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Décisions

Cass. 1re civ., 1 décembre 1998, n° 96-21.951

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Aig Europe (SA), New Hampshire insurance company (Sté)

Défendeur :

BMSO (Sté), Etablissements Point-Comat (Sté), Michon, Mutuelle assurance artisanale de France (Sté), Champiot de Berthier, Coignaud (Sté), Coignaud (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

Mme Marc

Avocat général :

M. Gaunet

Avocats :

SCP Nicolay, de Lanouvelle, Mes Copper-Royer, Vuitton, Guinard

Poitiers, ch. civ., 2e sect., du 15 oct.…

15 octobre 1996

LA COUR : - Met hors de cause la société Coignaud, contre laquelle ne sont formulés aucun des griefs du pourvoi ; - Donne défaut contre M. Michon et contre la Mutuelle assurance artisanale de France ; - Attendu que pour la construction d'une maison, M. Michon, entrepreneur, a été chargé, en 1980, par M. Champiot de Berthier, maître de l'ouvrage, de l'exécution du lot dit "couverture" ; qu'il a utilisé à cet effet des tuiles qu'il a achetées à la société Point-Comat et dont le fabricant était la société Coignaud ; que la réception de l'immeuble a eu lieu en 1982 ; que, se plaignant de désordres, la couverture en tuiles présentant des exfoliations, M. Champiot de Berthier a, en novembre 1990, assigné en réparation, d'une part, M. Michon et son assureur, la MAAF, sur le fondement de la garantie décennale, et, d'autre part, la société Point-Comat sur celui "de la responsabilité contractuelle pour non-conformité du matériau livré" ; que M. Michon et la MAAF ont, en ce qui les concerne, formé un recours en garantie contre la société Point-Comat ; que, venant aux droits de cette dernière, la société BMSO a soutenu que le maître de l'ouvrage ne disposerait contre elle d'aucune action contractuelle directe et qu'en tout état de cause, celle-ci ne pourrait être fondée que sur la garantie des vices cachés ; qu'elle a prétendu encore qu'une action rédhibitoire devrait être déclarée irrecevable pour n'avoir pas été intentée à bref délai, les premiers désordres remontant à 1985 ; qu'à titre subsidiaire, elle a appelé en garantie la société Coignaud et l'assureur de celle-ci, la société Unat, venant aux droits de la compagnie New Hampshire insurance et devenue la compagnie Aig Europe ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société BMSO : - Vu l'article 1604, ensemble les articles 1641 et 1648 du Code civil ; - Attendu que la livraison d'une chose conforme à la chose convenue, mais atteinte de défauts la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée, ne constitue pas un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance sanctionné par l'action en responsabilité contractuelle de droit commun, mais un manquement à son obligation de garantie ouvrant droit à l'action en garantie des vices cachés, laquelle doit être intentée dans un bref délai ;

Attendu que, pour condamner la société BMSO, d'une part, in solidum avec M. Michon et la MAAF, à payer à M. Champiot de Berthier des indemnités pour remise en état de la toiture et pour troubles de jouissance et, d'autre part, à garantir M. Michon et la MAAF des condamnations prononcées contre eux, l'arrêt attaqué, qui relève que M. Champiot de Berthier a dû supporter les conséquences des désordres depuis leur manifestation en 1985 et, à ce titre, la charge de nettoyages périodiques destinés à éviter l'accumulation des exfoliations, énonce "que la société BMSO, qui vient aux droits du vendeur des tuiles litigieuses, est tenue d'une obligation contractuelle de délivrance, transmise au maître de l'ouvrage" ; qu'ayant constaté qu'elle n'a pas rempli cette obligation, les tuiles livrées étant gélives et non conformes à leur destination, il en déduit que sa responsabilité est engagée sur le fondement contractuel et que, dès lors, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argumentation soutenue à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés ; qu'il ajoute qu'aucune faute de mise en œuvre ou de surveillance ne pouvant être imputée à M. Michon, celui-ci et la MAAF sont fondés à invoquer la garantie de la société BMSO, fournisseur des tuiles défectueuses ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'impropriété des tuiles gélives résultait non pas de ce que les tuiles livrées étaient différentes de celles objet de la commande, mais de ce qu'elles étaient affectées de défauts de nature à les rendre impropres à leur destination normale et que la garantie des vices cachés constituait l'unique fondement possible tant de l'action introduite par le maître de l'ouvrage contre la société BMSO que de celle, récursoire, exercée contre elle par M. Michon et la MAAF, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur les trois moyens du pourvoi principal de la compagnie Aig Europe : - Attendu que l'arrêt devant être cassé en ses dispositions relatives à la société BMSO, dispositions auxquelles se rattache, par un lien de dépendance nécessaire, celle condamnant la compagnie Aig Europe, assureur du fabricant de tuiles, à garantir la société BMSO des condamnations prononcées contre elle tant au profit de M. Champiot de Berthier que de M. Michon et de la MAAF, il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi incident de la société BMSO ni sur les trois moyens du pourvoi principal de la compagnie Aig Europe : Casse et annule, mais seulement en ses dispositions relatives à la société BMSO, l'arrêt rendu le 15 octobre 1996, entre les parties, par la Cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Limoges.