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CCE, 19 septembre 2001, n° 2002-224

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'État accordée par l'Italie à Enichem SpA

CCE n° 2002-224

19 septembre 2001

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1), considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Le 16 mars 1994, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (devenu article 88, paragraphe 2) (2), au sujet de deux apports de capital effectués par ENI SpA (ci-après dénommé: "ENI") en faveur de sa filiale Enichem SpA (ci-après dénommée: "Enichem") en octobre 1992 et en décembre 1993 et s'élevant respectivement à 1 000 milliards de lires italiennes et 794 milliards de lires italiennes (ci-après dénommés "les deux premiers apports"). Par lettre du 16 mars 1994, la Commission en a informé le Gouvernement italien en lui demandant de présenter ses observations et de fournir tous les renseignements nécessaires aux fins de l'appréciation desdits apports de capital.

(2) Par lettre du 18 mai 1994, le Gouvernement italien a présenté les observations demandées et a, par la même occasion, notifié un plan de restructuration d'Enichem à mettre en œuvre durant la période 1994-1997. Dans le cadre de ce plan, les autorités italiennes ont informé la Commission d'un nouvel apport de capital de 3 000 milliards de lires italiennes qu'ENI aurait effectué en faveur d'Enichem. Approuvé par les actionnaires d'Enichem le 29 juin 1994, cet apport devait être versé dans les trois mois suivant la décision de la Commission (ci-après dénommé "le troisième apport").

(3) Par lettres ultérieures et lors de réunions, les représentants des autorités italiennes et d'Enichem ont fourni à la Commission un complément d'information sur le plan de restructuration 1994-1997 ainsi qu'une description des mesures de restructuration entreprises par Enichem durant la période 1991-1993.

(4) Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision finale (ci-après dénommée "la décision du 27 juillet 1994") de clôture de la procédure ouverte le 16 mars 1994. Par cette décision, la Commission a considéré que les aides contenues dans les deux premiers apports étaient compatibles avec le Marché commun et a simultanément mis un terme à l'examen du troisième apport en constatant que celui-ci ne constituait pas une aide d'État.

(5) La décision de la Commission de clore la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (3).

(6) Par un recours formé au mois de janvier 1995, BP Chemicals Ltd (ci-après dénommé "BP") a engagé devant le Tribunal de première instance (ci-après dénommé "le Tribunal") la procédure visant à obtenir l'annulation de la décision du 27 juillet 1994.

(7) Par arrêt du 15 septembre 1998 rendu dans l'affaire T-11-95(4), le Tribunal a annulé la décision du 27 juillet 1994 dans sa partie qui clôt le premier examen du troisième apport de 3 000 milliards de lires italiennes. Le Tribunal a notamment déclaré que "la Commission, en clôturant son premier examen du troisième apport au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité, alors qu'elle n'était pas en mesure de surmonter les difficultés quant à la question de savoir si cet apport constituait une aide, et sans examiner si celui-ci était compatible avec le Marché commun, a violé les droits de la requérante en tant que personne intéressée au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité"(5).

(8) En revanche, le Tribunal a rejeté le recours formé par BP au sujet de la décision du 27 juillet 1994, dans la partie déclarant que les deux premiers apports de capital constituaient une aide d'État compatible avec le Marché commun conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

(9) En raison de cet arrêt, la Commission a décidé le 23 juin 1999 d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité au sujet du troisième apport de capital. Cette décision a été communiquée à l'Italie par lettre du 19 juillet 1999 et la Commission a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations à cet égard.

(10) La Commission a reçu de la part de tiers intéressés des observations qui ont été transmises à l'Italie pour que celle-ci ait la possibilité de réagir.

(11) Les autorités italiennes ont présenté des observations par lettre du 18 août 1999 et ont fourni des renseignements durant la réunion du 18 février 2000.

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

(12) Enichem est à la tête du pôle chimique du holding public italien ENI. À l'époque de l'aide, Enichem produisait et vendait une large gamme de produits chimiques. En 1994, ENI était une société financière issue de la transformation, en juillet 1992, de l'entreprise publique italienne Ente Nazionale Idrocarburi en société anonyme. À l'époque où le troisième apport de capital a été décidé, le Gouvernement italien contrôlait l'intégralité du capital social d'ENI par l'intermédiaire du ministère des Finances et nommait le conseil d'administration de la société (6).

(13) La situation économique et financière d'Enichem s'est rapidement détériorée à la fin des années 80, durant la récession qu'a connue le marché des produits chimiques à cette époque. Comme le montre le tableau 1, la forte baisse de son chiffre d'affaires, due principalement à la contraction des prix des produits, a déterminé en 1992 un résultat d'exploitation net négatif et, par voie de conséquence, une augmentation des pertes nettes de la société.

Tableau 1: Résultats économiques et financiers d'Enichem durant la période 1990-1992

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(14) Enichem a réagi à ces difficultés liées au marché en adoptant un vaste plan de restructuration destiné à redéfinir sa position industrielle sur le marché de la chimie après l'évolution négative des dernières années, afin de rétablir une situation financière et industrielle saine.

