Livv
Décisions

CA Versailles, 13e ch., 24 février 2005, n° 04-01837

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Daimler Chrysler France (SA)

Défendeur :

Garage de Bretagne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mme Andreassier, M. Deblois

Avoués :

SCP Debray-Chemin, SCP Jupin & Algrin

Avocats :

SCP Vogel & Vogel, Me Bertin

CA Versailles n° 04-01837

24 février 2005

LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la SA Daimler Chrysler France à l'encontre du jugement rendu le 11 février 2004 par le Tribunal de commerce de Versailles dans le litige qui l'oppose à la SA Garage de Bretagne.

La SA Daimler Chrysler France est l'importateur en France des véhicules de marque Mercedes Benz qu'elle distribuait par l'intermédiaire d'un réseau de concessionnaires exclusifs jusqu'au 1er octobre 2003, puis après cette date par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs agréés.

La SA Garage de Bretagne bénéficiait d'un contrat de concessionnaire exclusif sur la région d'Angers, suivant, en dernier lieu, contrat à effet au 1er octobre 1996.

Ce contrat remplissait les conditions d'exemption de l'interdiction des ententes, telles que ces conditions étaient édictées par le règlement CE n° 1475-95 du 28 juin 1995.

En particulier, les modalités de résiliation de ce contrat à durée indéterminée étaient conformes aux dispositions du règlement. Ainsi :

- l'article 15-1 stipulait que "les parties contractantes peuvent le dénoncer par écrit sans indemnité, moyennant un préavis de deux ans à échéance de la fin d'un trimestre", conformément à l'article 5-2.2 du Règlement,

- l'article 15-5 prévoyait que la SA Daimler Chrysler France "peut résilier le contrat moyennant un préavis d'un an, à l'échéance de la fin d'un trimestre en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son réseau", conformément à l'article 5-3 du Règlement.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 septembre 2002, la SA Daimler Chrysler France a mis fin au contrat de concession de la SA Garage de Bretagne pour le 30 septembre 2003, donc avec un délai de préavis réduit à une année, en justifiant cette réduction par la nécessité de réorganiser le réseau.

La SA Daimler Chrysler France soutient que le règlement CE n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 a modifié les règles d'exemption, et l'a en conséquence obligée à procéder, avant la fin de la période de transition expirant le 30 septembre 2003, à la résiliation des contrats de concession exclusive pour les remplacer par des contrats de distributeurs agréés et/ou de réparateurs agréés, selon les modalités de la distribution sélective qualitative et quantitative. Elle en déduit que cette réorganisation juridique touchant l'ensemble du réseau justifie l'application de l'article 15-5 du contrat réduisant le délai de préavis à une année.

La SA Garage de Bretagne soutient que la SA Daimler Chrysler France a décidé arbitrairement de l'éliminer de son réseau dès l'année 2000, mais que n'y parvenant pas, elle a saisi le prétexte de la publication du règlement CE n° 1400-2002 pour l'évincer sans motifs, et en ne lui accordant qu'un délai de préavis d'une année. Elle souligne que le concédant a procédé à la réorganisation du réseau à compter de l'année 2000, et qu'ainsi que l'a reconnu son président le 17 octobre 2002, cette réorganisation était alors terminée et que c'est donc abusivement qu'elle a été invoquée pour lui refuser un préavis de deux années.

La présente instance a été intentée par la SA Garage de Bretagne qui a fait assigner le 13 octobre 2003 la SA Daimler Chrysler France en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 11 février 2004, le Tribunal de commerce de Versailles a :

- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la SA Daimler Chrysler France,

- dit que la procédure extraordinaire de résiliation avec un préavis réduit à une année a un caractère abusif en l'absence de la nécessité de procéder à une réorganisation du réseau,

- condamné la SA Daimler Chrysler France à payer à la SA Garage de Bretagne, en réparation du préjudice résultant de la réduction du préavis, la somme de 1 192 753 euro, à titre de dommages-intérêts,

- débouté la SA Garage de Bretagne de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements de la SA Daimler Chrysler France à ses obligations au cours du préavis,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sous condition que la SA Garage de Bretagne fournisse une caution bancaire à hauteur de 800 000 euro,

- condamné la SA Daimler Chrysler France à payer à SA Garage de Bretagne la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Daimler Chrysler France a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour :

- de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour d'appel d'Angers ait rendu son arrêt dans l'affaire dont elle est saisie,

- subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que sa responsabilité n'était pas engagée par les actes commis par la société Saga au cours de l'exécution du préavis d'une année,

- de l'infirmer pour le surplus et de dire qu'elle n'a commis aucune faute en lui accordant un préavis réduit à une année, et de débouter la SA Garage de Bretagne de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

- plus subsidiairement de dire que la SA Garage de Bretagne ne démontre ni son préjudice, ni le lien de causalité entre les fautes alléguées et ledit préjudice,

- en toute hypothèse de condamner la SA Garage de Bretagne à lui payer la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Daimler Chrysler France soutient que l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400-2002, remplaçant le règlement CE n° 1475-95 l'a contrainte à réorganiser l'ensemble de son réseau de distributeurs, et ce avant le 1er octobre 2003. A ce propos elle fait notamment valoir :

