avec la centrale Métraldis (annexe 8, cote 399) et une offre faite à Pro Hygiène service au 1er janvier 1999 (annexe 7, cotes 237 et 238) font apparaître, pour ce qui est du prix franco 20 palettes et plus, l'évolution suivante (en Francs), Métraldis et Pro Hygiène étant les mêmes clients de la société Vitherm, selon le courrier adressé le 31 juillet 2000 à la DGCCRF par la société Vitherm (côte 1209).

<emplacement tableau>

79. Les 5 produits concernés subissent de très fortes hausses, de 11 %, pour la dose, à 34 % pour le flacon 2 L 12°. Les prix de la dose et du jerrican, pratiqués pour Métraldis, dépassent le tarif Dalton. Les autres prix n'atteignent pas le tarif Dalton.

Concernant Coldis

80. Coldis a communiqué à l'administration la copie du tarif de Vitherm daté de mars 1996 (cf. annexe 7, cote 263) qui précède le tarif modifié du 1er juillet 1999 (annexe 7, cote 264), la copie du tarif de Richet du 1er avril 1998 (annexe 7, cote 265), ainsi que du 1er janvier 1999 (cf. annexe 7, cote 266). Ses produits sont distribués à partir du siège social de Morières et de la plate-forme de Torcy (77) (annexe 8, cote 402).

81. Ces informations font apparaître l'évolution suivante :

<emplacement tableau>

82. Tous les prix faits à Coldis sont en augmentation : ceux de Richet (en hausse de 3 à 70 %) comme ceux de Vitherm (en hausse de 2 à 13 %), en particulier pour la dose. On relève un écart moindre sur la dose entre les sociétés Richet et Vitherm, entre 1998 et 1999. Les prix pratiqués par la société Vitherm sont nettement inférieurs au tarif Dalton.

Concernant Aldis/PHS

83. Tableau établi sur la base des informations communiquées aux enquêteurs par les sociétés Le Globe et Vitherm, Aldis/PHS (annexe 8, cote 406 ; annexe 7, cotes 326 et 328 ; annexe 8, cotes 404 ; annexe 7, cote 323 et 324 ; annexe 8, cotes 399 et 400), sachant que le tarif Verso 1998 a été appliqué à PHS au 4ème trimestre 1998 (annexe 8, cote 404).

84. Ces informations font apparaître l'évolution suivante (prix franco) :

<emplacement tableau>

85. Il se déduit de l'ensemble de ces tableaux que :

* pour l'essentiel, les prix sont en forte hausse : de 9 % (sur la dose) à 25 % pour les prix de Vitherm ;

* les augmentations des prix collectivités de la société Vitherm sont importantes et sans commune mesure avec les augmentations des prix grand public qui restent modérées ;

* le prix de la dose demeure stable sur le marché grand public, il augmente sensiblement en collectivités, de 9,38 à près de 11 % ;

* dans tous les cas, même si les prix de la société Vitherm restent compétitifs, l'écart se réduit sur le prix de la dose en collectivités entre les prix Vitherm et les prix des quatre principaux opérateurs collectivités ;

* si la plupart des prix de Vitherm, en 1999, n'atteignent pas le tarif Dalton, l'on constate, en revanche, qu'outre le jerrican, la dose vendue à Aldis/PHS atteint ce prix.

C. LES GRIEFS NOTIFIÉS

86. Recueillis, notamment au moyen de perquisitions et de saisies, les éléments probants ont ainsi permis, par acte du 7 septembre 2004, rectifié par un courrier modificatif du 14 septembre, de notifier aux sociétés Oxena, Promer et Richet, le grief d'avoir en 1998, 1999 et en 2000, et aux sociétés Vitherm et Yplon, d'avoir en 1998 et 1999, échangé des informations sur les prix, élaboré et mis en œuvre un tarif plancher dit " tarif Dalton " appliqué aux produits dont ils assuraient la vente, notamment la dose, le cruchon, le jerrican de 20 litres (ou 25 Kg), les bidons de 1 litre, 2 litres et 5 litres à 12°, ces pratiques ayant eu pour objet ou ayant pu avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché concerné, aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