(15) Parmi les mesures de restructuration, ENI a décidé le 1er octobre 1992 d'injecter des capitaux frais dans Enichem. Un premier apport de capital de 1000 milliards de lires italiennes a été effectué immédiatement et un deuxième de 794 milliards de lires italiennes a eu lieu en décembre 1993 (les deux premiers apports). La décision de la Commission du 16 mars 1994 d'ouvrir la procédure formelle d'examen a également concerné ces deux apports qui n'avaient pas été notifiés à la Commission.

(16) Ainsi que la Commission l'a indiqué dans la décision du 27 juillet 1994, ces mesures de restructuration comportaient de nombreuses fermetures d'installations et des réductions de capacité de production qui figurent dans le tableau 2.

Tableau 2: Fermetures d'installations Enichem, 1991-1993

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(17) Ces fermetures, jointes à d'autres mesures de redimensionnement interne, ont réduit les effectifs d'Enichem d'environ 7 000 salariés durant la période 1991-1993.

(18) La société envisage de se désengager des activités non essentielles en les vendant ou en les liquidant, avec le double objectif de se retirer des productions déficitaires et de financer partiellement le plan de restructuration avec le produit des désinvestissements (et surtout de la cession de certaines grandes filiales poursuivant leur activité principalement dans les secteurs des fibres et des détergents).

(19) Malgré les mesures de restructuration entreprises, la société a dû faire face à des difficultés croissantes dues à la détérioration du marché de la pétrochimie dans les années 1992-1993. En 1992, la grande majorité des sociétés pétrochimiques ont constaté une très nette dégradation de leurs résultats industriels. Par suite de l'effondrement des prix, la plupart des grandes entreprises ont enregistré des pertes pour les exercices 1992 et 1993.

(20) La situation du marché de la pétrochimie s'étant aggravée par rapport aux prévisions d'Enichem, la société a élaboré, dans le droit-fil des mesures de restructuration déjà entreprises, un plan industriel complémentaire pour la période 1994-1997 comprenant des réductions de coûts plus drastiques afin de rétablir sa rentabilité et une situation financière saine.

(21) Dans le cadre de la procédure en cours, les autorités italiennes ont présenté à la Commission le plan industriel complémentaire concernant Enichem, dont elles ont communiqué, par lettre du 6 juin 1994, les aspects financiers comprenant une recapitalisation de 3 000 milliards de lires italiennes (troisième apport).

(22) Le nouveau plan était axé sur trois objectifs principaux: rétablissement de l'équilibre financier, renforcement du recentrage sur les métiers de base et nouvelle amélioration de la structure des coûts d'exploitation.

(23) Enichem a décidé de se concentrer sur les produits chimiques de base - polymères et élastomères - qui constituent tous des activités stratégiquement liées aux activités énergétiques d'ENI, et d'améliorer résolument la structure des coûts en optimisant la production et la logistique, en réduisant les capacités excédentaires et en rationalisant les structures organisationnelles et commerciales.

(24) Dans le cadre du plan complémentaire, Enichem a programmé d'autres cessions de l'ordre de 2 500 milliards de lires italiennes durant la période 1994-1995, une réduction du fonds de roulement de 1 142 milliards de lires italiennes, ainsi qu'une réduction des investissements de quelque 170 milliards de lires italiennes par an (environ 30 % de moins qu'en 1993) et des frais de recherche et développement d'environ 76 milliards de lires italiennes par an. D'autres rationalisations et fermetures devaient diminuer les frais fixes de la société de 1384 milliards de lires italiennes à l'horizon de la fin de 1997. Simultanément, les effectifs d'Enichem devaient encore être réduits d'environ 16 600 salariés afin d'obtenir une réduction supplémentaire des coûts.

(25) En ce qui concerne le recentrage sur les métiers de base, Enichem devait essentiellement se concentrer sur les produits chimiques de base, les polymères et les élastomères. Les cessions devaient porter sur les activités liées au polyéthylène et les autres activités du secteur des plastiques en aval: polyéthylène téréphtalate, produits de la chimie fine, certaines activités mineures dans les élastomères (principalement nitrile et polychloroprène), fibres (acryliques, polyester et thermoliées) et détergents.

(26) Ces nouvelles opérations étaient destinées à réduire les frais fixes et le fonds de roulement, dont les taux baissèrent respectivement de 32,6 % et 25,2 % en 1994 à 22,9 % et 16,8 % en 1997. Il était donc prévu qu'Enichem réalisât des bénéfices à partir de 1997 et rétablît son endettement, ses charges financières et sa rentabilité à des niveaux analogues à ceux de ses principaux concurrents.

(27) Ces nouvelles cessions et fermetures d'installations devaient se traduire par une réduction complémentaire et notable de la capacité de production d'Enichem, puisque toutes les installations figurant dans le tableau 3 devaient être vendues ou définitivement fermées.

