CA Paris, 1re ch. H, 12 avril 2005, n° ECOC0500087X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
France Télécom (Sté), SFR (Sté)
Défendeur :
Etna France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pezard
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoués :
SCP Grappotte-Bebetreau, Me Teytaud
Avocats :
Mes Clarenc, Dupuis-Toubol
En vertu de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture du service téléphonique au public sont autorisées par le ministre chargé des Télécommunications, qui délivre des licences, et les exploitants de ces réseaux font droit, dans des conditions objectives et transparentes, aux demandes d'interconnexion des opérateurs autorisés lesquels, aux termes de l'article D. 99-10 du Code des postes et télécommunications, ne doivent pas se voir imposer indûment des charges excessives.
En matière de téléphonie fixe, la société France Télécom (ci-après France Télécom), opérateur historique, qui a été reconnue par l'ART comme exerçant une influence significative au sens de l'article L. 36-7, 7° du Code des postes et des télécommunications, publie un catalogue technique et tarifaire d'interconnexion à destination des opérateurs autorisés.
Les services de téléphonie fixe ont été ouverts à la concurrence le 1er janvier 1998 pour les communications longue distance et internationales, puis, le 1er novembre 2000, pour les appels destinés à des lignes mobiles, enfin le 1er janvier 2002, pour les appels locaux.
Outre France Télécom, interviennent également sur ce secteur, notamment, la société Cegetel, filiale à 80 % du groupe Cegetel, en qualité de fournisseur de services de téléphonie fixe et de télécommunications et d'opérateur de boucle locale, et la société Télécom Développement, opérateur de réseaux de téléphonie fixe et de données, détenue à 49,99 % par le groupe Cegetel. Ces deux sociétés ont fusionné en 2003 et ont été rattachées à la société SFR, citée ci-après.
En matière de téléphonie mobile, trois opérateurs GSM bénéficient de licences pour la France métropolitaine, soit :
- la division France Télécom Mobiles de France Télécom (ci-après FTM), autorisée en mars 1991, filialisée le 23 août 2000, puis apportée, fin 2000, à la société de droit britannique Orange et dénommée société Orange France depuis juin 2001,
- la Société Française du Radiotéléphone - SFR (ci-après SFR), autorisée en mars 1991, initialement filiale à 80 % du groupe Cegetel, actuellement filiale à 100 % du groupe SFR Cegetel,
- la société Bouygues Télécom, autorisée en décembre 1994.
La présente affaire concerne les appels " fixe vers mobile " dits encore " appels entrants ". En 1998, les tarifs de ces appels, soumis au régime dit de l'interconnexion indirecte étaient fixés par les trois opérateurs de téléphonie mobile concernés, France Télécom ne conservant qu'une partie de la somme facturée, en rémunération de sa prestation de facturation et recouvrement et de celle d'acheminement du trafic sur son propre réseau.
Depuis une décision de l'ART n° 99-197 du 1er mars 1999, ces appels sont soumis au régime de l'interconnexion directe, de sorte que l'opérateur GSM de l'appelé facture pour toute communication à destination de son réseau, une " charge de terminaison d'appel " (ci-après CTA) qui s'ajoute aux prix de détail fixé par l'opérateur de l'appelant.
En 1998 et 1999, le tarif de détail des appels entrants apparaissait élevé par rapport à celui des communications fixes à destination d'un réseau fixe, en raison du fait que la CTA réservée à l'opérateur GSM en constituait environ 80 %.
Or, au même moment, le coût facturé par France Télécom aux opérateurs étrangers pour un appel en France était indépendant du réseau de destination, de sorte que les conventions d'interconnexion signées entre France Télécom et les opérateurs GSM prévoyaient des reversements peu élevés pour l'acheminement d'appels internationaux sur les réseaux GSM, environ huit fois moindres que pour les appels nationaux.
Dès lors, différents opérateurs de téléphonie fixe, concurrents de France Télécom et de Cegetel, ont déployé au cours de l'année 1998 des solutions dites de " reroutage international " consistant à faire transiter les appels entrants par l'intermédiaire d'opérateurs étrangers qui les renvoyaient à France Télécom, à charge pour elle de les faire aboutir sur le réseau GSM de destination.
