CA Bordeaux, 1re ch. B, 9 décembre 1998, n° 96003843
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Le GAEC Hortival (Sté)
Défendeur :
Seinsevin, Graines d'Elite Clause (SARL), Klasmann France (SARL), Terres du Sud (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boutie
Conseillers :
MM. Septe, Bertrand
Avoués :
SCP Casteja-Clermontel, SCP Rivel-Combeaud, SCP Michel Puybaraud, SCP Touton-Pineau & Figerou
Avocats :
Mes Fribourg, Danthez, Wolfer, Valay
Monsieur Seinsevin, agriculteur en Gironde, cultive essentiellement des melons. Le GAEC Hortival développe une activité de plants maraîchers dans le Lot et Garonne. La société Graines Clause sélectionne des variétés de graines et fournissait notamment le GAEC Hortival, lequel mettait ces graines en pots dans du substrat fourni par la société Klasmann France. La société coopérative Terres du Sud distribue également des graines.
Au mois de mars 1990, Monsieur Seinsevin commandait au GAEC Hortival des plants de melon qui lui étaient livrés. Trois semaines environ après la plantation, il constatait des anomalies qui entraînaient progressivement la perte quasi-générale de la production sur les six hectares plantés avec cette livraison.
Monsieur Seinsevin assignait alors le GAEC Hortival et la société Graines Clause en référé. Monsieur Genin était désigné en qualité d'expert par ordonnance du 24 juillet 1990. Cette expertise était rendue commune à la société Klasmann France et à la société coopérative Terres du Sud, parties appelées en cause par le GAEC Hortival. L'expert déposait son rapport le 12 mai 1993.
Par jugement en date du 23 mai 1996, le Tribunal de grande instance de Libourne:
- condamnait le GAEC Hortival à payer à Monsieur Seinsevin la somme de 813 663 F au titre du préjudice économique, la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts complémentaires et celle de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
- déboutait le GAEC Hortival, la société Graines Clause, la société Klasmann France et la société coopérative Terres du Sud de leurs demandes reconventionnelles,
- décidait qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 20 juin 1996, dont la régularité n'est pas contestée, le GAEC Hortival relevait appel de cette décision.
Dans ses conclusions déposées les 17 octobre 1996, 10 avril et 13 juin 1997, il produit le rapport de Monsieur Mentiere, expert agricole qui critique le rapport de l'expert judiciaire et qui conclut à l'entière responsabilité de Monsieur Seinsevin. Il estime encore que la demande originaire est fondée sur la garantie des vices cachés et que le bref délai voulu par l'article 1648 du Code civil n'a pas été respecté par le demandeur à la procédure. Il en déduit que cette demande est irrecevable. Il conclut à la réformation de ce jugement et subsidiairement, demande le débouté ou l'instauration d'une nouvelle mesure d'instruction. Il réclame encore la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Seinsevin, dans ses écritures déposées les 17 février et 8 août 1997, conteste ces moyens et arguments. Il estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce et sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. Il réclame encore la somme de 50 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles. Il fait valoir notamment que le rapport produit pas la société appelante ne présente aucun caractère contradictoire et que sa demande n'a jamais été fondée sur la garantie des vices cachés mais sur une délivrance non conforme de la chose vendue.
La société Klasmann France, dans ses conclusions du 26 mai 1997, constate que le GAEC Hortival ne formule plus aucune demande en garantie contre elle. Subsidiairement, elle conclut à la forclusion de la demande de Monsieur Seinsevin et au débouté des demandes, même sur le fondement de l'article 1353 du Code civil. Elle sollicite donc l'infirmation du jugement et le débouté des demandes. Elle réclame enfin la somme de 50 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 15 septembre 1997, la société Graines Clause demande aussi la confirmation du jugement en ce qu'elle était mise hors de cause et réclame la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société coopérative Terres du Sud conclut dans le même sens au terme de ses écritures déposées le 16 mai 1997.
Dans des écritures déposées le 23 octobre 1998, Monsieur Seinsevin demande le rejet des débats des dernières conclusions de la société Klasmann France.
Sur quoi,
Sur la procédure :
Attendu en droit que les conclusions déposées après l'ordonnance de clôture doivent, sauf cause grave, être déclarées d'office irrecevables; que de même, peuvent être écartées des débats les conclusions de dernière heure constituant une violation évidente de l'article 15 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu en l'espèce que Monsieur Seinsevin sollicite le rejet des débats des conclusions déposées par la société Klasmann France le 13 octobre 1998, veille de l'ordonnance de clôture pour violation du principe du contradictoire;
Mais attendu que ces écritures ne contiennent aucun moyen ni aucun argument nouveau et qu'elles ne font que résumer les moyens et arguments de cette société; qu'elles ne nécessitent aucune réponse; quelle ne constituent pas une violation flagrante du principe de la contradiction et qu elles seront déclarées recevables;
Sur la mise hors de cause de la société Klasmann France, de la société Graines Clause et de la société coopérative Terres du Sud :
Attendu qu'il résulte des écritures des parties que l'appel formé par le GAEC Hortival est limité aux chefs du jugement le condamnant à payer des dommages-intérêts à Monsieur Seinsevin; que par conséquent cette société ne formant plus, en cause d'appel, de demande en garantie à l'encontre de la société Klasmann France, elle renonce, implicitement mais nécessairement, à une telle demande.
Qu'à aucun moment, tant en première instance que devant la cour, ni Monsieur Seinsevin ni le GAEC Hortival n'ont formé un appel en garantie à l'encontre de la société Graines Clause, fournisseur des graines; que le jugement doit être confirmé, en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de cette société.