II. Discussion

A. SUR L'ENTENTE " DALTON "

87. Il résulte des constatations faites aux paragraphes 32 à 55 de la présente décision, qu'au premier semestre 1998 ont eu lieu des réunions au cours desquelles les sociétés Pieri, Promer , Le Globe et Richet ont échangé des informations sur les prix et élaboré, pour 1999, un tarif commun, dit tarif " Dalton " Ces réunions se sont poursuivies jusqu'à la finalisation de ce tarif, sa diffusion, son application et le suivi de sa mise en œuvre. Ces pratiques ont été réitérées en 1999 et en 2000 pour donner lieu à l'établissement du " tarif Dalton 2000 "

88. L'enquête et l'instruction ont montré que les représentants de chaque société en cause ont eu un rôle actif dans la mise en place du tarif minimum commun. Initiées en premier lieu par M. Z... (Sté Promer), les réunions ont eu lieu régulièrement de fin 1997 jusqu'au début de l'année 2000, la dernière dont la tenue est établie datant du 9 février. Prévues d'une fois sur l'autre, elles ont été organisées à tour de rôle par les représentants des quatre sociétés mises en cause : ainsi M. A... (société Le Globe) note-t-il sur le compte rendu d'une réunion : " prochaine réunion, c'est à moi de l'organiser " (annexe 6, cote 159). De la même manière, M. B... a envoyé les convocations à la réunion du 7 mai 1999 et prévu la réservation des locaux pour la tenue des réunions des 20 janvier et 25 août 1998 et 7 mai 1999 (annexe 6, cotes 218 à 226) ; il en a été de même pour M. Z... (annexe 6, cote 227) et M. C... (société Pieri - annexe 6, cote 227 bis). L'application ultérieure des tarifs Dalton par chacune des quatre entreprises confirme l'existence de l'entente.

89. Il convient de relever que les dirigeants de ces entreprises n'ignoraient pas le caractère illégal de leur comportement, ainsi que le reconnaît M. Z... dans ses déclarations et qu'en témoigne l'envoi, par M. C... à ses confrères, par télécopie du 26 novembre 1998, d'un article intitulé " Les ententes " appelant leur attention sur l'illégalité de telles pratiques.

90. Les faits ont été reconnus à l'exception de l'existence du tarif Dalton 2000 par le dirigeant de la société Le Globe.

91. Cette contestation est contredite par les autres éléments de l'enquête et de l'instruction. M. Z... a déclaré : " Ce tarif, intitulé 'Etude 2000' a été remis en mains propres à mes 3 confrères lors de la réunion du 28 juillet 99 ... A ma connaissance, les 3 confrères y ont adhéré de la même manière que l'année précédente " (annexe 5, cote 28). Des réunions ont eu lieu entre les représentants des quatre sociétés et ont conduit à l'élaboration " d'une étude 2000 " correspondant au tarif Dalton 2000, appliqué ensuite par les quatre protagonistes de l'entente.

92. Il est donc établi que les sociétés Pieri, Promer, Le Globe et Richet ont mis en œuvre une entente sur les prix en 1998, 1999 et 2000, contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

B. SUR L'ADHÉSION DE LA SOCIÉTÉ VITHERM À L'ENTENTE " DALTON "

93. En droit communautaire, la participation, même passive, d'une entreprise à une réunion dont l'objet est anticoncurrentiel suffit à établir sa participation à l'entente, sauf si cette entreprise démontre qu'elle n'a pas souscrit aux pratiques anticoncurrentielles décidées lors de ladite réunion, en s'en distançant publiquement (CJCE, 16 novembre 2000, Sarrio SA C-291-98). En droit interne, si la participation à des réunions dont l'objet est anticoncurrentiel peut faire présumer une infraction (décision n° 03-D-54 du 28 novembre 2003), le plus souvent, le Conseil et la Cour d'appel de Paris exigent que le concours de volontés nécessaire à l'incrimination d'une entreprise pour entente se soit manifesté par une adhésion plus explicite à l'action collective décidée lors de ladite réunion, soit par la participation ultérieure à d'autres réunions ayant le même objet anticoncurrentiel, soit par l'application concrète des mesures décidées lors de cette réunion (décision n° 93-D-06 du 27 avril 1993 et décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004).

