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Décisions

CA Aix-en-Provence, 18e ch., 6 mai 2003, n° 01-01183

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Lory (ès qual.), SGED (Sté), Andrieux (ès qual.)

Défendeur :

Demilito

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Szalay

Conseillers :

Mmes Jacquemin, Elleouet-Giudicelli

Avocats :

Mes Broud, Kohler.

CA Aix-en-Provence n° 01-01183

6 mai 2003

Faits procédure et moyens des parties

La société générale d'édition et de diffusion SGED avait pour activité la vente d'éditions encyclopédiques par courtage auprès des particuliers ;

A cet effet elle employait de nombreux VRP répartis par agence dans toute la France ;

Monsieur Demilito Angelo a été engagé par l'agence de Nice en qualité de VRP exclusif et à temps plein selon contrat du 10 mars 1994 ;

Il a donné sa démission le 8 janvier 1998.

Le 29 juin 2000 il a saisi le Conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande en paiement d'un rappel de salaire calculé sur la base du salaire minimum garanti par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 et des indemnités d'une rupture dont il demandait la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Par jugement du 11 décembre 2000 la SGED a été condamnée à payer à monsieur Demilito la somme de 69 108 F à titre de rappel de salaire :

3 123 F de congés payés incidents,

40 216,80 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

14 075,88 F à titre d'indemnité spéciale de rupture,

1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SGED a relevé appel de ce jugement. Ayant fait l'objet d'une liquidation amiable le 24 avril 2002 elle intervient par ses liquidateurs amiables, Messieurs Lory et Andrieux qui ont été mis en cause ;

Monsieur Demilito a formé appel incident.

La SGED développe une longue argumentation pour demander la réformation du jugement en ce qu'il a fait application de l'article 5-1 susvisé et faire juger que monsieur Demilito ne peut pas prétendre au revenu minimum garanti des VRP ;

A défaut elle soutient qu'il ne pourrait prétendre qu'au paiement de la somme de 5 273,44 euro outre les congés payés y afférents compte tenu de ses périodes d'inactivité ou de celle de 5 956, 31 euro.

Sur la rupture du contrat de travail elle demande à la cour de constater que ce dernier a manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner, sollicitant même d'être dispensé de préavis.

Elle demande donc également la réformation du jugement sur ce point et le débouté de monsieur Demilito de toutes demandes à ce titre avec condamnation à lui rembourser les sommes qu'il a perçues au titre de l'exécution provisoire.

En tout état de cause elle réclame la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 760 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Demilito demande la confirmation du jugement en ce qui concerne la ressource minimum garantie et le rappel de salaire consécutif.

Mais il en sollicite la réformation en ce qui concerne les congés payés afférents et réclame à ce titre la somme de 737,48 euro soit 4 837,56 F.

Il fait valoir par ailleurs que le non-paiement par la SGED du salaire minimum pendant au moins neuf trimestres consécutifs ainsi que la faiblesse de ses derniers salaires l'ont contraint à la démission.

Que celle-ci est du fait de l'employeur et doit donc s'analyser en un licenciement non causé.

Il demande donc la confirmation de principe des dispositions du jugement concernant l'indemnité spéciale de rupture et la requalification de la rupture du contrat de travail, mais sa réformation sur les quantum d'indemnités alloués.

Il réclame au titre de l'article 14 de la convention collective des VRP le paiement d'une somme de 3 230 euro, et à titre de dommages et intérêts pour licenciement non causé le paiement de la somme de 9 100 euro.

Il estime enfin que la requalification de la rupture entraîne de droit pour lui le paiement d'une indemnité de préavis.

Il demande donc la réformation du jugement qui l'a débouté sur ce point et la condamnation de la SGED à lui payer la somme de 3 126 euro outre 312,6 euro de congés payés afférents.

Il sollicite enfin 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs de l'arrêt

Le dossier ne contient pas d'éléments qui conduisent la cour à soulever d'office l'irrecevabilité de l'appel.

1° Sur l'application de l'article 5-1 de la convention collective des VRP

Il est rappelé que l'article 5-1 de la convention collective sus visé prévoit l'octroi d'une ressource minimale forfaitaire garantie à tout VRP engagé à titre exclusif, au titre de chaque trimestre d'emploi à temps plein.

