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Décisions

CA Chambéry, ch. civ., 21 janvier 2003, n° 02-02179

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Revidec (SA)

Défendeur :

Induspo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Beraudo

Conseillers :

Mme Gazquez, M. Betous

Avoués :

SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, Me Dantagnan

Avocats :

SCP Prouteau-Simond & Guichard, Me Michel.

TGI Bonneville, du 20 août 2002

20 août 2002

Par jugement en date du 20 août 2002, le Tribunal de grande instance de Bonneville:

- a dit que le contrat d'agence commerciale conclu le 22 juin 1989 a été rompu à l'initiative de la SA Revidec qui, en l'absence de faute grave de la SAS Induspo, doit l'indemnité compensatrice, prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce à cette dernière,

- a condamné en conséquence la SA Revidec à payer â la SAS Induspo la somme de 380 735,30 euro, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- a débouté la SAS Induspo de sa demande au titre des frais de réemploi,

- a constaté que la SAS Induspo a été remplie de ses droits au titre des commissions dues pour toutes les opérations commerciales réalisées jusqu'au jour de la cession du contrat, soit au 30 juin 2000, par l'attribution d'une somme de 784 277,66 F dûment enregistrée en la comptabilité de la SA Revidec,

- a débouté la SAS Induspo de ses demandes relatives au paiement des commissions pour les opérations commerciales conclues postérieurement à la rupture,

- a condamné la SA Revidec à payer à la SAS Induspo la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La SA Revidec a interjeté appel de cette décision dont elle demande la nullité pour défaut de réponse à ses conclusions et subsidiairement, la réformation.

Elle prétend que dans le silence du contrat, et par application de l'article 5 de la loi du 25 juin 1991, la rémunération de la société Induspo SAS est négociable par nature et par conséquent révisable.

Elle estime que la société Induspo SAS, qui s'est opposée à toute révision de sa rémunération sans même rechercher si celle-ci était encore ou non conforme à l'intérêt des deux parties a empêché la poursuite du contrat et provoqué ainsi sa rupture.

Elle conclut que la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent et que la société Induspo SAS n'a pas droit à une indemnité compensatrice par application de l'article 13 b de la loi du 25 juin 1991.

Subsidiairement, elle considère que la SAS Induspo a commis une faute grave, exclusive du droit à indemnité par application de l'article 13 a de ladite loi.

Elle ajoute que la société Induspo SAS ne bénéficie d'aucune exclusivité sur le client Huber & Suhner et que cette dernière traite directement avec la SA Revidec, et, qu'en conséquence, en imposant le maintien de son commissionnement, au même taux, soit la totalité du chiffre d'affaires réalisé par la SA Revidec auprès de ce client, la SAS Induspo a violé le contrat du 22 juin 1989, ainsi que l'article 6 de la loi du 25 juin 1991.

Elle affirme à nouveau que la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent et que la SAS Induspo n'a pas droit à une indemnité compensatrice et, subsidiairement, qu'elle a commis une faute grave exclusive du droit à indemnité.

Elle sollicite le débouté de l'intégralité des demandes de la SAS Induspo.

Elle constate que le défaut de prospection reproché à la société Induspo ne peut être imputé ni à une "surcharge" de la structure de production de la SA Revidec, ni au caractère restreint du secteur de la connectique, ni enfin à une prétendue exclusion du secteur automobile, et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un travail sérieux de prospection pour les besoins non pas de ses autres mandants, mais de la SA Revidec, et que ce défaut de prospection a constitué un frein au développement de la SA Revidec.

Elle conclut que la carence de la société Induspo constitue une faute grave privative de l'indemnité prévue à l'article 12 de la loi, et, subsidiairement, elle considère que le contrat a été résilié pour une cause légitime.

Elle ajoute qu'en l'absence de faute de la SA Revidec, il appartient à la société Induspo SAS de rapporter la preuve du préjudice dont elle sollicite la réparation.

Elle demande que soit ordonnée une expertise judiciaire dont l'objet sera de déterminer les opérations pour lesquelles la société Induspo SAS est intervenue au cours des trois dernières années et le montant des commissions correspondant, ainsi que de déterminer le chiffre d'affaires exact réalisé par la société Induspo SAS au cours de la période de référence ayant suivi la rupture de son contrat.