94. Il résulte des constatations figurant aux paragraphes 67 à 87 de la présente décision que la société Vitherm a participé à des réunions pendant lesquelles elle a échangé des informations sur les prix avec ses concurrents, a manifesté son engagement tacite de ne pas gêner l'entente envisagée par les quatre sociétés Dalton, a eu connaissance du tarif Dalton 1999 et a appliqué ce tarif à deux de ses produits dont la dose stratégique. Cet ensemble de faits constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordants établissant sa participation à l'entente.

95. La société Vitherm expose qu'aucune preuve n'établit son adhésion à l'entente. En premier lieu, elle soutient ne s'être à aucun moment engagée à fixer des prix ou à divulguer ses propres prix. Elle explique que de nombreuses réunions ont eu lieu avec d'autres sociétés du marché grand public et qu'elle-même n'a assisté qu'à trois réunions, partiellement pour deux d'entre elles. En deuxième lieu, elle conteste avoir facilité la réalisation de l'entente en s'engageant auprès des " Dalton "à ne pas démarcher leurs clients. En troisième lieu, elle rejette toute corrélation entre les prix " Dalton " et ses prix, en expliquant que les augmentations pratiquées résultent elles-mêmes " d'augmentations de coûts " subies (chlorhydrate de sodium, conditionnement et transport) et du choix de relever ses prix collectivités, générateurs de pertes. Enfin, elle expose que les pratiques alléguées n'ont pas eu d'effet sur le marché.

96. Sur le premier point, dans ses observations du 15 novembre 2004, la société Vitherm conteste la réalité même de ces échanges d'informations, en affirmant ne s'être à aucun moment engagée à divulguer ses propres prix, alors qu'il résulte des constatations opérées aux paragraphes 67 et 68 de la présente décision, que pendant l'enquête, M. G... avait admis les échanges d'informations sur les prix, en vue de la constitution d'un groupement.

97. La réalité des échanges d'informations sur les prix, reconnue dans un premier temps par la société Vitherm, est confirmée par les déclarations des quatre sociétés "Dalton" et les comptes-rendus des réunions auxquelles a participé la société Vitherm, peu important, dans ces conditions, que la société Vitherm n'ait pas participé à l'intégralité de ces réunions.

98. Des éléments concordants de l'enquête établissent que ces réunions et échanges d'informations durant l'année 1998 (annexe 6, cotes 187, 193, 213 et 214) avaient pour objectif de procéder à des hausses concertées des prix. Ainsi parmi les nombreuses déclarations recueillies, M. A... (société Le Globe) a déclaré aux enquêteurs : " Nous avons parlé à Vitherm d'augmentation de prix, ils nous ont écoutés. Nous leur avions dit que nous allions augmenter les prix et nous leur avons suggéré qu'il serait une bonne chose qu'ils fassent pareil... "(annexe 5 p. 17).

99. En outre, les déclarations de MM. B... et Z... concordent avec d'autres éléments de l'enquête qui attestent, outre les échanges d'informations pratiqués, l'intention exprimée par la société Vitherm d'augmenter ses prix.

100. Ainsi, par exemple, le compte-rendu manuscrit de M. A... de la réunion du 20 janvier 1998 relève : " M. G... a envie de remonter les prix mais en a assez des menteurs ( ...) ". Ce compte rendu fait état des prix pratiqués par Vitherm, puis énonce : " Richet offre à Coldis 0, 62 (illisible) + 7 c. Vitherm va faire pareil ds 3 sem. " (annexe 6, cotes 191, 153 et 161) ; de même, sur les notes manuscrites de M. A... rendant compte de la réunion du mois d'août 1998, on peut lire : " Réunion G... : pense faire Coldis en 2 fois sept et dec " (annexe 6, cote 194). Enfin, le compte-rendu de la réunion de septembre indique : " G... : va passer à environ 62 en annonçant 67 au 1er janvier, Aldis a un contrat jusqu'en mars annoncera hausse (flèche orientée vers le haut) " (annexe 6, cote 187). Les notes de M. A... du 13/10/98 portent la mention : " G... hausse les produits javel " (annexe 6, cote 213).

