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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 2, 11 janvier 2005, n° 04-00618

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Casaal (SARL)

Défendeur :

Vuillemenot-Thedis (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebreuil

Conseillers :

MM. Grimaud, Baby

Avoués :

Me de Lamy, SCP Cantaloube Ferrieu Cerri

Avocats :

SCP Mathieu Rivière-Sacaze, Associés.

T. com. Toulouse, du 5 janv. 2004

5 janvier 2004

Faits et procédure

La SARL Casaal a conclu le 5 avril 2001 un contrat d'agence commerciale avec la SA Vuillemenot-Thedis, afin de vendre pour le compte de celle-ci auprès de la grande distribution et des magasins de bricolage du secteur Sud-Ouest de la France les échelles, escabeaux, échafaudages et autres matériels d'accès qu'elle distribue sous la marque Tenexa. Le contrat était stipulé à durée indéterminée à compter du 1er mai 2001, et comportait une période d'essai de six mois, La SARL Casaal a payé un "droit d'entrée" de 100 000 F HT, qui devait être imputé à due concurrence sur les commissions résultant pour elle de l'exécution du contrat.

Estimant que les résultats obtenus étaient insuffisants, le mandant a résilié le contrat le 3 juillet 2002 à effet du 4 septembre suivant, compte tenu du délai de préavis de deux mois applicable.

La SARL Casaal a assigné son mandant le 7 novembre 2002 devant le Tribunal de commerce de Toulouse, afin d'obtenir le paiement des commissions dues et une indemnité de résiliation.

Le tribunal, par jugement du 5 janvier 2004, a écarté des débats les conclusions déposées par la défenderesse quatre jours avant l'audience alors qu'elle avait été invitée à procéder à ce dépôt cinq mois auparavant, celles de la demanderesse lui ayant été transmises dès le 19 décembre 2002.

Considérant qu'il n'était pas démontré que la SARL Casaal aurait commis une faute grave, il a condamné la SA Vuillemenot-Thedis, avec exécution provisoire, à lui payer 22 008,22 euro à titre de commissions, 29 000 euro à titre d'indemnité de clientèle, soit, après déduction du prix d'achat de la carte (15 244,90 euro) un solde de 35 763,32 euro. Il a alloué à la demanderesse 1 000 euro en indemnisation de ses frais irrépétibles.

La SARL Casaal a relevé appel de cette décision par déclaration remise à la cour le 11 février 2004.

Moyens et prétentions des parties

L'appelante reproche au tribunal d'avoir déduit le prix de la carte des sommes qu'il lui a allouées, alors que cette somme avait été réglée par compensation, comme prévu au contrat.

Elle lui reproche en outre d'avoir limité son indemnité de résiliation à moins de deux années de commissions, au simple motif que le contrat n'avait duré que 17 mois.

Elle demande donc à la cour de lui allouer 22 008,22 euro au titre des commissions et 38 901,64 euro au titre de l'indemnité de clientèle, ainsi que 3 000 euro en indemnisation de ses frais irrépétibles. L'intimée relève appel incident et précise que l'indemnité représentative du préjudice subi en cas de résiliation non motivée par une faute grave ou un cas de force majeure était fixée par contrat à 2 % du chiffre d'affaires réalisé par l'agent pendant les 12 mois précédant la date de cessation des relations contractuelles, soit en l'espèce 5 246,49 euro.

Après compensation des commissions avec le prix de rachat de la carte, le reliquat exigible par la SARL Casaal est de 1155,20 euro.

Elle considère que l'agent n'a pas su s'adapter à une clientèle nouvelle pour lui, et qu'après avoir bénéficié des efforts de son prédécesseur, implanté de longue date, elle a laissé dépérir la clientèle. L'indemnité à laquelle elle peut prétendre ne peut excéder le montant de son préjudice réel, et la règle des deux ans de commission n'est pas intangible. Il y a donc lieu en l'espèce d'appliquer le contrat, signé en connaissance de cause par deux professionnels parfaitement informés.

Elle demande donc à la cour de juger satisfactoire le décompte adressé le 16 septembre 2002 à son agent, prévoyant le paiement à celui d'un solde de 1155,20 euro,

Subsidiairement, elle demande à la cour de réduire sensiblement l'indemnité de fin de contrat, et de lui allouer 3 000 euro en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Sur quoi

Les parties conviennent que la résiliation, à l'initiative du mandant, du contrat d'agence commerciale ayant existé entre elles ouvre droit au profit de l'agent à paiement d'un solde de commissions et d'une indemnité de résiliation, mais s'opposent sur les montants à retenir.

