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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 5 novembre 1998, n° 96-10411

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage Nouvelle Europe (SARL)

Défendeur :

Lozano

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roudil

Conseillers :

Mme Charpentier, M. Djiknavorian

Avoués :

SCP Blanc- Amsellem Mimran, SCP Primout Faivre

Avocats :

Mes Angeli, Casanove

TGI Aix-en-Provence, du 22 févr. 1996

22 février 1996

Faits et procédure :

Monsieur André Lozano a acheté à la SARL Garage Nouvelle Europe le 10 octobre 1991 un véhicule d'occasion Renault 18 GTS année 1984 pour le prix de 28 000 F plus 1 500 F pour la carte grise.

L'acheteur a fait effectuer un contrôle technique du véhicule le 17 octobre 1991 qui lui aurait révélé que les travaux que le vendeur s'était engagé à effectuer avant la livraison n'ont pas été réalisés.

N'ayant pu obtenir de la société Garage Nouvelle Europe qu'elle organise une expertise pour apprécier les anomalies qu'aurait révélé ce contrôle technique, monsieur Lozano a assigné, par acte du 15 juin 1992, la société Garage Nouvelle Europe à comparaître devant le Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux seules fins d'expertise.

Cette mesure d'instruction a été ordonnée par le juge de la mise en état le 8 janvier 1993 et l'expert désigné, monsieur Dragon, a déposé un rapport le 17 janvier 1994 dont monsieur Lozano a sollicité l'homologation; il a alors demandé, par conclusions du 24 février 1994, la résolution de la vente, le remboursement du prix payé, le remboursement du crédit de 8 615 F, le paiement de la somme de 20000 F en réparation de son préjudice matériel et moral, le remboursement des frais de gardiennage sur justification des factures et l'allocation d'une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société Garage Nouvelle Europe s'est opposé à ces demandes en faisant valoir que monsieur Lozano avait refusé qu'elle intervienne sur le véhicule et elle ajoute qu'en cas de résolution de la vente, aucun préjudice de jouissance ou accessoire ne devrait en outre être indemnisé.

Par jugement du 22 février 1996, la résolution de la vente a été prononcée, la restitution du prix de 29 500 F a été ordonnée avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 1991 et la société Garage Nouvelle Europe a été condamnée à payer à monsieur Lozano la somme de 28 615 F à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues et celle de 3 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société Garage Nouvelle Europe a interjeté appel de ce jugement en faisant valoir que monsieur Lozano n'a pas porté son action en résolution de la vente à bref délai puisqu'il a assigné le 15juin 1992 alors que les prétendus vices affectant le véhicule avaient été découverts le 17 octobre 1991 lors d'un contrôle technique.

Sur le fond, l'appelante fait observer qu'il résulte du rapport d'expertise de monsieur Leblois que le véhicule était en bon état compte tenu de son kilométrage affiché à 192 210 km lors de la vente et 193 741 Km lors de cette expertise fin novembre 1991.

Il est fait état de ce que monsieur Lozano a refusé de ramener son véhicule au vendeur et il ajoute que l'expert n'a pas indiqué que la voiture était impropre à sa destination.

La société Garage Nouvelle Europe demande donc de réformer le jugement, de rejeter les prétentions de monsieur Lozano, de le condamner aux dépens de première instance et d'appel et à payer une indemnité de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Lozano conclut à la confirmation du jugement querellé et demande en outre paiement d'une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait observer que le contrôle technique réalisé sept jours après la livraison du véhicule puis l'expertise amiable ont fait apparaître qu'il y avait des fuites au radiateur, que des durites devaient être changées et que l'hélice du radiateur ne se déclenchait pas, mais que le garagiste n'avait pas réparé ses anomalies ni mis en conformité le système de freinage, la direction, les roulements et la suspension.

Malgré une lettre recommandée du 23 octobre 1991 les réparations demandées n'ont pas été effectuées et aucune expertise n'a été mise en œuvre parce que le vendeur s'y est opposé.

Monsieur Lozano, se fondant sur l'expertise de monsieur Dragon fait valoir que le vendeur n'a pas effectué les réparations nécessaires avant la vente du véhicule et a donc livré un véhicule non réparé donc non conforme aux engagements pris.

L'intimé se plaint aussi de vices cachés révélés par l'expert monsieur Leblois et affectant l'état mécanique du véhicule, en particulier les compressions du moteur.