Tableau 3: Désinvestissements d'Enichem en 1994-1997 pour sa restructuration

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(28) Au total, les mesures de restructuration programmées dans le cadre du plan complémentaire devaient se traduire par une réduction supplémentaire de capacité estimée à au moins 2083 kilotonnes par an (7) par rapport aux 1152 kilotonnes obtenues durant la période 1991-1993 (tableau 2). Quant aux "métiers de base", le plan indiquait la nécessité d'instaurer des formes de collaboration avec d'autres producteurs afin de rattraper le retard technologique dont Enichem souffrait dans certains secteurs. Enfin, Enichem a vendu 50 % de ses actifs dans les polymères à Union Carbide, constituant avec cette dernière une entreprise commune afin de repositionner cette activité sur le marché.

(29) Grâce aux actions exposées ci-dessus, la restructuration d'Enichem devait permettre de rétablir la viabilité de l'entreprise à partir de 1997 et une marge brute d'autofinancement positive dès 1995, d'après les estimations indiquées au tableau 4.

Tableau 4: Résultats économiques d'Enichem 1994-1997 - Prévisions

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III. OBSERVATIONS DES TIERS INTÉRESSÉS

(30) Dans ses observations, BP soutient que la Commission n'avait pas de motifs valables pour séparer le troisième apport de capital des deux premiers et que ces trois mesures devaient donc être considérées comme un tout. BP affirme notamment que la troisième opération a été nécessaire pour rendre l'entreprise intéressante aux yeux des opérateurs privés et qu'elle était trop proche des deux premiers apports pour pouvoir être considérée comme une opération distincte. Pris dans leur ensemble, les trois apports ne donnent pas sur l'investissement total un rendement suffisant pour un investisseur privé et devraient donc être considérés globalement comme une aide d'État.

(31) BP affirme en outre que, même si la troisième opération devait être considérée isolément, le rendement de l'investissement ne suffirait pas à en faire un placement rémunérateur. BP conteste certains calculs et hypothèses que la Commission a utilisés dans la décision du 27 juillet 1994 ainsi que dans les pièces communiquées au Tribunal. Elle conteste surtout que la méthode de l'actualisation du bénéfice net (ci-après dénommé "DNP") soit généralement admise. En second lieu, elle conteste certaines des hypothèses utilisées par la Commission dans les calculs du rendement, tant en ce qui concerne la méthode DNP que celle de l'actualisation des flux de trésorerie (ci-après dénommé "DCF").

(32) BP soutient notamment que: i) la Commission a calculé les effets du remboursement de la dette de façon erronée en ayant également considéré comme rendement les flux de trésorerie destinés à rembourser les dettes d'Enichem, ii) la Commission a intégré dans le calcul du rendement la valeur comptable initiale d'Enichem, ce qui serait incompatible avec la méthode DCF utilisée et, enfin iii), la valeur résiduelle attribuée à Enichem est excessive.

(33) BP soutient donc que le troisième apport de capital - après vérification qu'il s'agit bien d'une aide d'État - doit être apprécié au regard des lignes directrices pour les aides à la restructuration, notamment en ce qui concerne la réduction de capacité qui doit être proportionnée au montant de l'aide.

(34) Dans ses observations, le Gouvernement britannique affirme que: i) le troisième apport de capital ne pouvait être séparé des deux premiers parce qu'il a été effectué immédiatement après ceux-ci, parce que les trois apports faisaient tous partie d'une seule et même restructuration en cours et parce qu'Enichem n'aurait pu survivre sans cela. Il affirme également que: ii), même considéré isolément, le troisième apport n'aurait pas satisfait le critère de l'investisseur privé opérant en économie de marché.

(35) D'après les autorités britanniques, la situation financière d'Enichem était fragile à l'époque du troisième apport, comme le prouve le fait que la seule autre solution était le dépôt de bilan. De surcroît, cet apport n'était pas lié uniquement au besoin de nouveaux investissements de l'entreprise, mais était nécessaire pour couvrir les coûts de restructuration engagés par celle-ci.

(36) En conséquence, le Gouvernement britannique soutient le point de vue de BP selon lequel le troisième apport doit être considéré comme une aide d'État - de la même manière que les deux premiers - et être apprécié au regard des lignes directrices en vigueur en la matière.

IV. OBSERVATIONS DE L'ITALIE

(37) Dans sa réponse, le Gouvernement italien affirme que, en ce qui concerne le troisième apport: i) les fonds apportés par ENI à Enichem ne doivent pas être considérés comme des ressources d'État, car il s'agit de fonds générés par les activités de l'entreprise et non d'une dotation par l'État, ii) les fonds ont été attribués dans des circonstances qui auraient été acceptables pour un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché et iii) de toute façon, si les fonds devaient être considérés comme une aide d'État, il s'agirait d'une aide compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c).

(38) En ce qui concerne le point i), les autorités italiennes indiquent que les fonds apportés par ENI à Enichem ne doivent pas être considérés comme des ressources d'État. Selon elles, ENI a reçu le dernier apport de capital de l'État en 1985 et n'en a pas obtenu d'autres depuis lors.

(39) Pour recapitaliser Enichem, ENI a utilisé des ressources générées par ses activités rémunératrices, comme la production et la distribution de pétrole. Par conséquent, les fonds contestés ne peuvent être considérés comme des ressources d'État au sens de l'article 87.