Elle réclame enfin le paiement d'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SAS Induspo, intimée sur l'appel principal et appelante sur l'appel incident, conclut au débouté de la SA Revidec de sa demande en nullité du jugement. Elle demande que soit ordonné le rejet des débats des conclusions que la société Revidec entendrait régulariser en complément de son assignation à jour fixe.

Au fond, elle conclut également au débouté de la SA Revidec.

Elle sollicite la confirmation du jugement sur la condamnation au titre de l'indemnité de cessation de contrat augmenté des intérêts légaux et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et des dépens.

Pour le surplus, elle réclame l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Revidec à lui payer les sommes suivantes:

- 152 44902 euro au titre des commissions dues,

- 98 991,70 euro au titre des frais de réemploi.

Par ailleurs, elle revendique le paiement par la SA Revidec des commissions dues pour toutes les opérations commerciales réalisées jusqu'au jour de la cessation du contrat, soit jusqu'au 30 juin 2000, et celles conclues postérieurement à la rupture mais initiées pendant la durée de la collaboration.

Elle conclut à la production par la SA Revidec, sous astreinte de 155 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir, des éléments comptables permettant à la SAS Induspo de calculer les rémunérations qui lui sont dues et du mandat la liant à la société Sogrimex.

Elle demande la condamnation de la SA Revidec à lui payer les intérêts légaux sur les sommes sus énoncées à compter de la date effective de la rupture du contrat, soit le 30 juin 2000, ainsi qu'une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions déposées les 14 octobre 2002 et 18 novembre 2002.

Motifs de la décision:

Sur la procédure

Attendu que les conclusions déposées par la société Revidec, datées du 14 octobre 2002, sont parfaitement recevables et la société Induspo y a répondu la veille de l'audience;

Que la procédure suivie est régulière en la forme;

Sur la nullité du jugement :

Attendu que l'appelant a multiplié les moyens de nullité tout au long de ses conclusions, relevant que le tribunal a passé sous silence certains courriers, n'a pas répondu à tous ses moyens, ne s'est pas prononcé sur tous ses arguments;

Mais attendu que le jugement est parfaitement motivé, qu'il a répondu aux moyens des parties, même si tous les arguments surabondants n'ont pas été cités; qu'il ressort suffisamment du contexte de la décision qu'il a été statué sur l'intégralité du litige; que le jugement entrepris ne saurait être annulé

Sur la rupture du contrat :

Attendu que la rupture du contrat est intervenue par deux courriers de la société Revidec en date du 28 mars 2000, l'un adressé au conseil de la société Induspo, l'autre directement à la société Induspo ;

Qu'il n'est pas fait état d'une faute grave privative de droits, mais plutôt d'un ensemble de griefs déjà exprimés dans un courrier précédent du 12 février 2000 et il est accordé un préavis jusqu'au 30 juin 2000;

Que cette rupture intervient après un échange de courriers des 30 décembre 1999, 11 janvier 2000 et 31 janvier 2000 aux termes desquels la SA Revidec fait part à la SAS Induspo de son souhait de renégocier sa rémunération qu'elle juge excessive, et que la société Induspo écarte et renvoie devant ses conseils;

Que le 12 février 2000, la SA Revidec a transmis au conseil de la SAS Induspo un ensemble de griefs et fait les propositions suivantes :

- maintien des relations contractuelles sous deux conditions d'activité effective et de réduction du taux de commission à 1 %,

- à défaut, règlement transactionnel d'une indemnité de rupture égale à six mois de commissions;

Que le 6 mars 2000, la SA Induspo relève qu'aucune faute grave n'est caractérisée et réclame une indemnité de rupture calculée sur 18 à 24 mois de commissions;

Que cette rupture, qui intervient à l'initiative de la société Revidec, serait fondée sur une mauvaise exécution du contrat par la SAS Induspo;

Sur le caractère révisable de la commission :

Attendu qu'il est prétendu que la société Induspo SAS a violé le contrat en n'acceptant pas le caractère révisable de sa rémunération et en refusant toute réduction;

Qu'il est constant que dans le silence du contrat, les parties ont convenu du caractère variable et consensuel de la rémunération de l'agent;

Que l'on doit constater que le taux de commissionnement a varié dans le passé;