Sur la recevabilité de son action, monsieur Lozano énonce avoir adressé deux lettres recommandées les 23 octobre et 4 décembre 1991, avoir saisi le services de la répression des fraudes le 28 octobre 1991 et avoir adressé la réponse de ce service au vendeur le 24 janvier 1992. Il ajoute avoir assigné le 15 juin 1992 après avoir obtenu l'aide juridictionnelle le 4 mai 1992.

Enfin il s'explique sur la consistance de son préjudice puisqu'il a payé le véhicule 28 000 F c'est à dire près de deux fois sa cote argus, qu'il a dû rembourser un crédit de 8 615 F et qu'il subit en outre un préjudice matériel et moral qu'il estime à 20 000 F.

Motifs de la décision :

L'action de monsieur Lozano en résolution de la vente est fondée sur la non conformité de la chose vendue par référence expresse aux dispositions de l'article 1184 du Code civil mais monsieur Lozano fait aussi état des vices cachés dont serait atteint le véhicule.

Il convient de rappeler que la non conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l'obligation de délivrance, mais que la non conformité de la chose à sa destination normale relève de la seule garanties des vices cachés.

Rapportée à l'espèce, cette distinction conduit à considérer:

- que les réparations des désordres décelés lors du contrôle technique préalable à la vente s'imposaient au titre de l'obligation de délivrer une chose conforme à la convention, le garage ne contestant pas d'être obligé à le faire et que la détermination de ces réparations exclue qu'elles puissent entrer dans la garantie des vices cachés, puisqu'il s'agissait précisément d'anomalies de fonctionnement décelées,

- que les autre anomalies ou vices invoqués, non compris dans les premiers, peuvent en revanche ressortir de la garantie des articles 1641 et suivants du Code civil, pourvu qu'il soit établi qu'ils étaient antérieurs à la vente, cachés à l'examen d'un acheteur moyennement attentif, et qu'ils rendent la chose impropre à son usage normal.

Sur le premier point, la cour note que l'expert Dragon n'a pas relevé l'absence de toutes les réparations préconisées par le contrôle technique préalable à la vente mais qu'il suppose qu'elles ont été insuffisantes, compte tenu des observations de monsieur Lozano.

Il résulte par ailleurs des correspondances échangées entre les parties, de celles que monsieur Lozano a adressées concomitamment à des tiers, et aussi des attestations qu'il produit, que par l'effet d'une suite de malentendus la société Garage Nouvelle Europe n'a pas pu intervenir sur le véhicule parce que monsieur Lozano ne lui en a pas laissé matériellement la possibilité.

En effet, dès le 25 octobre 1991 dans un télégramme à monsieur Lozano, le garagiste lui fait remarquer que le premier rendez-vous fixé le 24 octobre 1991 n'a pas été respecté et que le véhicule a été laissé au garage le 25 octobre sans qu'une intervention fut possible puisqu'il était fermé à clé. Et ultérieurement monsieur Lozano n'a pas donné suite à l'offre de fixation d'un nouveau rendez-vous en novembre.

Dans ces circonstances, monsieur Lozano n'est pas fondé à se plaindre du fait que le véhicule n'a pas été révisé par la société Garage Nouvelle Europe après la vente alors que le vendeur l'a proposé par écrit le 25 octobre 1991, puis le 28 novembre 1991;

L'expert judiciaire a considéré qu'ont pu être réalisés de façon plus ou moins satisfaisantes les travaux préconisés par le contrôle technique antérieur à la vente à savoir, les réparations sur les freins, les roulements et les balais d'essuie-glaces, et il ajoute que les travaux préconisés par le second contrôle technique du 17 octobre 1991 ne l'ont pas été, sans s'expliquer sur les raisons de cette défaillance.

Il apparaît cependant que la société Garage Nouvelle a proposé de procéder à une vérification de la voiture après le second contrôle technique mais que monsieur Lozano ne l'a pas rendue matériellement possible de sorte que la responsabilité de l'éventuel non respect par le vendeur de ses engagements ne peut être imputé à ce dernier qui avait offert de compléter les travaux peut-être insuffisants ou mal réalisés sur le véhicule aussitôt après la livraison et la réclamation de l'acheteur.

Monsieur Dragon ne s'arrête pas sur les autres allégations de défaillance du radiateur qui ne sont pas contenues dans les rapports des centres de contrôle technique et à propos desquelles aucune pièce suffisamment probante n'est produite.