- que le règlement CE n° 1400-2002 en date du 31 juillet 2002 précise qu'il entre en vigueur le 1er octobre 2002,

- que toutefois, l'article 10 prévoit une période transitoire jusqu'au 30 septembre 2003,

- que tous les contrats passés avec les concessionnaires devaient en conséquence être mis en conformité avec le nouveau règlement communautaire avant le 1er octobre 2003, donc dans un délai d'une année,

- que les contrats de concession exclusive qui avaient été conclus conformément au règlement CE n° 1475-95 et qui régissaient ses rapports avec les membres de son réseau devenaient incompatibles avec le nouveau règlement,

- que désormais les contrats de distribution exclusive sur un territoire étaient prohibés,

- que seuls les contrats de distribution sélective, qualitative et/ou quantitative, pouvaient bénéficier de l'exemption à l'interdiction de l'article 81 du traité,

- qu'en outre le lien obligatoire entre la vente et l'après-vente était supprimé, et les contrats d'après-vente ne pouvaient faire l'objet que de critères de sélection qualitatifs et non quantitatifs,

La SA Daimler Chrysler France soutient que les faits démontrent qu'elle a effectivement réorganisé la totalité de son réseau avant le 30 septembre 2003. A ce propos elle fait notamment valoir :

- qu'elle a cherché à réorganiser son réseau d'abord de manière négociée, pour éviter les résiliations,

- qu'elle a entrepris cette réorganisation à partir de l'année 2000, pour l'achever le 30 septembre 2003,

- que pour apprécier s'il y a eu effectivement réorganisation de la totalité, ou d'une partie substantielle du réseau, il faut tenir compte de toute cette période de réorganisation, et non seulement, comme le voudrait la SA Garage de Bretagne de ce qui s'est passé après la publication du règlement CE n° 1400-2002 du 31 juillet 2002,

- que, sur cette période 2000/2003, ce ne sont pas 3 concessionnaires qui ont quitté le réseau, mais un nombre beaucoup plus important,

- que l'échec de la solution négociée l'a contrainte à procéder à la résiliation du contrat de la SA Garage de Bretagne.

La SA Daimler Chrysler France soutient subsidiairement que même en ne tenant compte que de la période postérieure au 31 juillet 2002, elle a effectivement réorganisé la totalité de son réseau. A ce propos elle fait notamment valoir :

- qu'il est incontestable qu'elle a procédé à la réorganisation complète de son réseau entre 2000 et 2003,

- que pendant cette réorganisation, elle avait la possibilité, à tout moment, de dénoncer les contrats de concession avec un délai de préavis d'une année,

- que cette faculté lui était ouverte, tant que la réorganisation n'était pas achevée,

- que cette réorganisation était en cours le 31 juillet 2002, et n'a été achevée que le 30 septembre 2003,

- que ce ne sont pas 3 cas, mais une dizaine de cas qui étaient en cours au 31 juillet 2002,

- qu'il s'en déduit que le 16 septembre 2002, elle était en droit de dénoncer le contrat de concession passé avec la SA Garage de Bretagne, avec un délai de préavis limité à une année,

- que si elle avait été imprévoyante et moins conciliante, elle aurait attendu la publication du règlement pour résilier les contrats de tous ses concessionnaires, avec un délai de préavis d'un an,

- qu'elle ne doit pas être pénalisée pour avoir recherché une solution négociée,

- qu'elle ne doit pas être pénalisée pour s'être interdit de résilier les contrats avec un délai de deux années, ou même d'une année, pendant les négociations engagées pour réorganiser son réseau.

La SA Daimler Chrysler France voit également la preuve de l'existence d'une réorganisation complète de son réseau dans le fait que tous les contrats de concession ont fait l'objet d'une résiliation avec un préavis d'un an, à effet au 30 septembre 2003 (et que tous les concessionnaires ont dû dénoncer tous les contrats d'agent). Elle fait observer que la proposition faite à certains membres de l'ancien réseau de signer en remplacement un contrat de distributeur agréé ne fait que confirmer la réorganisation du réseau.

La SA Daimler Chrysler France soutient que la solution proposée par la SA Garage de Bretagne de lui octroyer un préavis de deux années aurait supposé un aménagement du contrat de concession pour le rendre compatible avec les nouvelles règles essentielles, ce qui n'aurait pu se faire qu'avec l'accord du concessionnaire, et à supposer que cet accord puisse être obtenu, risquait d'entraîner un imbroglio juridique inextricable. Elle relève l'inconfort de la situation du concédant obligé de se plier à la nouvelle réglementation mais se heurtant inévitablement à l'opposition du concessionnaire pour abandonner les avantages de l'exclusivité sur son territoire. Elle souligne la nécessité pour le concédant de présenter aux yeux de tous les membres de son réseau une conduite claire et égalitaire qui n'aurait pu qu'être brouillée par le maintien de membres titulaires de contrats différents et d'interprétation difficile, alors qu'elle a agi de manière transparente en résiliant tous les contrats avec un préavis d'une année, et en proposant à tous les membres du réseau le contrat qu'elle entendait conclure avec chacun, de distributeur agréé et/ou de réparateur agréé.