Par renvoi il a été précisé que sont exclus de la présente disposition les représentants de commerce qui, bien qu'engagés à titre exclusif, n'exercent qu'une activité réduite à temps partiel.

Se prévalant de l'interprétation donnée par la commission paritaire nationale de la CCN sur les notions d'activité à plein temps et d'activité réduite à temps partiel en ce qui concerne l'activité des VRP, la SGED a introduit dans le contrat de monsieur Demilito une clause - article 11 - permettant de déterminer l'exercice effectif par le VRP d'une activité à plein temps qui seule lui ouvrirait le bénéfice de la rémunération minimale garantie.

Cette clause est la suivante :

" La condition effective de l'activité à temps plein exercée de façon exclusive et constante est la réalisation de 25 argumentations par semaine dans les conditions de professionnalisme décrites ci-dessous;

"Par argumentation on entend un entretien de vente avec un prospect mené selon le plan de vente défini par la société donnant lieu à la présentation d'un ou de plusieurs ouvrages, collections ou produits et à l'énoncé des conditions, suivies ou non d'une vente"

Monsieur Demilito a soutenu que cette clause violait différentes dispositions constitutionnelles, légales ou conventionnelles :

* art 5, 1 de la CCN des VRP

* art L. 122-42 et L. 212-4-3 du Code du travail

* art L. 120-2 du Code du travail et du préambule de la Constitution de 1946.

Il est rappelé d'abord que l'avis de la commission paritaire interprétative dont se prévaut la SGED ne peut lier le juge qui conserve son pouvoir d'appréciation de la validité d'une clause contractuelle.

Ceci étant cet avis recommande de tenir compte à la fois des stipulations contractuelles et des conditions effectives d'exercice de l'activité du VRP pour déterminer si une activité à temps plein est bien réalisée.

En l'espèce il est établi et non discuté que Monsieur Demilito a été engagé à temps plein et à titre exclusif.

En application de ces seules stipulations contractuelles claires et non équivoques le bénéfice de la ressource minimale lui était donc acquis.

La clause qui dans le même contrat subordonne la condition effective de l'activité à temps plein ainsi énoncée, à la réalisation d'un certain nombre d'entretiens de ventes hebdomadaires ajoute une condition qui n'était pas prévue par le texte conventionnel en ne respectant pas au surplus les dispositions minimales légales concernant la durée du travail.

Elle ne peut donc être opposée au VRP qui doit bénéficier du minimum de sécurité juridique attachée à la qualification de son contrat en ce qui concerne sa durée.

Si en effet une partie des dispositions relatives à la durée du travail et en particulier le respect des horaires ne peuvent s'appliquer au VRP, la distinction entre contrat à temps plein ou à temps partiel avec les conséquences juridiques qui s'attachent à chacun d'eux en particulier, doit être exprimée de façon précise et non contradictoire.

Quoiqu'en dise la SGED la clause litigieuse soumet en cours d'exécution du même contrat la durée du travail prévue à plein temps, à des variations en fonction de paramètres dont le VRP n'a pas forcément la maîtrise, conduisant à créer des périodes d'activité réduite à temps partiel dont les conséquences sont les mêmes qu'un travail à temps partiel.

Une telle clause peut d'autant moins être considérée comme valable qu'il est jugé - au regard du préambule de la Constitution de 1946 qui énonce pour chacun le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi - que la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à travailler pour un employeur à titre exclusif porte atteinte à la liberté du travail et ne se justifie que par l'intérêt légitime de l'entreprise.

Que le salarié ne peut donc se voir imposer l'exercice d'une activité réduite.

Tel est le cas en l'espèce ou la réduction à une activité à temps partiel se faisait automatiquement dès lors que les 25 argumentations n'étaient pas réalisées quelles qu'en soient les causes.

Dans ces conditions le bénéfice du salaire minimum garanti prévu pour tout VRP s'étant engagé à une activité exclusive et à temps plein au profit de son employeur ne pouvait être retiré à monsieur Demilito.

Ce dernier est donc fondé sur le principe en sa demande de rappel de salaire à ce titre.

Il a communiqué un décompte du montant des sommes qu'il réclame, calculé à partir du 3e trimestre 1995, qui a été retenu par le conseil de prud'hommes qui doit être confirmé sur ce point.