(40) En ce qui concerne le point ii), les autorités italiennes soutiennent que, en effectuant le troisième apport, ENI a agi comme l'aurait fait un investisseur privé normal dans des circonstances analogues. Elles estiment que l'opération envisagée devait en fait produire un rendement suffisant pour l'investissement et observent par ailleurs que, à la lumière des résultats effectivement obtenus par Enichem durant la période du plan, ces projections se sont révélées prudentes.

(41) Les autorités italiennes soutiennent en outre qu'ENI a injecté les fonds dans Enichem pour préserver la valeur de sa participation dans cette filiale et valoriser la société au maximum en prévision de la première phase de privatisation (intervenue en novembre 1995).

(42) En ce qui concerne le point iii), les autorités italiennes affirment que, si la Commission devait considérer ces concours financiers comme une aide d'État, ceux-ci bénéficieraient de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), puisqu'ils étaient destinés à la restructuration d'une entreprise en difficulté.

(43) D'après les autorités italiennes, le plan de restructuration présenté à la Commission remplissait les conditions de compatibilité de l'aide avec le Marché commun. En particulier, il est évident que le plan garantissait à Enichem le rétablissement de sa viabilité sur la base d'hypothèses de marché prudentes, était fondé sur des mesures de restructuration interne et était proportionné aux objectifs poursuivis. En outre, les autorités italiennes notent que les projections économiques et financières utilisées dans le plan ont été largement dépassées par les résultats effectifs, lesquels se sont révélés bien meilleurs que prévu.

V. APPRÉCIATION DES CONCOURS FINANCIERS COMME AIDE D'ÉTAT

(44) Pour déterminer si un concours financier de l'État constitue une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, la Commission examine:

- s'il est octroyé par l'État ou au moyen de ressources d'État,

- s'il fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises,

- s'il affecte les échanges entre États membres.

Présence de ressources d'État

(45) La Commission estime que l'argument des autorités italiennes, selon lequel les fonds affectés à Enichem n'étaient pas des fonds publics car ENI les avaient pris sur ses propres ressources, ne saurait être admis.

(46) Elle observe en effet que l'injection de capital en cause a été effectuée par ENI, une entreprise qui, à l'époque, appartenait intégralement au ministère des Finances. Le gouvernement en nommait le conseil d'administration, lequel nommait à son tour la direction d'Enichem.

(47) D'après la jurisprudence de la Cour de justice, "pour déterminer si une aide peut être qualifiée d'aide étatique au sens de l'article 92, paragraphe 1 (devenu article 87, paragraphe 1), du traité, il n'y a pas lieu de distinguer entre les cas où l'aide est accordée directement par l'État et ceux où l'aide est accordée par des organismes publics ou privés que l'État institue ou désigne"(8).

(48) De plus, un rendement plus faible des investissements d'ENI dans Enichem aurait déterminé un rendement plus faible de l'investissement de l'État dans ENI. Il s'ensuit que, même si les fonds apportés à Enichem par ENI ne provenaient pas directement du budget de l'État, on peut supposer qu'il s'agissait de fonds publics, puisque l'État aurait renoncé à un revenu ou à une plus-value en acceptant que l'un de ses organismes de gestion, à savoir ENI, n'obtienne pas une rentabilité convenable d'un investissement dans une filiale, à savoir Enichem.

(49) Par conséquent, d'après la Commission, les fonds concernés par la présente décision constituent des ressources d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Aide favorisant certaines entreprises

(50) D'après la Commission, un concours financier accordé par l'État à une entreprise et qui, de différentes façons, réduit les charges qui incombent normalement à celle-ci, doit être considéré comme une aide d'État au sens de l'article 87.

(51) Dans le cas de capitalisations, la Commission doit vérifier si l'État apporte les fonds en se comportant comme un investisseur privé opérant dans les conditions normales d'une économie de marché. Si les fonds sont apportés dans des conditions différentes de celles auxquelles les apporterait un investisseur privé en économie de marché, ils procureraient un avantage économique au bénéficiaire, lequel pourrait en effet les utiliser pour financer des coûts et investissements sans avoir besoin de recourir à des prêts d'établissements financiers ni rémunérer convenablement les ressources obtenues.

(52) Les augmentations de capital sont des événements normaux dans la vie d'une société, puisqu'elles peuvent servir à financer la croissance et les investissements de celle-ci. Par conséquent, l'hypothèse que la moindre augmentation de capital d'une entreprise publique constitue une aide d'État placerait les entreprises publiques dans une position moins favorable, du point de vue de la concurrence, par rapport aux entreprises privées, ce qui serait contraire à l'article 295 du traité.

(53) Toutefois, le principe de l'égalité de traitement entre les entreprises publiques et les entreprises privées pourrait ne pas être respecté dans les cas où les premières recevraient des apports de fonds à des conditions plus favorables que celles réservées aux dernières. C'est pour cette raison que la Commission a instauré le principe de l'investisseur privé en économie de marché, qui lui permet d'apprécier si l'État apporte aux entreprises des ressources financières dans des circonstances qui ne seraient pas acceptables pour un investisseur privé(9). Cette appréciation doit être effectuée sur la base des renseignements que la Commission a en sa possession au moment de l'opération.