La SA Daimler Chrysler France soutient même que la faculté de réduire le délai de préavis à une année n'est pas conditionnée par une impossibilité de mettre en œuvre un préavis de deux années, mais est accordée au fournisseur dès lors qu'il existe une réorganisation totale ou substantielle du réseau. Elle estime qu'il suffit qu'il existe une raison valable pour réorganiser le réseau, et que cette réorganisation ait effectivement eu lieu.

La SA Daimler Chrysler France conteste l'argumentation de la SA Garage de Bretagne qui revient à estimer que seule la réorganisation économique justifie le préavis réduit, mais que la réorganisation juridique n'est pas un motif suffisant. Elle note qu'aucune disposition du règlement ne permet de faire une telle distinction. Elle souligne l'importance du volet juridique dans l'organisation d'un réseau de distribution et en déduit que les modifications des règles juridiques sont des motifs de réorganisation aussi impérieux que des variations des données économiques.

La SA Garage de Bretagne, faisant appel incident, demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer, et en ce qu'il a partiellement fait droit à ses demandes,

- de l'infirmer en ce qu'il a rejeté une partie de ses demandes,

- de confirmer que la SA Daimler Chrysler France a commis une faute en recourant abusivement à la procédure extraordinaire de résiliation prévue par l'article 15-5 du contrat et 5-3 du Règlement, alors que les conditions n'en étaient pas remplies en l'absence, le 16 septembre 2002, de réorganisation de son réseau, ou d'une partie substantielle de son réseau,

- de confirmer que le préjudice résultant de cette faute est égal à une année de marge brute, mais de dire qu'il est démontré que ce préjudice doit être chiffré à 1 400 791,66 euro, selon attestation de son expert comptable, et de condamner en conséquence la SA Daimler Chrysler France à lui payer cette somme,

- de dire que la SA Daimler Chrysler France a engagé sa responsabilité contractuelle en adoptant une attitude contraire à l'obligation de loyauté et de bonne foi, au cours de l'année de préavis, et en conséquence de condamner cette dernière à lui payer la somme de 521 865,75 euro correspondant à la perte de marge brute qui en est résultée,

- de condamner la SA Daimler Chrysler France à lui payer la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Garage de Bretagne, sur l'environnement du dossier fait notamment observer :

- que depuis sa création en 1970 elle est concessionnaire exclusif de la marque automobile Mercedes à Angers,

- que depuis 1987 elle s'est installée dans de vastes locaux, boulevard Bédier à Angers, et a acquis en 1991 un site secondaire à Saumur, exploité par la SARL Gentil,

- qu'au cours des mois de mars et de mai 2000 elle a réalisé des investissements d'agrandissement et de rénovation pour plus de 381 122 euro (2 500 000 F),

- qu'au cours des 6 dernières années, de 1997 à 2002, elle a toujours dépassé ses objectifs pourtant en progression rapide, les ventes passant de 256 à 378 véhicules neufs en 2002,

- que malgré ces résultats performants, la SA Daimler Chrysler France a décidé arbitrairement de l'évincer de son réseau,

- que dès 2001, le président de la SA Daimler Chrysler France a exposé dans la presse spécialisée son intention de concentrer son réseau selon le système des "plaques",

- que la SA Daimler Chrysler France a décidé de confier l'exploitation de son territoire à la société Saga, implantée dans le département 85, et a multiplié les pressions à partir du début de l'année 2001 pour la contraindre à vendre son établissement à la société Saga,

- que cette dernière a proposé le 28 février 2002 le rachat de la totalité des actions de la SA Garage de Bretagne et de la SARL Gentil pour le prix de 1,65 millions d'euro, alors que ces sociétés étaient évaluées entre 4,2 et 4,8 millions d'euro,

- que dès le 4 mars 2002 elle a dénoncé ce processus consistant à faire pression sur elle pour la contraindre à céder la concession à vil prix, fût-ce au moyen d'une résiliation de son contrat,

- que par lettre du 5 mars 2002 la société Saga justifie la faiblesse du prix par la promulgation prochaine du règlement du 31 juillet 2002 qui "ne valorise pas la cession de concession automobile",

- qu'au mois de mai et juin 2002 le journal Courrier de l'Ouest, dans sa rubrique Angers, présentait la société Saga comme devant exploiter à partir de 2004 "un centre géant dédié à toute la gamme Daimler Chrysler",

Sur la résiliation du contrat la SA Garage de Bretagne fait notamment valoir :

- que par lettre recommandée en date du 16 septembre 2002, la SA Daimler Chrysler France lui a notifié la résiliation de son contrat moyennant un préavis d'un an expirant le 30 septembre 2003,

- qu'une lettre similaire a d'ailleurs été adressée à tous les concessionnaires,

- que ce faisant la SA Daimler Chrysler France a utilisé la procédure extraordinaire de résiliation, avec un préavis réduit à un an, au motif qu'elle se trouvait dans la nécessité de réorganiser l'ensemble, ou une partie substantielle de son réseau,

- qu'il lui était pourtant possible de réduire le préavis à une année en versant en contrepartie une indemnité conventionnelle, selon la faculté ouverte par l'article 5-2.2)1 du règlement CE n° 1475-95,

- qu'il appartient donc à cette dernière de démontrer qu'elle se trouvait dans la nécessité de réorganiser son réseau,

- que cette démonstration ne doit laisser aucun doute, car elle commande une faculté dérogatoire au délai de préavis de deux années, imposé par le droit communautaire et nécessaire pour que le concessionnaire ait le temps d'opérer sa reconversion.