Que certes, la proposition de réduction de la commission a essuyé un refus et une transmission immédiate aux avocats et n'a pas été suivie d'une contre-proposition en vue de poursuivre les relations contractuelles; mais que le courrier du 12 février 2000 n'appelait pas une négociation, mais constituait plutôt un ultimatum et qu'ainsi, la réponse du 6 mars 2000 ne peut être considérée comme fautive;

Que l'intérêt commun des parties imposait une ouverture à la discussion, à la réflexion, qui, après avoir été vaguement proposée le 30 décembre 1999 par la SA Revidec, n'a pas été renouvelée par la suite ;

Sur l'exclusivité :

Attendu que l'appelante soutient que la société Induspo, qui ne peut revendiquer quelque exclusivité sur le client Huber & Suhner, ne peut prétendre à un commissionnement sur la totalité du chiffre d'affaires réalisé alors qu'elle n'est pas intervenue;

Qu'effectivement, aucune clause d'exclusivité n'a été consentie à l'agent dans le contrat, mais en fait, la SA Revidec lui a, pendant de nombreuses années, réglé des commissions pour des affaires traitées directement par elle ;

Qu'il doit donc être admis qu'elle bénéficiait d'une exclusivité de fait ouvrant droit à commission sur les ventes directes et indirectes ;

Sur la rémunération raisonnable:

Que la rémunération, nécessairement conforme aux usages ou raisonnable imposerait, selon la SA Revidec, en raison du caractère particulièrement limité de l'activité de la société Induspo, une réduction du taux de commission à 1 % sur la totalité du chiffre d'affaires;

Qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise à l'effet de rechercher les commandes pour lesquelles la SAS Induspo est intervenue, les parties devant justifier devant la cour de leurs allégations ;

Que la cour observe que cette rémunération "non conforme" de la société Induspo qui existerait depuis de nombreuses années, n'a été stigmatisée que lors de la discussion sur l'indemnité de rupture et n'a pas été dénoncée auparavant ;

Que cette prétention doit être rejetée ;

Sur la carence de la société Induspo :

Attendu qu'il est reproché à la SAS Induspo l'absence de travail sérieux de prospection pour le compte de la SA Revidec, alors que le dernier client a été apporté en 1995, et plutôt qu'être un moteur de l'expansion de la SA Revidec en être un frein du fait du montant excessif des commissions ;

Que la SA Revidec conteste avoir déclaré que sa structure de production était surchargée, et justifie du contraire par la progression de son chiffre d'affaires de 13 % l'an ;

Que le défaut de prospection de la société Induspo est suffisamment établi, et ses tentatives d'explication pour le masquer ne sont pas crédibles ;

Que cependant, cette carence a été tolérée pendant cinq ans, sans jamais être dénoncée;

Que ces défaillances ne peuvent donc caractériser une faute grave;

Qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'existe aucune inexécution fautive du contrat, que celui-ci doit être rompu en respectant les modalités prévues aux articles L. 134-11 et suivants du Code de commerce, et en l'absence de faute grave du mandataire, l'indemnité compensatrice doit lui être versée;

Qu'aucune cause légitime n'imposait la résiliation du contrat ;

Que le jugement doit être confirmé sur la rupture ;

Sur l'évaluation de l'indemnité :

Qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose le versement de deux années de commission à titre d'indemnité de rupture d'un contrat d'agent commercial, l'indemnité ne pouvant être supérieure au préjudice subi ;

Qu'en l'espèce, il convient de prendre en compte, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise, les modalités d'exécution du contrat, le préjudice réel subi par la SAS Induspo et le secteur du marché concerné;

Que la cour dispose de suffisamment d'éléments pour chiffrer le préjudice et réduire l'indemnité allouée par le tribunal à 300 000 euro ;

Sur les demandes annexes :

Que par contre, la décision de rejet de la demande au titre des frais de réemploi, parfaitement justifiée, doit être confirmée, comme doit l'être celle au titre des commissions dues, dont la cour adopte la motivation;

Qu'il n'y a pas lieu à expertise, dans la mesure où l'expert comptable a attesté des chiffres;

Attendu que les circonstances de cette affaire ne justifient pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Rejette la demande de nullité du jugement; Confirme le jugement, sauf sur l'indemnité compensatrice qui est réduite; Condamne la SA Revidec à payer à la SAS Induspo la somme de 300 000 euro, outre intérêts au taux légal à compter du jugement; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande plus ample ou contraire; Condamne la SA Revidec aux dépens distraits au profit de Me Dantagnan, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.