101. La société Vitherm a donc été présente à quatre réunions, ainsi qu'en attestent les compte-rendus précités et au cours de ces réunions, qui se sont tenues en 1998 et 1999, elle s'est associée aux échanges entre les sociétés Pieri, Promer, Richet et Le Globe sur les prix pratiqués, notamment sur le marché collectivités, en vue de procéder à une hausse simultanée des prix.

102. Sur le deuxième point, en alléguant dans ses observations écrites qu'elle avait abandonné le marché collectivités pour juguler ses pertes sur ce marché (1,6 million de F en 1999 et 344 000 euro en 2000) et non dans le dessein de faciliter l'entente " Dalton ", la société Vitherm revient sur ses déclarations citées au paragraphe 64, aux termes desquelles : " j'ai peut-être dit que j'allais arrêter d'aller démarcher sur leurs marchés et chercher des opportunités intéressantes " (annexe 5, cotes 42 à 49). Elle affirme, au contraire, avoir tout ignoré notamment de la concurrence et de la guerre des prix livrée avec la société Richet. Elle conteste avoir eu des relations privilégiées avec les quatre sociétés " Dalton " et avoir pu influencer les prix collectivités, avec une part de 2 % seulement sur ce marché.

103. Mais cette nouvelle position de la société Vitherm est contredite par les autres protagonistes de l'entente, qui confirment l'engagement tacite de la société Vitherm de ne pas démarcher les clients du marché collectivités, engagement donné à leur demande et dont elle connaissait l'importance cruciale, ainsi que le rapporte M. Z... : " au moment d'augmenter les prix, B... a dit qu'il fallait voir Vitherm pour remonter ses prix ; B... ne pouvait en effet pas remonter ses prix sans que Vitherm adhère à ce mouvement de hausse ... Autrement il n'y avait pas de raison de s'entendre sur les prix avec Vitherm. "(annexe 5, cote 29).

104. Il résulte de l'ensemble de la procédure que l'entente sur les prix menée par les quatre sociétés du marché collectivités ne pouvait être scellée sans l'assentiment de la société Vitherm, caractérisé notamment par son engagement de ne pas démarcher les clients de ces sociétés. Cet assentiment, s'il n'est pas établi qu'il ait été exprès, a été donné de manière suffisamment claire pour être compris par les sociétés Pieri, Richet, Promer et Le Globe. A cette époque, il leur est apparu que l'obstacle dirimant que représentait à leurs yeux la société Vitherm avait été levé, leur permettant de mener leur projet d'entente à son terme.

105. Sur le troisième point, si la société Vitherm ne conteste pas le fait que certains de ses prix, en 1999, aient atteint le niveau de prix Dalton, elle conteste la pertinence des comparaisons effectuées d'une année sur l'autre et explique ses augmentations de prix concomitantes de celles des prix " Dalton " par des augmentations de coûts.

106. Mais s'il ressort de l'enquête que pendant la période considérée, les prix des matières premières servant à la fabrication de l'eau de javel et les coûts de transport ont augmenté, il incombait à la société Vitherm de démontrer que les augmentations, parfois très fortes, de ses prix sur le marché collectivités, en 1999, en étaient la répercussion. N'ayant apporté aucune justification de ce type, la société Vitherm ne met pas en mesure le Conseil d'apprécier la pertinence de ses affirmations.

107. Il convient de souligner, au contraire, que la comparaison des prix de l'eau de javel sur le marché collectivités pratiqués par la société Vitherm en 1998 et 1999 met en évidence le taux variable de ces augmentations, d'une année sur l'autre, en fonction des groupements d'achats, et, pour un même groupement, en fonction des produits concernés (de 2,06 % à 12,73 % pour Coldis, de -2,95 % à 14,89 % pour Aldis/PHS, et de 10,94 % à 33,62 % dans une offre faite à Pro Hygiène Service). En outre, les tableaux de prix, élaborés à partir des éléments transmis aux enquêteurs par les sociétés en cause ou les groupements d'achat qui en sont les clients, montrent que les prix sur le marché collectivités sont en hausse, tandis que de nombreux prix pratiqués sur le marché grand public sont en baisse. La variation erratique des prix donne à penser que les augmentations pratiquées par la société Vitherm ne peuvent être la répercussion arithmétique des hausses subies, laquelle aurait dû conduire l'ensemble des prix grand public et collectivités à suivre un même mouvement de hausse.