La SA Garage de Bretagne soutient qu'au mois de septembre 2002, il n'existait aucune nécessité de procéder à la réorganisation du réseau, en faisant notamment valoir :

- que pour apprécier les conditions à remplir pour procéder à une résiliation de contrat, il faut se placer au moment de cette résiliation, c'est-à-dire en l'espèce au 16 septembre 2002, et non comme le voudrait la SA Daimler Chrysler France, en 2000 ou 2001,

- que dans une interview reproduite dans le journal l'Argus de l'automobile en date du 17 octobre 2002, le président de la SA Daimler Chrysler France indique que la société a entrepris sa réorganisation depuis 2000 et que cette réorganisation étant achevée, la promulgation du règlement CE n° 1400-2002 et la mise en conformité des contrats, ne seront donc pas un prétexte pour éliminer des opérateurs,

- qu'il est constant que la SA Daimler Chrysler France avait, avant le mois de septembre 2002 opéré tous les regroupements qu'elle avait décidés, à l'exception de 3 concessionnaires, dont elle-même,

- que pour éliminer ces 3 concessionnaires, il a suffi à la SA Daimler Chrysler France de proposer la signature des nouveaux contrats de distributeurs agréés à tous les autres concessionnaires sauf à eux, et d'exiger que ces contrats soient signés très rapidement, avant le 30 septembre 2002,

- que l'élimination dans ces conditions de 3 opérateurs, ou même de 10, comme le prétend la SA Daimler Chrysler France sans le justifier, ne constitue en aucun cas une réorganisation d'une partie substantielle du réseau, cette notion impliquant un nombre suffisant de distributeurs affectés par la réorganisation,

- qu'il est évident que son éviction du réseau résulte de la politique arbitraire de concentration "par plaques" adoptée par la SA Daimler Chrysler France, et n'est en rien causée par ce prétexte invoqué pour les besoins de la cause, de la nécessité de mettre les contrats en conformité avec le nouveau Règlement du 31 juillet 2002,

- qu'aucune nécessité ne contraignant la SA Daimler Chrysler France à adopter une politique de concentration, elle doit bénéficier d'un délai de préavis de deux années,

- qu'à supposer même que cette politique de concentration soit utile, il convient d'observer qu'elle ne revêtait aucune urgence puisqu'elle s'est déroulée sur une période de 4 années, et qu'en conséquence elle ne justifie en rien la réduction du délai de préavis qui pouvait parfaitement se dérouler sur deux années.

La SA Garage de Bretagne estime ainsi avoir démontré qu'aucune nécessité économique ne subsistait en septembre 2002, et conteste l'argumentation de la SA Daimler Chrysler France selon laquelle il subsistait une nécessité juridique. A ce propos elle fait notamment valoir :

- que la nécessité de modifier les contrats pour les mettre en conformité avec le nouveau Règlement n'obligeait pas la SA Daimler Chrysler France à recourir à la réduction du délai à une année prévue par les articles 15-5 du contrat et 5-3 du règlement,

- que la SA Daimler Chrysler France pouvait parfaitement accorder un délai de deux années en apportant quelques modifications au contrat pour le rendre compatible avec la réglementation communautaire, pendant la deuxième année du préavis,

- qu'elle pouvait préférer n'accorder qu'un délai d'un an en payant une indemnité conventionnelle comme le prévoit l'article 5-2.2)1 du règlement CE n° 1475-95,

- que tel est l'avis de la Commission qui indique dans la brochure explicative que la promulgation du nouveau Règlement n'implique pas que le réseau doive être de facto réorganisé, même s'il se peut que dans certains cas le constructeur automobile décide de réorganiser une partie substantielle de son réseau,

- que tel est l'avis répété à plusieurs reprises par les personnes en charge à Bruxelles du Règlement d'exemption et qui déclarent qu'il convient d'apprécier au cas par cas si le constructeur décide ou non de procéder à une réorganisation,

- que l'expérience montre que nombre de constructeurs n'ont pas eu à procéder à une réorganisation de leur réseau, et se sont contentés d'intégrer la nouvelle réglementation au corps du contrat existant,

- que si l'on veut bien y réfléchir, l'exemple même de la SA Daimler Chrysler France, en l'espèce, confirme la possibilité de ne pas procéder à une réorganisation, car en réalité cette réorganisation est causée par le désir de concentration du réseau, passant de 150 membres à 100 membres, alors qu'en l'absence de cette volonté de concentration, il y aurait eu une simple mise en conformité des contrats, comme cela a eu lieu pour les 100 distributeurs dont le nombre et l'identité avaient déjà été arrêtés en septembre 2002,

- qu'en réalité le réseau, composé de 100 distributeurs, était définitivement constitué dès le mois de septembre 2002, si bien qu'aucune réorganisation n'était plus nécessaire,

- qu'il ne restait en vérité qu'à éliminer les 3 ou 4 concessionnaires encore en surnombre en saisissant le prétexte de la prétendue nécessité juridique,

- que la SA Daimler Chrysler France confond système de distribution (distribution exclusive ou distribution sélective) et réseau de distribution (le nombre et l'identité des membres du réseau) et invoque à tort la réorganisation du système de distribution, alors que le Règlement et le contrat ne visent que la réorganisation du "réseau" de distribution,

- qu'une réorganisation d'une partie substantielle de ce réseau suppose l'existence d'un nombre suffisant de distributeurs affectés par la mesure de réorganisation, un nombre de 3 membres étant manifestement insuffisant.

