CA Grenoble, ch. soc., 26 juin 2002, n° 02-01489
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Arvis
Défendeur :
Griffendux Industrie (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brenneur
Conseillers :
MM. Huyette, Pierre
Avocats :
Mes Delmas, Aguera, Bidal.
LA COUR statue sur l'appel formé par M. Frédéric Arvis contre l'ordonnance de référé du Conseil de prud'hommes de La Tour du Pin, en date du 22 février 2002, qui a ordonné:
-- a M. Frédéric Arvis de cesser toutes relations avec les sociétés Sofileta et Gaudin Teintures et Apprêts et autres entreprises de même activité et de respecter sa clause de non-concurrence,
-- a la SA Griffendux Industrie de payer en temps et heures la contrepartie mensuelle de la clause de non-concurrence ainsi que cela est prévu au contrat de travail;
A condamné M. Frédéric Arvis à payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Exposé des faits
La SA Griffendux Industrie a embauché M. Frédéric Arvis en qualité d'assistant technique par contrat à durée déterminée du 19 juillet 1999, en remplacement d'une salariée absente pour une période courant du 1er septembre 1999 au 28 février 2000 ; le contrat est devenu à durée indéterminée à compter du 1er mars 2000;
Le 19 juillet 1999, jour de la signature du contrat de travail, les parties ont signé une clause de non-concurrence portant limitation géographique à l'Europe, l'Asie et les USA, pour une durée de 2 ans et comportant une contrepartie pécuniaire dont le montant était, en cas de licenciement, égal à la moitié de la rémunération mensuelle de M. Frédéric Arvis et au tiers, en cas de démission;
Le 3 juillet 2001, M. Frédéric Arvis a présenté sa démission à son employeur;
Le 25 juillet 2001, la SA Griffendux Industrie ayant constaté que M. Frédéric Arvis divulguait des informations techniques confidentielles par vois de messagerie informatique, à mis immédiatement fin à son préavis pour faute lourde ;
La SA Griffendux Industrie a alors saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes qui rendu la décision précitée ;
Moyens des parties
M. Frédéric Arvis, appelant, expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que la clause de non-concurrence a pris fin avec le contrat à durée déterminée ; que par son étendue dans l'espace et dans le temps elle est illicite en ce qu'elle ne lui permet pas d'exercer son activité ; que, par ailleurs, il ne l'a pas violée. En conséquence il demande que l'ordonnance entreprise soit réformée, qu'il soit dit que la clause de non-concurrence est illicite et subsidiairement au cas où elle serait reconnu licite condamner la SA Griffendux Industrie à lui payer la contrepartie pécuniaire de ladite clause, la condamner au surplus à lui payer les indemnités de préavis et congés payés restant dues, la somme de 22 937 euro à titre de dommages-intérêts pour violation de la vie privée et préjudice moral et le somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
La SA Griffendux Industrie, intimée, expose en ses conclusions régulièrement déposées, visées et développées oralement à l'audience que la clause de non-concurrence est licite; que la poursuite du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'a pas eu pour effet de supprimer ladite clause ; que sa violation, établie, d'une part justifie la compétence de la formation de référé et d'autre part dispense de verser la contrepartie pécuniaire. En conséquence elle demande la confirmation de l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle l'a condamnée à payer la contrepartie pécuniaire, y ajoutant ordonner à M. Frédéric Arvis de mettre un terme à son contrat de travail avec la société GTA, à cesser tout contact avec les sociétés GTA et Sofileta et le condamner à payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Sur quoi, LA COUR
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Sur la compétence du juge des référés
Attendu qu'aux termes de l'article R. 516-31 du Code du travail la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Attendu qu'une clause de non-concurrence a été signée entre M. Frédéric Arvis et la SA Griffendux Industrie le 19 juillet 1999 ; que M. Frédéric Arvis après la rupture de son contrat de travail le 25 juillet 2001, a exercé son activité au sein d'une société concurrente à compter du 26 septembre 2001 ;
Attendu qu'une telle situation entre dans le champ des dispositions de l'article R. 516-31 précité et, nonobstant la contestation portant sur l'éventuelle validité de ladite clause, il convient de confirmer la compétence de la formation de référé;