Il convient en conséquence de constater que la garage Nouvelle Europe n'est pas directement responsable de la non conformité actuelle du véhicule à l'état convenu, à savoir la réparation de défectuosités décelées antérieurement à la vente, et que l'inexécution partielle de ces reprises, qui procède des conditions dans lesquelles le litige est né et pour partie de l'attitude de Monsieur Lozano, ne saurait justifier la résolution de la vente demandée.

Sur le second point, soit l'existence de vices cachés, la Cour constate une difficulté réelle à distinguer les griefs formulés de ceux conséquents des défectuosités visées plus haut, sinon le fait que le moteur présentait une usure fort importante que Monsieur Lozano affirme n avoir pas décelée alors que le prix de vente était supérieur à la cote argus.

Sur ce dernier fondement, la société Garage Nouvelle Europe oppose à Monsieur Lozano le fait que l'action est irrecevable pour ne pas avoir été engagée à bref délai.

Si Monsieur Lozano a entrepris rapidement de nombreuses démarches auprès du vendeur et de différents organismes pour se plaindre du mauvais fonctionnement du véhicule acquis le 10 octobre 1991, et s'est fondé sur le résultat d'un contrôle technique du 17 octobre 1991 et le rapport d'expertise de monsieur Leblois du 29 novembre 1991, il n'a assigné cependant le Garage Nouvelle Europe que le 15 juin 1992;

Même en tenant compte du délai préalable à l'assignation nécessaire pour obtenir l'aide juridictionnelle, puisque monsieur Lozano avait déposé sa demande le 10 mars 1992, il apparaît toutefois qu'il n'a alors assigné qu'aux fins d'expertise, sans formuler d'autres demandes.

Or, dans cet exploit, il ne fait état que de la non conformité du véhicule livré avec les engagements de réparation qu'auraient pris le vendeur, mais demande néanmoins que l'expert ait mission de rechercher " si le véhicule est entaché de vices".

Ce n'est qu'aux termes des conclusions du 24 février 1994, que monsieur Lozano a invoqué l'existence de vice cachés bien que ne demandant alors encore la résolution de la vente qu'en se fondant expressément sur la non conformité de la chose vendue par référence aux dispositions des articles 1183 et 1184 du Code civil.

Il doit donc être constaté que la prétention à la reconnaissance d'un vice caché n'a été formulée que tardivement et non a bref délai, ce qui rend cette prétention irrecevable par application de l'article 1648 du Code civil.

De manière superfélatoire, la cour relève encore:

- que le rapport Dragon ne met pas en évidence de vices autres que les défectuosités à réparer selon les conventions antérieures des parties,

- qu'il n'est pas allégué que le véhicule serait rendu impropre à sa destination du fait de ces vices prétendus ou supposés,

- que monsieur Lozano a acquis, le 10 octobre 1991, en connaissance de cause, au prix de 28 000 F un véhicule ayant parcouru 192 210 km,

- que l'usure importante du moteur est en relation directe avec ce kilométrage, de sorte qu'il ne pourrait être valablement considéré que cette voiture était de ce fait atteinte d'un vice qui aurait été caché par le vendeur à l'acquéreur fut-il non professionnel, alors qu'il n'est pas allégué qu'il lui a été déclaré que le moteur n'était pas d'origine ou avait été refait.

- que bien que supérieur à la cote argus, le prix de vente de cette voiture de sept ans et avec un kilométrage très important n'était pas tel qu'il pouvait laisser supposer, même à un acheteur non professionnel, que le moteur avait fait l'objet d'une révision, puisque le coût d'une telle réparation est, d'après l'expert, presque équivalent au prix de vente de la voiture litigieuse.

Après que le jugement ait été infirmé, Monsieur Lozano sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens de première instance et d'appel.

La situation économique de Monsieur Lozano, partie succombante, et l'équité conduisent à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare l'appel recevable en la forme, Infirme le jugement rendu le 22 février 1996 par le tribunal de grande instance d'Aix- en-Provence; Et statuant à nouveau, Dit que l'action engagée par monsieur André Lozano en garantie des vices cachés, de la vente du véhicule Renault GTS immatriculé 3868 NR 13, est tardive et donc irrecevable; Déboute monsieur André Lozano de sa demande en résolution de la vente sur le fondement des articles 1183 et 1184 du Code civil; Le déboute de ses demandes de dommages et intérêts; Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne monsieur André Lozanno aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés suivant les dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.