DISCUSSION

Sur le sursis à statuer

Considérant que la SA Daimler Chrysler France demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour d'appel d'Angers ait rendu son arrêt dans l'affaire dont elle est saisie ; qu'elle fait notamment valoir que dans la présente instance, la SA Garage de Bretagne réclame le paiement d'une indemnité égale à une année de marge brute, alors que devant la Cour d'appel d'Angers elle réclame le paiement d'une indemnité égale à deux années de marge brute ;

Mais considérant que la présente instance concerne le point de savoir si la SA Daimler Chrysler France a commis une faute en réduisant à une année le préavis de résiliation, tandis que l'autre instance concerne le point de savoir si la SA Daimler Chrysler France a commis une faute en refusant d'intégrer la SA Garage de Bretagne dans son réseau de distributeur agréé ; que ces manquements sont indépendants l'un de l'autre ; que le présent litige peut être donc être tranché dans son principe indépendamment de savoir si la SA Garage de Bretagne aurait dû ou non être agréée comme distributeur dans le nouveau réseau ; que les éventuelles interférences entre les deux instances pour l'appréciation du préjudice ne commande pas de surseoir à statuer dans la présente instance ;

Considérant que pour ces motifs, et ceux retenus par le tribunal de commerce, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la SA Daimler Chrysler France ;

Sur les textes

Considérant que les relations entre les parties sont régies par le contrat de concession et par le règlement CE n° 1475-95 du 28 juin 1995 ;

Considérant que, selon l'article 15-1 du contrat, les parties contractantes peuvent dénoncer le contrat par écrit sans indemnité, moyennant un préavis de deux ans à échéance de la fin d'un trimestre ; que cet article est conforme à l'article 5-2.2 du Règlement selon lequel le délai de résiliation ordinaire de l'accord conclu pour une période indéterminée doit être d'au moins deux ans pour les deux parties ;

Considérant que selon l'article 15-5 du contrat, la SA Daimler Chrysler France peut résilier le contrat moyennant un préavis d'un an, à l'échéance de la fin d'un trimestre, en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son réseau ; que cet article est conforme à l'article 5-3 du Règlement selon lequel le fournisseur a la faculté de résilier l'accord moyennant un préavis d'au moins un an en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau

Considérant que le Règlement dispose dans son article 5-2.2) que le délai de résiliation est réduit à un an au moins lorsque le fournisseur est tenu de verser une indemnité appropriée en vertu de la loi ou d'une convention particulière, s'il est mis fin à l'accord ; que toutefois le contrat ne reprend pas cette faculté ;

Sur les règles appliquées

Considérant que la SA Daimler Chrysler France a résilié le contrat de concession exclusive de la SA Garage de Bretagne par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 septembre 2002, pour le 30 septembre 2003 ; que ce faisant elle a usé de la faculté de n'accorder qu'un délai de préavis d'une année en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau, conformément aux dispositions des articles 15-5 du contrat et 5-3 du Règlement ;

Sur les faits antérieurs au 16 septembre 2002

Considérant qu'en l'espèce il est nécessaire d'examiner les faits s'étant déroulés dès l'année 2000 ;

Considérant que ces faits sont portés à la connaissance de la cour par des articles de journaux reprenant les déclarations des dirigeants de la SA Daimler Chrysler France, par les courriers échangés et par les écritures des parties ;

Considérant que l'on peut tenir pour constant et admis par les parties qu'au cours des années 2000, 2001, et au cours des trois premiers trimestres de l'année 2002, la SA Daimler Chrysler France a réduit le nombre des membres de son réseau d'environ 1/3, même si les chiffres exacts ne sont pas connus ;

Considérant qu'en ce qui concerne la situation du réseau au 16 septembre 2002 les parties diffèrent dans leur appréciation ; que la SA Daimler Chrysler France prétend qu'il y avait encore une dizaine de cas qui n'étaient pas résolus et qui l'ont été avant le 30 septembre 2003, sauf 3 cas ; que la SA Garage de Bretagne prétend qu'il n'y avait plus que 3 cas à résoudre, le sien compris ;

Considérant que sur ce point la SA Garage de Bretagne fait à juste titre remarquer que la charge de la preuve incombe à la SA Daimler Chrysler France ; qu'il sera donc retenu que seul le cas de 3 concessionnaires restait à résoudre à la date du 16 septembre 2002;

Considérant qu'il est également établi que la SA Daimler Chrysler France a pris la décision de confier à la société Saga le territoire précédemment alloué à la SA Garage de Bretagne, et que des pourparlers ont été engagés au début de l'année 2001 par la société Saga qui a fait part de son désir d'acquérir les parts sociales de la SA Garage de Bretagne; qu'ainsi, le 28 février 2002, la société Saga a offert d'acquérir la totalité des parts sociales de la SA Garage de Bretagne et de la SARL Gentil pour le prix de 1,64 millions d'euro ;