Cette pratique, aberrante techniquement mais intéressante financièrement pour les opérateurs en cause, a eu pour effet d'augmenter le trafic entrant international au détriment du trafic entrant national et a surchargé le dispositif à tel point que le taux d'échec, pour motif de congestion, des appels provenant de l'étranger à destination des réseaux GSM a atteint des niveaux très élevés entre les mois de janvier et d'octobre 1999, (jusqu'à plus de 30 % au lieu de 5 % en temps normal).
En outre, lorsque l'appel était ainsi " reroute ", la rémunération moyenne de l'opérateur mobile ne couvrait pas le coût réellement supporté par lui pour assurer la prestation de terminaison sur son réseau.
Pour remédier à cette situation, France Télécom a, courant 1999, conclu avec ses homologues étrangers des accords de surcharge bilatérale sur les appels issus d'un poste fixe et destinés à un réseau mobile étranger, privant ainsi d'intérêt la technique du reroutage pour les opérateurs de téléphonie fixe français.
Le 25 juin 1999, l'association Tenor, devenue par la suite l'association Etna France, qui regroupe une centaine de membres, opérateurs de réseaux de télécommunications ouverts au public ou fournisseurs de services de télécommunications, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par France Télécom, Cegetel, SFR et la société Bouygues Télécom, qu'elle estimait anticoncurrentielles, se plaignant notamment des conditions tarifaires du trafic fixe-mobile et des offres " couplées " par lesquelles ces opérateurs mettaient en œuvre une " convergence commerciale " que les nouveaux entrants n'étaient pas en mesure de proposer.
Par décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, le Conseil de la concurrence, qui avait notifié, au total, dix griefs aux sociétés visées par la saisine, n'en a retenu que deux, à l'égard de France Télécom et SFR, et a adopté les dispositions suivantes :
Article 1er : il est établi que les société France Télécom et SFR ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE.
Article 2 : sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
* à la société France Télécom une sanction de 18 000 000 euro
* à la société SFR une sanction de 2 000 000 euro.
LA COUR,
Vu les recours formés par SFR et France Télécom, respectivement les 19 et 22 novembre 2004,
Vu le mémoire déposé le 20 décembre 2004 par France Télécom à l'appuie de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 21 février 2005, par lequel cette dernière demande à la cour :
- titre principal, d'annuler la décision,
- à titre subsidiaire, de réformer l'article 1er de la décision en disant que l'infraction incriminée a été irrégulièrement établie ou n'est pas établie et qu'aucune infraction ne saurait être retenue au titre des pratiques en cause,
- à titre très subsidiaire, de réformer l'article 2 de la décision en supprimant ou, en tout état de cause, en réduisant très substantiellement l'amende infligée,
- de condamner l'association Etna France à lui verser la somme de 15 000 euro au titre des frais irrépétibles,
- de condamner l'association Etna France aux dépens,
Vu le mémoire déposé le 20 décembre 2004 par SFR à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 21 février 2005, par lequel cette dernière demande à la cour :
- à titre principal de dire n'y avoir lieu à application des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, en conséquence, d'annuler la décision,
- à titre subsidiaire, de dire que la situation particulière de l'espèce justifie qu'elle soit dispensée de peine, en conséquence de réformer partiellement l'article 2 de la décision en supprimant la sanction pécuniaire qu'elle lui inflige,
- à titre extrêmement subsidiaire, de dire que la situation particulière de l'espèce justifie une réduction de la sanction prononcée à son encontre et, en conséquence, de réformer partiellement la décision en réduisant substantiellement la sanction pécuniaire qu'elle lui inflige, en tout état de cause, de dire que les dépens resteront à la charge du Trésor,
Vu le mémoire en réponse déposé le 24 janvier 2005, par lequel l'association Etna France poursuit le rejet des recours,
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 7 février 2005,
Vu les observations écrites du ministre de l'Economie, en date du 4 février 2005, tendant au rejet des recours,
Vu les observations écrites du Ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience,