108. En revanche, ces augmentations de prix sur le marché collectivités ont été rendues possibles grâce aux échanges d'informations sur les prix et à la connaissance par la société Vitherm du tarif " Dalton ". La société Vitherm a ainsi pu augmenter ses prix sur le marché collectivités en les maintenant, pour la plupart, inférieurs au tarif Dalton de sorte qu'elle est demeurée compétitive par rapport aux quatre sociétés Dalton. En même temps se conformant à la disposition essentielle de l'entente, elle appliquait le tarif " Dalton " à deux de ses produits, la dose et le jerrican.

109. L'enquête montre clairement la spécificité de la société Vitherm qui la distingue des autres sociétés grand public, en raison de sa position de " discounter " et non de son importance sur le marché, admise par tous comme étant marginale.

110. Elle révèle également le caractère privilégié de ses relations avec les quatre sociétés impliquées dans l'accord " Dalton ". D'abord, cette société avait été choisie, parmi toutes les sociétés opérant sur le marché grand public, comme élément fédérateur autour duquel les quatre sociétés envisageaient de s'unir. Ensuite, la société Vitherm était la seule société grand public perçue comme une menace, sur leur marché, par les quatre sociétés Dalton. Le projet de groupement ayant échoué, les sociétés ont poursuivi leurs relations, en se réunissant au moins trois fois pendant l'année.

111. Sur le dernier point relatif à l'absence d'effets des pratiques compte tenu de la part de la société Colgate-Palmolive sur le marché collectivités, il convient de corriger les évaluations de la société Vitherm figurant dans ses observations écrites, estimant à 66 % la part de marché de la société Colgate-Palmolive sur le marché collectivités, tandis que celle des quatre sociétés Dalton s'établirait à 30 %.

112. En séance, la société Vitherm a reconnu que ce taux provenait d'une simple estimation. En outre, ces évaluations, qui ne sont étayées par aucun élément sérieux, sont démenties par les résultats de l'enquête. En effet, l'enquête permet de montrer que :

* les 4 sociétés Dalton se présentent ou sont présentées comme étant les principaux opérateurs du marché collectivités, ce qui résulte à la fois de l'étude saisie dans les locaux de Pieri-Chimie et du compte-rendu de la réunion du 23 octobre 1997 (annexes 4 et 6 ) ;

* les représentants des sociétés grand public confirment cette approche. En tout cas, ils ne présentent jamais la société Colgate-Palmolive comme étant leader sur le marché collectivités, cette position ne lui étant reconnue que sur le seul marché grand public, avec sa marque Lacroix.

113. Ainsi, M. I..., leader sur le marché grand public, a déclaré (annexe 5, p.52) que l'eau de javel dans le domaine collectivités n'était " absolument pas stratégique " et représentait moins de 1 % de son CA (annexe 5 p. 53). M. B... a ajouté au sujet de Lacroix : " il est très peu présent en collectivités "(annexe 5, p. 36).

114. Les quatre sociétés Dalton disposent d'une part prépondérante sur le marché collectivités (moins des 2/3), la société Colgate-Palmolive d'une part non négligeable (moins d'1/3), le solde étant partagé entre les autres sociétés grand public qui occupent une place plus marginale sur ce marché. (annexe 4, p. 13 et 14 ; annexe 6, p. 127 ; notification de griefs, annexe 3, p. 10).

115. Il ressort de la procédure que la société Vitherm a participé, avec les quatre sociétés " Dalton ", à des réunions où ont été échangées des informations sur les prix ; après s'être engagée tacitement à ne pas gêner le projet d'entente envisagé par ces sociétés, et ayant connaissance de l'importance de cet engagement, sans lequel l'entente ne pouvait être scellée, elle a sciemment adhéré à l'entente en appliquant le tarif Dalton relatif au prix de la dose, qui en était la pierre angulaire. Cette pratique a nécessairement eu des effets anticoncurrentiels sur le marché des collectivités.