Que le même raisonnement doit être tenu en ce qui concerne la société coopérative Terres du Sud contre laquelle personne ne conclut;
Qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il mettait ces trois sociétés hors de cause; que les dépens afférents à ces appels seront supportés par la GAEC Hortival qui a cru devoir maintenir l'appel contre ces parties auxquelles il ne demande rien; que toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en leur faveur;
Sur la responsabilité :
Attendu que le rapport de Monsieur Genin, expert commis par le tribunal, fait l'objet de nombreuses critiques tant par la société Klasmann France que par le GAEC Hortival; que ce dernier communiquait en cause d'appel le rapport dressé à sa demande par Monsieur Mentiere, expert agricole qui conclut à l'entière responsabilité de Monsieur Seinsevin dans le sinistre pour ne pas avoir pris toutes les précautions requises à l'obtention d'une bonne production car * le sol de la plantation était atteint de fusariose vasculaire et * était présent dans ce même sol un élément chimique à dose élevé ou une rémanence d'un produit toxique qui a favorisé les excroissances racinaires;
Mais attendu que ce rapport ne présente aucun caractère contradictoire et n'a été réalisé que sur pièces, plusieurs années après le phénomène de la fusariose, le considérant comme secondaire; qu'au contraire, cet élément est déterminant puisqu'en dehors du sinistre subi par Monsieur Seinsevin, les autres plans livrés n'ont donné lieu à aucune réclamation; que rien ne démontre que les plans livrés n'étaient pas conformes;
Qu'en outre, les déclarations de Monsieur Coulon, qui indique qu'en 1990, les plans également livrés par le GAEC Hortival ont présenté les mêmes phénomènes que ceux livrés à Monsieur Seinsevin, ne sont étayées par aucun élément probant et sont donc sujettes à caution;
Qu'ils en concluent qu'il n'existe aucune présomption grave précise et concordante permettant d'affirmer que les plants livrés par le GAEC Hortival ont provoqué le sinistre;
Mais attendu que se fondant sur le rapport de Monsieur Rat, ingénieur à l'INRA d'Angers, l'expert relève qu'aucune tumeur n est apparue sur les melons semés avec du sol d'entre les tunnels; que le phénomène n'était donc probablement pas préexistant dans la parcelle; que le phénomène générateur est apparu soit au niveau de la préparation du plan, soit au cours du traitement en début de culture; que ces deux stades ressortent de la responsabilité du GAEC Hortival;
Attendu encore que Monsieur Coulon, agriculteur voisin de Monsieur Seinsevin, commandait le 4 avril 1990 des plants de melon au GAEC Hortival et que les plantes présentaient les mêmes nodosités alors que son terrain n'est pas infesté par la fusariose; que le GAEC Hortival appelant et la société Klasmann France sont mal venus à critiquer ces déclarations alors qu'ils n'ont pas daigné se déplacer avec l'expert chez ce sachant, auquel ils auraient pu poser toutes les questions souhaitables; que par des dires, ils ont tenté de réfuter ces déclarations mais que l'expert, répondant à ces contestations, les écartait de manière logique et scientifique;
Attendu que le rapport de l'expert démontre encore sans être sérieusement contredit que le sol de Monsieur Seinsevin n'était pas, avant l'introduction des plants acquis, infesté par des nématodes; que pas plus n'est démontrée la présence de fusariose avant la plantation incriminée ; que celle-ci est apparue en 1990 pour disparaître en 1991;
Qu'il résulte d'une étude effectuée par différentes INRA de France que la fusariose, qui est un champignon, est introduite dans les plantations par les semences et que la contamination peut également provenir des autres éléments des plants, notamment le substrat ou le terreau;
Que l'expert conclut que le sinistre avait pour origine les mini-mottes livrées par le GAEC Hortival qui ont développé des nodosités, alors que la fusariose n'a été constatée qu'à la fin du mois d'avril 1990 ; Qu'ainsi les premiers juges ont pu estimer que les présomptions graves, précises et concordantes issues du rapport d'expertise judiciaire ; [selon arrêt rectificatif du 13 janvier 1999]
étaient suffisantes pour dire que le produit livré par le GAEC Hortival à Monsieur Seinsevin n'était pas conforme et que la responsabilité du vendeur était par conséquent engagée, mais encore que celui-ci ne démontrait pas que l'origine du sinistre soit imputable à ses propres fournisseurs, le GAEC Hortival ne rapportant pas la preuve que les plants qu'il a livrés étaient sains;
Sur le montant du préjudice :
Attendu qu'aucune partie ne critique le jugement sur ce point; que Monsieur Seinsevin accepte le montant qui lui a été alloué; que ce montant correspond à la juste indemnisation du préjudice subi au vu des pièces régulièrement communiquées; que le jugement sera donc confirmé sur ce point;
Attendu en définitive que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions;
Attendu que le GAEC Hortival, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens;
Que, tenu aux dépens, il devra payer à Monsieur Seinsevin la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Déclare recevables les conclusions déposées par la société Klasmann France le 13 octobre 1998, Au fond, confirme le jugement rendu le 23 mai 1996 par le Tribunal de grande instance de Libourne, Y ajoutant, Condamne le GAEC Hortival à payer à Monsieur Seinsevin la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de autres parties, Condamne le GAEC Hortival à payer à Monsieur Seinsevin la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de autres parties, Condamne le GAEC Hortival aux dépens et autorise les SCP d'Avoués Rivel-Combeaud, Puybaraud et Touton-Pineau & Figerou à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.