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Décisions

Cass. com., 17 novembre 1998, n° 96-18.724

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Seca (SA)

Défendeur :

Secalpes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Rouvière, Boutet, Me Blondel

Lyon, 3e ch., du 24 mai 1996

24 mai 1996

LA COUR : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mai 1996) que la société Secalpes, qui avait acheté à la société Seca, suivant acte du 20 décembre 1991, un fonds de commerce de courtage d'assurances, a assigné cette dernière en réduction du prix ; que la société Seca s'y est opposée, demandant reconventionnellement paiement du solde du prix ainsi que de l'indemnité convenue pour la mise à disposition du matériel informatique pendant trois mois ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Seca fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement qui avait réduit le prix de vente de 200 000 francs et dit qu'en conséquence la société Secalpes était libérée de l'intégralité du prix, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait faire droit aux prétentions de la société Secalpes dès lors que, comme le faisait valoir la société Seca, l'énumération des mentions obligatoires exigées par l'article 12 de la loi est limitative ; que l'acte de vente du fonds de commerce remplissait les conditions légales et indiquait expressément le chiffre d'affaires et le bénéfice des trois dernières années, chiffres qui n'étaient pas contestés par l'acquéreur, et que le montant des commissions réalisées, dont l'arrêt ne dit pas qu'il correspond au chiffre d'affaires ou des bénéfices, n'était pas l'une des énumérations obligatoires exigées par la loi ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait en se fondant sur ce seul élément, non déterminant, la cour d'appel a violé les articles 12 et 13 de la 29 juin 1935, 1644 et 1645 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'obligation du vendeur de renseigner est limitée aux indications exigées dans l'acte de vente ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait faire droit aux prétentions de la société Secalpes en se fondant sur une perte de commissions de 120 000 francs en 1992, chiffre sans signification et simplement lié au changement de propriétaire du fonds de commerce ; qu'en effet, il appartenait aux juges du fond de rechercher si la société Seca, venderesse, avait respecté ses obligations légales dans l'énumération des mentions obligatoires, si la société Secalpes avait été parfaitement informée et si la baisse du montant des commissions en 1992 avait été source d'un préjudice ; qu'en l'absence de toute recherche sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 12 et 13 de la loi du 29 juin 1935, 1644 et 1645 du Code civil ; alors, en outre, qu'à supposer que la cour d'appel puisse tenir compte de la baisse du montant des commissions encaissées la première année d'exercice par la société Secalpes, elle ne pouvait se dispenser de rechercher et préciser le nombre des contrats d'assurances qui auraient été résiliés du fait des agissements de l'ancien directeur de la société Seca, la société Secalpes, tout en parlant de "pillage" de clientèle justifiant d'une vingtaine de contrats sur les 1 400 cédés ; qu'ainsi l'arrêt est à nouveau entaché d'un manque de base légale au regard des articles 12 et 13 de la loi du 29 juin 1935, 1644 et 1645 du Code civil ; alors, enfin, qu'en tout état de cause, la cour d'appel ne pouvait faire droit aux prétentions de la société Secalpes qui avait eu communication de tous les éléments de la cession et les avait acceptés, sans rechercher si le défaut d'information par la société Seca des agissements de son ancien salarié avait été fait intentionnellement pour tromper la société Secalpes et la déterminer à conclure la vente ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'une violation des articles 1134 et 1116 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la société Seca, qui savait que son ancien directeur avait ouvert un cabinet de courtage concurrent et détourné une partie de la clientèle, raison pour laquelle elle l'avait licencié pour faute lourde un mois avant la vente, avait dissimulé ce fait à la société Secalpes qu'elle avait ainsi trompée sur l'importance de la clientèle cédée ; que les juges ajoutent que la société Secalpes justifie de la chute très sensible de la valeur de son portefeuille un an après la vente, due à des résiliations de contrats dans une proportion anormalement élevée suscitées par l'ancien salarié de la société Seca, de sorte qu'elle a ainsi subi pour l'exercice 1992 une perte de commissions de près de 120 000 francs sur un chiffre annoncé de 500 000 francs ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des articles 1641 et suivants du même Code, seuls applicables en la cause ; d'où il suit que le moyen est inopérant en chacune de ses quatre branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Seca reproche aussi à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande pour utilisation du matériel informatique, dirigée contre la société Secalpes, alors, d'une part, que cette dernière s'étant engagée à utiliser le matériel informatique de la société Seca durant trois mois et en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 5 000 francs, il lui appartenait de prouver l'état de défectuosité du matériel, une simple lettre l'affirmant n'étant pas de nature à faire une telle preuve ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait refuser de condamner la société Secalpes en raison de l'information qu'elle avait donné le 29 janvier 1992 à la société Seca ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la société Secalpes n'ayant informé la société Seca que le 29 janvier 1992 de la prétendue défectuosité du matériel informatique, c'est-à-dire un mois après la prise de possession, elle restait au minimum redevable de cette période d'utilisation ; qu'ainsi, l'arrêt est à nouveau entaché d'une violation de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, souverainement, qu'il était établi que le matériel informatique était inexploitable, la cour d'appel a pu estimer que la société Secalpes était affranchie du paiement de la rémunération mensuelle convenue en contrepartie de son utilisation ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.