Considérant qu'il est également établi, notamment par une lettre du 27 septembre 2001 que la SA Daimler Chrysler France a fait pression sur la SA Garage de Bretagne pour que la cession de ces parts sociales se réalise avant le 1er janvier 2002 ; que dans sa lettre de rappel du 14 décembre 2001, la SA Daimler Chrysler France évoque la possibilité de se voir contrainte, en cas d'échec, de remettre en cause leurs relations contractuelles ;

Considérant que de même les parties savaient que le règlement CE n° 1475-95 n'était applicable, selon les termes de son article 13, que jusqu'au 31 septembre 2002, et que les dispositions du nouveau règlement devaient aller, très probablement, vers plus de concurrence, et donc moins de protection des distributeurs ;

Sur les faits à partir du 16 septembre 2002

Considérant qu'il n'est pas contesté que la SA Daimler Chrysler France a adressé le 16 septembre 2002 une lettre de résiliation à tous les concessionnaires encore titulaires d'un contrat en cours d'exécution, dans les mêmes termes, donc avec un préavis d'une année, expirant le 30 septembre 2003 ;

Considérant toutefois que ces lettres de résiliation étaient accompagnées pour tous les concessionnaires que la SA Daimler Chrysler France avait décidé de désigner comme distributeur agréé, du contrat adéquat ; que ce contrat devait être retourné après signature, avant le 30 septembre 2002 ; que seuls 3 concessionnaires, dont l'exclusion du réseau était déjà décidée, n'ont pas reçu un contrat de distributeur agréé, en même temps que la lettre de résiliation du contrat de concession exclusive;

Considérant que pendant le préavis la SA Garage de Bretagne a fait une demande d'intégration dans le réseau comme distributeur agréé ; que cette demande a été rejetée par la SA Daimler Chrysler France au motif que son réseau de distribution sélective qualitative et quantitative, était complet ; que toutefois ce refus fait l'objet d'un autre litige, et est étranger au présent litige qui ne concerne que la résiliation du contrat de concession exclusive ;

Sur l'article 5-2.2) du Règlement

Considérant que l'article 5-2.2) du règlement CE n° 1475-95 dispose que le "délai (de résiliation) est réduit à un an au moins lorsque le fournisseur est tenu de verser une indemnité appropriée en vertu de la loi ou d'une convention particulière, s'il est mis fin à l'accord" ;

Considérant que la SA Garage de Bretagne invoque ces dispositions notamment pour soutenir que la SA Daimler Chrysler France avait ainsi une solution aisée de réduire à un an le préavis, en convenant, avec les 3 concessionnaires restant, le paiement d'une indemnité, qui aurait été certainement moins coûteuse que les contentieux en cours ; qu'elle fait observer que les contrats auraient été régulièrement résiliés pour le 30 septembre 2003, date de la fin de la période de transition ; qu'elle en déduit qu'ainsi s'effondre toute l'argumentation de la SA Daimler Chrysler France selon laquelle elle se serait trouvée dans la nécessité de limiter la durée du préavis à une année, pour ne pas laisser se poursuivre des contrats en infraction avec le droit communautaire ;

Mais considérant que l'article 5-2.2) ne concerne pas le cas de l'espèce, car la SA Daimler Chrysler France se place dans l'hypothèse où le fournisseur se trouve dans la nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son réseau qui la dispense à la fois du préavis de deux ans et du paiement de l'indemnité ;

Considérant que s'il est exact que la SA Daimler Chrysler France aurait pu éviter tout contentieux en acceptant de payer une indemnité compensant la réduction du délai de préavis, cela ne la prive pas de son droit d'invoquer l'article 5-3, à charge pour elle, de démontrer la nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son réseau ;

Sur la réorganisation du réseau

Considérant que la SA Garage de Bretagne soutient que la condition d'une réorganisation du réseau n'est pas remplie en l'espèce en faisant notamment valoir :

1) que l'on doit se placer au jour de la résiliation, soit le 16 septembre 2002,

2) que l'on ne peut invoquer une réorganisation passée, et donc qu'en l'espèce il ne doit pas être tenu compte de la réorganisation qui a eu lieu avant le 16 septembre 2002,

3) que l'on ne peut invoquer une réorganisation qui s'étale dans le temps sur plus de 2 années, alors que dans cette hypothèse il n'y a aucune nécessité de réduire le délai de préavis de résiliation,

3) qu'une réorganisation suppose un nombre suffisant de membres affectés par cette réorganisation, et que ce nombre est insuffisant en l'espèce, s'agissant, au 16 septembre 2002, de 3 concessionnaires sur un total de 154,

4) que la seule modification du système de distribution ne constitue pas une réorganisation du réseau, cette notion impliquant la résiliation d'un certain nombre de contrats, et l'éviction d'un certain nombre de membres du réseau, alors que le changement des contrats de distribution exclusive en contrats de distribution sélective ne peut être qualifié que de modification du système de distribution,

Considérant qu'il est exact que l'on doit se placer au jour de la notification du préavis de résiliation pour apprécier l'existence d'une réorganisation du réseau ; qu'en l'espèce il s'agit du 16 septembre 2002 ;

