Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-19.035
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
AGF (Sté), Teyssou (Sté), Rhône machines-outils (Sté), Nanterme (ès qual.)
Défendeur :
Fayard Sud machines-outils (SA), Crédimo (SA), Brenac (ès qual.), Etablissements Laffont frères et compagnie (SARL), Novar (SPA), Uni Enrope (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Mes Baraduc-Benabent, Guinard, SCP Ancel, Couturier-Heller, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, SCP Vier, Barthélémy
LA COUR : - Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Crédimo ; - Statuant sur les pourvois principal et incident : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Toulouse, 18 mai 1995), que la société Laffont a conclu avec la société Crédimo un contrat de crédit-bail pour le financement d'une machine-outil, fabriquée par la société Novar, importée d'Italie par la société RMO, livrée par la société Fayard Sud machines-outils (société Fayard); qu'à la suite de difficultés de fonctionnement, la société Laffont a assigné la société Fayard, la société RMO et la société Crédimo en nullité du contrat de crédit-bail et subsidiairement en résolution pour vices cachés; qu'elle a également appelé en garantie son assureur, la société Uni Europe; que la société Laffont a été admise au règlement judiciaire, puis mise en liquidation judiciaire, M. Brenac étant désigné en qualité de liquidateur et ayant repris l'instance ;
Sur le premier moyen des pourvois principal et incident qui sont rédigés en termes identiques : - Attendu que la compagnie Assurances générales de France (société AGF), la société Teyssou, M. Nanterme, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société RMO et la société Fayard font grief à l'arrêt d'avoir dit le crédit-preneur, subrogé dans les droits du crédit-bailleur quant aux garanties attachées au matériel, fondé à exercer l'action rédhibitoire à l'encontre du vendeur alors, selon le pourvoi, d'une part, que le crédit-preneur, subrogé dans les droits du crédit-bailleur, ne peut avoir plus de droits que ce dernier; que le crédit-bailleur ayant, à la suite du règlement judiciaire du crédit-preneur, résilié le contrat de crédit-bail, revendiqué le matériel loué et revendu celui-ci le 5 juillet 1994 pour un montant de 500 000 francs, se trouvait dessaisi de la machine qui lui avait été vendue et ne pouvait donc exercer une action en résolution de la vente; qu'en prononçant, cependant, cette résolution à la demande du crédit-preneur, subrogé dans les droits du crédit-bailleur, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1644 et 1250 du Code civil; et alors, d'autre part et, en tout état de cause, que l'incompatibilité de certaines anomalies d'une chose avec un fonctionnement satisfaisant ne constitue pas un vice caché rendant la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que le contrat de crédit-bail prévoit expressément que le locataire est "subrogé dans tous les droits de recours et actions du bail concernant cette garantie"; que la cour d'appel a pu décider que M. Brenac, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Laffont, était en droit de demander la résolution de la vente en raison des vices cachés de la chose, peu important que le crédit-bailleur ait dans le cadre du contrat de crédit-bail, repris la machine louée ;
Et attendu, d'autre part, qu'après avoir retenu que la machine était équipée d'une tête de fraisage présentant un défaut originel et que l'ordinateur qui devait la commander était défaillant, et en avoir déduit que ces anomalies n'avaient pas pour origine un défaut d'entretien mais existaient antérieurement à la vente sans qu'elles soient décelables par l'acheteur et incombaient au constructeur, la cour d'appel a pu décider que la chose vendue était affectée de plusieurs vices cachés la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen des pourvois principal et incident, les moyens étant réunis : - Attendu que la société AGF, la société Teyssou, M. Nanterme, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société RMO et la société Fayard font grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Fayard à indemniser la société Crédimo du préjudice résultant de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à la résolution pour vices cachés alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société Crédimo indiquait à la cour d'appel que le contrat de crédit-bail avait pris fin avec le redressement judiciaire de la société Laffont et la décision de l'administrateur de ne pas poursuivre le contrat, qu'elle précisait avoir récupéré puis revendu le matériel, qu'elle ne pouvait prétendre à aucun préjudice subi du fait de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à la résolution de la vente, puisqu'à cette date, il avait déjà été mis fin au contrat de crédit-bail conformément au droit des procédures collectives à laquelle le vendeur est demeuré totalement étranger; qu'en condamnant dès lors le vendeur à indemniser la société de crédit-bail du préjudice résultant de la résiliation du contrat en conséquence de la résolution de la vente, bien que la résiliation avait été prononcée antérieurement, la cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil; et alors, d'autre part, que la société Fayard indiquait à la cour d'appel que le contrat de crédit-bail avait pris fin avec le redressement judiciaire de la société Laffont et la décision de l'administrateur de ne pas poursuivre le contrat, qu'elle précisait que le matériel avait été récupéré puis revendu par la société Crédimo au prix de 500 000 francs et que l'organisme de crédit ne pouvait dès lors prétendre à aucun préjudice subi du fait de la résiliation du contrat de crédit-bail consécutive à la résolution de la vente, puisqu'à cette date, il avait déjà été mis fin au contrat de crédit-bail conformément au droit des procédures collectives auquel le vendeur est demeuré totalement étranger; qu'en condamnant dès lors la société Fayard, vendeur, à indemniser la société Crédimo du préjudice résultant de la résiliation du contrat de crédit-bail en conséquence de la résolution de la vente, alors que la résiliation avait été prononcée antérieurement, la cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que la société Crédimo acquéreur de la chose litigieuse est en droit de demander la résolution de la vente de la chose impropre à l'usage auquel elle est destinée, et que cette demande est sans rapport avec celles qu'elle aurait pu former à l'encontre du locataire et qui se seraient heurtées au rejet de la déclaration de créance; que la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants relatifs à la relation entre la résolution du contrat de vente et la résiliation du contrat de crédit-bail, a donc pu accueillir la demande de restitution du prix de vente diminué des loyers perçus; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident pris en sa seconde branche qui sont rédigés en termes identiques : - Vu l'article 1382 du Code civil : - Attendu que, pour condamner la société Fayard au paiement à M. Brenac, ès qualités, de la somme de un million de francs, l'arrêt, après avoir reconnu à la société Laffont la possibilité d'agir en qualité de mandataire du crédit-bailleur, décide qu'elle n'avait pas de lien contractuel avec le fournisseur et de ce fait pouvait rechercher la responsabilité délictuelle de la société Fayard ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un comportement fautif du vendeur avait été la cause directe du préjudice subi par le crédit-preneur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du deuxième moyen du pourvoi incident : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Fayard Sud machines outils à payer à M. Brenac, ès qualités, la somme d'un million de francs, l'arrêt rendu le 18 mai 1995, entre les parties, par la Cour d'appel de Toulouse; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Pau.