Qui à l'audience publique du 8 mars 2005, en leurs observations orales, les parties ou leurs conseils, ainsi que les représentants du ministre chargé de l'Economie et du Ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer et les sociétés requérantes ayant eu la parole en dernier,
Sur ce,
I sur la procédure
Considérant que, faisant valoir que l'association Etna France n'a pas produit les documents que lui avait demandés le rapporteur et qu'elle seule détenait, France Télécom soutient que l'instruction n'a pas été menée à charge et a décharge, que le Conseil de la concurrence n'a pas recherché loyalement les éléments indispensables pour permettre d'établir la preuve, positive ou négative, des faits allégués par la plaignante et garantir un débat contradictoire effectif et éclairé, qu'ainsi la procédure et la décision sont entachées d'une irrégularité manifeste et grave portant atteinte aux exigences du procès équitable et aux droits de la défense et que la décision doit en conséquence être annulée ;
Mais considérant qu'aux termes des dispositions combinées des articles L. 463-1 et L. 463-2 du Code de commerce, la notification des griefs marque l'ouverture de la procédure contradictoire ; que France Télécom a eu, dès ce moment, la faculté de consulter le dossier et de demander, en application des articles 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 463-7 du Code de commerce, l'audition de témoins au rapporteur et au conseil ; qu'elle a été également mise en mesure de présenter ses observations sur les griefs notifiés puis sur le rapport établi en réponse, lequel était accompagné des documents sur lesquels se fondait le rapporteur et pouvait être consulté dans les quinze jours précédant la séance par les parties, ainsi que de s'exprimer oralement devant le conseil ; que, dès lors, France Télécom, qui ne fait état d'aucun fait précis établissant que ces garanties fondamentales de la procédure lui aient été refusées, et qui, sous couvert de la violation de principes fondamentaux, se borne à critiquer l'appréciation, par le Conseil de la concurrence, de la valeur des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, n'est pas fondée à demander l'annulation de la procédure et de la décision déférée ;
II sur le fond
Considérant que le Conseil de la concurrence a retenu que France Télécom a, à partir du mois d'avril 1999, alors que les opérateurs de téléphonie fixe n'avaient plus la possibilité de recourir au reroutage international que de façon marginal, pratique " des prix de détail " fixe vers FTM " ou " fixe vers Orange France ", pour les entreprises de taille moyenne jusqu'à octobre 2000 d'une part, et pour les grands comptes (les 100 ou 200 plus grandes entreprises françaises) jusqu'à janvier 2001 d'autre part, qui ne couvraient pas les coûts incrémentaux encourus pour ce type de prestations dont la CTA sur le réseau FTM, que cette pratique, qui n'a pas induit de pertes pour elle puisque, par le biais de sa branche puis filiale de téléphonie mobile FTM, devenue la société Orange France, elle percevait des revenue de terminaison des appels sur son réseau GSM nettement supérieurs aux coûts directs engendrés par cette activité, exercée en quasi-monopole, a eu pour effet de restreindre l'émergence d'une concurrence sur les marchés des appels fixes vers les mobiles des entreprises moyennes et des grands comptes et de retarder l'interconnexion des opérateurs de téléphonie fixe concurrents au réseau GSM 1, permettant ainsi à France Télécom de bénéficier d'un avantage indu dans l'exercice de la concurrence sur le marché considéré ;
Qu'il a également retenu que, dans le même contexte, SFR Cegetel avait, par le biais de la société Cegetel, pratiqué des prix de détail " fixe vers SFR ", pour les entreprises de taille moyenne de juin 1999 à fin 2001 d'une part, et pour les grands comptes d'avril 1999 à la fin 2001 d'autre part, qui ne couvraient pas les coûts incrémentaux encourus pour ce type de prestations dont la CTA sur le réseau SFR, que cette pratique, qui n'a pas induit de pertes pour elle puisque, par le biais de sa filiale SFR, elle percevait des revenues de terminaison des appels sur son réseau GSM nettement supérieurs aux coûts directs engendrés par cette activité, exercée en quasi-monopole, a eu pour effet de restreindre l'émergence d'une concurrence sur les marché considérés et de retarder l'interconnexion des opérateurs de téléphonie fixe concurrents au réseau GSM 2, permettant ainsi à SFR Cegetel, via la société Cegetel, de bénéficier d'un avantage indu dans l'exercice de la concurrence sur le marché considéré ;