Considérant qu'il est exact que l'on ne peut invoquer une réorganisation passée ; que toutefois le fournisseur n'a aucune obligation de procéder à la résiliation des contrats, dès le début du processus de réorganisation; qu'il convient d'avoir à l'esprit que le délai de préavis est alors d'une année, et qu'il est donc de l'intérêt du distributeur que la notification de la résiliation se fasse le plus tard possible; qu'en l'espèce la SA Garage de Bretagne n'a subi aucun préjudice du fait que la résiliation du contrat ne lui a été notifiée que le 16 septembre 2002, et non antérieurement, étant à nouveau souligné que le délai d'un an aurait été le même;

Considérant que le fournisseur a donc le choix du moment de la résiliation, au cours du processus de réorganisation du réseau, dès lors qu'il s'agit d'un processus qui se poursuit sans solution de continuité et qui n'est pas achevé;

Considérant que la durée de ce processus est sans influence sur la durée du préavis de résiliation qui peut être réduit à une année, même si la réorganisation s'est poursuivie pendant plus de deux années, comme en l'espèce; qu'en effet on ne saurait reprocher au fournisseur d'agir sans brusquerie, alors que le distributeur doit trouver avantage à ces atermoiements et qu'il peut dans le cas contraire se libérer avec un délai de préavis également d'une année;

Considérant qu'en définitive le point est de savoir si, le 16 septembre 2002, la réorganisation du réseau se trouvait toujours en cours, ou était achevée ;

Considérant que pour prétendre qu'elle était achevée, la SA Garage de Bretagne invoque essentiellement les déclarations du président de la SA Daimler Chrysler France, reprises dans les journaux, et le fait qu'après le 16 septembre 2002, seulement 3 concessionnaires ont été écartés du réseau, alors qu'environ 50 l'avaient été au cours des années 2000 et suivantes jusqu'au mois de septembre 2002 ;

Considérant que les déclarations faites au cours d'une interview n'ont pas de portée juridique, s'agissant de présenter une image favorable du constructeur automobile et de l'efficacité de son nouveau réseau, en gommant pour cela les difficultés résiduelles ; que les déclarations du dirigeant de la SA Daimler Chrysler France selon lesquelles la réorganisation, entreprise en 2000, était achevée, et que la mise en conformité des contrats, ne seraient donc pas un prétexte pour éliminer des opérateurs, doivent s'interpréter en tenant compte du souci de se valoriser, et de rassurer toutes les parties prenantes ;

Considérant que la cour tiendra pour acquis, que la réorganisation du réseau se trouvait en cours le 16 septembre 2002, que cette réorganisation s'était poursuivie sans solution de continuité depuis l'année 2000, et qu'elle n'était pas achevée; qu'elle se fonde sur les éléments d'appréciation suivants :

- le règlement CE n° 1475-95 précisait dans son article 13 qu'il n'était applicable que jusqu'au 30 septembre 2002,

- il n'est pas douteux que les parties concernées savaient que, conformément à l'évolution constante de la réglementation communautaire en ce domaine, le nouveau règlement irait dans le sens d'une ouverture plus grande à la concurrence,

- cette évolution prévisible des règles explique qu'il ait paru nécessaire à la SA Daimler Chrysler France de procéder à une concentration de son réseau, articulé autour de "plaques", plus étendues que les territoires des concessionnaires, et confiées à des distributeurs ainsi renforcés pour faire face à une concurrence accrue,

- il est admis par les deux parties que la SA Daimler Chrysler France a arrêté sa nouvelle politique de concentration en 2000, et a commencé à la mettre en œuvre à cette époque,

- la SA Garage de Bretagne a été avisée de l'intention de la SA Daimler Chrysler France d'englober son territoire dans celui de la société Saga au début de l'année 2001,

- il est admis par les parties que le nombre des membres du réseau a diminué d'un tiers, et qu'il restait encore à résoudre, en septembre 2002, le cas de 3 concessionnaires,

- tout au long de la période, les parties au présent litige ne pouvaient ignorer, ou en tout cas devaient savoir, qu'en application de l'article 15-5 du contrat de concession, la SA Daimler Chrysler France pouvait à tout moment résilier le contrat avec un préavis d'un an,

- aucun élément du dossier ne permet de penser que le processus de réorganisation aurait été achevé avant le 16 septembre 2002 et se serait alors interrompu,

- au contraire tout laisse penser que ce processus était en cours, dans l'attente notamment de la promulgation du nouveau règlement qui est intervenu le 31 juillet 2002,

- que la période du mois d'août n'est pas propice pour l'avancement des travaux, même juridiques,

- qu'il incombait à la SA Daimler Chrysler France de mettre tous les contrats en conformité avec le règlement CE n° 1400-2002, avant le 30 septembre 2003, fin de la période transitoire,

- que la SA Daimler Chrysler France a fait preuve de diligence en se trouvant en mesure d'adresser dès le 16 septembre 2002 les nouveaux contrats de distributeurs agréés, à tous les membres qu'elle avait décidé de garder dans son réseau,

- que compte tenu de ce qui précède, la mise en conformité des contrats fait partie, en l'espèce, de la réorganisation du réseau, et ne constitue pas une simple modification du système de distribution,

- que la nécessité de mettre en conformité tous les contrats n'apparaît pas comme le prétexte de la notification de la résiliation à la SA Garage de Bretagne le 16 septembre 2002, mais doit être appréciée comme l'élément objectif, déclencheur d'une résiliation dont le principe avait été retenu de longue date, mais dont la mise en œuvre avait été retardée aussi longtemps que possible, mais ne pouvait plus être différée, sauf à se mettre en infraction avec le droit communautaire.

