CA Paris, 25e ch. B, 7 mai 1993, n° 20531-90
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Locunivers (SA)
Défendeur :
Valluet, Digital Equipement Franck (Sté), Mandin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gautier
Conseillers :
Mme Pinot, M. Perie
Avoués :
SCP Verdun Gastou, SCP Narrat Peytavi, SCP Gaultier Kitsner Gaultier, SCP Varin Petit
Avocats :
Mes Connault, Château, Callet, Gourdain
La cour statue sur l'appel interjeté par la société Locunivers d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris (5e chambre, 2e section) intervenu le 14 juin 1990 dans le litige qui l'oppose à M. Valluet et aux sociétés Map Informatique, ci-après Map, et Digital Equipement, ci-après Digital, qui a:
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,
- constaté que l'action relative aux vices rédhibitoires n'avait pas été introduite dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil et déclaré en conséquence M. Valluet irrecevable dans son action fondée sur les articles 1641 et suivants du même code,
- débouté M. Valluet de ses demandes à l'encontre de Map en raison de la liquidation judiciaire de celle-ci,
- débouté M. Valluet de ses demandes fondées sur les articles 1183, 1184, 1382 et 1384 du Code civil tendant à la résolution judiciaire des contrats de vente et de location intervenus entre les parties,
- condamné M. Valluet à payer à Digital 9 918,17 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 1989 et 4 000 F par application de l'article 700 du NCPC et à payer à Locunivers 6 657,78 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 1989.
Il est fait référence pour la relation des faits à l'exposé des premiers juges.
Il suffit ici de rappeler que M. Valluet a, par contrat du 6 janvier 1986, loué à Locunivers une configuration informatique vendue par Map et fabriquée à l'exception du logiciel, par Digital; qu'au motif de l'existence de vices rédhibitoires il poursuit la résolution des contrats intervenus.
Pour l'essentiel, le tribunal a donc estimé que l'action n'avait pas été intentée à bref délai, que les demandes formées à l'encontre de Map en liquidation judiciaire se heurtaient aux dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, que Locunivers était fondée à réclamer le paiement des loyers en retard, mais non de l'indemnité de résiliation dont elle ne justifiait pas du calcul, qu'enfin Digital demandait à bon droit paiement de ses interventions sur le matériel.
Appelante, Locunivers, qui limite son appel au seul rejet de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, fait valoir que le contrat de location est aujourd'hui arrivé à expiration et que M. Valluet, qui a conservé le matériel loué, est redevable de la totalité des loyers.
Elle prie la cour de le condamner à lui payer, outre la somme allouée par le tribunal, 86 423,22 F représentant les loyers échus du 20 novembre 1988 au 20 janvier 1991.
Intimé et appelant incident, M. Valluet demande:
- l'infirmation du jugement,
- sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, la résolution du contrat de vente intervenu entre Map et Locunivers et du contrat de location conclu entre celle-ci et lui-même,
- en conséquence, la restitution par Locunivers des loyers versés, soit 102 427,52 F, et le rejet de sa demande tendant au paiement des loyers non réglés,
- la condamnation de Locunivers à lui payer 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC.
Il soutient:
- que sa demande est recevable à l'encontre de Map nonobstant les dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors qu'elle tend seulement à voir prononcer la résolution du contrat de vente intervenu entre celle-ci et Locunivers et qu'aucune demande en paiement n'est dirigée contre elle,
- qu'il est par ailleurs fondé à agir contre Map puisqu'en vertu de l'article 3 du contrat de location le loueur l'autorise à exercer tous droits et actions en garantie vis-à-vis du constructeur ou du fournisseur du bien loué,
- qu'il résulte suffisamment des fiches d'interventions de l'année 1986 que le matériel était atteint de vices rédhibitoires,
- que le bref délai de l'article 1648 du Code civil ne peut recevoir application en l'espèce compte tenu, d'une part, de la spécificité du domaine informatique, d'autre part, de la nature du contrat de louage qui, s'agissant d'un contrat successif, n'impose pas au preneur d'agir à bref délai mais lui laisse le loisir de dénoncer les vices quand bon lui semble et qui met à la charge du bailleur une obligation d'entretien,
- qu'à cet égard, Locunivers a manqué à son obligation telle qu'elle résulte des articles 1625 et 1721 alinéa 1 du Code civil,
- que Locunivers ne peut réclamer le paiement d'une indemnité de résiliation ou des loyers échus, l'interruption du paiement des loyers étant intervenue sans faute du concluant qui pouvait se prévaloir d'une exception d' inexécution.
Locunivers réplique qu'elle a rempli ses obligations puisque M. Valluet a bien été mis en possession du matériel; qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas être intervenue puisqu'elle avait donné mandat au locataire d'exercer ses actions en garantie à l'égard du vendeur ou du constructeur.
Intimée, Digital expose:
- qu'elle n'a aucun lien de droit avec Locunivers dont l'appel à son encontre est par suite irrecevable, d'autant que celle-ci ne forme aucune demande contre elle;
- qu'elle n'a, de même, aucun lien de droit avec M. Valluet, hors le contrat d'entretien qu'ils ont signé ensemble le 12 décembre 1986 et que M. Valluet a dénoncé le 10 septembre suivant et au titre duquel il reste devoir la redevance du 1er juillet au 12 décembre 1987, soit 4 996,27 F; qu'il doit encore 4 921,90 F pour une intervention faite sur l'imprimante le 29 février 1988;
- que M. Valluet est donc irrecevable à agir à son encontre; qu'il ne formule d'ailleurs aucune demande spécifique contre elle;
- qu'au demeurant l'action de M. Valluet est prescrite par application de l'article 1648 du Code civil;
- que, subsidiairement, la concluante n'est en rien concernée par la fourniture du logiciel qui est l'œuvre exclusive de Map et qui seul fait l'objet des plaintes de M. Valluet.