Qu'il a estimé que ces pratiques, par leur objet et leur effet, contrevenaient aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et que, compte tenu de la dimension nationale du marché affecté, elles étaient également susceptibles d'affecter les échanges intra-communautaires et étaient donc prohibées par l'article 82 du traité CE ;
Sur les marchés pertinents et la position des entreprises
Considérant que France Télécom et SFR reprochent à la décision de retenir que, titulaires d'un monopole sur le marché amont des terminaisons des appels sur leur réseau GSM, elles ont abusé de cette domination pour pratiquer des tarifs à effet de ciseau au détriment de leurs concurrents sur le marché aval des prestations " fixe vers mobile ", pour les entreprises de taille moyenne, d'une part et pour les grands comptes, d'autre part ;
Que France Télécom invoque la violation des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de légalité des délits et des peines, en ce que le Conseil s'est fondé sur une définition du marché amont de la terminaison des appels entrants introduite en droit positif postérieurement aux faits litigieux soit dans la directive n° 2002-21-CE du 7 mars 2002 posant un cadre réglementaire commun pour ces réseaux et services et dans la recommandation de la Commission européenne du 11 février 2003 prise en application de cette directive - et qui est de surcroît contraire à celle qui prévalait à l'époque des faits incriminés, ainsi qu'il résulte de l'avis n° 99-A-13 du 7 septembre 1999 du Conseil et de sa décision n° 01-D-46 du 23 juillet 2001 qui retiennent des définitions différentes ;
Que SFR, pour sa part, soutient que la décision est entachée de contradiction et ne respecte pas la méthodologie en la matière, en particulier s'agissant du marché aval, en ce qu'elle isole artificiellement les appels " fixe vers mobile " qui ne constituent que l'une des composantes d'une offre globale de services de téléphonie fixe proposée aux entreprises, en ce qu'elle retient une définition des marchés différente de celle adoptée par la Commission européenne dans sa recommandation du 11 février 2003 et en ce qu'elle traduit un préjugé manifeste à son encontre ;
Qu'elle fait valoir également que le Conseil de la concurrence n'a pas caractérisé les circonstances exceptionnelles qui justifient que soient incriminées des pratiques commises sur un marché dominé dont les effets affectent un marché différent, ni la connexité qui lie ces deux marchés, alors qu'il admet simultanément que, nouvel entrant, elle ne détient qu'une position marginale sur le marché aval des appels " fixe vers mobile ", qu'elle souligne enfin que le raisonnement suivi revient à la sanctionner pour la seule raison qu'elle bénéficie d'une intégration verticale, l'incitant ainsi à se défaire de ses activités d'opérateur fixe ;
Mais considérant que le marché pertinent est une réalité économique qui préexiste à la décision qui le définit ;qu'en outre, ainsi que France Télécom l'admet elle-même, la définition des marchés pertinents pour l'application d'une réglementation sectorielle ne lie pas les autorités de concurrence saisies au contentieux, qui peuvent retenir des marchés différents en tenant compte des circonstances propres à chaque affaire ;qu'en l'espèce, il importe seulement que la définition retenue soit motivée par des considérations relatives aux caractéristiques du service demandé et de l'offre élaborée pour y répondre, contemporaines des pratiques en cause ;
Considérant qu'à cet égard, le Conseil a exactement retenu, pour caractériser l'existence du marché aval :
- que, du point de vue da la substituabilité entre services de téléphonie mobile et ceux de téléphonie fixe, les premiers se distinguent des seconds en ce qu'ils offrent une disponibilité inégalée, tant en réception qu'en émission, et se caractérisent par leur prix élevé, justifié par les barrières à l'entrée de ce secteur (rareté des fréquences, investissements requis en l'absence d'opérateurs virtuels),
- que, dans le secteur de la téléphonie mobile, la clientèle professionnelle réagit différemment de la clientèle résidentielle aux conditions de prix et de service offerts, l'utilisateur dans son cas n'étant le plus souvent pas le payeur et elle seule pouvant disposer des équipements nécessaires au raccordement à un boîtier de numérotation ou à une boucle locale d'entreprise,