(54) Avant de procéder à cette appréciation, il faut souligner que, dans l'arrêt du 15 septembre 1998, le Tribunal a conclu qu'"il existait à l'époque des indices sérieux de nature à soulever des doutes quant à la question de savoir si les trois apports en cause [...] ne devaient pas être considérés, en réalité, comme une série d'apports liés, octroyés dans le cadre d'un processus continu de restructuration qui avait débuté en 1992" (point 179 des motifs). De plus, la Commission n'a pas été en mesure de démontrer quels calculs elle avait effectués en vue de conclure que le troisième apport répondait au principe de l'investisseur privé en économie de marché (points 191 à 193). En conséquence, "la Commission n'était pas en mesure, au terme d'un premier examen [...] de surmonter toutes les difficultés liées à la question de savoir si le troisième apport constituait" une aide d'État (point 197).

(55) En l'espèce, il n'y a pas le moindre doute sur le caractère d'aide des deux premiers apports, dont la compatibilité avec le Marché commun a été examinée dans la décision du 27 juillet 1994. La rémunération de l'investissement des deux apports n'était pas suffisante pour satisfaire au critère de l'investisseur privé en économie de marché. Toutefois, dans la décision du 27 juillet 1994, la Commission a considéré ces mesures comme une aide compatible avec le Marché commun à la lumière des mesures de restructuration réalisées durant la période 1991 à 1993. Le Tribunal n'ayant pas annulé cette partie de la décision, la Commission ne doit et ne peut revoir cette appréciation.

(56) Dans les circonstances particulières de l'espèce, la Commission, en se conformant à l'indication du Tribunal, peut présumer que le troisième apport de capital a été effectué dans le cadre d'un processus de restructuration continu. Il s'ensuit que la Commission doit apprécier ce troisième apport selon les mêmes critères que ceux qui ont été appliqués pour l'appréciation de deux premiers apports. Autrement dit, la Commission est appelée à vérifier si les mesures de restructuration, dont elle n'a pas tenu compte lors de l'examen des deux premiers apports, sont de nature à rendre l'article 87, paragraphe 3, point c), applicable au troisième apport.

Effets sur les échanges intracommunautaires

(57) Les produits chimiques font l'objet d'échanges importants entre les États membres. En 1994, à l'époque du troisième apport, Enichem était la principale société chimique italienne et figurait parmi les dix premiers producteurs chimiques européens avec, pour différents produits, une position de leader du marché d'Europe occidentale. D'après les chiffres consolidés de 1992, 43,1 % de la production totale d'Enichem représentant une valeur de 4300 milliards de lires italiennes a été exportée dans d'autres pays d'Europe.

(58) Étant donné la dimension de la société et l'importance des échanges de produits chimiques entre les États membres, on peut en conclure que l'aide affecte les échanges entre États membres (10).

VI. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

(59) Pour apprécier le troisième apport de capital au regard de l'article 87, paragraphe 3, point c), comme élément d'un programme général de restructuration destiné à rétablir la viabilité d'Enichem, la Commission doit se référer aux critères concernant les aides à la restructuration en vigueur à l'époque de la notification de cet apport, c'est-à-dire en 1994 (11). Ces critères sont ceux qui figurent dans les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (12). D'après ces lignes directrices, pour que la Commission puisse autoriser les mesures visant à la restructuration d'une entreprise en difficulté, les conditions suivantes doivent être remplies:

i) les mesures doivent rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise;

ii) elles doivent éviter les distorsions de concurrence indues;

iii) elles doivent être proportionnées aux coûts et avantages de la restructuration et être limitées au strict minimum nécessaire;

iv) le plan de restructuration doit être mis en œuvre intégralement;

v) la mise en œuvre du plan de restructuration doit être contrôlée par la Commission.

(60) Ce n'est que si toutes les conditions sont remplies que la Commission peut considérer que les effets de l'aide ne sont pas contraires à l'intérêt commun et peut autoriser l'aide en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c). Dans leurs observations, le Gouvernement britannique et BP affirment notamment que l'appréciation de la condition ii) devrait être particulièrement approfondie par rapport à la contrepartie.

(61) En ce qui concerne la condition i), le plan complémentaire de 1994 était manifestement de nature à rétablir dans un délai raisonnable la viabilité à long terme d'Enichem. Le plan de restructuration de 1994 reposait sur une appréciation précise de la position d'Enichem sur le marché et dans le cadre du groupe ENI, ainsi que sur un examen détaillé des forces et des faiblesses d'Enichem dans les différents secteurs de production. Comme on l'a vu ci-dessus, l'amélioration de la rentabilité devait essentiellement résulter des mesures de restructuration interne, c'est-à-dire la réduction drastique de la capacité de production d'Enichem (grâce à la fermeture d'installations, à la cession de filiales et au recentrage sur les métiers de base rentables), la forte réduction des coûts fixes et variables (au moyen de très fortes compressions de personnel, de la réduction du nombre des sites de production, de la simplification de l'organisation interne et ainsi de suite) et le rétablissement de l'équilibre financier de la société. De plus, comme cela avait déjà été indiqué dans la décision d'ouverture de la procédure (13), la Commission a vérifié les estimations sur lesquelles reposait le plan de restructuration de 1994 par rapport aux prévisions de développement du marché de l'époque et a conclu que ces estimations étaient prudentes, réalistes et raisonnables. Les hypothèses concernant les facteurs externes influant sur la restructuration étaient du type généralement admis et entraient dans le cadre des attentes moyennes du marché.

