Cass. com., 16 décembre 1997, n° 95-10.020
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sofadie (SA)
Défendeur :
Modenplast (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bezard
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
Me Foussard, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Angers, 18 octobre 1994) que la société Sofadie, spécialisée dans la fabrication et la vente de matériel de piscine aux professionnels, a, par l'intermédiaire de M. Mercatello, commandé à la société italienne Modenplast des profilés en PVC pour volets roulants qu'elle a utilisés pour en faire des volets roulants de piscine; qu'exposant que les volets ainsi posés ne flottaient pas à la surface de l'eau, elle a sollicité une expertise, puis, après dépôt du rapport, a assigné la société Modenplast en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Sofadie fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en garantie des vices cachés alors, selon le pourvoi, d'une part, que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence d'une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs; que, dès lors, en affirmant que M. Mercatello n'était pas le mandataire, même apparent, de la société Modenplast, sans rechercher, ainsi que l'y invitaient pourtant les conclusions de la société Sofadie, si cette société n'avait pas cru que M. Mercatello représentait la société Modenplast et si les circonstances ne l'autorisaient pas à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1985 du Code civil; alors, d'autre part, qu'il n'est point de mandat sans représentation ; qu'en déniant à M. Mercatello la qualité de mandataire, tout en constatant la qualité de société mandante de la société Modenplast, la cour d'appel a violé l'article 1984 du Code civil; et alors, enfin, que le mandat est le contrat par lequel un mandat confie à un mandataire, qui accepte cette charge, le pouvoir d'accomplir pour lui et en son nom un acte juridique à titre de représentant; que la cour d'appel a relevé, par le renvoi fait à l'arrêt rendu le 17 mai 1993, qu'il résultait du contrat d'agence liant M. Mercatello à la société Modenplast que l'agent commercial devait toujours expliquer à ses cocontractants que les commandes ne sont prises qu'à la condition suspensive de l'approbation de la société venderesse; que, dès lors, en affirmant que M. Mercatello n'était pas le mandataire de la société Modenplast, après avoir constaté qu'il était chargé de conclure les promesses unilatérales d'achat au bénéfice de cette société, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1984 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'abstraction faite de l'emploi d'un terme impropre qui n'altère pas le raisonnement des juges, ni l'arrêt attaqué, ni celui du 17 mai 1993, auquel il se réfère, n'ont reconnu l'existence d'un mandat entre la société Mercatello et la société Modenplast, les juges du second degré ayant retenu au contraire que M. Mercatello était un courtier dont le rôle se bornait à recueillir des commandes, lesquelles ne devenaient définitives qu'après acceptation de la société Modenplast ;
Attendu, en second lieu, que c'est en procédant à la recherche prétendument omise que les juges du fond ont retenu qu'il n'est pas usuel qu'un courtier ait le pouvoir de conclure des contrats pour le compte de la société donneuse d'ordre, que tel n'était pas le cas de M. Mercatello, aux termes du contrat qui l'unissait à la société Modenplast, de sorte que la société Sofadie, qui ne rapporte pas la preuve que la pratique en ait été différente, ne peut se prévaloir d'un mandat apparent ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Sofadie fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'usage de la chose qu'empêche ou que gêne le défaut est l'usage conforme à celui auquel l'acheteur destinait la chose; que la cour d'appel constate que les matériaux livrés ne convenaient pas à la destination recherchée par la société Sofadie; que, dès lors, en retenant que cette destination était inconnue de Modenplast pendant une première phase pour affirmer que les matériaux livrés n'étaient pas affectés d'un vice, la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil; et alors, d'autre part, qu'un usage différent de celui que le vendeur de la chose avait en vue n'est pas nécessairement anormal; que la cour d'appel relève que la société Sofadie a acheté des profilés S 55 "pour volets roulants"; que, dès lors, en déduisant de ce que la société Modenplast affirmait que les profilés étaient normalement destinés à constituer des "volets roulants de portes et fenêtres" que ces profilés ne pouvaient normalement pas être utilisés pour fabriquer des volets roulants pour piscine et que, par conséquent, il appartenait à la société Sofadie d'établir que la destination envisagée des profilés achetés était connue de la société Modenplast lors de l'établissement des conventions, la cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ;
Mais attendu que, dès lors que le vice allégué était une flottabilité insuffisante des profilés vendus, la cour d'appel, ayant souverainement estimé que la société Modenplast ignorait, lors de la commande, l'usage particulier que la société Sofadie entendait faire des marchandises, a pu retenir que les matériaux livrés n'étaient pas affectés d'un vice au regard de leur destination normale de volets roulants de portes et fenêtres; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Sofadie fait enfin grief à l'arrêt de n'avoir condamné la société Modenplast à lui payer que la somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit; que la cour d'appel a cru pouvoir chiffrer forfaitairement le montant des dommages- intérêts alloués à la société Sofadie; que, dès lors, en retenant un forfait plutôt que de fixer la réparation à l'exacte mesure du préjudice subi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de l'étendue du préjudice subi que la cour d'appel a estimé, après avoir retenu que la société Modenplast avait commis une faute qui avait contribué à la réalisation du dommage, que la réparation accordée à la société Sofadie devait être limitée à une certaine somme; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.