S'agissant des commissions, le mandant reconnaît devoir 4930,52 euro pour les mois d'avril à août 2002. La SARL Casaal ne produit que les factures qu'elle a émises au titre des périodes antérieures, sur lesquelles a été imputé le prix de "rachat de la carte". Elle ne produit pas les états intitulés "commissions par maison" pour les mois d'avril, à août 2002, ni les factures qu'il lui appartenait d'émettre au titre de cette période. La cour s'en tiendra donc au décompte du mandant pour ces cinq mois.

Le mandant, sans en justifier autrement, prétend qu'il resterait dû au titre du rachat de la carte un reliquat de 1 155,20 euro: la cour retiendra sur ce point le décompte de la SARL Casaal au 31 mars 2002, qui est justifié par la production des factures correspondantes. Il reste donc dû, au titre des commissions, un reliquat de 3 992,32 euro.

Après paiement de ce reliquat, le prix de la carte aura été intégralement imputé. Le tribunal a exactement raisonné sur ce point, contrairement à ce que prétend l'appelante: il a simplement énoncé des chiffres avant compensation, qu'il a ensuite compensés.

Reste à déterminer le montant dû au titre de l'indemnité de résiliation, dont l'exigibilité n'est pas contestée, aucune faute grave de l'agent n'étant alléguée. Les explications du mandant tendant à justifier une décision de rupture dont il ne conteste pas qu'elle lui soit imputable sont d'ailleurs sans intérêt en l'espèce, dès lors que le principe du droit à indemnité n'est pas mis en cause.

Il est exact que le contrat ne peut, même s'il est conclu entre professionnels parfaitement éclairés, déroger à la règle d'ordre public fixée par l'article L. 134-12 du Code de commerce, qui prévoit que l'indemnité compensatrice doit réparer le préjudice subi, excluant par ces termes mêmes toute fixation forfaitaire contractuelle préalable.

A ce stade, il peut être constaté que l'activité de la SARL Casaal pendant la durée du contrat (16 mois) a généré un total de commissions de 19 237,22 euro (le reliquat de 3992,32 euro augmenté du prix de la carte totalement imputé), soit 14 428 euro en moyenne annuelle.

La SARL Casaal se réfère à une jurisprudence selon laquelle l'indemnité de rupture revenant à l'agent correspond à deux années de commissions, et considère que l'existence de cette " règle " la dispense de justifier son préjudice. Mais cette pratique des juridictions ne peut être raisonnablement invoquée pour un contrat dont la durée de vie a été inférieure à deux ans, sauf à démontrer - ce que ne fait pas l'agent en l'espèce - que l'importance des efforts commerciaux accomplis pendant le contrat, et dont l'agent aurait normalement recueilli les fruits pendant plusieurs années, est à l'origine d'un préjudice susceptible d'être évalué à deux années de commissions.

Au vu des pièces produites devant elle, consistant pour l'essentiel en courriers échangés par les parties et explicitant leurs griefs respectifs, la cour fixera l'indemnité de rupture à 15 000 euro, soit approximativement une année de commissions, ce montant correspondant en outre au prix de " rachat " d'une carte que l'agent n'aura pas eu la possibilité d'exploiter dans la durée comme il pouvait s'y attendre lors de la signature du contrat.

Le jugement étant ainsi réformé dans un sens favorable à l'intimée, la SARL Casaal appelante sera condamnée à lui payer une somme de 2 000 euro en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, Reçoit la SARL Casaal en son appel, Au fond, Réformant le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles par lesquelles il a statué sur la charge des dépens et des frais irrépétibles de première instance, Condamne la SA Vuillemenot-Thedis à payer à la SARL Casaal la somme de 3992,32 euro (trois mille neuf cent quatre-vingt douze euro et trente deux centimes) hors taxes à titre de reliquat de commissions, La condamne en outre à lui payer une somme complémentaire de 15 000 euro (quinze mille euro) à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat, Condamne la SARL Casaal à payer à la SA Vuillemenot-Thedis une somme de 2 000 euro (deux mille euro) en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel, La condamne en outre aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Cantaloube Ferrieu en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.