Elle demande à la cour:
-de déclarer Locunivers irrecevable dans son appel à son encontre,
-de la condamner à lui payer 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC,
- de constater que M. Valluet ne forme aucune demande contre elle,
- en tant que de besoin de déclarer son action à son encontre irrecevable faute de lien de droit, de la dire prescrite, subsidiairement mal fondée,
- de confirmer le jugement du chef des condamnations prononcées au profit de la concluante.
Egalement intimé, Me Mandin, ès qualités de mandataire liquidateur de Map, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985.
Sur ce, LA COUR,
Considérant que Locunivers limite son appel au seul rejet par le tribunal de sa demande tendant au paiement par M. Valluet d'une indemnité de résiliation;
Que, par suite, elle ne justifie pas d'un intérêt à exercer son droit d'appel au sens de l'article 546 du NCPC à l'encontre de Digital contre laquelle, au demeurant, elle n'a formé aucune demande, ni devant les premiers juges, ni en cause d'appel;
Que de même M. Valluet ne formule aucune demande contre Digital et ne critique pas les condamnations prononcées contre lui au profit de celle-ci;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer irrecevable l'appel formé contre Digital;
Que, toutefois, la preuve n'étant pas rapportée que Locunivers ait interjeté appel à son encontre par malice, intention de nuire ou erreur équipollente au dol, sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif doit être rejetée;
Considérant, par ailleurs, que la demande de M. Valluet tendant à la résolution du contrat de vente dirigée à l'encontre de Map est recevable en application des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors que cette demande de résolution n'est pas fondée sur un défaut de paiement et ne comporte aucune demande en paiement à l'encontre de cette société;
Considérant au fond, que M. Valluet qui demande la résolution du contrat de location de matériel souscrit auprès de Locunivers comme conséquence de la résolution, pour vice rédhibitoires, du contrat de vente intervenu entre Locunivers et Map ne peut sérieusement prétendre que le bref délai de l'article 1648 du Code civil ne serait pas applicable s'agissant d'un contrat de location, puisqu'aussi bien la résolution dudit contrat implique nécessairement la résolution préalable du contrat de vente, d'autant que M. Valluet qui, ainsi que le soutient justement Locunivers, devait, en vertu d'une stipulation expresse du contrat de location, exercer en ses lieu et place toutes actions en garantie à l'encontre du fournisseur ou du constructeur du matériel, ne peut reprocher à celle-ci une quelconque faute au regard de l'entretien du bien loué;
Qu'en l'espèce, à supposer établie l'existence de vices rédhibitoires, il apparaît que le matériel litigieux a été livré au mois de décembre 1985; que les disfonctionnements allégués sont apparus dès l'année 1986, ainsi qu'il résulte des divers courriers échangés entre M. Valluet, Map et Digital au cours des années 1986 et 1987; que, le 25 février 1988, M. Valluet a mis en demeure Digital d'intervenir, concluant "je n'hésiterai pas à saisir la juridiction compétente"; que, le 18 janvier 1988, il a dénoncé à Locunivers les difficultés qu'il rencontrait; que, le 11 février suivant, il lui a demandé d'assumer ses obligations ou de reprendre le matériel; que, le 25 février, il l'a mise en demeure de faire le nécessaire faute de quoi il demanderait la résolution judiciaire du contrat; que, le 9 septembre 1988, il l'a informée qu'il arrêtait de payer et allait l'assigner;
Qu'il n'a en réalité assigné Locunivers, Map et Digital en résolution des contrats de vente et de location que les 9 et 13 juin 1989, c'est-à-dire près de trois ans et demi après avoir pris possession du matériel, dont les difficultés de fonctionnement alléguées se sont révélées dès la première année, et neuf mois après avoir cessé le paiement des loyers;
Qu'il s'ensuit que sa demande en résolution du contrat de vente est prescrite en application de l'article 1648 du Code civil; qu'il ne peut, en conséquence qu'être débouté de ses demandes tendant à la résolution du contrat de location et à la restitution des loyers;
Considérant, enfin, que force est de constater que M. Valluet a conservé le matériel loué; qu'il ne peut être fait grief à Locunivers de n'en avoir pas réclamé la restitution à M. Valluet qui a pris unilatéralement la décision d'arrêter ses paiement; qu'elle est bien fondée à lui demander paiement des loyers échus jusqu'au 20 janvier 1991, date d'expiration du contrat de location;
Qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Valluet à lui payer les loyers échus au 20 octobre 1988 et, y ajoutant de le condamner à lui verser les loyers échus du 20 novembre 1988 au 20 janvier 1991, soit la somme non contestée de 86 423,22 F, observation étant faite qu'il n'est pas demandé d'intérêts de retard;
Considérant que l'équité ne commande pas en cause d'appel de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;
Par ces motifs, Déclare irrecevable l'appel dirigé par la société Locunivers à l'encontre de la société Digital Equipement France; Confirme pour le surplus le jugement du Tribunal de grande instance de Paris (5e chambre, 2e section) du 14 juin 1990, sauf en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985; Y ajoutant : Condamne M. Valluet à payer à la société Locunivers 86 423,22 F; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire; Condamne la société Locunivers aux dépens d'appel afférents à la mise en cause de la société Digital Equipement France; Condamne M. Valluet au surplus des dépens d' appel; Admet les avoués de la cause au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.