(62) Fondée sur des prévisions particulièrement prudentes, la restructuration visait au rétablissement d'une bonne rentabilité dès 1997, préservant dès lors une situation économique et financière solide. En 1997, Enichem aurait dû enregistrer des bénéfices pour la première fois. Le résultat d'exploitation devait passer de 500 milliards de lires italiennes à la fin de 1993 à 1100 milliards de lires italiennes à la fin de 1997. Les frais fixes devaient être ramenés de 3229 milliards de lires italiennes à fin 1993 à quelque 1845 milliards de lires italiennes à fin 1997. La marge brute d'autofinancement et la trésorerie générale devaient augmenter, passant respectivement de - 836 milliards de lires italiennes et - 1636 milliards de lires italiennes à la fin de 1993 à + 780 milliards de lires italiennes et + 404 milliards de lires italiennes en 1997. L'endettement financier net et le ratio d'endettement devaient passer respectivement de 8578 milliards de lires italiennes et 2,9 à la fin de 1993 à 3492 milliards de lires italiennes et 1,3 en 1997. Par ailleurs, il est important de noter que les résultats programmés devaient être atteints dans le cadre d'une réduction du chiffre d'affaires d'Enichem. Cet élément confirme que la restructuration était essentiellement fondée sur des mesures internes, sans donner à Enichem des moyens artificiels pour mettre en œuvre une politique agressive d'expansion. Enfin, des prévisions raisonnablement favorables présentées à la Commission indiquent que la viabilité d'Enichem devait être rétablie également pour les exercices postérieurs à 1997.

(63) Comme on l'a vu ci-dessus, les prévisions économiques à la base des estimations correspondaient à celles qui sont généralement admises, quand elles n'étaient pas plus prudentes. Ce point a été confirmé par le fait que, en 1995, lorsque les conditions du marché se sont améliorées, la restructuration s'est révélée plus efficace que prévu. En réalité, Enichem a obtenu des résultats meilleurs que ceux qui étaient prévus dans le plan. Étant donné que ces éléments n'étaient pas connus au moment où la restructuration a été planifiée, ils ne doivent en principe pas être utilisés pour apprécier si le plan était de nature à rétablir la viabilité d'Enichem. Ils confirment néanmoins que le plan reposait sur des hypothèses de marché raisonnables et que la restructuration a été réalisée substantiellement et efficacement. À l'inverse, à la lumière des mesures de restructuration entreprises par Enichem et des résultats économiques obtenus en conséquence, on ne saurait affirmer que le processus de restructuration d'Enichem n'était pas destiné à rétablir la viabilité à long terme de la société.

(64) Enfin, il faut rappeler que ni le Gouvernement britannique ni la société BP, qui ont présenté des observations au cours de la présente procédure, n'ont nettement contesté la finalité du processus de restructuration, c'est-à-dire qu'il était destiné à rétablir la viabilité à long terme d'Enichem. En revanche, ils ont insisté sur le fait que ce processus devait être lié à une réduction des capacités de production.

(65) On peut donc conclure que l'on pouvait raisonnablement prévoir que les différentes mesures de restructuration et les apports de capital effectués en faveur d'Enichem auraient rétabli la viabilité de la société et qu'ils l'ont effectivement rétablie. Par conséquent, la condition i) des lignes directrices communautaires est remplie.

(66) La condition ii) impose d'éviter des distorsions de concurrence indues. Théoriquement, toute aide accordée par un État à une entreprise produit une distorsion indue de la libre concurrence dès lors qu'elle place l'entreprise bénéficiaire dans une situation économique plus favorable par rapport à ses concurrents. À cet égard, le fait que l'octroi de l'aide soit contrebalancé par une réduction de capacité est particulièrement important.

(67) Sur ce point, le Gouvernement britannique et BP soutiennent que si l'on considère le troisième apport comme une aide d'État, les réductions de capacité sur lesquelles la Commission a fondé la décision du 27 juillet 1994 ne suffiraient plus à satisfaire le critère ii). Comme exposé dans les observations de BP, puisque le troisième apport était quasiment le double des deux premiers, les avantages de la restructuration devaient eux aussi quasiment doubler. De fait, dans la décision du 27 juillet 1994, la Commission s'était fondée, dans son appréciation, sur la prémisse que seuls les deux premiers apports constituaient des aides d'État et avait considéré que les réductions de capacité étaient proportionnées au montant de l'aide contenue dans ces apports. Si l'on considère également le troisième apport comme une aide, les fermetures indiquées par Enichem dans le plan de restructuration ne seraient plus suffisantes pour satisfaire au critère susmentionné.

(68) En l'espèce, comme le montre la décision du 27 juillet 1994, les deux premiers apports devaient servir à supprimer les capacités de production et à fermer les installations précisées dans le plan de restructuration initial, qui sont indiquées dans la décision du 27 juillet 1994 et figurent dans le tableau 2 de la présente décision.