En effet le § 6 de l'article 5-1 de la CC VRP qui est opposé par l'employeur, ne prévoit dans les conditions qu'il précise une déduction des salaires à régler pour la période réclamée, que dans la mesure où un complément de salaire aurait été versé par l'employeur pour la période antérieure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il est également fondé à obtenir les congés payés afférents qu'il réclame, correspond au 1/10e de la rémunération brute après abattement de 30 % pour frais professionnels.

2° Sur la rupture du contrat de travail

Elle résulte de la démission donnée par Monsieur Demilito en ces termes :

Faisant suite à notre entretien téléphonique de ce jour je vous confirme ma démission de mon poste au sein de la société et ceci à partir du samedi 10 janvier 1998.

A l'évidence comme il l'explique, cette démission était contrainte, aucune rémunération minimale ne lui ayant été réglée depuis 9 trimestres, et la faiblesse de ses revenus sur ses derniers mois d'activité (4 094 F net en moyenne sur les 7 derniers mois) alors que tous les frais professionnels restaient à sa charge, lui interdisant de poursuivre son contrat.

Dans ces conditions la responsabilité de la rupture du contrat de travail doit être imputée à l'employeur qui n'a pas versé la rémunération minimale conventionnelle prévue, et assimilée dans ses conséquences à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Du fait de la requalification de la démission en licenciement Monsieur Demilito est fondé à obtenir le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis qu'il réclame ainsi qu'une indemnité pour licenciement abusif qu'il a correctement évaluée en appel à six mois de salaire sur la base du salaire minimum garanti auquel il pouvait prétendre.

Il sera donc fait droit à ces demandes.

Il a par ailleurs réclamé l'application de l'article 14 de la convention collective des VRP - qui se substitue à l'indemnité de clientèle sous certaines conditions - en faisant valoir que n'ayant pas en tout état de cause droit à une indemnité de clientèle en application de l'article 4 de son contrat de travail, les conditions prévues par l'article 14 pour bénéficier de l'indemnité spéciale de rupture devenaient sans objet.

A juste titre :

L'article 14 sus visé ne subordonne pas en effet le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture à la reconnaissance d'un droit à l'indemnité de clientèle.

L'article 4 du contrat de travail de Monsieur Demilito énonce qu'il ne pourrait en cas de rupture du contrat prétendre à une indemnité de clientèle.

Dans cette situation les conditions prévues à l'article 14 susvisé, et en particulier la condition de renonciation à l'indemnité de clientèle pour bénéficier de l'indemnité spéciale de rupture, était sans objet.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant du montant de cette indemnité Monsieur Demilito demande qu'elle soit calculée sur la base de quatre années d'ancienneté et non de trois années comme l'a retenu le premier juge au motif que la période de préavis doit être intégrée pour le calcul de l'ancienneté par assimilation avec les dispositions de l'article L. 122-9 du Code du travail.

L'ancienneté prise en compte pour le calcul de l'indemnité spéciale de rupture doit normalement correspondre à une période d'activité professionnelle effective.

A défaut de texte spécifique l'intégration de la durée du préavis ne peut s'effectuer en l'espèce sur le fondement de l'article L. 122-9 du Code du travail qui ne trouve pas application. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

L'appel principal ne s'avérant pas fondé la SGBD devra supporter la charge des dépens et celle des frais non répétibles de son adversaire.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement et en matière prud'homale. Reçoit l'appel. Réforme pour partie le jugement et statuant à nouveau. Déclare Monsieur Demilito fondé à obtenir le paiement d'un rappel de ressource minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel des VRP. Condamne la SGED représentée par ses liquidateurs amiables à lui payer à ce titre la somme de dix mille cinq cent trente-cinq euro et 44 centimes outre sept cent trente-sept euro et 48 centimes de congés payés y afférents. Requalifie la démission de Monsieur Demilito en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Condamne la SGBD à payer à ce dernier : * Neuf mille cent euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, * Trois mille cent vingt-six euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 312, 6 euro à titre de congés payés afférents, * Deux mille cent quarante-cinq euro et 85 centimes à titre d'indemnité spéciale de rupture, * Mille cinq cent euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dit que les condamnations sur les sommes ayant la nature de salaire porteront intérêts à compter du 29 juin 2000. Condamne la SGBD aux entiers dépens.