116. Il est donc établi que la société Vitherm a adhéré à l'entente anticoncurrentielle entre les quatre sociétés du groupe " Dalton ", pratique contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce.

C. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 420-4 DU CODE DE COMMERCE ET L'ÉTAT DE NÉCESSITÉ

117. Ne contestant pas les faits, la société Promer revendique le bénéfice de l'exonération accordée par l'article L. 420-4 du Code de commerce aux auteurs de pratiques lorsqu'ils peuvent justifier, aux conditions prévues par le texte, que ces pratiques ont pour effet d'assurer un progrès économique. Elle invoque aussi l'état de nécessité découlant d'un impératif de survie des entreprises du secteur des collectivités.

118. Elle explique que la concertation entre les sociétés en cause a permis de maintenir des emplois qui auraient inévitablement disparu sans le recours à la fixation d'un prix minimum de vente et que cette concertation, non seulement n'a pas supprimé la concurrence, mais encore l'a préservée en empêchant qu'un seul opérateur comme Colgate, de stature mondiale ne domine le marché. Elle ajoute que les utilisateurs des produits n'ont pas souffert des augmentations de prix pratiquées, seuls les intermédiaires ayant eu à les supporter et qu'enfin, sans ces pratiques, les quatre sociétés " Dalton " auraient disparu.

119. Mais il appartient aux auteurs des pratiques anticoncurrentielles de démontrer, non seulement que ces actions comportent des avantages économiques, mais encore que ceux-ci sont suffisants pour compenser les incidences des pratiques sur la concurrence (Cour d'appel de Paris, 17 juin 1992, Compagnie générale de vidéocommunication). Par ailleurs, le progrès économique invoqué doit, ainsi que l'a rappelé le Conseil dans un avis n° 99-A-17 du 17 novembre 1999, " constituer un progrès pour la collectivité dans son ensemble et non simplement permettre une amélioration conjoncturelle de la situation des entreprises concernées " et il doit, notamment " être établi que le progrès économique allégué est la conséquence directe des pratiques en cause et qu'il n'aurait pu être obtenu par d'autres voies ".

120. Il n'est en l'espèce, nullement démontré que l'entente relevée aurait eu pour effet d'assurer un progrès économique en réservant aux utilisateurs une part équitable du profit qui en serait résulté. Le progrès économique invoqué par la société Promer repose sur ses seules allégations, au surplus contredites par les éléments du dossier. On ne peut en effet que constater que, depuis les faits, le marché s'est certes restructuré avec l'absorption des sociétés Le Globe et Pieri par la société Oxena, mais que les fournisseurs du marché collectivités ont subsisté. Ainsi, en donnant son adhésion à l'entente, sans qu'il soit démontré que cela était de nature à apporter un quelconque progrès économique, ayant pour objet et effet d'empêcher ou de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, les sociétés " Dalton " ont contrevenu à la prohibition édictée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

121. Par ailleurs, l'argument tiré de la nécessité et de la survie des entreprises en cause ne peut justifier l'entente. En effet cette circonstance, à la supposer établie, ne peut constituer un fait justificatif, ainsi que le rappelle la jurisprudence communautaire : " aucun argument de fait, fût-il une situation de crise, ne saurait être retenu pour justifier une entente "(TPICE, 6 avril 1995, Sté métallurgique de Normandie et autres c/ Commission des Communautés européennes Affaire T- 147-89) et la jurisprudence nationale (décision n° 88-D-13 du 15 mars 1988).

D. SUR L'IMPUTABILITÉ DES PRATIQUES

122. L'activité de la société Vitherm a été cédée, en septembre 1998, à la société Yplon, mais en dépit de cette cession, la société Vitherm a subsisté en tant que personne juridique. Elle doit, en conséquence, répondre seule des faits qui lui sont reprochés et la société Yplon doit être mise hors de cause.

123. La société Pieri-Chimie a été rachetée en décembre 1998 par la société homonyme Pieri SA devenue en 2002 la société Oxena, laquelle a, en outre, en 2003, absorbé la société Le Globe. La société Oxena, qui a acquis les moyens matériels et humains ayant servi à la commission des faits, doit donc répondre des faits reprochés aux sociétés Le Globe et Pieri-Chimie qui ont disparu en tant que personnes juridiques (décision n° 98-D-72 du 17 novembre 1998, Port autonome du Havre et Cour d'appel de Paris, 25 novembre 2003, SAS Prefall).