- qu'au sein de la clientèle professionnelle, les entreprises de taille moyenne ne réagissent pas non plus comme les entreprises les plus importantes, dites " grands comptes " (entre 100 et 200 en France) qui seules peuvent justifier la mise en place d'une boucle locale d'entreprise et recourir à plusieurs fournisseurs, et qui traitent de préférence avec un opérateur disposant d'une importante force commerciale, qui soit en mesure de leur offrir une large gamme de services de télécommunications et qui ait déployé des infrastructures de communication, surtout de boucle locale, permettant de s'abstraire des conditions d'interconnexion de France Télécom, de manière à les faire bénéficier en définitive de solutions techniques et commerciales réduisant le coût de leurs appels " fixe vers mobile ";
- Que le Conseil a donc justifié sa décision de retenir l'existence d'un marché aval des services d'acheminement du trafic " fixe vers mobile " des entreprises, scindé en deux segments selon que l'on considère la clientèle des entreprises de taille moyenne ou celles des grands comptes, et dont la dimension géographique est celle de la France métropolitaine.
- Considérant que, pour délimiter les marchés amont, le Conseil a retenu qu'au sein du marché, ci-dessus défini, des appels " fixe vers mobile " et de ses deux segments, doivent être distingués le marché aval de collecte, transport et interconnexion directe des appels aux réseaux mobiles, où opèrent France Télécom et les autres opérateurs de téléphonie fixe, et les marchés ayant des de terminaison des appels sur chaque réseau mobile où interviennent les trois opérateurs GSM, qui sont en position dominante sur chacun de ces marchés puisqu'en métropole ;
Que, pour justifier cette analyse, le Conseil s'est fondé sur les travaux de la Commission européenne préalables à la recommandation du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents des produits et services dans le secteur de communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive 2002-21-CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, en s'assurant que le raisonnement préconisé demeurait pertinent pour la période visée par la notification de griefs (points 168 à 182) ;
Qu'il a ainsi recherché s'il existait des possibilités de substitutions, tant du côté de la demande que du côté de l'offre, et conclu en définitive q'une définition du marché correspondant à la terminaison d'appel sur chaque réseau mobile impliquerait, en l'état actuel des choses, que chaque opérateur de réseau mobile joue le rôle de pourvoyeur unique sur chaque marché " et que sa puissance de marché ne soit pas contrebalancée " par la puissance d'achat compensatrice, qui peut annuler le bénéfice de toute augmentation non provisoire de prix.
Qu'il a observé à cet égard, justifiant par là même sa décision, qu'au cours de la période considérée, les usagers n'ont pas eu la possibilité de faire aboutir leurs appels sur d'autres réseaux dans des conditions propres à exercer une pression concurrentielle efficace, qu'ils n'étaient pas sensibles aux prix des appels entrants, la baisse des CTA ayant été le fruit des seules interventions du régulateur, et que, même quand le recours au reroutage s'est intensifié, les CTA n'ont pas baissé ;
Considérant, en outre, que ces éléments caractérisent la connexité des marchés en cause et font ressortir que la position dominante de France Télécom et SFR sur les marchés ...... qui a permis la mise en œuvre de pratiques affectent le marché aval ; qu'il est donc inopérant à cet égard que SFR ne détienne qu'une position marginale, comme elle le prétend sur le marché aval des appels " fixe vers mobile " ; qu'enfin, ce n'est pas parce que SFR bénéficie d'une intégration verticale qu'elle est visée par la procédure, mais parce qu'il est reproché de s'être livrée à des agissements anticoncurrentiels en abusant de la position de force que lui conférait cette situation ;
Qu'il suit de là que les moyens d'annulation de France Télécom et de SFR ne peuvent être accueillis;
Sur les pratiques
Considérant que le Conseil a retenu que les tarifs de détails proposés aux entreprises par France Télécom et SFR étaient abusifs dès lors que le test de ciseau tarifaire révélait une marge négative et qu'au moment des faits, soit à partir d'avril 1999, le reroutage avait cessé de constituer une solution alternative à l'interconnexion directe effective pour les concurrents.