Sur l'existence de la clause de non-concurrence
Attendu que M. Frédéric Arvis a conclu avec la SA Griffendux Industrie un contrat à durée déterminée le 19 juillet 1999 ; que le même jour les parties ont signé, par document séparé, une clause de non-concurrence;
Attendu qu'au terme du contrat à durée déterminée survenu le 28 février 2000, la SA Griffendux Industrie a confirmé à M. Frédéric Arvis la poursuite des relations contractuelles à durée indéterminée à compter du 11 mars 2000 ;
Attendu que le fait que le contrat à durée déterminée soit devenu contrat à durée indéterminée à compter de cette date n'a pas eu pour effet de supprimer la clause de non-concurrence ;
Qu'en conséquence il convient de considérer qu'au moment de la rupture du contrat de travail, le 25 juillet 2001, M. Frédéric Arvis était tenu par les obligations de non-concurrence ;
Sur la violation de la clause de non-concurrence
Attendu que la clause de non-concurrence conclue entre les parties prévoyait notamment : "...L'interdiction est limitée aux activités susceptibles de concurrencer l'entreprise Griffendux, dans le domaine des produits dont vous aurez connaissance tels que les tissus imprégnés et contrecollés pour l'habillement ou l'utilisation technique et qui font partie de la gamme des produits transformés par la société et notamment les dessus sportifs des NCV industrie.
Cette clause est limitée géographiquement à: l'Europe, l'Asie, les USA. L'interdiction d 'exercer une activité professionnelle concurrente est limitée à une durée de deux ans après la rupture du contrat... " ;
Attendu qu'il est établi, et non contesté par M. Frédéric Arvis, que ce dernier a, à compter du 26 septembre 2001 exercé son activité au sein de la société GTA située à La Tour du Pin ; que la société GTA est la filiale de la société Sofileta, toutes deux étant sur le même site à La Tour du Pin ; que la société Sofileta et la société GTA faisaient, jusqu'à une date récente, exécuter des travaux d'ennoblissement textile par enduction auprès de la SA Griffendux Industrie; que la SA Griffendux Industrie et les sociétés Sofileta et GTA, après avoir eu ces relations de sous-traitance se trouvaient désormais, selon M. Frédéric Arvis lui même, dans une situation de forte concurrence ;
Attendu que la SA Griffendux Industrie est détentrice d'un savoir-faire spécifique et de secrets de fabrication, notamment en matière d'enduction, dont la protection est légitime ; que M. Frédéric Arvis, lui même spécialiste, était par ses fonctions et par ses relations avec le service Recherche et Développement de l'entreprise, informé de ces méthodes et secrets de fabrication ;
Attendu que M. Frédéric Arvis est détenteur d'un Brevet de Technicien supérieur des industries du cuir - option tannerie et mégisserie ; que sa compétence et son expérience professionnelles sont suffisamment larges pour lui permettre d'exercer une activité sans enfreindre une clause de non-concurrence limitée " ... aux activités susceptibles de concurrencer l'entreprise Griffendux... ";
Attendu qu'il n'y a pas lieu de répondre aux autres chefs de demande en ce qu'ils ne relèvent pas de la compétence du juge du référé;
Qu'en conséquence il convient de confirmer l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes de La Tour du Pin, en ce qu'elle a ordonné à M. Frédéric Arvis de cesser toutes relations avec les sociétés Sofileta et Gaudin Teintures et Apprêts et autres entreprises de même activité et de respecter sa clause de non-concurrence ;
Sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence
Attendu que la clause de non-concurrence signée le 19 juillet 1999 entre les parties, comportait une contrepartie financière;
Attendu cependant que la violation, même momentanée, de la clause de non-concurrence prive le salarié du droit à la contrepartie financière ;
Qu'en conséquence il convient de réformer la décision déférée en ce qu'elle a ordonné à la SA Griffendux Industrie de payer à M. Frédéric Arvis la contrepartie financière de la clause de non-concurrence Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit l'appel, Confirme l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de prud'hommes de La Tour du Pin sauf en ce qu'elle a ordonné le paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, Reforme de ce chef ; Déboute M. Frédéric Arvis de l'ensemble de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne M. Frédéric Arvis aux dépens.