(69) La Commission a considéré que la réduction de capacité découlant de ces fermetures était proportionnée à l'aide versée à Enichem au moyen des deux capitalisations. Elle a en effet considéré qu'une réduction totale de capacité de 1 152 kilotonnes par an, comme indiquée dans le tableau 2, jointe à la réduction des effectifs d'environ 7 000 salariés (dont 2100 directement liés à la fermeture des installations indiquées) suffirait à répondre, pour les deux premiers apports, au critère ii) des lignes directrices. Au demeurant, il faut noter qu'aucun intervenant n'a contesté que la réduction de capacité était proportionnée au montant de l'aide octroyée avec les deux premiers apports.

(70) La Commission observe que le troisième apport était lié à des mesures de restructuration analogues qu'Enichem devait mettre en œuvre sous forme de réductions de la capacité et des coûts. Ce point est évident si l'on compare la réduction de capacité et les fermetures liées aux mesures de restructuration à appliquer entre 1991 et 1993 dans le cadre des deux premiers apports de capital (tableau 2) avec la réduction de capacité et la fermeture d'installations à réaliser durant la période 1994 à 1997 dans le cadre du troisième apport de capital (tableau 3). En réalité, dans le premier cas, pour un apport total de 1 794 milliards de lires italiennes, Enichem devait réduire sa capacité d'environ 1 152 kilotonnes par an. Dans le deuxième cas, pour un apport de 3 000 milliards de lires italiennes (moins du double des deux premiers), Enichem entendait réaliser une réduction de capacité probablement supérieure au double de la réduction prévue pour les deux premiers apports.

(71) Comme on l'a vu ci-dessus, le plan 1994-1997 était destiné au désengagement d'activités en aval du polyéthylène: polyéthylène téréphtalate, chimie fine, certaines activités pour les élastomères de moindre importance (principalement nitrile et polychloroprène), fibres (acryliques, polyester et thermoliées) et détergents. Au total, ces désengagements devaient permettre d'obtenir des réductions de la capacité d'Enichem d'au moins 2 083 kilotonnes par an, ce qui équivaut à un peu moins du double de la réduction liée aux deux premiers apports. Toutefois, ce chiffre ne comprend pas les installations à fermer, dont la Commission ne connaissait pas la capacité (tableau 3). Si l'on tient compte de la fermeture de ces installations, il est fort probable que la réduction totale de capacité soit très nettement supérieure au double de celle qui était prévue dans le premier plan.

(72) Cela vaut également pour les initiatives à prendre en matière de réduction des frais fixes, et notamment des frais de personnel. Cette action peut elle aussi être considérée comme proportionnée au montant de la nouvelle recapitalisation. En effet, les deux premiers apports devaient s'accompagner d'une réduction des effectifs d'environ 7 000 salariés, tandis que le troisième apport, bien qu'étant inférieur au double du total des deux premiers, était lié à une réduction d'environ 16 000 salariés.

(73) En tenant compte de ce point, la Commission conclut que la restructuration d'Enichem n'a pas provoqué de distorsions de concurrence indues et remplit donc la condition ii) des lignes directrices pour les aides à la restructuration.

(74) La condition iii) exige que les aides soient proportionnées aux coûts et avantages de la restructuration: pour pouvoir être déclarée compatible, l'aide d'État doit être limitée au strict minimum nécessaire pour financer le rétablissement de la viabilité et ne doit pas servir à développer la capacité de production, sauf si cela est nécessaire pour rétablir la viabilité de l'entreprise.

(75) D'après le plan de restructuration présenté, la troisième augmentation de capital devait améliorer la situation financière d'Enichem et réduire son ratio d'endettement. Si le montant du capital injecté avait été excessif, Enichem aurait été en mesure de financer des politiques commerciales agressives, grâce à des liquidités excédentaires apportées par son actionnaire. Il faut cependant noter que le plan ne prévoyait pas que les dettes financières d'Enichem fussent ramenées à zéro durant la période sur laquelle il portait - ce qui aurait été excessif. En revanche, le plan prévoyait la réduction de l'endettement d'Enichem de 8 600 milliards de lires italiennes en 1993 à 3 500 milliards de lires italiennes à la fin de 1997, avec un ratio d'endettement de 0,57.

(76) La réduction de l'endettement devait être obtenue grâce à l'augmentation de capital, mais aussi au produit des cessions qui, à la fin de 1995, s'élevait déjà à 2 500 milliards de lires italiennes environ ainsi qu'à la marge brute d'autofinancement générée en interne. L'ensemble de toutes ces ressources devait porter le ratio d'endettement à 0,57, ce qui peut être considéré comme un ratio normal et sûr pour le secteur dans lequel la société opère. Ce niveau ne peut absolument pas être considéré comme trop faible, puisque c'est à Enichem qu'il incombe de payer les charges financières élevées.