Que pour justifier cette dernière appréciation, le Conseil retient que le reroutage international s'effectuant par l'intermédiaire d'opérateurs étrangers géographiquement proches et qu'à partir de 1999, France Télécom a conclu des accords de surcharge avec ses homologues étrangers, soit avec ;
- le Royaume-Uni le 1er janvier 1999,
- L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, le Danemark, les Pays-Bas, l'Autriche et la Norvège le 1er avril 1999,
- l'Italie, la Suisse, la Suède, la Grèce, l'Irlande, l'Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, Israël, le Chili, le Taiwan entre avril et décembre 1999,
- Andorre, le Canada, les Etats-Unis, la Hongrie, le Portugal, la République Sud-Africaine et Singapour entre décembre 1999 et le 15 février 2000 ;
Qu'après avoir examiner les éléments avancés par France Télécom pour contredire cette thèse, il les écarte comme non pertinents et en déduit qu'aucun élément ne permet d'établir que d'autres voies de reroutage ont été significativement utilisées après le premier trimestre 1999, soulignant encore que, selon un graphique produit par France Télécom, les appels provenant de l'étranger à destination des réseaux GSM ont subi un taux d'échec anormalement important entre les mois de janvier et d'octobre 1999, ce qui devait inciter les opérateurs à renoncer à ce mode de contournement ;
Considérant que c'est juste titre que les parties, et France Télécom, en particulier, discutent cette motivation ;
Qu'en effet, le Conseil, à qui il incombait de démontrer l'existence des éléments constitutifs de la pratique poursuivie, en particulier qu'au moment des faits, les concurrents de France Télécom et SFR sur le marché de la téléphonie fixe étaient contraints de recourir à l'interconnexion directe pour le trafic entrant, ne pouvait se borner à affirmer qu'aucun élément n'établissait que d'autres voies de reroutage auraient été significativement utilisées après le premier trimestre 1999 ;
Qu'il le pouvait d'autant moins que cette lacune était soulignée avec insistance par France Télécom qui faisait valoir à cet égard que l'association Etna France s'est engagée, lors de son audition du 10 décembre 1999, à produire des éléments de preuve concernant tant la dégradation du service que la surtaxe mise en place courant 1999 - notamment les factures et les plaintes de clients disposant de leur propre service de suivi qualitatif et qu'elle n'y avait pas procédé en dépit d'un rappel en ce sens que lui avait adressé le rapporteur le 27 mars 2000 ;
Qu'en outre, France Télécom relève avec pertinence qu'aucune pièce du dossier n'établit que le reroutage international ne pratiquât essentiellement par l'intermédiaire d'opérateurs géographiquement proches, ni qu'il n'eût pu se déporter sur les opérateurs plus lointains, alors que l'association Etna France, dans sa saisine, mentionnait les Etats-Unis ;
Qu'il Résulte du graphique que France Télécom avait fourni à propos du taux d'échec des appels provenant de l'international que ce trafic a connu une augmentation constante à partir de 1998 et tout au long de l'année 1999 ;
Qu'enfin figurent au dossier des déclarations, invoquées par France Télécom devant le Conseil (point 192), de certains opérateurs, notamment de T Systems et MCI selon laquelle le reroutage, s'il avait commencé à diminuer en 1999, n'est véritablement devenu marginal qu'après 2000 ;
Considérant qu'en passant outre ces insuffisances et ces contradictions dans l'administration de la preuve, le conseil n'a pas justifié sa décision ;qu'aucun élément complémentaire n'étant produit devant la cour, les pratiques ne peuvent être tenues pour établies ;
Qu'il suit de là que la décision doit être réformée ;
Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Rejette les recours en annulation de France Télécom ; Réforme la décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004 en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, Dit qu'il n'est pas établi que les société France Télécom et SFR aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 82 du traité CE, Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.