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le 16 septembre 2002 la réorganisation du réseau était achevée, et que la SA Daimler Chrysler France ne pouvait plus procéder à la résiliation du contrat de la SA Garage de Bretagne avec un délai de préavis réduit à une année, en invoquant les dispositions des articles 15-5 du contrat et 5-3 du règlement CE n° 1475-95 ;

Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter la SA Garage de Bretagne de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect du délai de préavis de deux années ;

Sur l'exécution du préavis

Considérant que la SA Garage de Bretagne demande à la cour de dire que la SA Daimler Chrysler France a engagé sa responsabilité contractuelle en adoptant une attitude contraire à l'obligation de loyauté et de bonne foi, au cours de l'année de préavis, et en conséquence de condamner cette dernière à lui payer la somme de 521 865,75 euro correspondant à la perte de marge brute qui en est résultée ; qu'à ce propos elle fait notamment valoir :

- que la société Saga a annoncé son implantation à Angers dans la presse locale, dès novembre 2001, puis en multipliant les interviews et les publi-reportages au cours de l'année 2002,

- que dans l'Anjou économique du mois de septembre 2003, elle s'annonce comme le nouveau distributeur et réparateur Mercedes Benz sur Angers, au moyen d'une publicité mensongère et d'une photographie truquée,

- que dans le magazine "Pleins phares", son organe de presse officiel, la SA Daimler Chrysler France annonce fallacieusement que la société Saga est le seul distributeur et réparateur agréé, alors que la SA Garage de Bretagne est maintenue au sein du réseau en qualité de réparateur agréé,

- que la société Saga a commencé à vendre des véhicules d'occasion récente à compter de l'année 2002,

- que la société Saga a tenté de débaucher son meilleur vendeur, Monsieur Maury,

- qu'ainsi ses ventes ont subi un recul de 67 véhicules pendant les 8 premiers mois de l'année 2003,

- que la SA Daimler Chrysler France a frauduleusement transmis l'intégralité de son fichier clients à la société Saga, qui peut ainsi spolier une partie substantielle de son fonds de commerce sans bourse délier,

- que la SA Daimler Chrysler France a commis une faute en assurant la société Saga, avant que la concession existante soit résiliée, de ce qu'elle se verra confier le territoire d'Angers, ce qui l'a incitée à entreprendre prématurément son activité commerciale,

- que la SA Daimler Chrysler France n'a pas rempli son obligation de veiller à ce que l'exclusivité dont elle bénéficiait soit respectée par la société Saga ;

Mais considérant que la SA Daimler Chrysler France n'a commis aucune faute en donnant des assurances à la société Saga sur l'extension de sa zone de distribution, compte tenu de l'importance des investissements à effectuer avant la prise d'effet du contrat à venir ; que la vente des véhicules d'occasion n'est pas couverte par l'exclusivité qui ne concerne que les véhicules neufs; que la tentative de débauchage d'un vendeur n'est pas démontrée ; que la société Saga était en droit d'annoncer dans la presse sa prochaine implantation dans le secteur d'Angers, à compter du 1er octobre 2003; qu'il n'est pas démontré que la société Saga ait utilisé le fichier, ou ait porté atteinte à l'exclusivité de la SA Garage de Bretagne pendant la durée du préavis; qu'il n'est pas prétendu que la SA Garage de Bretagne se serait plainte auprès de la SA Daimler Chrysler France de telles infractions ; que la SA Garage de Bretagne ne prétend pas plus que la SA Daimler Chrysler France aurait manifesté des réticences ou des retards dans la livraison des véhicules et des pièces de rechange commandés ;

Considérant que pour ces motifs, et ceux retenus par le tribunal de commerce, la SA Garage de Bretagne ne démontre pas que la SA Daimler Chrysler France aurait commis des fautes pendant l'exécution du préavis; que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société intimée de ce chef de demande ;

Sur les demandes annexes

Considérant qu'il convient en équité de faire droit, à hauteur de 6 000 euro à la demande que la SA Daimler Chrysler France forme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la SA Garage de Bretagne qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de la demande qu'elle forme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu le 11 février 2004 par le Tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et en ce qu'il a rejeté la demande de la SA Garage de Bretagne en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la SA Daimler Chrysler France à ses obligations au cours du préavis de résiliation, Infirme le jugement pour le surplus, Statuant à nouveau, déboute la SA Garage de Bretagne de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour résiliation de son contrat de concession exclusive avec un délai de préavis réduit à une année, Condamne la SA Garage de Bretagne à payer à la SA Daimler Chrysler France la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Garage de Bretagne aux dépens de première instance d'appel et accorde à la SCP Debray-Chemin, titulaire d'un office d'Avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.