(77) Par conséquent, la Commission estime que l'aide octroyée n'a pas apporté à Enichem des liquidités excédentaires sans lien avec le processus de restructuration et susceptibles de contribuer au financement d'opérations commerciales ou financières agressives non nécessaires à la restructuration; au contraire, le plan prévoyait une réduction du chiffre d'affaires, de la capacité de production, des investissements et des frais de recherche et développement. Cette conclusion est d'ailleurs implicite dans l'observation de BP selon laquelle la totalité de la marge brute d'autofinancement générée par Enichem durant la période 1994-1998 était destinée à la réduction des dettes et non au financement d'autres investissements. Il ressort de cette observation qu'à partir de l'analyse économique effectuée par ses soins BP devait être consciente du fait que l'apport de capital n'aurait pu fournir à Enichem les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre de politiques commerciales d'expansion.

(78) En ce qui concerne la thèse de BP selon laquelle Enichem a constitué une entreprise commune avec Union Carbide immédiatement après l'approbation de l'aide, contrevenant ainsi à la condition iii), la Commission observe que l'entreprise commune se consacrait à la production de polymères, laquelle constituait précisément l'un des métiers de base d'Enichem indiqués dans le plan de restructuration. En ce sens, l'entreprise commune doit être considérée comme faisant partie intégrante du plan de restructuration et non comme une mesure d'augmentation de la capacité. Considérant la production de polymères comme l'un de ses métiers de base, Enichem a choisi une stratégie propre à accroître son efficacité en constituant l'entreprise commune avec un associé à même d'apporter des avantages technologiques importants sans augmenter sa capacité de production totale et en renforçant ainsi son efficacité.

(79) Par conséquent, la constitution de l'entreprise commune n'est pas contraire à la condition iii).

(80) En outre, la condition iii) exige que le bénéficiaire contribue de manière importante au plan de restructuration. Comme on l'a vu dans la partie II, le plan de restructuration lié au troisième apport prévoyait la fermeture d'installations et des cessions importantes à réaliser durant la période 1994-1995 pour environ 2 500 milliards de lires italiennes, soit un montant supérieur à 80 % du montant de l'apport. De plus, Enichem aurait également financé sa restructuration avec la marge brute d'autofinancement qui, comme indiqué ci-dessus, devait être importante. À la lumière de ce qui précède, la Commission estime que le plan de restructuration d'Enichem comportait une participation importante de la société au coût de sa restructuration, conformément aux exigences des lignes directrices communautaires en vigueur en la matière.

(81) Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime que le plan de restructuration d'Enichem a comporté une participation importante de la société au coût de sa restructuration dans le respect de la condition iii) des lignes directrices communautaires pour les aides à la restructuration.

(82) En ce qui concerne les conditions iv) et v), elles sont sans objet en l'espèce, étant donné que l'examen de la Commission est effectué à un moment où les opérations de restructuration devaient déjà être achevées. Il suffit donc que la Commission vérifie que le plan de restructuration a été effectivement mis en œuvre. D'après les renseignements dont elle dispose, la Commission est en mesure d'affirmer que le plan de restructuration de 1994 a été substantiellement mis en œuvre dans les délais prévus, comme le montrent le résultat effectif présenté par Enichem et la situation économique actuelle de l'entreprise.

(83) Par conséquent, la Commission considère que, comme toutes les conditions énoncées par les lignes directrices pour les aides à la restructuration ont été remplies, les éléments d'aide d'État contenus dans la restructuration d'Enichem sont compatibles avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

VII. CONCLUSION

(84) Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que la capitalisation de 3000 milliards de lires italiennes effectuée par ENI en faveur d'Enichem est compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité,

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'aide d'État contenue dans la capitalisation de 3 000 milliards de lires italiennes effectuée en 1994 par ENI en faveur d'Enichem SpA est compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

Article 2

La République italienne est destinataire de la présente décision.

(1) JO C 245 du 28.8.1999, p. 15.

(2) JO C 151 du 2.6.1994, p. 3.

(3) JO C 330 du 26.11.1994, p. 7.

(4) Recueil 1998, p. II-3235.

(5) Point 200 des motifs.

(6) Actuellement, l'État italien détient moins de 50 % du capital d'ENI.

(7) Ce chiffre ne comprend pas les réductions de capacité dans les additifs (Ravenne), dans les produits intermédiaires (Pedrengo), dans la chimie fine (Villadossola) et dans le Terbond (Pisticci) ni la participation de 50 % de l'entreprise commune de PVC.

(8) Affaire C-305-89, Recueil 1991, p. I-1603.

(9) Communication de la Commission aux États membres concernant l'application des articles 92 et 93 du traité CE et de l'article 5 de la directive 80-723-CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier, JO C 307 du 13.11.1993.

(10) Décision du 16 mars 1994 d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (note 2 de bas de page).

(11) Point 100 des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2). Au point 15 de la décision d'ouverture de la procédure (note 1 de bas de page), la Commission a évoqué de manière générale les lignes directrices concernant la restructuration en citant celles qui ont été publiées en 1997 (qui ne modifient pas la politique établie dans les lignes directrices de 1994, sauf pour le secteur agricole) et celles de 1999. Toutefois, en vertu du point 100 des lignes directrices de 1999, il est hors de doute que le seul texte pertinent en l'espèce est celui de 1994.

(12) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12.

(13) Voir la note 1 de bas de page.