E. SUR LES SANCTIONS

124. Les infractions retenues ci-dessus ont été commises antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En raison de la non-rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.

125. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de 1 524 490,17 euro ".

126. Aux termes de l'article L. 464-5 du Code de commerce, " le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2 (...) ". Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 22 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicables à l'époque de la commission des faits, la sanction pécuniaire prononcée, dans le cadre de la procédure simplifiée, ne peut excéder 500 000 F (76 244,51 euro) pour chacun des auteurs des pratiques prohibées.

1. SUR LA GRAVITÉ DES FAITS

127. Les ententes et actions concertées ayant pour objet et pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché font partie des pratiques que l'OCDE qualifie d' " injustifiables " dans sa recommandation du 25 juin 1998 et que le Conseil de la concurrence estime gravement préjudiciables au bon fonctionnement du marché et donc aux avantages que peuvent en attendre les consommateurs.

128. En l'espèce, la gravité des faits est accusée par l'existence d'une entente horizontale entre quatre entreprises ayant une position prépondérante sur le marché collectivités où elles représentaient en 1997, 70 % du chiffre d'affaires (annexe 6 cote 189) du secteur. Une cinquième entreprise agissant sur le même marché s'est jointe à cette entente.

129. Les quatre entreprises à l'origine du tarif " Dalton " avaient connaissance du caractère illicite de leur comportement tandis que la société Vitherm y a sciemment adhéré. Ces pratiques ont duré deux ans pour les quatre premières sociétés, un an pour la cinquième, la société Vitherm, puis ont cessé.

2. SUR LE DOMMAGE À L'ÉCONOMIE

130. Le dommage à l'économie résulte de ce que, par ces pratiques, les sociétés Pieri, Promer, Le Globe, Richet et Vitherm agissant comme fournisseurs sur un même marché ont renoncé à mettre en œuvre une politique commerciale autonome, et ont réduit l'incertitude qui doit prévaloir dans le cadre d'un fonctionnement normal du jeu de la concurrence. Ces pratiques ont fait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse.

131. Il convient toutefois de prendre en compte la faible rentabilité du marché des collectivités et son faible montant en valeur absolue, la fourniture de l'eau de javel approvisionnant les collectivités représentant en 1997 un chiffre d'affaire d'environ 110 millions de francs.

3. SUR LA SITUATION PARTICULIÈRE DE CHAQUE ENTREPRISE

a) En ce qui concerne la société Promer

132. Le chiffre d'affaires de la société Promer s'est élevé pour l'exercice 2004 à 3 541 400,91 euro (dont 1 383 311 euro pour l'activité eau de javel).

133. En fonction des éléments tant généraux qu'individuels appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 32 000 euro.

b) En ce qui concerne la société Richet

134. Le chiffre d'affaires de la société Richet s'est élevé pour l'exercice 2004 à 2 953 101 euro.

135. En fonction des éléments tant généraux qu'individuels appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 27 000 euro.

c) En ce qui concerne la société Oxena, venant aux droits des sociétés Pieri et Le Globe

136. Le chiffre d'affaires de la société Oxena s'est élevé pour l'exercice 2004 à 8 526 599 euro (envoi du 16 novembre 2004), des pertes étant subies en 2004 par cette société.

137. En fonction des éléments tant généraux qu'individuels appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 76 224 euro.

d) En ce qui concerne la société Vitherm

138. Le chiffre d'affaires de la société Vitherm s'est élevé pour l'exercice 2004 à 11 397 385 euro.

139. En fonction des éléments tant généraux qu'individuels appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 57 000 euro.

Décision

Article 1er : La société Yplon est mise hors de cause.

Article 2 : Il est établi que les sociétés Le Globe, Pieri Chimie, Promer, Richet et Vitherm ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

* A la SA Promer, une sanction de 32 000 euro

* A la SA Richet, une sanction de 27 000 euro

* A la SA Oxena, une sanction de 76 224 euro

* A la SAS Vitherm France une sanction de 57 000 euro.